Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 6, 22 janvier 2020, n° 18/10039

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 6, 22 janv. 2020, n° 18/10039
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/10039
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Melun, 2 mars 2015, N° F14/00474
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRÊT DU 22 Janvier 2020

(n° 2020/ , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 18/10039 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6JSM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Mars 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MELUN section RG n° F14/00474

APPELANT

M. [G] [H]

[Adresse 1]

représenté par Me Eugène HOUSSARD, avocat au barreau de TOURS

INTIMEE

SAS IMMOBILIER@DOMICILE FRANCE

[Adresse 2]

représentée par Me Philippe LAPILLE, avocat au barreau de SAINT-MALO

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Novembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Hélène GUILLOU, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Hélène GUILLOU, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Madame Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Le 3 mars 2009 M. [G] [H] a conclu avec la société Immobilier @domicile (la société IAD) un contrat de vendeur à domicile indépendant, mandataire en immobilier.

Le 30 octobre de la même année, après s’être inscrit au registre spécial des agents commerciaux, il a signé avec cette même société un contrat d’agent commercial mandataire en immobilier.

Le 27 mai 2014, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Melun d’une demande de requalification de son contrat d’agent commercial en contrat de travail.

En cours de procédure, le 20 décembre 2014 il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux motifs que la société IAD avait suspendu son accès à l’intranet, l’empêchant de travailler.

Par jugement du 3 mars 2015 il a été débouté de l’ensemble de ses demandes.

Le 14 avril 2015 M. [H] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 28 septembre 2015, constatant l’absence de l’appelant à l’audience, la cour a ordonné la radiation de l’affaire.

Le 21 avril 2016, le conseil de M. [H] a demandé le rétablissement de l’affaire au rôle, celle-ci a été appelée à l’audience du 15 mai 2017 et renvoyée à l’audience du 3 juillet 2018, le conseil de M. [H] ayant demandé le renvoi en collégiale.

A cette date, constatant l’absence des parties qui avaient écrit pour demander le renvoi de l’affaire, la cour a ordonné la radiation du rôle.

Le 13 juillet 2018, le conseil de M. [H] a demandé le rétablissement de l’affaire qui a été fixée à l’audience du 19 novembre 2019, au cours de laquelle les parties ont développé leurs conclusions régulièrement visées par le greffier ce jour et auxquelles la cour se réfère expressément.

M. [H] demande à la cour de :

— dire qu’il était lié à la société IAD par un contrat de travail,

— dire que ce contrat a été rompu par une prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la société IAD à lui payer les sommes de:

—  228 805 euros à titre de rappel de salaire sur la période non prescrite postérieure au 1er mai 2009,

—  22 880 euros au titre des congés payés y afférents,

—  12 780 euros à titre de remboursement de frais de participation au système informatique,

—  2 890 euros à titre de remboursement de frais liés à la ligne professionnelle IAD France,

—  1 500 euros à titre de remboursement de frais d’assurance responsabilité civile professionnelle,

—  10 245 euros à titre d’indemnité de préavis,

—  1 024 euros au titre des congés payés y afférents,

—  4 980,21 euros à titre d’indemnité de licenciement,

— dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes avec capitalisation annale des intérêts à compter de la même date,

— dire que les intérêts sur ces sommes devront être calculés sur les montants bruts,

— condamner la société IAD à lui payer les sommes de :

—  20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des seuils et plafonds en matière de temps de travail et pour défaut de prise des congés payés annuels,

—  40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir avec capitalisation annale des intérêts à compter de la même date,

— ordonner à la société IAD de lui remettre un bulletin de paie, un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et un solde de tout compte conforme au dispositif de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,

— condamner la société IAD aux dépens de l’instance.

La société IAD demande la confirmation du jugement déféré et la condamnation de M. [H] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

MOTIFS :

M. [H] expose que la société IAD donne des sous-mandats de représentation sous la forme de mandats d’agent commercial, dénommés 'conseillers’ qui sont encouragés à recruter de nouveaux conseillers qu’ils forment et encadrent et qui peuvent eux-mêmes devenir manager de conseillers qu’ils recrutent et forment, les managers percevant, outre les commissions sur le chiffre d’affaires qu’ils réalisent, un commissionnement sur le chiffre d’affaires réalisé par leurs équipes de conseillers.

M. [G] [H] expose que son travail comportait donc deux activités, l’une de conseiller, représentant de l’agence immobilière IAD, l’autre de manager, animateur de la partie du réseau constituant sa 'lignée'.

Il soutient qu’en tant que manager, il avait des obligations très précises de formation et d’encadrement des membres de sa 'lignée', étant garant du respect par ceux-ci de 'code de déontologie’ dont la violation entraînait des sanctions, qu’il en était de même de son activité de conseiller puisqu’il était intégré dans un service organisé, et effectuait l’ensemble de ses tâches dans un rapport de subordination vis à vis de la société IAD qui contrôlait tant la communication, jusque dans le détail, que le respect du code de déontologie, obligatoire et non facultatif, et qui était en réalité un véritable outil de contrôle de l’activité des membres du réseau, que les conseillers avaient l’obligation de souscrire au package de communication électronique, facturé par la société IAD, de participer au développement de l’intranet et de l’extranet, que l’organisation de sa journée était en pratique définie par la société IAD, qu’il avait une obligation de formation et un volume d’activité imposé sous peine de sanction.

Sur la requalification de la relation en contrat de travail:

M. [H] a signé un contrat d’agent commercial. Il est immatriculé au registre des agents commerciaux.

L’article L.134-1 du code de commerce définit l’agent commercial comme le mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux.

L’article L.8221-6 du code du travail pose une présomption de non salariat avec leur donneur d’ordre des travailleurs indépendants, dont les personnes physiques immatriculées au registre des agents commerciaux.

M. [H] peut renverser cette présomption en démontrant avoir été en réalité dans une relation de travail avec son donneur d’ordre, à charge pour lui d’établir qu’il lui a fourni des prestations dans des conditions le plaçant dans un lien de subordination juridique permanent à l’égard de celui-ci qui aurait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L’article 3, §2 du contrat d’agent commercial liant les parties précise qu’en sa qualité d’agent commercial mandataire, M. [H], jouit de la plus grande indépendance dans l’organisation de son activité, qu’il prospecte à sa convenance la clientèle, effectue ses tournées comme bon lui semble et au moment où il le juge opportun s’absente, prend des vacances et du temps libre à son gré, qu’il ne lui est donné aucun ordre, qu’il n’est soumis à aucun rapport périodique, qu’il peut travailler sous quelque forme que ce soit mais dans le respect de la législation et plus particulièrement dans les conditions de l’article 4 de la loi de 70 modifiés par l’article 97 de la loi 2006-872 du décret du 13 juillet 2006 dans toutes les régions pour tous les établissements et pour son propre compte, qu’il peut aussi collaborer avec d’autres agences immobilières.

S’il est en effet établi par M. [H] que s’imposent à lui des obligations de comportement, de formation et de communication très précises, ces obligations sont justifiées par le mandat dont il dispose.

En effet, la société IAD, mandant et responsable en tant que seule titulaire de la carte d’agent immobilier, au nom et pour le compte de laquelle M. [H] exerce son activité, est bien fondée à prendre les mesures nécessaires au respect de la législation, ce qui suppose de s’assurer que ses mandataires reçoivent une formation précise, ainsi que les conseillers qu’ils 'recrutent’ et qui vont eux-mêmes être titulaires des 'cartes blanches’ émises par la préfecture sous la responsabilité de la carte professionnelle du mandant.

Le code de déontologie versé aux débats comporte essentiellement un rappel des règles légales et de comportement loyal des mandataires vis à vis des clients et entre les mandataires, la nécessité de suivre des formations et de les faire suivre aux personnes 'recrutées'. L’obligation de respecter ces règles, à peine de sanction, est justifiée, ainsi que le soutient la société IAD, par l’engagement par le mandataire de la responsabilité et de la réputation du mandant et de la nécessité d’assurer la pérennité de l’activité 'de l’organisation IAD par un comportement éthique et professionnel irréprochables’ de ses membres.

De même la fixation de règles de communication précises s’explique-t-elle par la nécessité d’une meilleure identification du mandant, engagé par les activités du mandataire, lequel peut avoir d’autres mandants. La société IAD établit que tel est le cas de certains de ses agents commerciaux.

Il en est de même de son activité de manager, M. [H], qui perçoit des commissions sur les activités des conseillers qu’il 'recrute', s’engageant à expliquer et à veiller au respect par ces nouveaux mandataires des règles susvisées.

Ni ces règles, ni la mise à sa disposition d’outils, tels l’Intranet de la société, l’utilisation de l’E-mandat électronique pour tenir à jour le registre des mandats électroniques et se conformer aux obligations légales ou encore l’obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle, ne permettent donc de caractériser un lien de subordination. Elles relèvent des obligations de l’agent commercial.

M. [H] ne conteste pas qu’il ne disposait d’aucun local et pouvait exercer son activité dans le lieu de son choix et à son rythme. Il ne justifie pas davantage de communication de rapport d’activités ou de demande d’autorisation pour des absences ou la prise de congés. Il soutient que l’organisation de sa journée de travail était définie par la société IAD mais la pièce qu’il verse aux débats ne contient que des préconisations pour un suivi rigoureux des clients prospectés : la désignation précise et standardisée des biens, des recommandations pour les prises de contact et les relances ainsi que le suivi de la clientèle etc… mais il n’en ressort aucune directive sur des horaires qui devraient être respectés, ou sur un nombre de prospects ou de chiffre d’affaires à réaliser. Les pièces qu’il verse aux débats pour démontrer qu’une activité insuffisante serait sanctionnée font état de la recherche, pour les écarter, des personnes profitant de ce réseau pour réaliser 'des transactions occultes ou semi-occultes', 'collaborer avec des agents non déclarés chez IAD', 'revendre du e-bouquet’ et ayant une 'non production chronique’ susceptible de révéler ces comportements déloyaux. Elles traduisent non l’existence d’un lien de subordination mais la volonté de s’assurer d’un fonctionnement régulier du système et non pas de fixer un niveau d’activité d’ailleurs non chiffré.

Si l’obtention de la qualification de manager suppose en revanche un chiffre d’affaires minimum de 30 000 euros, et davantage en fonction du nombre des conseillers encadrés, de même qu’elle suppose la réussite à des QCM et l’acceptation de la responsabilité d’une organisation, la non atteinte de ces objectifs ne remet pas en cause le contrat principal qui est celui d’agent commercial et n’a d’influence que sur sa rémunération dès lors que celle-ci n’est plus seulement personnelle mais également liée à l’activité d’autres conseillers.

Enfin les autres attestations versées aux débats par M. [H] sont pour le reste des critiques du système mis en place par la société IAD. Ils en soulignent le caractère beaucoup moins rémunérateur qu’annoncé et la forte incitation à recruter de nouveaux agents qui paieront eux-même des cotisations à la société IAD, en dénoncent les importants coûts directs et indirects (par ex l’obligation de commander des cartes de visites par la société ou de payer l’abonnement au système informatique obligatoire) qui obèrent leurs propres revenus. D’autres attestations enfin soulignent les compétences de M. [H], l’importante activité qu’il a développée en tant que conseiller et en tant que manager, le temps et l’énergie qu’il y a consacré.

Mais ces éléments ne sont pas pertinents au regard de la question posée à la cour qui est celle de l’existence ou non d’un contrat de travail au bénéfice de M. [H].

Ce dernier ne démontrant pas le lien de subordination qui caractérise un contrat de travail, il sera débouté de sa demande, le jugement étant confirmé.

A défaut de contrat de travail, la prise d’acte de rupture par M. [H] du contrat le liant à la société IAD n’est pas susceptible de produire les effets d’un licenciement, ni de justifier les demandes en remboursement des frais exposés pour l’exercice du mandat.

M. [H] sera donc débouté de l’ensemble de ses demandes.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 3 mars 2015,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [G] [H] à payer à la SAS Immobilier@domicile la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. [H] de sa demande sur ce fondement,

CONDAMNE M. [G] [H] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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