Conseil d'État, Assemblée, 12 octobre 2018, 408567, Publié au recueil Lebon

  • Réserves accompagnant la convention ou un de ses protocoles·
  • Réserves accompagnant un traité ou un accord international·
  • Appréciation par le juge administratif de leur validité·
  • Contrôle par le juge administratif de leur validité·
  • Nécessité de caractériser un élément intentionnel·
  • Actes concernant les relations internationales·
  • Convention européenne des droits de l'homme·
  • Chose jugée par la juridiction judiciaire·
  • Actes législatifs et administratifs·
  • Possibilité d'infliger une sanction

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’article 55 de la Constitution implique, en cas d’incompatibilité entre ces deux normes, que le juge administratif fasse prévaloir le traité ou l’accord sur la loi, dès lors que celui-ci remplit les conditions ainsi posées à son application dans l’ordre juridique interne et crée des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir. Lorsqu’un traité ou un accord a fait l’objet de réserves, visant, pour l’Etat qui exprime son consentement à être lié par cet engagement, à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines de ses clauses dans leur application à son endroit, il incombe au juge administratif, après s’être assuré qu’elles ont fait l’objet des mêmes mesures de publicité que ce traité ou cet accord, de faire application du texte international en tenant compte de ces réserves. De telles réserves définissant la portée de l’engagement que l’Etat a entendu souscrire et n’étant pas détachables de la conduite des relations internationales, il n’appartient pas au juge administratif d’en apprécier la validité. ) L’article 55 de la Constitution implique, en cas d’incompatibilité entre ces deux normes, que le juge administratif fasse prévaloir le traité ou l’accord sur la loi, dès lors que celui-ci remplit les conditions ainsi posées à son application dans l’ordre juridique interne et crée des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir. Lorsqu’un traité ou un accord a fait l’objet de réserves, visant, pour l’Etat qui exprime son consentement à être lié par cet engagement, à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines de ses clauses dans leur application à son endroit, il incombe au juge administratif, après s’être assuré qu’elles ont fait l’objet des mêmes mesures de publicité que ce traité ou cet accord, de faire application du texte international en tenant compte de ces réserves. De telles réserves définissant la portée de l’engagement que l’Etat a entendu souscrire et n’étant pas détachables de la conduite des relations internationales, il n’appartient pas au juge administratif d’en apprécier la validité.,,,2) La règle non bis in idem, telle qu’elle résulte de l’article 4, paragraphe 1, du protocole n° 7 à la convention EDH, ne trouve à s’appliquer, selon la réserve accompagnant l’instrument de ratification de ce protocole par la France et publiée au Journal officiel de la République française du 27 janvier 1989, à la suite du protocole lui-même, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale, et n’interdit ainsi pas le prononcé de sanctions administratives parallèlement aux décisions définitives prononcées par le juge répressif. Ne commet pas d’erreur de droit une cour administrative d’appel qui juge qu’il n’appartient pas au juge national de se prononcer sur la validité de cette réserve, non dissociable de la décision de la France de ratifier ce protocole. ) Il résulte de l’article L. 8253-1 du code du travail et de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) que les contributions qu’ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d’emploi d’un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l’autorisant à exercer une activité salariée, sans qu’un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement…. ,,2) Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces articles, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d’une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s’est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l’article L. 5221-8 du code du travail et que, d’autre part, il n’était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d’une usurpation d’identité. ) En principe, l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’impose à l’administration comme au juge administratif qu’en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d’un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l’autorité administrative d’apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative…. ,,2) Il n’en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l’autorité de la chose jugée s’étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La SARL Super Coiffeur a demandé au tribunal administratif de Paris :

 – d’annuler la décision du 13 novembre 2013 par laquelle le directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration a mis à sa charge les sommes de 34 400 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail et de 4 618 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d’un étranger prévue à l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et, subsidiairement, de ramener le montant de ces contributions à la somme de 500 euros ;

 – d’annuler le titre de perception émis le 12 décembre 2013 par l’Office français de l’immigration et de l’intégration en vue du paiement de la somme de 34 400 euros correspondant à la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail mise à sa charge et, subsidiairement, de ramener le montant de la contribution spéciale à la somme de 500 euros ;

 – d’annuler le titre de perception émis le 12 décembre 2013 par l’Office français de l’immigration et de l’intégration en vue du paiement de la somme de 4 618 euros correspondant à la contribution forfaitaire prévue à l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile mise à sa charge et, subsidiairement, de ramener le montant de cette contribution à la somme de 500 euros.

Par un jugement n°s 1400474, 1406733 et 1406911 du 21 octobre 2014, le tribunal administratif de Paris a déchargé la SARL Super Coiffeur de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire qui lui ont été réclamées par la décision du 13 novembre 2013 à concurrence, respectivement, des sommes de 17 200 euros et 2 309 euros, ainsi que de l’obligation de payer les sommes de 34 400 euros et 4 618 euros qui lui ont été réclamées en application des titres de perception émis le 12 décembre 2013, et a rejeté le surplus des conclusions de cette société.

Par un arrêt n°s 14PA05192, 14PA05063 du 30 décembre 2016, la cour administrative d’appel de Paris, saisie des appels formés par la SARL Super Coiffeur et par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, a réformé le jugement du 21 octobre 2014 en ce qu’il avait partiellement déchargé cette société de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire qui lui avaient été réclamées par la décision du 13 novembre 2013, rejeté le surplus des conclusion de l’Office français de l’immigration et de l’intégration et rejeté l’appel de la SARL Super Coiffeur.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 2 mars, 2 juin et 30 novembre 2017 et le 27 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SARL Super Coiffeur demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d’appel ;

3°) subsidiairement, de saisir la Cour européenne des droits de l’homme, sur le fondement de l’article 1er du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’une demande d’avis portant sur les conditions d’application de l’article 4 du protocole n° 7 à cette convention et sur le caractère opposable de la réserve d’interprétation formulée par la République française à propos de cette stipulation ;

4°) de mettre à la charge de l’Office français de l’immigration et de l’intégration la somme de 3 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son protocole n° 7 ;

 – la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – le code du travail ;

 – le décret n° 53-192 du 14 mars 1953 ;

 – le décret n° 89-37 du 24 janvier 1989 ;

 – le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la SARL Super Coiffeur et à la SCP Lévis, avocat de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite d’un contrôle effectué par des agents de la police nationale dans le salon de coiffure exploité par la SARL Super Coiffeur, le 13 juin 2012, le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration a estimé que cette société avait employé deux travailleurs étrangers, M. A… et Mme B…, démunis de titre de séjour et d’autorisation de travail. Par une décision du 13 novembre 2013, il a mis à la charge de cette société les sommes de 34 400 euros et 4 618 euros au titre, respectivement, de la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Des titres de perception ont ensuite été émis le 12 décembre 2013 pour le recouvrement de ces contributions. Saisi par la SARL Super Coiffeur, le tribunal administratif de Paris, par un jugement du 21 octobre 2014, a partiellement déchargé cette société de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire mises à sa charge par la décision du 13 novembre 2013 et l’a totalement déchargée de l’obligation de payer les sommes qui lui étaient réclamées par les titres de perception émis le 12 décembre 2013. Réformant ce jugement sur les appels tant de la SARL Super Coiffeur que de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, la cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt du 30 décembre 2016, a rejeté les conclusions de la société dirigées contre la décision du 13 novembre 2013 et confirmé la décharge de l’obligation de payer résultant des titres de perception du 12 décembre 2013. La SARL Super Coiffeur se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu’il rejette son appel et, faisant partiellement droit à celui de l’Office, réforme le jugement du tribunal administratif de Paris.

2. Aux termes de l’article L. 8251-1 du code du travail : « Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France (…) ». L’article L. 5221-8 du même code dispose que : « L’employeur s’assure auprès des administrations territorialement compétentes de l’existence du titre autorisant l’étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi tenue par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 ». Aux termes de l’article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date des manquements relevés à l’encontre de la SARL Super Coiffeur : « Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l’employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l’article L. 3231-12 (…). / L’Office français de l’immigration et de l’intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l’Etat comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine (…) ». Le même manquement est sanctionné, en vertu des dispositions combinées des articles L. 8253-1 et R. 8253-2 du code du travail dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision des juges du fond, dont ceux-ci ont fait à bon droit application eu égard à leur caractère de loi nouvelle plus douce, d’une contribution spéciale dont le montant est égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l’article L. 3231-12 de ce code, réduit à 2 000 fois ce même taux en cas de non-cumul d’infractions ou en cas de paiement spontané par l’employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger et à 1 000 fois ce taux en cas de paiement spontané de ces salaires et indemnités, si le procès-verbal d’infraction ne mentionne l’emploi que d’un seul étranger sans titre. Enfin, aux termes de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine (…) ».

3. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de l’article L. 8253-1 du code du travail et de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que les contributions qu’ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d’emploi d’un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l’autorisant à exercer une activité salariée, sans qu’un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d’une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s’est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l’article L. 5221-8 du code du travail et que, d’autre part, il n’était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d’une usurpation d’identité. Par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la société requérante ne pouvait utilement invoquer ni l’absence d’élément intentionnel du manquement qui lui était reproché, ni, dès lors qu’elle ne soutenait pas sérieusement avoir respecté les obligations découlant de l’article L. 5221-8, sa prétendue bonne foi.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Ces dispositions impliquent, en cas d’incompatibilité entre ces deux normes, que le juge administratif fasse prévaloir le traité ou l’accord sur la loi, dès lors que celui-ci remplit les conditions ainsi posées à son application dans l’ordre juridique interne et crée des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir. Lorsqu’un traité ou un accord a fait l’objet de réserves, visant, pour l’Etat qui exprime son consentement à être lié par cet engagement, à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines de ses clauses dans leur application à son endroit, il incombe au juge administratif, après s’être assuré qu’elles ont fait l’objet des mêmes mesures de publicité que ce traité ou cet accord, de faire application du texte international en tenant compte de ces réserves. De telles réserves définissant la portée de l’engagement que l’Etat a entendu souscrire et n’étant pas détachables de la conduite des relations internationales, il n’appartient pas au juge administratif d’en apprécier la validité.

5. Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ». La règle « non bis in idem », telle qu’elle résulte de ces stipulations, ne trouve à s’appliquer, selon la réserve accompagnant l’instrument de ratification de ce protocole par la France et publiée au Journal officiel de la République française du 27 janvier 1989, à la suite du protocole lui-même, que pour « les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale », et n’interdit ainsi pas le prononcé de sanctions administratives parallèlement aux décisions définitives prononcées par le juge répressif. Si la société requérante soutenait que cette réserve, par sa formulation trop générale, méconnaissait les stipulations de l’article 57 de la convention, relatif aux réserves que les Etats peuvent formuler au moment de sa signature ou du dépôt de son instrument de ratification, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’il n’appartenait pas au juge national de se prononcer sur la validité de cette réserve, non dissociable de la décision de la France de ratifier ce protocole, et en écartant en conséquence le moyen tiré de la contrariété des articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile à l’article 4 du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

6. En dernier lieu, en principe, l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’impose à l’administration comme au juge administratif qu’en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d’un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l’autorité administrative d’apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative. Il n’en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l’autorité de la chose jugée s’étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.

7. Ni les dispositions de l’article L. 8253-1 du code du travail ni celles de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, citées au point 2, ne subordonnent la mise à la charge de l’employeur de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire à la condition que les faits qui les fondent constituent une infraction pénale. Par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit et n’a pas donné aux faits de l’espèce une qualification juridique erronée en jugeant que l’existence d’une décision pénale de relaxe, au motif que les faits d’emploi d’un étranger sans titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France n’étaient pas établis s’agissant de Mme B…, ne faisait pas obstacle au prononcé des sanctions administratives prévues par les articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Super Coiffeur n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SARL Super Coiffeur une somme de 3 000 euros à verser à l’Office français de l’immigration et de l’intégration au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la SARL Super Coiffeur est rejeté.

Article 2 : La SARL Super Coiffeur versera à l’Office français de l’immigration et de l’intégration une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL Super Coiffeur et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

Copie en sera adressée au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

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