Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 septembre 2020, 19-80.197, Inédit

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  • Personne morale

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

N° P 19-80.197 F-D

N° 1496

SM12

8 SEPTEMBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 8 SEPTEMBRE 2020

M. W… M… et M. D… M… ont formé des pourvois contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes, en date du 16 novembre 2018, qui, dans l’information suivie contre l’Etablissement Public de Santé Mentale […] (EPMS […]) du chef d’homicide involontaire, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires en demande et en défense et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Chauchis, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de M. W… M… et M. D… M…, parties civiles, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de EPSM […], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l’audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Chauchis, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 5 février 2014, M. et Mme M… et leur fils, M. D… M…, ont déposé plainte et se sont constitués partie civile auprès du doyen des juges d’instruction de Lorient (Morbihan), reprochant à l’EPMS […] et au personnel soignant de cet établissement une faute dans la prise en charge de leur enfant et frère qui, alors qu’il y était admis en hospitalisation libre depuis le 26 août 2012, en est sorti le 10 septembre et a, le soir même, mis fin à ses jours.

3. Une information judiciaire a été ouverte, le 26 mai 2014, contre personne non dénommée du chef d’homicide involontaire.

4. Au terme de ses investigations, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu en ce qu’il ne résultait pas de charges suffisantes contre une quelconque personne physique. Saisie d’un appel des parties civiles, la chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance de non-lieu et ordonné un supplément d’information aux fins de mise en examen de l’EPMS […], personne morale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention des droits de l’homme, des articles 121-2, 121-3 et 221-6 du code pénal, des articles préliminaires, 176, 184, 211, 212, 204, 205, 591 et 593 du code de procédure pénale.

6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé l’ordonnance de non-lieu entreprise rendue le 6 mai 2016 par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Lorient, alors :

« 1°/ que les arrêts de la chambre de l’instruction doivent être motivés et que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que les juridictions d’instruction doivent effectuer tous les actes qu’elles jugent utiles à la manifestation de la vérité en instruisant à charge et à décharge et en ordonnant, au besoin, un supplément d’information ; qu’en s’abritant derrière la prétendue impossibilité de préciser les manquements imputables à l’EPSM […] et d’en identifier les auteurs, pour confirmer le non-lieu en faveur de cet établissement de soins, tout en relevant l’existence de négligences dans la transmission des informations médicales au médecin ayant autorisé la sortie de B… M… juste avant son suicide, la chambre de l’instruction, à qui il appartenait, au besoin, d’ordonner un nouveau supplément d’information pour préciser ces manquements et identifier les auteurs à l’origine des négligences constatées, a méconnu les dispositions susvisées ;

2°/ que les négligences dans l’organisation du service médical peuvent constituer des fautes simples imputables aux établissements de santé ; qu’en se fondant, pour confirmer le non-lieu entrepris en faveur de l’EPSM […], sur la prétendue impossibilité de préciser les manquements imputables à cet établissement et d’en identifier les auteurs, mais sans rechercher si les négligences qu’elle a constatées dans la transmission des informations médicales au médecin qui avait autorisé la sortie de B… M… juste avant son suicide ne constituaient pas une faute d’organisation du service médical imputable au directeur de l’établissement ou au chef de l’équipe médicale, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ;

3°/ que tout arrêt de la chambre de l’instruction doit être motivé et répondre aux chefs péremptoires des mémoires régulièrement déposés par les parties ; qu’en disant n’y avoir lieu à renvoi de l’EPSM […] à la suite du décès de B… M…, sans autrement s’expliquer, comme elle y était invitée, sur les négligences dans l’organisation du service consistant à ne pas recevoir la famille d’une personne hospitalisée pour tendances suicidaires préalablement à sa sortie, afin qu’elle puisse s’y opposer en demandant une hospitalisation sous contrainte ou, à tout le moins, être présente et l’accompagner lors de ce départ, la chambre de l’instruction a méconnu les dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

7. Pour confirmer l’ordonnance de non-lieu, l’arrêt attaqué relève, s’agissant de l’EPMS […], personne morale, qu’un supplément d’information aux fins de sa mise en examen a été ordonné dès lors que, sans préjudice de l’issue de l’information, il existait des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que cet établissement ait pu commettre une faute d’imprudence, de négligence ou un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité exigée pour constituer le délit.

8. Les juges retiennent que, dans son interrogatoire de première comparution réalisé en exécution du supplément d’information, le directeur de l’établissement soutient que la procédure administrative a été régulière, qu’il n’a eu aucune information sur l’évolution de l’état de santé de B… M…, que le choix thérapeutique relève du corps médical et qu’il ne peut se prononcer sur le fait qu’il aurait ou non été nécessaire de mettre en place une hospitalisation sous contrainte.

9. Ils en concluent que, si des indices existent au dossier tendant à rendre vraisemblable qu’une négligence a pu avoir lieu notamment en lien avec une transmission et une connaissance imparfaite des éléments du dossier par le médecin qui a vu B… M… le jour de sa sortie, il ne ressort pas du dossier ni du supplément d’information les éléments permettant de préciser les éventuels manquements, d’en identifier le ou les auteurs et donc de mettre en évidence des charges à l’encontre de l’EPSM […] d’avoir commis une faute d’imprudence, de négligence ou un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité.

10. En l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction, qui a répondu sans contradiction ni insuffisance aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, et estimé que l‘information était complète et qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre la personne morale d’avoir commis le délit d’homicide involontaire, ni toute autre infraction, a justifié sa décision.

11. Dès lors, le moyen n’est pas fondé.

12. Par ailleurs l’arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit septembre deux mille vingt.

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Textes cités dans la décision

  1. Code pénal
  2. Code de procédure pénale
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