Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 29 juin 2021, n° 19/16020

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 8, 29 juin 2021, n° 19/16020
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/16020
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bobigny, 17 mars 2019, N° 15/09988
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRET DU 29 JUIN 2021

(n° , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/16020 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQU6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY (Chambre 6/Section 4) – RG n° 15/09988

APPELANTE

SA ALLIANZ IARD agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

assistée par Me Caroline COURBRON TCHOULEV, avocat au barreau de PARIS, toque : E0827

INTIMEES

SAS A TRANSPORTS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

[…]

91700 FLEURY-MEROGIS

représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

assistée par Me Nicolas MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0139

[…]

[…]

[…]

N° SIRET : 440 02 8 5 87

représentée et assistée par Me Ulrika KARLSSON SÉGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0632

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Avril 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Julien SENEL, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

M. Christian BYK, Conseiller

M. Julien SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de Chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière présente lors de la mise à disposition.

*******

FAITS ET PROCEDURE

Courant mars 2009, la société AMI IMPRIMERIE ET INFORMATIQUE (AMI) a commandé une machine d’imprimerie presse offset SHINOHARA 75 IV, auprès de la société C D, pour un montant de 388 000 euros H.T.

Le 27 avril 2009, en prévision de la livraison de cette machine à la société AMI, dans ses locaux de Saint-Denis (93), loués selon bail commercial à la […], la société A TRANSPORTS a adressé à la société C D une proposition de 'déchargement d’une presse offset Shinohara 75 IV en deux caisses et mise en place à St Denis', pour un montant de 2 150 euros H.T. Cette offre a été acceptée par la société C D.

Le 13 mai 2009, lors de l’exécution des opérations de manutention, la machine a été endommagée en chutant d’une hauteur d’environ 20 cm à la suite d’un affaissement du sol.

La société C D a déclaré le sinistre auprès de son assureur, la société ASSURANCES GENERALES DE FRANCE IART, selon police n°42926561 à effet du 1er janvier 2008, assureur devenu depuis ALLIANZ IARD.

Par ordonnance du 30 juin 2009, rendue à la demande de la société AGF, réputée contradictoire, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny a ordonné une expertise judiciaire et commis M. B Y en qualité d’expert.

M. B Y a déposé son rapport le 8 octobre 2009.

La société ALLIANZ a procédé à deux règlements de 150 000 euros chacun, les 27 octobre et 2

décembre 2009, soit un total de 300 000 euros.

Par ordonnance du 7 janvier 2010, contradictoire, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny a ordonné, à la demande de la société A TRANSPORTS, une expertise complémentaire portant sur la résistance du sol, lieu du déchargement de la machine. M. X expert commis a déposé son rapport le 7 avril 2011.

Par actes du 5 mai 2014 et par procès-verbal de recherches infructueuses des 19 et 20 mai 2014, la société ALLIANZ IARD a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bobigny la société A TRANSPORTS, la société AMI IMPRIMERIE ET INFORMATIQUE et la […], aux fins de condamnation solidaire à lui payer au titre de son action subrogatoire, une somme de 300 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation, capitalisés, et la somme de 5 000 euros au titre de

l’article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Par décision contradictoire du 18 mars 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

— déclaré la société ALLIANZ IARD irrecevable en son action fondée sur la subrogation légale, faute de qualité à agir à l’encontre des défendeurs,

— dit n’y avoir lieu de statuer sur les demandes de la société ALLIANZ IARD,

— dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté les demandes de frais irrépétibles au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société ALLIANZ IARD aux entiers dépens, recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire.

Par déclaration électronique du 31 juillet 2019, enregistrée au greffe le 12 septembre 2019, la société ALLIANZ IARD a interjeté appel de cette décision à l’encontre de la société A TRANSPORTS et de la […].

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 19 mars 2021, la société ALLIANZ IARD demande à la cour de réformer le jugement en ce qu’elle a été déclarée irrecevable en ses demandes pour cause de défaut de subrogation légale, et, statuant a nouveau au visa des articles L.121-12 du code des assurances, 1231-1 (anciennement 1147), 1240 (anciennement 1382) et suivants du code civil, et des rapports d’expertise judiciaire versés aux débats, :

— la déclarer recevable en ses demandes sur le fondement de la subrogation légale,

— juger que ses demandes ne sont pas prescrites,

— condamner solidairement les sociétés A TRANSPORTS et […], à lui payer les sommes suivantes :

. en principal, 300 000euros,

.10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

le tout avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, capitalisés année par année jusqu’à parfait paiement, dans les conditions prévues par l’article 1154 du code civil,

— débouter la société A TRANSPORTS et la […] de l’ensemble de leurs demandes, .

— les condamner solidairement à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel, incluant les frais des deux expertises judiciaires dont distraction.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 10 décembre 2019, la société A TRANSPORTS demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et y ajoutant, de :

— déclarer ALLIANZ IARD irrecevable et subsidiairement mal fondée en toutes ses demandes ;

— l’en débouter et la condamner à lui payer une indemnité de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Subsidiairement, elle demande de juger que l’indemnité pouvant être mise à la charge de la société A ne saurait excéder la somme de 22 867 euros et très subsidiairement celle de 38 180 euros et à titre infiniment subsidiaire celle de 220 653 euros, sous déduction de la valeur vénale de la machine remplacée.

Elle demande de débouter ALLIANZ IARD du surplus de ses demandes et en toutes hypothèses, de condamner la SCI LE FRANC VOISIN à la relever et garantir de toutes les sommes qui pourraient être mises à sa charge et de condamner ALLIANZ IARD à lui payer une indemnité de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures (n°2) transmises par voie électronique le 30 novembre 2020, la […] demande à la cour au visa notamment des rapports d’expertise de Messieurs Y et X, ainsi que des articles 1240, 1346-1, 1353 du code civil, L.121-12 du code des assurances, et 9 du code de procédure civile, de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la société ALLIANZ IARD irrecevable en ses demandes pour défaut de subrogation ;

— débouter en conséquence la société ALLIANZ IARD de l’intégralité de ses demandes, notamment à son égard ;

A titre subsidiaire, la […] demande de :

— constater que sa responsabilité n’est pas établie ;

— constater que la société ALLIANZ IARD ne rapporte pas la preuve du montant qu’elle allègue ;

— débouter en conséquence la société ALLIANZ IARD et la société A de toutes leurs demandes à son égard ;

A titre infiniment subsidiaire, la […] demande de :

— déduire du montant qui serait alloué à la société ALLIANZ IARD les quotes-parts de responsabilité imputables aux sociétés AMI et C D ;

— dire que la société A devra la garantir de toute condamnation qui serait mise à sa charge.

En tout état de cause, elle demande de condamner la société ALLIANZ IARD et la société A solidairement à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La clôture est intervenue le 06 avril 2021.

Il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions ainsi visées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir de la société ALLIANZ IARD

Vu les articles 31 et 122 du code de procédure civile, 1249 et 1250 (devenu 1346-1) du code civil et L 121-12 du code des assurances ;

La société ALLIANZ soutient que son action, fondée sur la subrogation légale dans les droits de la société C D, est recevable dès lors qu’elle rapporte la preuve que les deux règlements effectués l’ont été en réparation du sinistre objet du litige et que C D était bénéficiaire de la police d’assurance n°42 926 561.

La société A TRANSPORTS soulève l’irrecevabilité de l’action de la société ALLIANZ comme dénuée d’intérêt et de qualité à agir, faute de démontrer la subrogation légale dont elle se prévaut, nonobstant la production en cours de procédure d’une police d’assurance numéro 42 926 561, dès lors que :

— cette police d’assurance a été souscrite par la société C INVESTISSEMENTS ;

— or, les deux règlements qu’elle a effectués à hauteur de 150 000 euros chacun ont été libellés à l’ordre de sociétés différentes dotées d’une personne morale autonome, à savoir les sociétés LAMI et C D.

La société A TRANSPORTS ajoute qu’ALLIANZ ne peut davantage se prévaloir d’une subrogation conventionnelle dès lors qu’elle n’a pas versé au débat de justificatif de règlement probants, les deux copies de deux chèques produites étant insuffisantes pour ce faire.

La […] affirme également que les demandes de l’appelante sont irrecevables, qu’il s’agisse de la subrogation légale ou conventionnelle, en ce que :

— s’agissant de la subrogation légale, la preuve de la qualité d’assuré de la société C D au regard de la police revendiquée, n’est pas rapportée, et par conséquent, la preuve n’est pas davantage rapportée de ce que le paiement a été réalisé par ALLIANZ en exécution de son obligation contractuelle de garantie ; de plus, la police ne couvre pas les dommages survenus lors d’opérations de manutention mais uniquement ceux survenus lors du transport des matériels et équipements assurés ; or, comme ALLIANZ l’expose au soutien de la responsabilité qu’elle impute à la société A, les désordres objets du sinistre n’ont pas eu lieu dans le cadre d’un transport, mais pendant une manutention en vue de l’installation de la marchandise dans les lieux, de sorte que le sinistre n’entre pas dans les conditions de la garantie ; le règlement a été effectué hors contrat, comme en atteste la lettre d’C D à AGF en date du 30 juin 2009 par laquelle elle sollicite le bénéfice de la garantie sur le fondement de l’article 4 de la police d’assurance n°42 926 561 qui ne porte pas sur ce point, mais sur la valeur d’assurance ; enfin, le montant de l’indemnité versée (300 000 euros) est inexplicable et inexpliqué parce qu’il ne correspond ni au prix de la machine lors de la vente à la société AMI, qui selon les pièces s’élève à 388.000 euros HT, ni au prix

d’achat de la machine par C D, qui s’élève à 220.653 euros ;

— s’agissant de la subrogation conventionnelle, dont ALLIANZ ne se prévaut au demeurant pas, aucune quittance subrogatoire signée n’est produite, ALLIANZ reconnaissant d’ailleurs dans ses écritures que les bénéficiaires des règlements (les sociétés LAFI et C D) n’ont jamais retourné la quittance signée de leur part.

Sur ce,

L’assureur ne bénéficie de la subrogation légale que pour les sommes qu’il règle en exécution de ses obligations contractuelles, et non pour celles qu’il paie sans y être tenu. D’autre part, la subrogation de l’assureur requiert le paiement de l’indemnité, lequel, dès lors qu’il est acquis, se suffit à lui-même.

En l’espèce, pour justifier de la subrogation légale qu’elle invoque, et par-là de son intérêt et de sa qualité à agir contre le responsable du dommage, ALLIANZ verse aux débats les pièces suivantes :

— la copie d’un courrier à l’entête d’ALLIANZ, daté du 27 octobre 2009, adressé au cabinet E F, comportant le numéro de sinistre B0940291379 et la référence 'PRESSE SHINOHARA 75', comportant 'à titre d’acompte de l’avance de fonds convenue', un chèque à détacher, n°2216246, d’un montant de 150 000 euros émis par la société ALLIANZ IARD et tiré sur la société NATIXIS, libellé à l’ordre de la société LAFI, daté du même jour, outre une copie d’écran confirmant l’émission du chèque n°2216246 dans le cadre du sinistre B0940291379 concernant la PRESSE SHINOKARA 75, au profit de la société LAFI, et comportant notamment la mention 'geste commerciale N’ (pour non) ;

— une copie de quittance d’indemnité et de subrogation émise par ALLIANZ au profit de la société C, non signée par l’assurée, mais se référant expressément au numéro de sinistre B0940291379 et aux 'dommages subis par une presse offset 'SHINOHARA’ chargée à Fleury-Mérogis (91) sur un véhicule appartenant aux Transports A a destination de Saint-Denis (93) et ayant fait l’objet de la lettre de voiture émise le 14 mai 2009 sous le n°140428 ';

— un bordereau de remise de chèque attestant de ce que la somme de 150 000 euros a été portée en banque le 31 octobre 2009 sur un compte détenu par la société OF MAG INVESTISSEMENTS ;

— la copie d’un chèque n°2245509 daté du 02 décembre 2009, d’un montant de 150 000 euros, émis par la société ALLIANZ IARD et tiré sur la société NATIXIS, libellé à l’ordre de la société C D, accompagnée d’une copie d’écran confirmant l’émission du chèque 2245509 au profit de la société C D 'à titre de second acompte à valoir sur sinistre dont le montant sera déterminé par expertise', sinistre référencé B0940291379, concernant la PRESSE SHINOKARA 75 et comportant notamment la mention 'geste commerciale N’ (pour non) ;

— un échange de courriels avec le président de la société C D mentionnant que le chèque n°2245509 daté du 02 décembre 2009, de 150 000 euros correspond au règlement du second acompte ;

— un bordereau de remise de chèque d’un montant de 150 000 euros, opéré le 08 décembre 2009 sur le compte Crédit Agricole IDF de la société C D ;

— une copie de quittance d’indemnité et de subrogation émise par ALLIANZ non signée par l’assurée, mais se référant expressément ici encore au numéro de sinistre B0940291379 et aux dommages subis par une presse offset 'SHINOHARA’ chargée sur un véhicule appartenant aux Transports A.

La preuve est ainsi rapportée en cause d’appel, que les deux règlements effectués par la société ALLIANZ IARD concernent le sinistre survenu sur la presse SHINOHARA le 13 mai 2009, déclaré

au titre de la police n°42926561 et portant le numéro B09040291379, nonobstant l’absence de retour des quittances signées par l’assurée mentionnée sur ces quittances, à savoir la société C.

Le montant total de l’indemnité versée (300 000 euros) correspond à deux acomptes dont le paiement s’analyse en une provision, ALLIANZ ayant précisé dans ses documents internes qu’il s’imputera 'sur sinistre dont le montant sera déterminé par expertise'.

La société ALLIANZ a par ailleurs communiqué les justificatifs du changement de dénomination de la société C INVESTISSEMENT, enregistrée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 397719121, laquelle est devenue la société LAFI en juillet 2008.

En attestent l’historique des annonces au BODACC de la société C, le résumé de l’annonce au BODACC du changement de dénomination en LAFI et l’annonce au BODACC communiqués par ALLIANZ.

ALLIANZ démontre également que la société LAFI a ensuite une nouvelle fois changé de nom pour devenir, en janvier 2010, la société LFI, en produisant l’annonce du BODAC faisant état du changement de dénomination en LFI.

Enfin, ALLIANZ rapporte la preuve que la société LAFI est bénéficiaire de la police d’assurance, tout comme la société C D qui fait partie du groupe C, en produisant en cause d’appel, outre le document publicitaire et l’avenant du 10 décembre 2009 par lequel la police n°42 926 561 (assuré : LAFI SAS) a changé de numéro à effet du 1er janvier 2010, pour devenir la police n°45 164 329, et un avenant du 03 septembre 2012 à la police n°45 164 329 (assuré : LFI) à effet du 1er mai 2012, mentionnant le 'retrait de la société C D', versés aux débats en première instance, un courrier de la société C D, en date du 30 juin 2009, dans lequel M. Z, son Président, sollicite le paiement de l’indemnité d’assurance sur le fondement de la police n°42 926 561.

Ce numéro de police correspond en effet à celui figurant sur les dispositions particulières souscrites le 18 décembre 2007 auprès d’AGF IART par la société C INVESTISSEMENTS par l’intermédiaire de M. G, pour la couverture du 'transport de matériels et équipements divers ; notamment des presses offset à feuille, pièces rotatives, petits et gros matériel industriels, pièces détachées, fournitures et jeux de société, sous emballages appropriés et d’usage'.

Quant au caractère obligé des règlements effectués, contesté par la […] au motif que la police couvrirait les marchandises pendant leur 'transport’ alors que la compagnie ALLIANZ se prévaut d’un contrat de manutention liant son assuré à la société A, c’est à juste titre que ALLIANZ réplique qu’il ne faut pas confondre les modalités de la couverture d’assurance et la notion de qualification du contrat.

En effet, la police d’assurance 'porte sur le transport de matériels et équipements divers', et à défaut d’autres précisions, elle s’entend comme couvrant tout sinistre survenu pendant le transport c’est à dire depuis le début du chargement jusqu’à la fin du déchargement des marchandises transportées. En l’espèce, le sinistre, qui consiste en la survenance de dommages à la machine, est survenu pendant les opérations de déchargement et donc pendant la prestation de transport, de sorte qu’il est susceptible d’être couvert au titre de la police d’assurance, peu important que le transport au cours duquel la machine a été endommagée se soit inscrit dans le cadre d’un contrat de manutention.

La garantie dépendant de la prestation en cours au moment du sinistre et non de la qualification du contrat dans le cadre duquel était exécutée la prestation, la preuve est rapportée par ALLIANZ de ce qu’elle a effectué les deux règlements précités, en application des garanties souscrites au titre de la police n°42 926 561 par la société C D, et par-là, la subrogation légale invoquée est établie.

ALLIANZ justifie ainsi avoir intérêt et qualité à agir au titre de la subrogation légale.

Sans qu’il soit nécessaire d’examiner les moyens des intimées concernant l’absence de subrogation conventionnelle, dès lors qu’elle n’est pas invoquée par ALLIANZ, le jugement sera, compte tenu des éléments nouveaux produits en cause d’appel par celle-ci, infirmé sur ces points.

2) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société A TRANSPORTS

La société A TRANSPORTS soutient qu’elle est intervenue en qualité de transporteur, voire de commissionnaire de transport, pour acheminer et décharger la machine commandée par la société AMI, sous couvert d’une lettre de voiture conformément aux dispositions du décret du 30 août 1999 et de l’arrêté ministériel du 9 novembre 1999, donc dans le cadre d’un contrat de transport, dont la manutention n’est que l’accessoire, la plaçant sous le régime spécial de l’article L133-6 du code de commerce, de sorte que les demandes d’ALLIANZ à l’encontre de la prestation de transport effectuée par elle en mai 2009 sont prescrites, nonobstant l’interruption de la prescription du fait de l’assignation en référé délivrée le 11 juin 2009, parce que ALLIANZ n’a exercé son recours que le 05 mai 2014, soit au-delà du délai d’un an courant à partir du 30 juin 2009, date de l’ordonnance de référé expertise, soit le 30 juin 2010.

Elle ajoute que, si les dispositions légales du code de commerce concernant cette prescription sont écartées, il convient, en tout état cause, de faire application des dispositions contractuelles existantes entre les parties, résultant des conditions générales de vente de la société A qui reprennent les dispositions de l’article L 133-6 du code de commerce.

ALLIANZ réplique que ses demandes ne sont pas prescrites parce que le sinistre a eu lieu au cours de l’exécution d’un contrat d’entreprise par lequel la société C a confié à la société A, en raison de sa qualité de spécialiste de la manutention, des opérations de manutention et d’installation sur site d’une presse, soumis à la prescription quinquennale de droit commun et non pas un contrat de transport.

Sur ce,

L’objet du devis n°46454 du 27 avril 2009, émis par le département 'MANUTENTION LOURDE’ de la société A, et accepté par la société C D, qui matérialise les relations contractuelles entre ces parties, est libellé en ces termes :

'DECHARGEMENT D’UNE PRESSE OFFSET SHINOHARA 75IV EN DEUX CAISSES ET MISE EN PLACE A ST DENIS'.

La nature de la prestation est décrite en page 3/8 du devis :

' L’ensemble des éléments que vous nous avez transmis nous permet de vous proposer aujourd’hui les prestations suivantes pour réaliser au mieux l’ensemble de votre projet :

DECHARGEMENT D’UNE PRESSE OFFSET SHINOHARA 75 IV EN DEUX CAISSES ET MISE EN PLACE A ST DENIS (en gras dans le devis).

(…)

Il est précisé sous l’intitulé 'Descriptif et Volume:

(…)

NOTRE PRESTATION :

- Extraction hors d’un container 40 pieds open-top d’une presse Offset Shinohara 75IV en deux caisses.

- Déchargement et mise en place à St Denis.

A VOTRE CHARGE :

- Arrivée du container sur place'.

La société A décrit dans ce devis les différentes prestations à exécuter en vue de l’installation de la presse sur site, sans évoquer l’existence d’un contrat de transport distinct.

Les opérations de manutention (chargement et déchargement) et les opérations relatives à la mise en place de la presse sur le site, constituent l’essentiel des prestations devant être exécutées.

Comme ALLIANZ le fait valoir, la société C D a fait appel à la société A parce qu’elle est une société spécialisée dans le domaine de la manutention lourde, comme elle le revendique sur son papier à entête.

Il n’est par ailleurs pas contesté que le trajet depuis le site de A jusqu’au site d’C D est relativement court, puisque la distance qui les sépare varie entre 48 et 55 km, suivant l’itinéraire choisi.

Enfin, le prix réclamé pour les prestations dans le devis est global, et aucune mention d’un coût de transport n’est prévue sur la facture.

Il résulte de ces éléments que le transfert de la presse n’est que l’accessoire des opérations de manutention et de mise en place de la presse, lesquelles constituent l’essentiel du contrat, peu important dans ces conditions qu’un transfert ait eu lieu entre deux phases de manutention.

L’intention des parties étant de conclure un contrat d’entreprise aux fins de manutention et de mise en place de la presse, ces opérations constituant les prestations essentielles du contrat, il ne peut être qualifié de contrat de transport, la partie transfert de la machine n’étant qu’une prestation accessoire aux opérations de manutention et d’installation de la presse.

L’émission de la lettre de voiture, obligatoire d’un point de vue administratif, matérialise quant à elle la prise en charge de la presse pour son transfert. Ce transfert est l’une des prestations exécutées dans le cadre du contrat d’entreprise conclu entre C D et A, mais n’en est pas la prestation essentielle.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la société A, l’émission de la lettre de voiture ne démontre pas que les opérations de déchargement faisaient partie d’un contrat de transport au titre de la livraison ; elle s’inscrit uniquement dans le cadre de l’exécution du contrat d’entreprise confié à A mais ne matérialise pas l’existence d’un contrat de transport distinct.

Enfin, les Conditions Générales de Vente dont A se prévaut pour exciper en tout état de cause de la prescription prévue à l’article L 133-6 du code de commerce, sont inopposables à la société C, et par-là, à son assureur subrogé dans ses droits, faute de rapporter la preuve qui lui incombe de ce que lesdites CGV ont été connues ou acceptées par la société C D lors de la conclusion du contrat.

En effet, comme le fait exactement valoir ALLIANZ, le simple fait que le devis se réfère à

l’existence de CGV ne suffit pas à les rendre en tant que telles opposables au co-contractant, qui conteste en avoir eu connaissance.

L’opposabilité des conditions générales de vente suppose que la partie qui s’en prévaut rapporte la preuve de ce qu’elles ont été, d’une part, portées à la connaissance de son co-contractant, et, d’autre part, expressément acceptées par ce dernier.

Or, les Conditions Générales produites par la société A ne comportent pas la signature de la société C D.

Le devis se réfère à des 'conditions générales d’assurance et de vente' (page 6 VI-A Responsabilité) sans préciser qu’elles lui sont jointes.

En outre, en admettant que la signature du devis par la société C D, avec la seule reprise manuscrite de la mention 'bon pour accord', marque non seulement son accord sur les termes de la proposition objet du devis, mais aussi sur la prise de 'connaissance des conditions d’assurances et de vente' bien que cette mention n’ait pas été reproduite manuscritement, la société A ne rapporte pas la preuve que les conditions d’assurance et de vente en question sont celles qu’elle invoque.

En effet, le document en question s’intitule 'conditions générales de vente des déménagements administratifs, industriels, opérations de transferts et de manutention-stockage'.

Ces conditions générales, relatives à une convention qualifiée de contrat de transport et soumise comme telle aux règles du code du commerce afférentes à ce contrat, selon son article 1, et plus particulièrement à la prescription de l’article L 133-6 du code du commerce pour ce qui concerne les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu ce contrat, selon son article 15, sont éditées avec la référence suivante : 'com-01.F.001 Rev.04'.

Cependant, aucun élément ne vient rattacher ces conditions bien précises, à celles visées dans le devis accepté, dénuées de toute référence, la cour observant par ailleurs que leur intitulé diverge avec l’objet du devis.

Enfin, les CGV ne figurent pas dans la liste des documents transmis par la société A à son client C D, dans sa lettre d’envoi, rédigée comme suit :

'après une étude approfondie de votre projet, nous vous transmettons nos recommandations techniques, le descriptif et la méthodologie que nous souhaitons adopter pour réaliser au mieux celui-ci. Nous joignons également à notre dossier notre proposition financière'.

La preuve n’est ainsi pas rapportée que les conditions générales de vente dont se prévaut la société A ont été non seulement jointes au devis, mais surtout portées à la connaissance de la société C D, et acceptées par cette dernière.

Il en résulte que le régime du contrat de transport et la prescription prévue par l’article L.133-6 du code de commerce ne sont pas applicables au contrat conclu entre les sociétés C D et A.

La seule prescription applicable est ainsi la prescription quinquennale de droit commun.

Les dommages étant survenus le 14 mai 2009, et le délai de prescription ayant été interrompu par l’assignation en référé délivrée le 11 juin 2009, pour courir de nouveau à compter du 30 juin 2009, date de prononcé de l’ordonnance de référé, l’assignation délivrée à la demande d’ALLIANZ le 05 mai 2014 n’encourt pas la prescription quinquennale, le délai arrivant à son terme le 30 juin 2014.

La fin de non-recevoir soulevée par la société A est ainsi écartée, et l’action de la société ALLIANZ IARD doit être déclarée recevable à son égard.

3) Sur les responsabilités

S’agissant de la société A, la société ALLIANZ IARD affirme qu’elle avait été missionnée pour la manutention et l’installation de la presse sur le site de la société AMI, de sorte qu’elle doit répondre du préjudice subi parce qu’elle était tenue à une obligation de résultat quant à la mise en place du matériel confié, dont elle avait la garde, indépendamment de toute faute.

Elle ajoute que la société A n’a pas exécuté ses prestations dans le respect des règles de l’art et que ses manquements fautifs, tant pendant la phase préparatoire à la manutention que pendant l’exécution des opérations de manutention, sont à l’origine des dommages, comme les deux experts judiciaires ont pu successivement le constater, la société A n’ayant ni procédé aux vérifications requises, ni techniquement utilisé un procédé de manutention adapté (défaut d’utilisation d’un système répartiteur, positionnement des patins en dehors de la zone de roulement des engins lourds, dépassement de la charge autorisée, etc.) alors qu’elle avait conscience du mauvais état du sol.

Elle conteste, au vu de ces deux rapports d’expertise, la force majeure que la société A invoque pour s’exonérer de sa responsabilité, dès lors que celle-ci avait les moyens de constater qu’un dommage était prévisible et qu’elle disposait de moyens pour éviter sa survenance.

La société ALLIANZ IARD, subrogée dans les droits de la société C, en déduit que la société A doit être condamnée à réparer l’intégralité du préjudice subi.

S’agissant de la […], propriétaire des lieux ayant fourni à son locataire l’entrepôt avec parking comportant une rampe poids lourds, la société ALLIANZ IARD estime que sa responsabilité est également engagée, dès lors qu’elle devait fournir un local adapté aux opérations de transports lourds, ce qui n’a pas été le cas comme l’expert M. X a pu le constater, parce que le dallage de la rampe, non adapté, présentait un problème de sécurité, et qu’en conséquence elle doit, solidairement avec la société A, être condamnée à réparer l’entier dommage subi.

Elle ajoute que l’assignation au fond a été délivrée en l’étude d’huissier, à l’encontre de la […], dans le respect des dispositions du code de procédure civile, de sorte qu’elle ne peut dire 'qu’elle n’a pas été touchée', et elle précise que l’absence de la SCI aux opérations d’expertises n’empêche pas la cour de prendre en compte les éléments de preuve que sont le rapport d’expertise et ses annexes techniques, pour apprécier sa responsabilité, dès lors que tant le rapport d’expertise de M. X, que le contenu et les résultats des analyses effectuées sur le sol du parking, sont versés aux débats et soumis à la libre discussion de la […], peu important que les locaux aient été donnés à bail en bon état, dès lors que la SCI a failli à ses obligations, ce qui l’implique dans la survenance des dommages, celle-ci ne pouvant invoquer la propre faute de son locataire, pour manquement à l’article 9.4.4 du bail, pour s’exonérer de sa responsabilité.

La société A TRANSPORTS demande sa mise hors de cause en invoquant la force majeure exonératoire de responsabilité dont peuvent bénéficier les intervenants au transport, rappelée dans ses conditions générales, en exposant en substance que :

— l’événement était irrésistible ce qui suffit à caractériser cette force majeure ;

— qu’elle ne pouvait imaginer que, lors des opérations de livraison de la marchandise, le revêtement de sol du parking du destinataire risquait de s’effondrer, provoquant ainsi la chute de la machine, sans qu’elle puisse empêcher cet événement, en l’absence de toute imprudence du transporteur et de son chauffeur qui avait pris des précautions suffisantes ;

— et qu’elle n’a commis aucune faute parce qu’il n’appartenait pas au transporteur de procéder à une étude du sol et qu’il ne pouvait pas avoir conscience d’un éventuel danger lors des opérations de livraison, dès lors qu’il appartient exclusivement au client, ou au destinataire, de contrôler que les sols des lieux de chargement ou de déchargement sont adaptés et qu’ils présentent une résistance suffisante comme le précisent les conditions générales pour ce qui est des obligations incombant au client.

La […] estime que seule la société A doit voir sa responsabilité retenue, au regard des deux expertises, qui concluent aux fautes de la société A, en ce qu’elle :

— ne s’est pas assurée de la portance des sols au regard du poids total de son chargement ;

— elle allègue être venue deux fois en repérage sur le site mais n’en a tiré aucune conséquence alors qu’elle aurait dû le faire ;

— elle a dépassé sciemment la charge maximale à transporter, de 37% ;

— les béquilles utilisées pour la manutention de la machine n’étaient pas suffisantes et la société A, n’a pas interrogé le client sur la portance du sol.

En réplique à sa propre mise en cause, la SCI invoque l’inopposabilité des deux rapports d’expertises à son encontre, dès lors qu’elle n’a été ni appelée, ni représentée à aucune de ces expertises, de sorte que sa responsabilité ne peut être retenue sur ce fondement.

La SCI estime qu’en tout état de cause, les conclusions des experts sont inopérantes tant d’un point de vue technique que d’un point de vue juridique de sorte que sa responsabilité n’est pas établie, dès lors que :

— sur le plan technique, l’expert judiciaire ne précise pas sur quel fondement il fait peser sur elle une obligation d’assurer une certaine portance du sol ; la portance qui aurait dû être assurée (selon l’expert judiciaire) est de 13 tonnes, or le convoi total était de 39 tonnes, soit 3 fois supérieur ; selon les dires de la société C D et de la société AMI, des précédentes livraisons ont eu lieu et se sont produites sans encombre, ce qui montre que le sol n’était pas inadapté ; elle n’a pas davantage été informée de ces livraisons, or il est possible qu’elles aient contribué à détériorer le sol ;

— sur le plan juridique, elle a loué les lieux en l’état, ce qui a été accepté par le preneur, la société AMI, de sorte qu’aucune faute ne peut être retenue contre elle, en sa qualité de bailleur ; il n’y a pas de lien de causalité entre la prétendue faute du propriétaire et le sinistre hypothétique puisque le chargement était bien supérieur à 13 tonnes.

La SCI estime qu’en revanche, la faute de la société AMI doit être retenue, même si elle a été placée en liquidation judiciaire, dès lors qu’elle lui a loué des locaux refaits à neuf, en vertu d’un bail commercial signé le 24 juillet 2008 comportant un certain nombre de conditions, notamment en ce qui concerne l’installation des machines (article 9 et suivants), qui ne permettait pas d’installer une machine de 15,5 tonnes, et qu’en admettant que le bail commercial permette une telle installation, la société AMI était dans l’obligation de consulter au préalable l’architecte de la SCI, ce qu’elle n’a pas fait, engageant ainsi sa responsabilité pour le dommage causé au sol à cette occasion. Elle conclut que la société AMI a commis de nombreux manquement à ses obligations en tant que preneur à l’égard de son bailleur, et qu’en l’absence de connaissance de cause, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir effectué des travaux.

La SCI expose que le non-respect par le preneur (la société AMI) des conditions du bail commercial ne peut engager sa responsabilité, en tant que bailleresse, envers des tiers au bail, et elle souligne qu’étrangère à l’accident, elle n’en a été informée par personne, aucune partie à la procédure ne

l’ayant au demeurant assignée en intervention forcée à l’expertise.

Enfin, la SCI estime que la responsabilité de la société C D est également engagée en ce que, cliente de la société A, elle était tenue d’informer celle-ci de l’état du sol où la marchandise devait être livrée selon les CGV de la société A, et qu’il appartient à la cour de trancher le litige sur l’inopposabilité de ces CGV à ALLIANZ faute pour A de démontrer les avoir portées à la connaissance de la société C D, et expressément fait accepter par celle-ci.

Sur ce,

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction ici applicable, antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, du régime général et de la preuve des obligations, compte tenu de la date des relations contractuelles liant les parties ;

* sur la responsabilité de la société A à l’égard de la société C D

Il est constant que le sinistre est survenu lors de l’opération de déchargement de la machine d’imprimerie, à la suite d’un affaissement du sol, qui a entraîné le déséquilibrage du camion à l’engin de levage auquel la machine était suspendue, et la chute de celle-ci.

C’est ainsi dans le cadre du contrat d’entreprise souscrit aux fins de déchargement et de mise en place de la presse, formalisé par le devis émanant de la société A en date du 27 avril 2009, accepté par la société C D, qu’il convient d’apprécier la responsabilité de la société A envers la société C D, et par-là, de son assureur ALLIANZ, subrogé dans ses droits.

Comme il l’a été examiné ci-dessus, les CGV auxquelles se réfère la société A ne sont pas opposables à la société C D, et par-là, à la société ALLIANZ.

Le débiteur d’une obligation de résultat s’engage à procurer au créancier le résultat escompté.

En présence d’une obligation de résultat, il suffit que le créancier prouve que le débiteur n’a pas atteint le résultat escompté pour engager la responsabilité contractuelle de ce dernier.

En l’espèce, l’obligation qui incombe au débiteur qu’est la société A, consistant à décharger et mettre en place la presse, ne comporte pas par nature un aléa ou un risque d’échec que le créancier de cette obligation, qu’est la société C D, aurait accepté, le prestataire s’engageant à ce que la machine soit déchargée et mise en place sans avoir subi de dommages. Il a promis un résultat et était en mesure de contrôler l’exécution de son obligation pour atteindre ce résultat.

Par ailleurs, tel que cela est stipulé au contrat, le créancier de cette obligation n’a qu’un rôle passif dans les phases d’extraction hors container de la presse, de déchargement et de mise en place, qui incombent au prestataire A.

La société C D n’a en effet à sa charge, au titre de la sécurité, que l’obligation de 'dégager les aires de circulation afin de rentrer les appareils sans être gêné par les autres corps d’état', et pour les besoins du chantier, l’obligation de prendre en charge 'les heures d’attente ou d’interruption de chantier dont le prestataire ne serait 'pas directement responsable', 'les travaux supplémentaires non prévus dans [sa] spécification' et les 'heures supplémentaires pour travaux de nuit, dimanche et jours fériés qui seraient imposées par la réalisation des travaux pour une cause ne [lui] incombant pas'.

La marchandise ayant subi des dommages à l’occasion de la prestation de déchargement et de mise en place, la responsabilité contractuelle de la société A TRANSPORTS est engagée à l’égard de la société C D, le débiteur de l’obligation n’ayant pas atteint le résultat escompté.

Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner les manquements aux règles de l’art et fautes reprochés à la société A par ALLIANZ, tant pendant la phase préparatoire à la manutention que pendant l’exécution des opérations de manutention.

La cour jugeant que la société A TRANSPORTS n’est pas, dans le cadre du présent contrat d’entreprise, un transporteur au sens du code du commerce, mais un prestataire de service, astreint à une obligation de résultat, et que les conditions générales de vente invoquées par A ne sont pas opposables à ALLIANZ, la société A n’est pas fondée à solliciter le bénéfice des causes d’exonération de responsabilité stipulées dans lesdites conditions, à savoir, notamment, la force majeure, le fait du tiers et la faute du client, chargé de 'vérifier la résistance de la charge au sol, ainsi que (…) tous risques aggravant la bonne réalisation de la prestation', et plus largement les dispositions de l’article L 133-1 du code du commerce que ces conditions générales visent.

En revanche, elle peut s’exonérer de sa responsabilité si elle rapporte la preuve de ce que l’inexécution de son obligation provient d’une cause étrangère qui ne lui est pas imputable, au sens des articles 1147 et 1148 anciens du code civil.

En l’espèce, c’est vainement que la société A soutient que les conditions de la force majeure sont réunies, du seul fait de l’irrésistibilité de l’événement, malgré toutes les précautions prises par le transporteur, au soutien de sa demande de mise hors de cause, dès lors que :

— comme exposé ci-dessus, du fait de l’inopposabilité des CGV invoquées, la société A ne peut invoquer la faute de son client, voire celle du destinataire de sa prestation, tiers au contrat et absent de la présente procédure, pour démontrer que l’événement était irrésistible et qu’elle avait pris toutes les précautions utiles afin d’éviter sa survenance ;

— au contraire, il résulte des opérations d’expertise que les dommages ne résultaient pas d’un événement de force majeure, l’événement n’étant ni imprévisible ni irrésistible.

En effet, les expert ont notamment démontré que la société A n’avait pas sollicité toutes les informations nécessaires, qu’elle savait que la charge dépassait le maximum requis, que le mauvais état du sol était apparent et qu’elle n’avait pas mis de cale en bois pour diminuer la pression au sol.

Comme le fait valoir ALLIANZ, les experts ont mis en exergue les manquements successifs de la société A, au stade de la préparation des opérations de manutention, et pendant leur exécution.

Il en résulte que la société A avait les moyens de constater qu’un dommage était prévisible et qu’elle disposait de moyens pour éviter sa survenance.

Le dommage n’étant ni imprévisible ni irrésistible, la force majeure au sens des dispositions précitées n’est pas caractérisée.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de mise hors de cause de la société A.

*sur la responsabilité de la SCI à l’égard de la société C D

Le moyen concernant la délivrance de l’assignation au fond en date du 19 mai 2014, développé par ALLIANZ en page 21/25 de ses conclusions, ne correspondant pas à une prétention formulée par la SCI dans les termes des articles 4 et 954 du code de procédure civile dans ses dernières conclusions, la SCI ne faisant qu’évoquer le fait qu’elle n’aurait pas été 'touchée’ par l’assignation pour expliquer

son absence de constitution en première instance, son examen est sans objet.

Comme le soutient à juste titre la SCI, sa responsabilité ne peut être engagée au regard des seules expertises judiciaires versées au débat, dès lors qu’elle n’a pas été mise en mesure de participer aux opérations d’expertise, et qu’elle en soulève expressément l’inopposabilité, qu’il s’agisse tant de l’expertise confiée à M. Y que de celle confiée à M. X.

En effet, s’il est loisible au juge de se référer, pour asseoir sa conviction, à une expertise à laquelle une partie n’a été ni présente ni représentée, c’est à la condition que les données de cette expertise soient corroborées par d’autres éléments dont la nature et la valeur ont été précisées, ce qui n’est pas même soutenu par ALLIANZ, qui se réfère uniquement aux rapports d’expertises de M. X et de M. Y et à leurs annexes (analyses du sol du

parking, photographies) pour démontrer la responsabilité de la SCI, en sa qualité de bailleresse/propriétaire, dans la survenance du dommage.

Conformément au principe de la contradiction édicté à l’article 16 du code de procédure civile, en l’absence d’autres éléments versés au débat permettant de corroborer les rapports d’expertise invoquées par ALLIANZ, la responsabilité de la SCI à l’égard d’ALLIANZ ne peut être retenue.

L’examen de ses moyens de défense concernant la responsabilité de sa locataire, preneuse du bail commercial, à savoir la société AMI, la responsabilité de la société A et celle de la société D est dès lors sans objet.

4) Sur le quantum de l’indemnité

ALLIANZ sollicite la somme de 300 000 euros. Elle conteste la limitation de responsabilité que lui oppose la société A TRANSPORTS, en expliquant qu’elle ne lui est pas applicable parce que la société A TRANSPORTS n’est pas transporteur mais prestataire de service dans le cadre d’un contrat d’entreprise, de sorte que le régime du contrat de transport et ses limitations ne lui sont pas applicables, pas plus que les éventuelles limitations contenues dans les Conditions Générales de Vente de la société A TRANSPORTS dès lors que lesdites CGV n’ont été ni portées à la connaissance de la société C ni acceptées par cette dernière.

La société A TRANSPORTS demande que l’indemnité allouée n’excède pas la somme de 22 867 euros,comme stipulée dans le devis signé et accepté par la société C D, et repris dans les CGV, peu important dès lors que celles-ci soient déclarées inopposables.

Très subsidiairement, elle demande d’appliquer les limites de réparations édictées à l’article 21 du Contrat Type Général applicable de plein droit au transport litigieux et ainsi de fixer l’indemnité à la somme de 38 180 euros, en l’absence de preuve qu’elle aurait commis une faute inexcusable, la privant du bénéfice des limites de réparation.

La société A TRANSPORTS précise qu’en toute hypothèse, les demandes de la société ALLIANZ formulées à hauteur de la somme de 300 000 euros ne sont pas justifiées et demande à titre infiniment subsidiaire de fixer l’indemnité à la somme de 220 653 euros, correspondant à l’évaluation des dommages de la presse retenue par l’expert Y en 2009, sous déduction de la valeur vénale de la machine remplacée qu’il appartiendra à ALLIANZ de justifier.

La […] expose que la somme de 300 000 euros demandée par la société ALLIANZ IARD ne correspond pas aux montants retenus par l’expert judiciaire et que , subrogée dans les droits de la société C, elle ne peut agir que dans la limite des droits de la société C et ne peut pas avoir plus de droits qu’elle, de sorte que, à défaut de justifier de la preuve du montant sollicité, elle doit être déboutée de ses demandes.

Sur ce,

Comme exposé ci-dessus, la société A TRANSPORTS n’est pas transporteur mais prestataire de service dans le cadre d’un contrat d’entreprise. Il s’en déduit que le régime du contrat de transport et ses limitations ne lui sont pas applicables, pas plus que les limitations contenues dans les Conditions Générales de Vente qu’elle invoque en vain, dès lors que la preuve n’est pas rapportée que lesdites CGV ont été portées à la connaissance de la société C D et acceptées par cette dernière.

Il n’en demeure pas moins que la société C D a signé et accepté le devis de la société A TRANSPORTS et comme celle-ci le fait valoir, ce devis mentionne en page 6, dans son paragraphe VI Assurances-Extensions de garantie, les limites de responsabilité suivantes :

'Nous ne sommes assurés que pour les dommages engageant notre responsabilité.

- Dommages matériels : 152.450, 00 euros maximum par sinistre avec une sous limite de 22.867, 00 Euros par unité confiée. Franchise de 153 Euros'.

Une extension des garanties est envisagée dans les termes suivants :

'En cas de nécessité d’assurance à une valeur supérieure aux limites sus énoncées, nous vous conseillons vivement de souscrire auprès de nos services une assurance Ad Valorem. Celle-ci sera valorisée par nos soins en fonction de la valeur que vous nous indiquerez pour les matériels transportés et/ou manutentionnés'.

Sauf à dénaturer les termes clairs et précis du contrat ainsi formé, la cour ne peut suivre ALLIANZ lorsqu’elle soutient qu’elle a le droit à l’indemnisation de l’entier préjudice.

En revanche, la société A ne peut sérieusement prétendre que la prestation ne concerne qu’une seule unité au sens du devis accepté, dès lors que, s’il s’agit bien de décharger une presse et de la mettre en place, sont mentionnés dans le paragraphe Descriptif et Volume les détails suivant :

—  1re caisse, poids : 15 T5

- 2e caisse : poids : 2 T 5.

Les deux caisses en question, par leur volume et leur poids, doivent être considérées comme deux 'unités confiées’ au sens des stipulations concernant la responsabilité de la société A, de sorte que le préjudice indemnisable s’élève à 45734 euros, franchise de 153 euros non déduite, soit 45 581 euros après déduction de la franchise.

Dès lors qu’il ne peut être fait droit à la demande soutenue à titre infiniment subsidiaire par la société A, tendant à faire application des limites de réparations édictées au Contrat Type Général applicable au contrat de transport, parce que la cour n’a pas retenu cette qualification, la somme retenue s’élève à 45 581 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l’assignation, soit le 05 mai 2014, capitalisés dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil, comme ALLIANZ le sollicite.

5) Sur les appels en garantie formulés par la société A à l’encontre de la société AMI et de la […] d’une part, et par la SCI à l’encontre de la société A

Vu l’article 1382 ancien du code civil ;

La société A demande que la […], déclarée responsable du sinistre

survenu aux côtés de la société AMI, soit condamnée à la relever et garantir de toutes les sommes mises à sa charge.

La […] estime que l’appel en garantie de la société A à son encontre doit être rejeté dès lors qu’elle n’est pas responsable du sinistre, contrairement à la société A, dont la responsabilité en tant que professionnel qui devait exécuter une obligation de résultat, et qui a pris les risques en connaissance de cause, est en revanche caractérisée et démontrée par les deux expertises, responsabilité qui est même prépondérante au regard des autres responsabilités encourues des sociétés C et AMI.

Subsidiairement, elle sollicite que la société A la garantisse intégralement, et souligne que si une responsabilité est retenue à l’égard des sociétés AMI et C, en dépit de leur absence, la quote-part de responsabilité de ces dernières s’impute nécessairement des sommes mises à la charge des sociétés défenderesses.

Sur ce,

La cour relève tout d’abord que l’appel en garantie formulé en page 19 de ses écritures par la société A TRANSPORTS à l’encontre de la société AMI et de la […], n’est formulé qu’à l’égard de la SCI dans le dispositif de ses conclusions, récapitulant lesdites prétentions. Or, en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Il n’y a ainsi pas lieu de répondre à l’appel en garantie formulé par la société A à l’encontre de la société AMI.

Concernant l’appel en garantie de la société A à l’encontre de la SCI, force est de constater qu’aucun moyen n’est formulé au soutien de cette prétention. La demande ne peut en conséquence qu’être rejetée.

L’examen de l’appel en garantie formulé en défense par la SCI à l’égard de la société A est dès lors sans objet, ainsi que la demande concernant la quote-part de responsabilité des sociétés AMI et C.

6) Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Partie perdante, la société A TRANSPORTS sera condamnée aux entiers dépens, comprenant les frais des expertises judiciaires de M. Y et M. X et à payer à ALLIANZ en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 5 000 euros.

ALLIANZ sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles formée à l’encontre de la […].

La société A sera déboutée de ses demandes formées de ce chef à l’encontre de ALLIANZ et de la […].

La […], qui invoque de manière inopérante son attrait dans une procédure selon elle abusive au soutien de sa demande au titre des frais irrépétibles, est en revanche fondée en équité à obtenir la condamnation d’ALLIANZ à lui payer la somme de 2 500 euros sur ce fondement, ALLIANZ l’ayant attraite vainement à la procédure. Sa demande à l’encontre de la société A, qui n’a fait qu’user d’un moyen de défense en sollicitant sa garantie, sera en revanche rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau et Y ajoutant :

Déboute la société A TRANSPORTS et la […] de leur fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir de la société ALLIANZ IARD, au titre de la subrogation légale dont elle justifie ;

Déboute la société A TRANSPORTS de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Déclare la société ALLIANZ IARD recevable en ses demandes ;

Rejette la demande de mise hors de cause formulée par la société A TRANSPORTS ;

Condamne la société A TRANSPORTS à payer à la société ALLIANZ IARD, subrogée dans les droits de la société C D, devenue la société LFI, la somme de 45 581 euros, augmentée des intérêts au taux légal courant à compter du 05 mai 2014 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil ;

Condamne la société A TRANSPORTS aux entiers dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais des deux expertises judiciaires, dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile pour les avocats pouvant y prétendre ;

Condamne la société A TRANSPORTS à payer à la société ALLIANZ IARD la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société ALLIANZ IARD à payer à la […] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société ALLIANZ de sa demande au titre des frais irrépétibles formée à l’encontre de la […] ;

Déboute la […] de sa demande formulée sur ce même fondement, à l’encontre de la société A ;

Déboute la société A TRANSPORTS de ses demandes formées de ce chef ;

Rejette l’appel en garantie formulé par la société A TRANSPORTS à l’encontre de la […] ;

Dit que l’appel en garantie formulé par la […] à l’encontre de la société A TRANSPORTS est sans objet.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 29 juin 2021, n° 19/16020