Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 2 décembre 2003, 02-85.254, Publié au bulletin

  • Incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire·
  • Exception soulevée par l'assureur (article 388·
  • Intervention ou mise en cause de l'assureur·
  • Délit commis dans l'exercice des fonctions·
  • Professions médicales et paramédicales·
  • Exception soulevée par l'assureur·
  • Faute non détachable du service·
  • 1 du code de procédure pénale)·
  • Juridictions correctionnelles·
  • Agent d'un service public

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

°

Il résulte des dispositions combinées des articles 385-1 et 388-1 du Code de procédure pénale que l’assureur intervenant au procès pénal dans une poursuite pour homicide involontaire est recevable à proposer une exception tirée de l’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour connaître de l’action civile dirigée contre son assuré.

Les juridictions de l’ordre administratif sont seules compétentes pour connaître de l’action en réparation des dommages causés, dans l’exercice de ses fonctions, par un médecin régulateur du centre de réception et de régulation des appels du service d’aide médicale urgente (SAMU)(2).

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux décembre deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur les pourvois formés par :

— X… Claude,

— La SOCIETE LA MEDICALE DE FRANCE, partie intervenante,

contre l’arrêt de la cour d’appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 26 juin 2002, qui, pour homicide involontaire, a, sur renvoi après cassation, condamné le premier à 3 mois d’emprisonnement avec sursis, ainsi qu’à 10 000 francs d’amende, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du Code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, 221-6 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le docteur Claude X… coupable du délit d’homicide involontaire et l’a condamné à la peine de 10 000 francs d’amende, en ce qu’il l’a déclaré seul et entièrement responsable, et tenu de réparer l’entier préjudice subi par les parties civiles, en ce qu’il l’a condamné à payer à celles-ci une provision et en ce qu’il a renvoyé l’affaire aux fins de liquidation du préjudice ;

« aux motifs propres qu’il ressort des textes réglementant les activités du SAMU, et dans le cadre notamment de la convention relative à la participation des médecins libéraux à l’aide médicale urgente, conclue le 5 mai 1988 entre le syndicat des médecins du Bas-Rhin et l’association des Soins et urgences médicales – article 8 – que la mission du médecin régulateur est de déclencher une réponse adaptée à la nature des appels, de décider, si besoin, d’un transport sanitaire public ou privé, de déclencher, si nécessaire, l’intervention des moyens mobiles de secours et de soins d’urgence hospitaliers, et d’assurer le suivi de ces opérations ;

que l’examen de la retranscription qui a été faite des cassettes audio sur lesquelles ont été enregistrées les appels reçus par le SAMU le 1er décembre 1996, des procès-verbaux d’audition de Josiane Y… et du docteur X…, il découle de la démonstration que le prévenu n’a pas mis en oeuvre les diligences normales lui incombant eu égard à sa mission (rappelée ci-dessus) à sa compétence (il a fait état de sa qualité de médecin généraliste et de membre de l’ASUM depuis 1982 et de son activité de régulateur libéral depuis 1989) et à ses pouvoirs ainsi qu’aux moyens dont il disposait ; il était en effet de la nature même de sa mission de décider de la réponse à apporter au cas de Jean-Pierre Y… et il en avait également les moyens puisque l’information a établi que trois ambulances étaient disponibles et auraient pu en conséquence intervenir à sa demande ; que ce n’est pas l’impatience dont il a fait preuve à l’égard de Josiane Y… (qui est évidente à la lecture de la retranscription évoquée plus haut) et qu’il a reconnue lors de son audition par les premiers juges, qui est en soi constitutive de la faute qui lui est reprochée : que cependant cette impatience a pour conséquence que les explications données par Josiane Y… ont été négligées et mésestimées par lui (les experts judiciaires l’ont relevé en page 3 de leur rapport du 18 novembre 1997), et qu’il a omis de lui poser les quelques questions complémentaires (évoquées par les mêmes experts) qui lui auraient permis d’affiner – non pas son diagnostic puisque le docteur X… a rappelé maintes fois à la Cour qu’il n’avait pas à poser de diagnostic – mais son évaluation de la gravité de la situation dans laquelle se trouvait ce patient, de l’urgence à lui apporter une réponse adaptée, et partant du choix des moyens à mettre en oeuvre ; que, par ailleurs, les experts ont largement insisté sur le peu de sérieux de l’indication de tétanie compte tenu des quelques renseignements qu’a pu donner Josiane Y…, renseignements dont la teneur exacte est établie par les enregistrements mentionnés plus haut ; que les experts ont certes rappelé que « poser un diagnostic précis (les experts employaient ce terme ce terme diagnostic) sur la description de symptômes émanant d’un médecin est une situation difficile » ;

mais que tout aussitôt ils ont ajouté que "si l’on veut agir avec un maximum de sécurité, il convient d’envisager en premier les diagnostics les plus graves et non pas les troubles fonctionnels ; la survenue brutale d’un infarctus du myocarde chez un homme de 45 ans est une situation suffisamment fréquente pour être évoquée d’emblée devant une douleur thoracique tenace" ; que, par son attitude et ses choix, le docteur X… a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage, et ce indépendamment du retard imputable à Marielle Z…, puisque pour une simple crise d’angoisse ou de tétanie (l’audition des cassettes décèle qu’il n’a envisagé que cette unique hypothèse quels que soient les doutes dont il a fait part à la Cour) il a envoyé sur place un médecin qui n’était pas muni des moyens d’intervention nécessaires, alors que les experts A… et B… ont insisté sur le caractère d’urgence médicale rapide de l’infarctus du myocarde dans les termes suivants : "le malade doit être pris en charge le plus rapidement possible pour être placé sous surveillance continue dans une unité de soins intensifs de cardiologie ; le transport doit être réalisé par une structure médicalisée permettant d’assurer un contrôle électrocardiographique continu, de traiter un éventuel trouble du rythme, très fréquent à la période initiale, enfin d’entreprendre un traitement du choc s’il existe des symptômes évocateurs ; c’est la stratégie actuellement recommandée et sa mise en oeuvre depuis quelques années qui ont permis d’améliorer notablement le pronostic de l’infarctus à la phase aiguë toujours critique" ; que, si l’erreur de diagnostic, ainsi que l’a rappelé l’avocat du prévenu dans ses écritures et sa plaidoirie, n’est pas en soi une faute engageant la responsabilité pénale de son auteur, tel n’est pas le cas quand cette erreur résulte d’une négligence dans l’examen clinique conduit de manière rapide, superficielle ou incomplète ; que cette jurisprudence peut être transposée au cas présent en ce que l’interrogatoire de Josiane Y…, fait par le docteur X…, sur les symptômes présentés par son mari a été précisément effectué de manière rapide, superficielle et incomplète (en raison de l’impatience manifestée par ce médecin régulateur qui, de son propre aveu, était irrité par l’insistance de Josiane Y… – laquelle lui paraissait mettre en doute sa réponse – à lui réclamer une intervention rapide de secours : que ce comportement gravement fautif, eu égard non seulement à la mission de régulateur de Claude X…, mais aussi eu égard à sa qualité de médecin et de soignant, a ici et de façon concrète exposé Jean-Pierre Y… à un risque sérieux mortel ou gravement invalidant et dont il ne pouvait ignorer la réalité tant en considération de son expérience de praticien que des informations qui lui ont été fournies par l’épouse de la victime ; que les experts ont en effet énoncé à cet égard l’avis suivant :

« dans le cas présent on peut estimer qu’il s’est écoulé dans un délai de 1 heure 10 le début des symptômes et la mort, et 50 minutes entre l’appel et la mort, si l’on fixe l’heure du décès à 0 heure 42 ; la prise en charge médicalisée par une équipe du SAMU était possible, ce

qui augmentait considérablement les chances du malade ; au cours de la première heure d’un infarctus les troubles du rythme cardiaque sont fréquents, certains sont extrêmement graves, voire mortels s’ils ne sont pas rapidement traités (tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire) par un choc électrique, geste simple pour une équipe du SAMU ; on ne sait pas si Jean-Pierre Y… a fait des troubles du rythme mais l’hypothèse est hautement probable ; on sait en revanche qu’il n’est pas mort d’une complication dépassant les possibilités thérapeutiques, une rupture du coeur par exemple :

jusqu’à l’autopsie le coeur était normal en dehors de la lésion coronaire" ; que les fautes caractérisées au sens de l’article 121-3 du Code pénal commises dans ces conditions par les deux prévenus sont en lien indirect mais certain avec le décès de Jean-Pierre Y… le 2 décembre 1996 à 0 heures 42 ; que le rapport des experts déjà cité démontre suffisamment que Marielle Z… et plus gravement le docteur X… ont fait perdre à Jean-Pierre Y… toute chance de survie, en sorte qu’ils ont effectivement participé à son décès ;

« alors que les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ; que ne constitue pas une faute caractérisée, la simple erreur d’appréciation ayant provoqué un retard dans les soins et ainsi contribué à la survenance du décès ;

que la cour d’appel ne pouvait dès lors décider légalement que le seul fait, pour le docteur X…, d’avoir commis une telle erreur constituait une faute caractérisée, de sorte que sa responsabilité pénale était engagée nonobstant le caractère indirect du lien de causalité avec le décès" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, le 2 décembre 1996, Jean-Pierre Y…, âgé de 45 ans, est décédé à son domicile d’un infarctus du myocarde, avant l’arrivée du médecin envoyé par le service d’aide médicale urgente (SAMU), saisi d’une demande de secours 50 minutes plus tôt par l’épouse de la victime ;

Attendu que, pour déclarer Claude X…, médecin régulateur au centre de réception et de régulation des appels médicaux du SAMU, coupable d’homicide involontaire, l’arrêt énonce qu’en faisant le choix, après avoir procédé de manière rapide, superficielle et incomplète à l’interrogatoire téléphonique de Josiane Y…, d’envoyer sur place un médecin de quartier dépourvu des moyens d’intervention nécessaires plutôt que l’une des trois ambulances du service médical d’urgence alors disponibles, le prévenu, qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage, a commis une faute caractérisée exposant le malade à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer eu égard â son expérience de praticien et aux informations qui lui étaient communiquées ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, la cour d’appel a justifié sa décision au regard des articles 121-3, alinéa 4, et 221-6 du Code pénal ;

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Mais, sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 2, 3, 385-1, 388-1, 520 et 593 du Code de procédure pénale, de l’article 1382 du Code civil et de la loi des 16 et 24 août 1790, excès de pouvoir, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré irrecevable l’exception d’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire, invoquée par la Médicale de France avant toute défense au fond, en ce qu’elle a déclaré le docteur Claude X… seul et entièrement responsable du préjudice subi par les parties civiles, en ce qu’elle l’a condamné à réparer leur entier préjudice et à leur verser une provision, puis en ce qu’elle a ordonné le retour du dossier au tribunal correctionnel de Strasbourg pour continuation de l’instance sur les intérêts civils ;

« aux motifs qu’à hauteur d’appel devant la cour d’appel de Colmar et à nouveau devant cette Cour, la Médicale de France a soulevé l’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire ; qu’à l’égard de l’assureur, la Cour reprendra la motivation de la cour d’appel de Colmar fondée sur les dispositions de l’article 388-1 et suivants du Code de procédure pénale et leur interprétation jurisprudentielle, étant rappelé que l’article 388-1, aliéna 3, du Code de procédure pénale qui, en ce qui concerne les débats et les voies de recours, applique à l’assureur les règles concernant les personnes civilement responsables et les parties civiles, mais sous réserve de l’article 385-1 du Code pénal, lequel n’admet comme pertinentes que les exceptions fondées sur une cause de nullité ou sur une clause du contrat d’assurance, et tendant à mettre l’assureur hors de cause, et à condition qu’elles soient de nature à exonérer totalement l’assureur de son obligation de garantie à l’égard des tiers ; que la Médicale de France ne peut en conséquence être admise à présenter l’exception d’incompétence développée dans ses écritures et sa plaidoirie ;

« aux motifs que l’activité du médecin régulateur résulte des dispositions suivantes :

— la loi du 6 janvier 1988, article 4, définit les SAMU et énonce que : "le fonctionnement de ces centres est assuré avec les praticiens représentés par les instances départementales des organisations représentatives nationales ou les organisations ou associations représentatives au plan départemental à des conventions approuvées par le représentant de l’Etat dans le Département ;

— le décret 87-1005 du 16 décembre 1987 qui réglemente en son chapitre III, « la participation des médecins d’exercice libéral au centre de réception et de régulation des appels médicaux » (les appels téléphoniques) ; l’article II dudit décret prévoyant que la participation de ces médecins est déterminée par convention ;

— la convention nationale du 8 décembre 1987 mentionne en son article 3, concernant le statut du médecin régulateur, qu’il s’agit « de praticiens conventionnés, installés dans le département exerçant de façon habituelle une activité en consultations et en visites et assurant des gardes de nuit, jours fériés, dimanches et des astreintes de jour », et dont l’article 3 2 impose au médecin régulateur le maintien de son activité privée auprès de la clientèle privée ;

que ce texte réglemente également la rémunération du médecin régulateur, qui est constituée par un honoraire équivalent à trois consultations d’omnipraticiens par heure versé par la caisse d’assurance maladie, (et non par l’Etat ou l’hôpital) ;

— la convention locale du 5 mai 1988 prise en application de l’article 11 du décret 16.XII-1987 qui rappelle que l’ASUM 67, « garantit la présence d’un médecin libéral pour assurer la régulation » et dont l’article 4 dispose que l’ASUM 67 agit dans le cadre de la médecine libérale et assume toutes les responsabilités en découlant ;

— l’article 4 de la convention du 15 février 1989 rappelle encore que le rôle du CHR est limité à la transmission aux médecins de l’ASUM de l’information permettant le déclenchement de leurs interventions ;

que, par ailleurs, la circulaire relative aux conditions du partenariat entre le service public hospitalier et les médecins d’exercice libéral dans le cadre de l’aide médicale urgente (circulaire du 28 décembre 1988) prévoit que les médecins d’exercice libéral « doivent être associés au fonctionnement des centres de réception et de régulation des appels » et énonce que la « responsabilité dit service public hospitalier peut être engagée par l’action ou l’abstention des médecins régulateurs, qu’ils soient hospitaliers ou libéraux, sans que cela signifie une quelconque subordination de la personne morale représentant les médecins libéraux à l’Etablissement hospitalier », précisant en outre qu’il est impératif que les médecins libéraux souscrivent individuellement ou par le biais de la personne morale qui les représentent une assurance leur permettant de faire face à une mise en jeu éventuelle de leur responsabilité médicale ;

que c’est donc par une volontaire confusion entre la responsabilité des hôpitaux et celle du médecin régulateur, que la compagnie d’assurance, la Médicale de France et le docteur X… soutiennent que celui-ci participerait au service public, alors qu’en réalité, il participait en tant que médecin libéral désigné par l’ASUM au service d’appels vers le service public, son rôle se bornant à recevoir l’appel et à diriger cet appel soit vers un médecin de secteur soit vers une équipe médicalisée du SAMU ; qu’il suit que l’exception d’incompétence ne peut davantage prospérer ; que les parties auront donc à débattre de l’indemnisation des ayants droit de la victime devant le tribunal correctionnel de Strasbourg statuant sur les intérêts civils ;

« 1 ) alors qu’en ce qui concerne les débats et les voies de recours, les règles concernant les personnes civilement responsables sont applicables à l’assureur qui intervient volontairement à l’instance engagée contre son assuré du chef d’homicide ou de blessures involontaires ; que l’assureur qui intervient volontairement à l’instance est par conséquent recevable à invoquer les mêmes exceptions de procédure que son assuré ; que la cour d’appel ne pouvait donc légalement déclaré la Médicale de France irrecevable à soulever une exception d’incompétence des juridictions de l’Ordre judiciaire pour connaître des demandes d’indemnités formées par les parties civiles à l’encontre du docteur X… ;

« 2 ) alors qu’en toute hypothèse, les juridictions de l’ordre judiciaire ne sont compétentes pour apprécier la responsabilité civile d’un collaborateur du service public que lorsqu’elles relèvent à la charge de celui-ci une faute personnelle détachable de ses fonctions ; qu’à défaut, seules les juridictions de l’ordre administratif sont compétentes pour connaître de l’action en indemnisation exercée par la victime ; qu’en pareil cas, l’incompétence de la juridiction répressive est d’ordre public, de sorte qu’elle doit être relevée d’office par cette juridiction et qu’elle peut être proposée pour la première fois devant la Cour de Cassation ; qu’en se déclarant néanmoins compétente pour connaître de l’action en responsabilité civile exercée à l’encontre du docteur X…, après avoir relevé qu’il avait agi en qualité de collaborateur du SAMU, qui est un service public, et sans relever à son encontre une faute personnelle, détachable du service, la cour d’appel a violé le principe susvisé" ;

Et, sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 2, 3, 385-1, 388-1, 520 et 593 du Code de procédure pénale, de l’article 1382 du Code civil et de la loi des 16 et 24 août 1790, excès de pouvoir, défaut de motif et manque de base légale ;

« en ce que la cour d’appel a déclaré le docteur X… seul et entièrement responsable des conséquences civiles du décès de Jean-Pierre Y… et a décidé qu’il était tenu de réparer seul l’entier préjudice ;

« aux motifs que le docteur X… soulève l’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire ; que l’activité du médecin régulateur résulte des dispositions suivantes :

— la loi du 6 janvier 1988, article 4, définit les SAMU et énonce que : "le fonctionnement de ces centres est assuré avec les praticiens représentés par les instances départementales des Organisations représentatives nationales ou les organisations ou Associations représentatives au plan départemental à des conventions approuvées par le représentant de l 'Etat dans le Département ;

— le décret 87-1005 du 16 décembre 1987 qui réglemente en son chapitre III, « la participation des médecins d’exercice libéral au centre de réception et de régulation des appels médicaux » (les appels téléphoniques) ; l’article II dudit décret prévoyant que la participation de ces médecins est déterminée par convention ;

— la convention nationale du 8 décembre 1987 mentionne en son article 3, concernant le statut du médecin régulateur, qu’il s’agit « de praticiens conventionnés, installés dans le département exerçant de façon habituelle une activité en consultations et en visites et assurant des gardes de nuit, jours fériés, dimanches et des astreintes de jour », et dont l’article 3 2 impose au médecin régulateur le maintien de son activité privée auprès de la clientèle privée ;

ce texte réglemente également la rémunération du médecin régulateur, qui est constituée par un honoraire équivalent à trois consultations d’omnipraticiens par heure versé par la caisse d’assurance maladie, (et non par l’Etat ou l’hôpital) ;

— la convention locale du 5 mai 1988 prise en application de l’article 11 du décret 16.XIl-1987 qui rappelle que l’ASUM 67, « garantit la présence d’un médecin libéral pour assurer la régulation » et dont l’article 4 dispose que l’ASUM 67 agit dans le cadre de la médecine libérale et assume toutes les responsabilités en découlant ;

— l’article 4 de la convention du 15 février 1989 rappelle encore que le rôle du CHR est limité à la transmission aux médecins de l’ASUM de l’information permettant le déclenchement de leurs interventions ;

que par ailleurs la circulaire relative aux conditions du partenariat entre le service public hospitalier et les médecins d’exercice libéral dans le cadre de l’aide médicale urgente :

(circulaire du 28 décembre 1988) prévoit que les médecins d’exercice libéral « doivent être associés au fonctionnement des centres de réception et de régulation des appels » et énonce que la « responsabilité du service public hospitalier peut être engagée par l’action ou l’abstention des médecins régulateurs, qu’ils soient hospitaliers ou libéraux, sans que cela signifie une quelconque subordination de la personne morale représentant les médecins libéraux à l’Etablissement hospitalier », précisant en outre qu’il est impératif que les médecins libéraux souscrivent individuellement ou par le biais de la personne morale qui les représentent une assurance leur permettant de faire face à une mise en jeu éventuelle de leur responsabilité médicale ;

que c’est donc par une volontaire confusion entre la responsabilité des hôpitaux et celle du médecin régulateur, que la compagnie d’assurance, la Médicale de France et le docteur X… soutiennent que celui-ci participerait au service public, alors qu’en réalité, il participait en tant que médecin libéral désigné par l’ASUM au service d’appels vers le service public, son rôle se bornant à recevoir l’appel et à diriger cet appel soit vers un médecin de secteur soit vers une équipe médicalisée du SAMU ; qu’il suit que l’exception d’incompétence mise en oeuvre par le prévenu pour pallier l’irrecevabilité de l’exception émise par son assureur ne peut davantage prospérer ; que les parties auront donc à débattre de l’indemnisation des ayants droit de la victime devant le tribunal correctionnel de Strasbourg statuant sur les intérêts civils ;

« alors que, les juridictions de l’ordre judiciaire ne sont compétentes pour apprécier la responsabilité civile d’un collaborateur du service public que lorsqu’elles relèvent à la charge de celui-ci une faute personnelle détachable de ses fonctions ; qu’à défaut, seules les juridictions de l’ordre administratif sont compétentes pour connaître de l’action en indemnisation exercée par la victime ; qu’en pareil cas, l’incompétence de la juridiction répressive est d’ordre public ; qu’en se déclarant néanmoins compétente pour connaître de l’action en responsabilité civile exercée à l’encontre du docteur X…, après avoir relevé qu’il avait agi en qualité de collaborateur du SAMU, qui est un service public, et sans relever à son encontre une faute personnelle, détachable du service, la cour d’appel a violé le principe susvisé" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu la loi des 16 et 24 août 1790 ;

Attendu que l’agent d’un service public n’est personnellement responsable des conséquences dommageables de l’acte délictueux qu’il commet que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions ;

Attendu qu’intervenant pour la première fois en cause d’appel, la société La Médicale de France, assureur du prévenu, et le prévenu lui-même ont décliné la compétence de la juridiction correctionnelle, les faits reprochés constituant, selon eux, des fautes de service relevant de la compétence exclusive de la juridiction administrative ;

Attendu que, pour écarter cette exception d’incompétence, déclarée irrecevable en tant qu’elle était soulevée par l’assureur comme n’entrant pas dans les prévisions de l’article 385-1 du Code de procédure pénale, la cour d’appel retient, par les motifs repris au moyen, que le prévenu est un médecin libéral participant au service d’appel vers le service public ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que les fautes dont Claude X…, alors agent d’un service public administratif, a été déclaré coupable, ne peuvent être considérées comme détachables de ses fonctions de médecin régulateur du centre de réception et de régulation des appels du SAMU, telles qu’elles résultent des dispositions de l’article L. 711-7 devenu L. 6112-5 du Code de la santé publique et du décret du 16 décembre 1987 relatif aux missions et à l’organisation des unités participant au SAMU, la cour d’appel qui, au surplus, ne pouvait déclarer la partie intervenante irrecevable à proposer une exception touchant à l’ordre public, a méconnu le texte susvisé et le principe ci- dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et attendu que, le prévenu étant dégagé de toute responsabilité civile personnelle, il n’y a plus rien à juger devant les juridictions de l’ordre judiciaire ; que la cassation doit être prononcée sans renvoi ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin d’examiner le quatrième moyen proposé ,

CASSE et ANNULE l’arrêt précité de la cour d’appel de Metz, en date du 26 juin 2002, en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Agostini conseiller rapporteur, MM. Blondet, Palisse, Le Corroller conseillers de la chambre, Mme Beaudonnet, Gailly conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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