Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, n° 18/03514

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 11 sept. 2020, n° 18/03514
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/03514
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 24 janvier 2018, N° 17/13903

Sur les parties

Texte intégral

EXTRAIT DES MINUTES

DU GREFFE

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2020

(n° 13, 19 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/03514 No Portalis 35L7-V-B7C-B5BTD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2018 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 17/13903

APPELANTE

Association FÉDÉRATION FRANÇAISE DE FOOTBALL prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque: L0053 assistée de Me Fabrice HERCOT, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : L0108,

INTIMEE

Société TICKETSBIS S.L, société de droit espagnol prise en la personne de ses représentants légaux

[…], […]

[…], Tome 5184, […]

représentée par Me X Y de la SCP X Y, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0034, assistées de Me Sophie MICALLEF, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0512

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Juin 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère et Mme Estelle MOREAU, Conseillère.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

1



Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère pour le président empêché Mme Estelle MOREAU, Conseillère M. Gilles REVELLES, Conseiller, désigné par ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT:

- contradictoire,

- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère pour le président empêché et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Faits et procédure :

La Fédération Française de Football (ci-après la FFF) est une association titulaire d’une délégation de service public du ministère chargé des sports pour organiser la pratique du football français.

La société Ticketbis SL, société de droit espagnol, exploite le site « www.ticketsbisfr.com » par lequel elle met en relation des revendeurs et des acheteurs potentiels de billets donnant accès à des événements sportifs ou culturels, notamment de football, parmi lesquels des billets de matchs de l’Equipe de France se déroulant en France.

Estimant que la vente des billets proposés sur le site «< www.Ticketbis fr.com » contrevenait aux dispositions de l’article 313-6-2 du code pénal et à l’article 4.4 des « restrictions d’utilisation », la FFF a mis en demeure, le 1er septembre 2016, la société Ticketbis de retirer de son site internet l’offre de vente de billets de matchs qu’elle organisait, en particulier le match France/Bulgarie.

Le 26 octobre 2016, la FFF a, à nouveau, mis en demeure la société Ticketbis de retirer de son site internet l’offre de vente de billets de matchs qu’elle organisait concernant cette fois les matchs France/Suède et France/Côte d’Ivoire.

Par courrier en date du 27 octobre 2016, la société Ticketbis a informé la FFF avoir retiré les événements concernés de son site.

Le 15 juillet 2017, la FFF a fait dresser un procès-verbal par huissier de justice qui a constaté que des billets pour les matchs France/Pays-Bas et France/Luxembourg des 31 août et 3 septembre 2017 étaient proposés sur le site de la société Ticketbis.

Le 13 septembre 2017, la FFF a constaté que des billets pour les matchs France/Biélorussie du 10 octobre 2017 étaient proposés également sur ce site.

Autorisée par ordonnance du 15 septembre 2017, la FFF a alors fait assigner à jour fixe, le 27 septembre 2017, la société Ticketbis SL devant le tribunal de grande instance de Paris.

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Par jugement en date du 25 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Paris a: débouté la société Ticketbis SL de ses demandes de transmission de sa question w

prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 313-6-2 du code pénal à la Cour de cassation et de sursis à statuer dans l’attente,

- débouté la FFF de son action tendant à ce que la responsabilité de Ticketbis SL soit engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

- condamné la FFF à payer à la société Ticketbis SL la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamné la FFF aux dépens.

Le tribunal a considéré que la FFF ne fondant plus ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2017 sur l’article 313-6-2 du code pénal, il n’était pas justifié de transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité portant sur une disposition législative simplement invoquée par une partie au soutien(t) de son argumentaire.

Il a relevé que la gestion de la vente des billets permettant d’accéder aux compétitions sportives constituait un droit d’exploitation au sens de l’article L. 333-1 du code du sport et appartenait, en conséquence, à la fédération sportive ayant organisé la compétition. Il a ajouté que rien n’interdisait à ces fédérations sportives, au moment de la conclusion de la vente, de soumettre la revente des billets à des conditions particulières.

Il a souligné qu’il existait toutefois une contradiction entre les dispositions de différentes conditions générales relatives à la revente des billets pour les matchs organisés par la FFF fournies au débat. Il en a déduit que celles-ci donnaient lieu à interprétation et qu’il ne pouvait être reproché à la société Ticketbis SL de s’être rendue complice de leur violation et que la responsabilité de cette dernière ne pouvait donc être engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Il a considéré que la FFF ne justifiait pas des efforts humains et financiers particuliers qu’elle aurait consentis pour les matchs et qui permettraient de caractériser un acte de parasitisme économique de la part de la société Ticketbis. Il a estimé que le fait pour la société Ticketbis de mettre à disposition une plate-forme pour revendre notamment les billets des matchs organisés par la FFF et d’avoir créé une page de présentation dédiée à l’Equipe de France ainsi que des rubriques portant notamment sur les matchs de l’Equipe de France n’est pas de nature à caractériser le risque de confusion allégué par la FFF. Il a relevé que la société Ticketbis indiquait clairement tant sur son site que dans ses conditions. générales qu’elle a pour objet de permettre l’achat et la vente de billets en mettant en relation vendeur et acheteur.

La FFF a interjeté appel dudit jugement par déclaration au greffe en date du 13 février 2018.

Moyens et prétentions des parties :

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 16 janvier 2019, la FFF demande à la cour au visa des articles L. 333-1 et suivants, L. 131-15 et suivants du code du sport, de l’article 1240 du code civil et de l’article 6 de la loi n°2004-575 pour la confiance dans l’économie numérique, de :

Confirmer le jugement du 25 janvier 2018 en ce qu’il a débouté la société Ticketbis de ses demandes de transmission de sa question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 313-6-2 du code pénal à la Cour de cassation et de sursis à statuer dans l’attente ;

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Infirmer le jugement du 25 janvier 2018 en ce qu’il l’a déboutée de son action tendant à ce que la responsabilité de la société Ticketbis SL soit engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil;

Infirmer le jugement du 25 janvier 2018 en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société Ticketbis SL la somme de 15.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Infirmer le jugement du 25 janvier 2018 en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance dont distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande ;

Débouter la société Ticketbis de toutes ses demandes ;

Et, statuant à nouveau :

A titre principal,

Dire et juger que la société Ticketbis engage sa responsabilité envers elle en sa qualité d’exploitant du site pour avoir proposé à la vente, à titre habituel et répété, des billets de matchs des compétitions organisées par la FFF sans son autorisation ;

Dire et juger que la société Ticketbis engage sa responsabilité envers elle en sa qualité d’exploitant du site pour avoir permis la revente de billets de matchs des compétitions organisées par elle en violation des conditions générales ;

Dire et juger que la société Ticketbis engage sa responsabilité envers elle en sa qualité d’exploitant du site pour s’être indûment immiscée dans son sillage afin de retirer fautivement profit de ses investissements ;

En conséquence,

Ordonner à la société Ticketbis de procéder à la suppression du site, accessible via l’URL www.Ticketbisfr.com ou www.stubhub.fr ou www.stubhub.com, ou tout autre site qu’elle exploiterait, de tout contenu relatif à la vente de billets pour les matchs de l’équipe de France, sous astreinte de 25.000 euros par jour de retard et par offre illicite qui commencera à courir dans les 24 heures de la signification du jugement à venir;

Ordonner à la société Ticketbis de procéder à la suppression du site, accessible via l’URL www.Ticketbisfr.com ou www.stubhub.fr ou www.stubhub.com, ou tout autre site qu’elle exploiterait, de tout contenu relatif à la vente de billets de matchs organisés par la FFF, sous astreinte de 25.000 euros par jour de retard et par offre illicite qui commencera à courir dans les 24 heures de la signification du jugement à venir;

Ordonner à la société Ticketbis de procéder à la suppression sur le site, accessible via l’URL www.Ticketbisfr.com ou www.stubhub.fr ou www.stubhub.com, ou tout autre site qu’elle exploiterait, de toute rubrique dédiée à l’équipe de France et/ou aux matchs disputés par l’équipe de France et/ou tout autre match des compétitions organisées par la FFF, ainsi que tout contenu relatif à la commercialisation de billets pour des matchs organisés par la FFF, sous astreinte de 25.000 euros par jour de retard qui commencera à courir dans les 24 heures de la signification du jugement à venir; Ordonner à la société Ticketbis, sous astreinte de 25.000 euros par jour de retard et par infraction constatée qui commencera à courir dans les 24 heures de la signification du jugement à intervenir, de rendre impossible pour l’avenir, la mise en ligne sur le site, accessible via l’URL www.Ticketbisfr.com ou www.stubhub.fr ou www.stubhub.com, ou tout autre site qu’elle exploiterait, sous quelque forme que ce soit, de tout billet et tout

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contenu destiné à promouvoir ou faciliter l’achat de tout billet d’un match organisé par la FFF, à savoir notamment tout match de toute équipe de France de football se déroulant en France et la finale de la coupe de France, ou, subsidiairement, de rendre impossible pour l’avenir, sous la même astreinte, la mise en ligne sur ce site, sous quelque forme que ce soit, de tout billet et tout contenu destiné à promouvoir ou faciliter l’achat de tout billet d’un match organisé par la FFF, à savoir notamment tout match de toute équipe de France de football se déroulant en France et la finale de la coupe de France, dans des conditions non respectueuses des conditions de revente auxquelles ces billets sont soumis;

A titre subsidiaire,

Dire et Juger que la société Ticketbis engage sa responsabilité envers elle en sa qualité d’hébergeur du site pour ne pas avoir promptement retiré le contenu, dûment signalé comme illicite, publié sur son site;

En conséquence,

Ordonner à la société Ticketbis de procéder à la suppression du site, accessible via l’URL www.Ticketbisfr.com ou www.stubhub.fr ou www.stubhub.com, ou tout autre site qu’elle exploiterait, de tout contenu relatif à la vente de billets pour les matchs de l’Equipe de France, sous astreinte de 25.000 euros par jour de retard et par offre illicite qui commencera à courir dans les 24 heures de la signification du jugement à venir;

Ordonner à la société Ticketbis de procéder à la suppression du site, accessible via l’URL www.Ticketbisfr.com ou www.stubhub.fr ou www.stubhub.com, ou tout autre site qu’elle exploiterait, de tout contenu relatif à la vente de billets de matchs organisés par la FFF, sous astreinte de 25.000 euros par jour de retard et par offre illicite qui commencera à courir dans les 24 heures de la signification du jugement à venir;

Ordonner à la société Ticketbis de procéder à la suppression sur le site, accessible via l’URL www.Ticketbis fr.com ou www.stubhub.fr ou www.stubhub.com, ou tout autre site qu’elle exploiterait, de toute rubrique dédiée à l’Equipe de France et/ou aux matches disputés par l’Equipe de France et/ou tout autre match des compétitions organisées par la FFF, ainsi que tout contenu relatif à la commercialisation de billets pour des matchs organisés par la FFF, sous astreinte de 25.000 euros par jour de retard qui commencera à courir dans les 24 heures de la signification du jugement à venir;

Ordonner à la société Ticketbis, sous astreinte de 25.000 euros par jour de retard et par infraction constatée qui commencera à courir dans les 24 heures de la signification du jugement à intervenir, de surveiller, deux mois avant l’ouverture de la billetterie de chacun des matches organisés par la FFF, qu’aucun billet et contenu destiné à promouvoir ou faciliter l’achat de tout billet d’un match organisé par la FFF, à savoir notamment tout match de toute équipe de France de football se déroulant en France et toute finale de Coupe de France, ne soit et ne puisse être mis en ligne sur le site accessible via l’URL www.Ticketbis fr.com ou www.stubhub.fr ou www.stubhub.com, ou tout autre site qu’elle exploiterait, sous quelque forme que ce soit ; En toute hypothèse, principale comme subsidiaire,

Ordonner la publication du jugement à intervenir dans quatre journaux au choix de la FFF et aux frais de la société Ticketbis, dans la limite de 10.000 euros hors taxes par publication;

Condamner à la société Ticketbis à publier le dispositif de la décision à intervenir, ainsi que des extraits des motifs de celle-ci choisis par la FFF, sur la partie immédiatement accessible de la page d’accueil du site internet auquel renvoie l’URL www.Ticketbis fr.com, à savoir la page d’accueil du site www.stubhub.fr ou à toutes autres adresses qui pourraient lui être substituées par Ticketbis pour l’exploitation de son activité, en caractères lisibles de taille

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12, de couleur noire sur fond blanc, sur une surface égale à au moins 50% de la surface de la page d’accueil, dans la partie supérieure de celle-ci, dans un encadré parfaitement visible intitulé « Publication judiciaire », et ce dans un délai de 24 heures à compter de la signification du jugement à intervenir, pour une durée de trois mois et sans interruption, sous astreinte de 25.000 euros par jour de retard et/ou par jour de manquement constaté ;

Condamner à la société Ticketbis à payer à la FFF une somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral et financier ;

Condamner à la société Ticketbis à payer à la FFF une somme de 50.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, dont distraction au profit de la SELARL Joffe& Associés ;

Condamner à la société Ticketbis aux entiers dépens de première instance et d’appel dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile;

A titre liminaire, la FFF précise qu’elle n’entend pas rechercher la responsabilité pénale de la société Ticketbis pour avoir violé l’article 313-6-2 du code pénal, et qu’elle ne mentionne cette disposition qu’à titre illustratif de l’importance des intérêts qui sont protégés par l’article L. 333-1 du code du sport.

Elle indique reprocher à la société Ticketbis d’avoir, d’une part, enfreint son monopole d’exploitation des compétitions sportives qu’elle organise (article L. 333-1 du code du sport) ou de s’être à tout le moins rendue complice de la violation par les utilisateurs des conditions particulières auxquelles la revente des billets qu’ils acquièrent est soumise (article 1240 du code civil) et de s’être, d’autre part, indûment immiscée dans son sillage sans bourse délier pour tirer profit des investissements qu’elle réalise (article 1240 du code civil).

Elle explique que la société Ticketbis exploite un site consacré de façon habituelle à la vente et à l’échange des billets du « marché secondaire », perçoit, en contrepartie de chaque transaction, une commission d’au moins 30% et participe de façon active à la revente de ces billets pour assurer la sécurité des transactions. Elle soutient que la société Ticketbis, par l’édition de contenus sur son site internet, promeut et optimise activement la revente de ces billets en permettant d’accéder aux matchs organisés par la FFF et en conclut que la société Ticketbis ne peut bénéficier du régime de responsabilité propre aux hébergeurs prévue à l’article 6-1-2 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique dite LCEN.

Elle ajoute que la société Ticketbis ne peut se voir appliquer la solution retenue par la jurisprudence concernant des exploitants de « marketplaces » dont la qualité d’éditeur des offres de vente publiées par les vendeurs tiers n’a pas été retenue. Elle prétend que la société Ticketbis, contrairement aux sociétés exploitant des marketplaces, a une connaissance active du type de billets commercialisés sur son site et de la nature de l’événement concerné.

A titre subsidiaire, si la société Ticketbis devait recevoir la qualification d’hébergeur, la FFF soutient que l’intimée engagerait à ce titre sa responsabilité puisqu’elle avait connaissance du caractère illicite des contenus hébergés et n’a pas agi promptement pour retirer ces contenus ou en rendre l’accès impossible. Elle rappelle en effet avoir informé la société Ticketbis, par courriers du 1er septembre puis du 26 octobre 2016, du caractère illicite des offres publiées sur son site qu’elle aurait dû retirer dans un délai maximal de 48 heures suivant ces notifications.

L’appelante fait valoir que la société Ticketbis enfreint le droit d’exploitation dont elle dispose à titre exclusif sur les matchs qu’elle organise, en vertu de l’article L. 333-1 du code du sport, droit qui n’est nullement limité au seul « marché primaire » de la billetterie. Elle

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ajoute que la distinction entre marché primaire et marché secondaire importe peu puisque c’est l’activité du site qui est critiquée et non celle des revendeurs. Elle expose que la société Ticketbis participe, par son activité, au commerce électronique de vente de titres d’accès aux compétitions de la FFF, ce qui constitue un acte d’exploitation des compétitions réservé par la loi à la FFF.

Elle précise qu’il n’est pas demandé à la Cour d’interdire la revente par leurs propriétaires de titres permettant d’accéder aux matchs organisés par la FFF, mais d’interdire à Ticketbis de faire commerce de la revente desdits titres. Elle rappelle que le droit exclusif d’exploitation conféré aux fédérations sportives est né par usage avant la loi du 13 juillet 1992 et qu’il est la contrepartie légitime des investissements financiers et humains particulièrement importants réalisés par ces fédérations pour organiser et promouvoir les compétitions sportives. Elle estime que ce droit inclut en particulier la billetterie, qu’il concerne tant le marché primaire où que le « marché secondaire » puisqu’il englobe l’ensemble des retombées économiques suscitées par ces compétitions, y compris le marché secondaire de la billetterie dès lors qu’il générerait un bénéfice pour l’opérateur concerné.

Elle rappelle qu’elle ne se trouve pas en situation de concurrence avec la société Ticketbis car elles ne proposent pas les mêmes services. Elle en conclut qu’aucune atteinte au libre jeu de la concurrence ne peut être invoquée par l’intimée.

Elle estime que l’article L.333-1 du code du sport n’instaure pas un « régime d’autorisation » au sens de l’article 4 de la directive européenne 2000/31 et de l’article 16 de la LCEN visé par la société Ticketbis. Elle prétend qu’elle n’entend nullement

< prohiber »> la « fourniture » par la société Ticketbis de « moyens d’hébergement '> mais seulement de lui voir interdire de commercialiser des billets d’accès aux matchs qu’elle organise. Elle ajoute que ce droit exclusif instauré par l’article L. 333-1 du code du sport et les sanctions de sa violation prévues à l’article 313-6-2 du code pénal ont été admis par le Conseil Constitutionnel.

Elle expose qu’un titre d’accès à une manifestation sportive n’est pas une marchandise qui serait soumise en tant que telle au principe de libre circulation des marchandises, et en conclut que ce moyen est inopérant.

Elle rappelle que l’article L.333-1 du code du sport n’interdit pas au consommateur de revendre les titres qu’il a régulièrement acquis permettant d’accéder aux matchs organisés par la FFF mais qu’il impose seulement, s’il veut le faire dans le cadre d’une activité susceptible de générer un bénéfice, d’obtenir l’accord préalable de la FFF. Elle fait également valoir que la société Ticketbis n’a pas qualité pour défendre l’intérêt du consommateur, et que son activité encourage la revente de billets à des prix supérieurs à leur valeur faciale, au détriment du consommateur.

Elle précise que le droit exclusif de la FFF de commercialiser les billets afférents aux compétitions qu’elle organise n’empêche pas les plate-formes d’échange de billets sur Internet de proposer leurs services mais de faire commerce de la revente des billets permettant d’accéder aux matchs organisés par la FFF. Elle ajoute qu’une plate-forme d’échange ne dispose ab initio pas du moindre droit sur les tickets qui sont échangés par son biais et qu’elle n’en aurait que si elle se portait elle-même acquéreur de ces billets via les distributeurs agréés.

Elle considère que le site de la société Ticketbis n’a aucune vocation journalistique ou informative et que les contenus qui y sont publiés n’ont pas pour objet d’informer le public mais visent à promouvoir son activité commerciale.

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Elle rappelle également, comme l’admet la société Ticketbis, qu’il peut être dérogé aux principes et libertés ci-dessus exposés lorsque la dérogation poursuit un but légitime et proportionné à l’objectif poursuivi. Elle précise qu’elle ne poursuit aucun but lucratif, contrairement à l’intimée, et qu’elle a élaboré une politique tarifaire permettant un égal accès du public aux stades, toutes catégories sociales confondues. Elle explique que seule une complète maîtrise des circuits de vente et de revente des billets donnant accès aux matchs permet d’atteindre ces objectifs et donc de préserver l’intérêt général.

Elle estime que si elle n’avait pas de droit de regard sur le « marché secondaire » de la billetterie et ne pouvait pas empêcher intermédiaires de faire commerce sur ce marché, cela permettrait à des acteurs tels que la société Ticketbis de s’enrichir à son détriment comme à celui des consommateurs.

A titre subsidiaire, elle souligne que les agissements de la société Ticketbis demeurent illicites en ce qu’ils incitent et aident les détenteurs de billets à violer les restrictions auxquelles leur revente est contractuellement soumise. Elle rappelle en effet que l’achat des billets donnant accès aux matchs de la FFF est systématiquement soumis à des conditions générales prohibant la revente des billets à un prix supérieur à leur valeur faciale. Elle fait valoir que le modèle économique de l’intimée repose au contraire sur la violation de cette exigence fondamentale par les utilisateurs puisque pour réaliser des bénéfices, la société Ticketbis doit permettre aux titulaires de billets de les revendre à un prix a minima supérieur de 12% à leur valeur faciale, compte tenu de la commission de vente, augmentant donc de 30% le prix du billet pour l’acquéreur final, soumis à la commission d’achat. Elle relève, comme cela a été constaté par Me Asperti, huissier de justice, le 15 juillet 2017, qu’à cette date, la société Ticketbis ne proposait à la vente aucun billet dont le prix aurait été inférieur ou égal à sa valeur faciale.

Elle affirme que, prises une à une, aucune des conditions générales susceptibles de s’appliquer au contrat conclu entre l’acquéreur initial et le vendeur autorisé des billets ne contient de contradiction concernant les modalités et le prix de revente éventuelle des billets. Elle estime qu’il n’y a aucune contradiction ou incompatibilité entre les différentes conditions générales et qu’elles contiennent toutes un dénominateur commun, à savoir que les billets ne peuvent être revendus plus chers qu’ils ne valent facialement.

Elle prétend que la société Ticketbis connaît parfaitement les conditions générales de vente accessibles sur les sites internet des billetteries officielles et dont la FFF lui a explicitement rappelé la teneur dans sa mise en demeure du 1¹ septembre 2016. Elle en conclut que l’intimée engage, de ce fait, sa responsabilité pour avoir permis et encouragé, contre de substantiels profits, la revente de ces billets à des prix supérieurs à leur valeur faciale.

Elle souligne enfin les agissements parasitaires de la société Ticketbis, rappelant que les griefs tirés de la violation du droit exclusif d’exploitation et de ces agissements parasitaires peuvent parfaitement se cumuler puisque le préjudice réparé n’est pas identique. Elle estime que ces agissements visent à tirer indûment bénéfice des investissements particulièrement conséquents exposés par la FFF pour conférer à l’Équipe de France et aux matchs qu’elle dispute la notoriété et l’attractivité qui est la leur. Elle prétend que la réalité des investissements, extrêmement conséquents, est unanimement reconnue, et que la société Ticketbis en retire de substantiels bénéfices par le biais des commissions qu’elle prélève sur la vente et l’achat des billets concernant des manifestations sportives et une Equipe de France qu’elle n’a ni organisées ni financées.

Elle rappelle que la démonstration d’un éventuel risque de confusion généré par les agissements parasitaires reprochés à un acteur économique n’est pas une condition de sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240. Elle ajoute que l’argument de la liberté d’expression invoqué par l’intimée est inopérant car la société Ticketbis n’appartient pas

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au nombre des sociétés d’information qui peuvent se prévaloir de l’exercice de ce droit pour déroger au droit exclusif d’exploitation de la FFF. Elle estime que l’intimée entend bénéficier de l’attractivité et de l’image de l’Equipe de France et des matchs auxquels elle prend part, pour générer du trafic sur son site et accroître ses bénéfices.

La FFF soutient qu’il est impératif que les agissements de l’intimée cessent en urgence, afin d’empêcher la vente de billets en dehors des circuits qu’elle contrôle. Elle en déduit la nécessité d’ordonner à la société Ticketbis de:

- supprimer de son site l’intégralité des offres de billets pour les matchs de l’Equipe de France,

- supprimer de son site tout contenu relatif à la commercialisation de billets pour des matchs qu’elle organise,

- rendre impossible la mise en ligne sur le site de tout billet ou contenu destiné à promouvoir ou faciliter l’achat de tout billet d’un match qu’elle organise.

Elle sollicite également des mesures de publication du jugement dans 4 journaux par elle choisis et aux frais de la société Ticketbis, ainsi que sur le site internet litigieux.

Elle affirme enfin qu’en proposant à la vente des billets à des prix exorbitants, sans commune mesure avec la politique commerciale qu’elle a fixée, la société Ticketbis a manifestement porté atteinte à son image et sa réputation, ainsi qu’à la bonne réalisation de ses missions.

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 5 novembre 2019, la société Ticketbis demande à la cour, au visa des articles 378 du code de procédure civile, 34, 35, 36 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), 5 et 1240 du code civil, et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales (CEDH), de :

A titre principal,

Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la Fédération Française de Football de son action tendant à ce que sa responsabilité soit engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

Débouter la Fédération Française de Football de toutes ses demandes, fins et conclusions, comme étant irrecevables et en tout état de cause mal fondées,

A titre subsidiaire,

Surseoir à statuer et poser à la Cour de Justice de l’Union Européenne les questions préjudicielles suivantes :

« Les articles 34, 35 et 36 du TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que le titulaire du droit d’exploitation d’une manifestation sportive puisse interdire, sans justes motifs, la revente de tickets acquis de manière licite sur le marché primaire ? ».

« L’article 56 du TFUE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une législation nationale, ou l’interprétation qui en est faite, puisse conditionner l’activité d’intermédiation de la revente de billets d’accès à des manifestations sportives, culturelles ou commerciales, à autorisation, alors même que la revente de billets n’entre pas dans l’objet spécifique du droit d’exploitation ? ».

A titre infiniment subsidiaire,

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Dire et juger que les demandes d’interdiction et de suppressions formulées par la Fédération Française de Football sont trop larges et imprécises pour être ordonnées par la cour et l’en débouter,

Dire et juger que les demandes de publications formulées par la Fédération Française de Football sont disproportionnées et l’en débouter,

Réduire à leuro le montant des dommages et intérêts qui pourraient être accordés à la Fédération Française de Football.

En tout état de cause,

Confirmer le jugement en qu’il a condamné la FFF à lui verser 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la Fédération Française de Football à lui verser la somme de 50.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la Fédération Française de Football aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître X Y, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Ticketbis, intimée, invoque tout d’abord l’absence de complicité de sa part dans la violation des conditions générales. Elle fait valoir que les conditions de revente des billets donnant accès aux matchs de la FFF ne sont pas claires, voire contradictoires entre elles, de sorte qu’il ne peut lui être reproché de s’être rendue complice de leur violation. Elle explique en effet qu’il ressort des conditions générales de la FFF que « le titre ne peut être ni repris, ni échangé, ni revendu », mais également que « un titre ne peut également être revendu à un prix supérieur à celui de sa valeur faciale ». Elle ajoute que les conditions générales du Stade de France prévoient également que « l’acquéreur d’un Billet(ou de plusieurs Billets) s’interdit, par quelque moyen que ce soit (Internet,…), de vendre et/ou proposer à la vente et/ou de céder le(s)dit(s) Billet(s) à une valeur supérieure à sa valeur faciale ». Elle en conclut qu’il est impossible de savoir quelles conditions trouvent à s’appliquer sur les billets en cause et lesquelles doivent prévaloir.

Elle précise qu’en vertu de l’article 1119 du code civil « les clauses incompatibles sont sans effet». Elle indique également qu’une clause interdisant tout transfert de propriété du billet (revente) est abusive dès lors qu’elle est absolue et ne comporte aucune limite. Elle relève en outre que l’article 313-6-2 du code pénal n’incrimine que la seule vente de billets < de manière habituelle » et sans autorisation. Elle en conclut que la clause d’interdiction générale d’incessibilité créé un déséquilibre significatif au détriment du consommateur et doit être qualifiée d’abusive au sens de l’article L. 212-1 du code de la consommation.

Elle ajoute que la publication des conditions générales des billets en cause sur les sites internet des billetteries officielles ne démontre pas que la société Ticketbis en aurait eu connaissance. Elle estime qu’elle n’a pas à vérifier, a priori, l’intégralité des conditions générales applicables à l’ensemble des billets publiés par les utilisateurs sur la plate-forme. Elle souligne que les conditions générales qui prévalent sont celles visibles au dos des billets et qu’elle n’a jamais eu en sa possession et ne peut donc connaître. Elle précise que le courrier adressé par la FFF le 1 septembre 2016 ne contenait pas les « Conditions Générales d’Acquisition et d’Utilisation des Billets de la FFF » ni par extraits, ni dans leur intégralité, et qu’au surplus ce courrier ne concernait pas les billets des 3 matchs afférants au présent litige.

Elle affirme qu’aucun acte de parasitisme n’est caractérisé. Elle prétend que la FFF invoque sur le fondement du parasitisme les mêmes actes que ceux reprochés en application du code

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du sport, à savoir la revente de billets de matchs joués par l’Equipe de France, et conclut à l’absence de fait distincts. Elle expose que les pages de son site internet incriminées par la FFF ne concernent pas les seuls matchs de l’Equipe de France et que cette dernière ne peut donc les faire interdire. Sur les prétendus investissements, l’intimée relève que la FFF communique un certain nombre de chiffres, déconnectés de tout rapport avec le présent litige ou dépourvus de pertinence.

Elle rappelle que son activité consiste en la fourniture de moyens d’hébergement de contenus en ligne et qu’elle bénéficie des dispositions de l’article 4 de la Directive 2000/31 (dite « e-Commerce ») selon lequel cette activité ne peut être soumise à un régime d’autorisation préalable. Elle ajoute que les exceptions à cette règle ont été listées à l’article 16 de la LCEN et que la billetterie secondaire n’entre pas dans la liste. Elle en déduit que la soumettre à une autorisation préalable de la FFF pour fournir un service en sa qualité de société de l’information est contraire aux dispositions de la Directive e-Commerce.

Elle affirme à titre subsidiaire que sa responsabilité ne peut être engagée au regard de sa qualité de plate-forme d’hébergement de contenus, conformément à l’article 14 de la Directive 2000/31 et à l’article 6 de la LCEN. Elle fait valoir qu’elle exerce une activité d’hébergement et qu’elle n’a aucun rôle actif lui donnant le contrôle du contenu des données stockées. Elle prétend par ailleurs qu’elle n’est pas en mesure de connaître les conditions générales applicables à chacun des matchs pris isolément et en déduit que son activité ne peut lui permettre d’avoir connaissance du caractère illicite ou non des données stockées. Elle ajoute que le fait de rationaliser son service et d’être rémunérée pour cela ne constitue en rien un rôle actif lui faisant perdre sa qualité d’hébergeur.

Elle précise que la FFF lui reproche d’avoir hébergé sur son site des offres de billets pour les matchs France/Pays-Bas, France/Luxembourg et France/Biélorussie alors que la FFF n’a jamais porté ces offres à sa connaissance afin de lui en demander le retrait et n’en a fait état pour la première fois que dans le cadre de l’assignation à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Paris, cette assignation ne valant cependant pas notification régulière. Elle considère également qu’il n’est pas démontré que les offres de revente de billets visées par la FFF n’auraient pas été retirées promptement par ses soins.

L’intimée explique également qu’en étendant le droit exclusif dévolu aux fédérations sportives au marché de la billetterie secondaire, la FFF en fait un droit absolu et illimité susceptible d’entraîner des restrictions de concurrence injustifiées et disproportionnées. Elle précise que ce monopole instauré par l’article L.333-1 du code du sport constitue une dérogation au principe de la libre concurrence et aux libertés économiques, et n’est donc admis qu’à la condition de répondre à une finalité qui la justifie. Elle rappelle qu’il s’agit d’un droit à visées économiques, destiné à permettre à son titulaire de rentabiliser ses investissements et de compenser des risques financiers.

Elle ajoute qu’à l’instar des droits de propriété intellectuelle, ce monopole doit être limité à sa raison d’être et proportionné à l’objectif particulier poursuivi. Elle expose que l’intégration de la billetterie primaire dans les droits d’exploitation des fédérations sportives est justifiée par la prise de risques et le nécessaire retour sur investissements qui est atteint dès la première vente des billets. Elle fait donc valoir que la revente de billets ne prive l’organisateur de la manifestation d’aucun revenu et qu’au delà du marché primaire le monopole serait disproportionné et engendrerait une restriction de concurrence injustifiée.

Elle rappelle par ailleurs que la FFF a expressément exclu du fondement de ses demandes l’article 313-6-2 du code pénal interdisant les reventes sans autorisation et de manière habituelle afin de lutter contre les augmentations artificielles des prix. Elle en déduit que la FFF doit donc démontrer en quoi la revente de billets entrerait dans le champ du droit exclusif des fédérations sportives prévu à l’article L. 333-1 du code du sport.

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Elle estime que l’argument sécuritaire invoqué par la FFF ne doit pas conduire à accorder un monopole injustifié et disproportionné et que les objectifs de sécurité peuvent être atteints aussi bien par les plate-formes de revente que par l’organisateur lui-même dès lors qu’un contrôle d’identité est mis en place. Elle ajoute que les risques de spéculation ou d’assèchement du marché que la FFF dénonce ne sont pas liés à l’activité de services d’intermédiation mais à la loi de l’offre et de la demande.

L’intimée considère également que l’interdiction de toute revente de billets est contraire au droit de l’Union européenne. Elle expose qu’autoriser l’organisateur d’un événement sportif à s’opposer de manière discrétionnaire à toute revente, par le biais d’un service d’intermédiation, de tickets licitement acquis sur le marché primaire, sur le fondement de l’article L.333-1 du code du sport reviendrait à violer le principe de la libre circulation des marchandises. Elle soutient par ailleurs que ce verrouillage mis en place par l’organisateur ne poursuit pas un but d’intérêt général mais vise au contraire à faire prévaloir ses propres intérêts financiers. Elle précise qu’un billet a la même nature que le support matériel d’une œuvre et qu’il circule donc bien.

Elle ajoute que cette interprétation dont se prévaut la FFF constitue une restriction à la liberté de prestation de services à l’intérieur de l’Union européenne. Elle estime qu’une telle atteinte ne peut être admise au titre des mesures dérogatoires prévues par le traité puisqu’en l’espèce il s’agit de soumettre à l’autorisation discrétionnaire d’une personne privée l’exercice d’une activité, la fourniture de moyens de revente de billets, quels que soient les billets en cause et les circonstances, et alors même que la revente n’entre pas dans l’objet spécifique du droit d’exploitation de l’organisateur. Elle précise, en outre, n’avoir jamais revendiqué le moindre droit sur les billets en tant que tels, lesquels sont la propriété des revendeurs, et estime que cette question n’est pas pertinente.

Elle considère que les prétendus motifs avancés par la FFF concernant les risques sécuritaires, les comportements spéculatifs et les risques de falsification ou d’escroquerie ne sont pas de «justes motifs » lui permettant de s’opposer à la revente des billets.

Elle soutient que la FFF invoque des risques qui ne sont pas caractérisés et qui ne peuvent donc pas lui être imputés sur le fondement de l’article 1240 du code civil. Elle considère que les deux décisions de jurisprudence invoquées par la FFF ne sont pas transposables à la situation d’espèce dès lors que la fixation des prix des offres de revente de billets relève exclusivement du revendeur. Elle considère que les préjudices que pourraient subir les organisateurs de manifestations sportives en raison des pratiques non autorisées, dont il est fait état dans un des articles invoquées par la FFF, ne sont que des préjudices hypothétiques qui ne peuvent fonder une action en justice, et encore moins une condamnation.

A titre subsidiaire, sur les mesures sollicitées et notamment les mesures de suppression et d’interdiction étendues à un nombre indéfini d’autres sites internet, l’intimée considère qu’une telle demande n’est en rien justifiée puisque la FFF n’a jamais prétendu que d’autres offres que celles litigieuses auraient été mises en ligne sur d’autres sites que le site Ticketbisfr.com. Elle rappelle que le monopole dont la FFF prétend disposer concerne la commercialisation de billets pour des matchs qu’elle organise en France. Elle prétend en outre qu’une telle mesure ne peut viser « tout contenu » et tout match sans plus de précision.

Elle ajoute qu’il n’est ni illicite, ni illégitime que le site internet comprenne des pages intitulées < Billets France » et «< Billetterie Sélection française » et que la simple publication de pages consacrées de façon générale à l’Equipe de France de football, sa composition, ses succès et ses prochains défis, ne constitue pas un acte susceptible d’entrer dans le champ du monopole dont la FFF se prévaut.

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Elle considère que la demande de la FFF visant à lui ordonner de rendre impossible pour l’avenir, la mise en ligne, sous quelque forme que ce soit, de tout billet et tout contenu destiné à promouvoir ou faciliter l’achat de tout billet d’un match organisé par la FFF revient à procéder par voie de disposition générale et réglementaire pour réparer un préjudice éventuel ou hypothétique. Elle ajoute que la demande d’interdiction pour le futur, formulée à titre subsidiaire, est infondée car elle vise des offres de billets dont on ne connaît pas encore les conditions applicables à leur revente.

Elle soutient que les demandes de publication de la décision à intervenir ne sont pas justifiées et sont disproportionnées. Elle rappelle que les matchs visés par la FFF sont achevés, que les offres en cause ont été retirées et par conséquent que rien ne justifie une telle demande. Elle considère que cette demande excède un simple objectif d’information. Elle ajoute que la demande de publication dans 4 journaux n’est pas plus justifiée et représente l’équivalent d’une condamnation au paiement de 40.000 euros de dommages et intérêts supplémentaires.

Sur la demande de dommages-intérêts formulée par la FFF, l’intimée soutient que cette dernière n’a subi aucun préjudice financier puisqu’elle a vendu les billets en cause et obtenu la rétribution de son investissement, avant que leurs acquéreurs ne décident de les revendre. Elle estime que la FFF n’a pas davantage subi de préjudice moral et que ses allégations ne sont corroborées par aucun élément de preuve.

La FFF a répliqué à ces dernières écritures de l’intimée par conclusions signifiées le jour de l’ordonnance de clôture prononcée le 14 novembre 2019.

Par conclusions de procédure notifiées et déposées le 19 novembre 2019, la société Ticketbis sollicite le rejet des conclusions et pièces communiquées le 14 novembre 2019 entre 10h36 et 10h59 par la FFF, alors que la clôture a eu lieu le même jour à l’audience de 13h. Elle soutient n’avoir pas été en mesure de prendre connaissance de ces conclusions et nouvelles pièces, d’autant que la FFF a modifié ses demandes et communiqué des pièces qui auraient pu l’être au moins depuis ses conclusions du mois de janvier 2019.

Par conclusions de procédure notifiées et déposées le 20 novembre 2019, la FFF rappelle que la société Ticketbis n’a communiqué ses conclusions d’intimée que le 5 novembre 2019, soit 10 mois après avoir reçu les conclusions d’appelant n°2 et moins de 48 heures avant la clôture initialement prévue le 7 novembre 2019. Elle ajoute avoir été contrainte de demander un report de la clôture qui a été repoussée à bref délai au 14 novembre 2019 et expose avoir signifié ses conclusion d’appelant n°3 le jour même en prenant soin de signaler en marge les modifications apportées à ses conclusions. Elle souligne qu’à réception de ces conclusions, l’intimée n’a pas réagi pour s’associer au report de clôture qu’elle a suggéré. Elle affirme en outre que les conclusions d’intimée n°2 comprenaient des éléments nouveaux contrairement à ce que prétend l’intimée.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions signifiées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

- Sur les dernières conclusions notifiées et déposées le jour de la clôture par l’appelante

La société Ticketbis sollicite le rejet des dernières écritures de la FFF déposées et notifiées le jour de l’ordonnance de clôture en date du 14 novembre 2019.

Le prononcé de la clôture de l’instruction de l’affaire en cause initialement annoncé le 7 novembre 2019 a été reporté par le conseiller de la mise en état au 14 novembre suivant afin de permettre à la FFF de répliquer aux dernières conclusions de la société Ticketbis

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signifiées le 5 novembre précédent. La FFF a néanmoins signifié de nouvelles conclusions le 14 novembre 2019, jour annoncé de la clôture, ces conclusions comportant non seulement une réplique aux moyens de la société Ticketbis mais également une modification des demandes ainsi que quatre pièces nouvelles dont un procès-verbal de constat d’huissier de justice dressé le 13 novembre 2019.

Aussi, ces conclusions déposées le jour même de la clôture, notablement modifiées notamment quant aux prétentions formées par l’appelante et comportant quatre pièces nouvelles, n’ont pas permis à l’intimée d’en prendre connaissance utilement ce quand bien même les modifications qui ont été apportées sont présentées distinctement par l’appelante conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, étant relevé que l’appelante avait connaissance depuis 9 jours des conclusions de l’intimée et qu’elle a attendu le jour de la clôture pour y répliquer et communiquer de nouvelles pièces.

Il convient en conséquence, afin de faire respecter le principe du contradictoire, de rejeter les conclusions de la FFF notifiées et déposées le 14 novembre 2019 ainsi que les quatre pièces nouvelles n°28 à 31 selon le bordereau joint.

- Sur l’atteinte au monopole d’exploitation de la FFF

L’article L. 333-1 du code du sport dispose que "les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives mentionnés à l’article L. 331-5, sont propriétaires du droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’ils organisent.

Toute fédération sportive peut céder aux sociétés sportives, à titre gratuit, la propriété de tout ou partie des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives organisées chaque saison sportive par la ligue professionnelle qu’elle a créée, dès lors que ces sociétés participent à ces compétitions ou manifestations sportives. La cession bénéficie alors à chacune de ces sociétés."

Les dispositions de cet article attribuent aux fédérations sportives et aux organisateurs de manifestations sportives un monopole d’exploitation en contrepartie notamment des investissements financiers et humains liés à l’organisation de ces événements et à l’objectif d’intérêt général de faire bénéficier au développement du mouvement sportif les flux économiques qu’ils induisent et de garantir l’accès du plus grand nombre à ces manifestations sportives en luttant notamment contre l’organisation artificielle des prix des titres d’accès à ces compétitions ou manifestations.

En l’absence de toute précision ou distinction prévue par la loi concernant la nature de l’exploitation des manifestations objet du droit de propriété reconnu par l’article L.333-1 du code du sport, toute forme d’activité économique ayant pour finalité de faire naître un profit et qui n’aurait pas d’existence si la manifestation sportive qui en est le prétexte ou le support nécessaire n’existait pas, doit être regardée comme une exploitation au sens de cet article.

Le marché primaire de la vente de billets d’accès aux matchs des compétitions sportives organisées par la FFF relève de ce monopole ce qui n’est pas discuté par la société Ticketbis.

De même, la revente sur le marché secondaire de billets d’accès aux matchs de football des compétitions sportives organisées par la FFF, doit être regardée comme la captation injustifiée d’un flux économique résultant d’événements sportifs organisés par la FFF, constitutive d’une exploitation directe illicite, comme non autorisée, de tels événements, ce quand bien même les billets en cause ont été acquis régulièrement par des particuliers qui les mettent à nouveau en vente sur le site internet exploité par la société Ticketbis qui en

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retire un profit, la revente des billets relevant de l’objet spécifique du droit conféré à la FFF par les dispositions du code du sport précitées qui ne se limite pas au seul retour sur les investissements des fédérations mais participe également à un objectif d’intérêt général ci avant rappelé et n’est pas en cela disproportionné à l’objectif poursuivi.

La circonstance que la revente de billets constitue également une infraction pénale prévue à l’article 313-6-2 du code pénal, non invoqué en l’espèce, est inopérante à limiter la portée des dispositions du code du sport précitées.

La société Ticketbis ne peut être suivie lorsqu’elle affirme qu’une telle interprétation du code du sport rend la disposition précitée contraire aux articles 34 à 36 du TFUE, le contrôle par la fédération sportive de la revente des billets ne constituant pas en elle-même une restriction à la libre circulation des marchandises, et aucune restriction à cette libre circulation au sein de l’Union européenne n’étant caractérisée, la revente des billets étant possible notamment par l’intermédiaire d’une plate-forme d’échange à condition de respecter les conditions générales de vente prévoyant notamment la revente du billet au prix facial.

Contrairement à ce que soutient la société Ticketbis, inclure la revente sur le marché secondaire des billets donnant accès à des matchs organisés par la FFF dans le monopole des fédérations sportives ne revient nullement à soumettre à une autorisation préalable l’exercice de son activité de gestion de service d’hébergement d’offres de revente de billets donnant accès à des événements sportifs ou culturels, ce en contravention des dispositions de l’article 4 de la directive 2000/31 du 8 juin 2000 dite « directive sur le commerce électronique », l’intimée pouvant librement exercer cette activité en France sous réserve de respecter les droits privatifs des tiers notamment ceux des fédérations sportives. Il convient également de relever que les dispositions de la directive 2000/31 qui posent le principe de non autorisation préalable sont « sans préjudice des régimes d’autorisation qui ne visent pas spécifiquement et exclusivement les service de la société de l’information ».

- Sur la responsabilité de la société Ticketbis

La société Ticketbis invoque sa qualité d’hébergeur pour s’exonérer de la responsabilité liée à l’atteinte aux droits de propriété de la FFF par la revente sur le marché secondaire des billets donnant accès aux matchs qu’elle organise.

- Sur la qualité d’hébergeur de la société Ticketbis

Selon les dispositions de l’article 6-1-2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) «Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de services ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de service si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits ou circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.

L’alinéa précédent ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l’autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa ».

La société Ticketbis soutient avoir une activité d’hébergement en ce qu’elle met à disposition une plate-forme hébergeant des offres et contenus divers et invoque le bénéfice de la limitation de responsabilité énoncée à l’article 6-1-2 précité de la LCEN, transposition en droit interne des dispositions de l’article 14 de la directive 2000/31.

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Pour bénéficier de la qualité d’hébergeur, l’exploitant du site ne doit pas jouer un rôle actif qui lui permette d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées. C’est le cas lorsqu’il se contente de stocker les offres sur son serveur, de fixer les modalités de son service rémunéré et de donner des renseignements d’ordre général à ses clients. En revanche, celui-ci joue un rôle actif « quand il prête une assistance laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci ».

Les éléments fournis au débat et notamment les conditions générales de la société Ticketbis montrent que celle-ci offre à l’utilisateur du site "un service d’intermédiation pour la

transaction de titres ainsi que d’autres services auxiliaires supplémentaires", ledit utilisateur restant le propriétaire du billet qu’il désire céder à titre gratuit ou onéreux, celui ci s’obligeant à fournir des informations correctes complètes et exactes sur les billets publiés notamment le nom de l’événement pour lequel les billets sont proposés, la date de l’événement, les restrictions possibles dudit billet et le prix souhaité pour l’échange, la société Ticketbis informant le vendeur par courriel qu’une vente est en attente ou est confirmée, qui s’oblige alors à conserver le billet pour le mettre à la disposition de l’acheteur, le vendeur étant seul responsable de la livraison des billets à l’acquéreur.

Il apparaît également du procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 15 juillet 2017 sur le site ticketbisfr.com à la demande de la FFF, que ce site offre aux éventuels acquéreurs de billet la possibilité de faire des choix entre, notamment, les différentes compétitions sportives programmées et une fois la compétition sélectionnée, tel un match de football « France – Luxembourg » suivie d’informations concernant la date, l’heure et le lieu du match, l’internaute a le choix de sélectionner parmi plusieurs emplacements correspondants à des places libres au sein du stade où se déroule la rencontre programmée, le plan du stade apparaissant sur la page, et un commentaire sportif sur le match à venir illustrant celle-ci tel « dernière ligne droite avant la prochaine Coupe du Monde » ou « La France favorite face au Luxembourg », ces accroches étant développées sur deux paragraphes, les commentaires se concluant par la phrase suivante : « tous les matchs de qualification du Mondial 2018 sont à suivre en direct grâce à Ticketbis qui vous permet non seulement d’acheter mais de vendre vos billets de match de foot ». Les mêmes constatations sont faites par l’huissier instrumentaire s’agissant de billets offerts à la vente pour le match « France-Pays-Bas ».

Il ressort de ce qui précède que l’utilisateur du site fournit seul les renseignements concernant le billet qu’il désire mettre en vente, en fixe le prix et que la société Ticketbis se contente de stocker sur son serveur les offres à la vente, l’utilisateur ayant également la responsabilité de la transmission du billet à l’acheteur.

La circonstance que les billets offerts à la vente soient rangés par catégorie selon la manifestation qu’ils concernent, que la présentation du site permette à l’internaute de procéder plus aisément au choix du billet qu’il acquiert en lui indiquant la situation de la place dans le stade, qu’un commentaire sportif général y figure ou que la société Ticketbis sécurise la transaction entre l’acheteur et le vendeur, ne suffit pas à caractériser le rôle actif de la société Ticketbis de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres et particulièrement des conditions générales qui figurent sur lesdits billets qui en restreindraient la revente.

Enfin, et ainsi que le fait valoir la société Ticketbis, la circonstance que le service qu’elle offre soit rémunéré par une commission est insuffisant à caractériser son rôle actif lui permettant de connaître ou de contrôler des données stockées.

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Le rôle exercé par la société Ticketbis est neutre, en ce que son comportement est purement technique, automatique et passif, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle des données qu’elle stocke. L’intimée est donc fondée à se prévaloir de sa qualité d’hébergeur, au sens de l’article 6-1-2 de la LCEN.

- Sur la connaissance de la société Ticketbis du contenu illicite

En qualité d’hébergeur, la société Ticketbis n’est responsable civilement qu’en cas de mise en connaissance du contenu illicite et d’absence de prompt retrait des données illicites.

Selon les dispositions de l’article 6-1-5 de la LCEN, la connaissance des faits litigieux est présumée acquise lorsqu’il est notifié les éléments suivants :

"- la date de la notification; si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, H

nationalité, date et lieu de naissance; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ; les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social;

- la description des faits litigieux et leur localisation précise ; les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;

- la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté".

La FFF fait valoir qu’elle a par deux mises en demeure des 1er septembre et 26 octobre 2016 (pièces 6 et 7 de l’appelante), informé la société Ticketbis du caractère illicite des offres publiées sur son site.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er septembre 2016, la FFF informait la société Ticketbis que la vente de billets sur le site ticketbisfr.com « dans le cadre des éliminatoires de la coupe du monde 2018, notamment pour la rencontre France Bulgarie du 7 octobre 2016 au Stade de France » … « tombe sous le coup de l’article 313-6-2 du code pénal » et que « cette mise en vente viole l’article 4.4 »restrictions d’utilisation« des conditions générales d’acquisition et d’utilisation des billets de la FFF… » et mettait en demeure la société Ticketbis “de retirer de son site « toute offre de vente de billets de l’Equipe de France, dont notamment le match France – Bulgarie ».

De même, par lettre recommandée du conseil de la FFF adressée à l’intimée, celui-ci mentionne la vente sur le site ticketbisfr.com « la vente de billets pour assister à des matches de l’équipe de France de Football et plus particulièrement ceux l’opposant à l’équipe de Suède (qui se tient le 11 novembre 2016) à la Côte d’Ivoire (qui se tient le 15 novembre 2016)… » précise que cette pratique contrevient aux conditions générales de vente et à l’article 313-6-2 du code pénal et la met en demeure de « procéder au retrait immédiat de tout site internet édité par votre société de tout billet et de tout contenu relatif à la vente de billets d’un mach organisé par la FFF et plus particulièrement ceux mentionnés ci avant ». Sont jointes à cette mise en demeure des captures d’écran du site.

Néanmoins, ces lettres qui décrivent les faits litigieux et indiquent les motifs pour lesquels les contenus doivent être retirés y compris le fondement légal de la demande, n’en précisent

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2020

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pas pour autant la localisation des données (adresse URL) et ne comportent pas la copie de la correspondance adressée préalablement à l’auteur du contenu reproché ni la justification que ce dernier n’a pu être contacté.

Il en va de même de l’assignation à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Paris délivrée le 27 septembre 2017 à la demande de la FFF qui concernait des billets donnant accès aux matchs par elle organisés et notamment les matchs France-Pays-Bas, France-Luxembourg et France-Biélorussie. A supposer que cet acte vaille notification au sens de l’article 6-1-5 de la LCEN, celui-ci ne comportait pas plus l’ensemble des précisions prévues à cet article telles la localisation des données ou les démarches préalables auprès de l’auteur.

La FFF ne peut pas plus utilement invoquer la complicité de violation des conditions générales de vente par la société Ticketbis. En effet, outre que, comme l’ont relevé justement les premiers juges par des motifs que la cour adopte, il existe des contradictions entre les différentes conditions générales de vente fournies au débat par la Fédération, il ressort que les notifications précitées adressées par la FFF à la société Ticketbis ne précisent pas expressément le contenu des conditions générales de vente restreignant la revente des billets pour les matchs visés dans ces mises en demeure, ce qui ne permet pas de caractériser la connaissance de l’hébergeur du caractère illicite du contenu hébergé.

La présomption de la connaissance des faits illicites prévue à l’article 6-1-5 de la LCEN par la société Ticketbis n’est pas établie par la FFF.

En l’absence de caractérisation de la connaissance par la société Ticketbis du contenu illicite, la FFF ne peut utilement lui reprocher de ne pas avoir promptement retiré celui-ci, étant à cet égard relevé que la société Ticketbis a répondu à la lettre du 26 octobre 2016, le 27 octobre suivant en affirmant avoir retiré les contenus du site.

La responsabilité de la société Ticketbis n’est en conséquence pas établie et l’ensemble des demandes de la FFF sont rejetées.

- Sur les agissements parasitaires

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

Les demandes de la FFF fondées sur l’article L. 333-1 du code du sport ayant été rejetées, il y a lieu d’examiner la demande de l’appelante au titre des agissements parasitaires sans que la société Ticketbis puisse invoquer utilement le cumul de responsabilités.

La FFF reproche à la société Ticketbis d’accaparer la valeur économique que représente le marché de la billetterie des matchs de compétitions qu’elle organise et plus généralement de l’équipe de France qui n’a été créée, développée, entraînée, médiatisée que par les efforts et les fonds qu’elle a dédiés.

Néanmoins, le seul fait pour la société Ticketbis d’offrir notamment aux titulaires de billets de matchs organisés par la FFF la possibilité de les revendre sur son site moyennant une commission ne constitue pas en soi un comportement fautif caractérisant un acte de parasitisme, aucune volonté de se placer dans le sillage de la FFF n’étant établie par cette seule offre d’hébergement. De même, les commentaires sportifs généraux qui apparaissent

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sur le site et la photographie d’un stade ne sont pas de nature à démontrer que la société Ticketbis cherche à profiter des efforts et investissements de la FFF sur les matchs qu’elle organise.

La FFF échoue ainsi à démontrer les agissements parasitaires de la société Ticketbis et ses demandes à ce titre sont également rejetées.

- Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l’article 700 sont confirmées.

La FFF échouant en son appel sera condamnée aux dépens d’appel avec les modalités de recouvrement de l’article 699 du code de procédure civile, et à payer à la société Ticketbis une indemnité de procédure de 15.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette les conclusions de la Fédération française de football notifiées et déposées le 14 novembre 2019 ainsi que les pièces numérotées 28 à 31,

Confirme le jugement entrepris,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Fédération française de football à payer à la société Ticketbis une somme de

15.000 euros,

Condamne la Fédération française de football aux dépens d’appel avec les modalités de recouvrement de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président Afar cadě

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis de D’APPE R mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs génératix U

O et aux procureurs de la République près les tribunaux C judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En foi de quoi, le DE PARIS présent arrêt a été signé par le président et le greffier.

La présente formule exécutoire a été signée par le directeur de greffe de la cour d’appel de Paris.

Le directeur de greffe

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Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, n° 18/03514