Tribunal administratif de Montreuil, 2 juillet 2013, n° 1203985

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTREUIL

N°1203985

___________

SOCIETE PAUL DISCHAMP

___________

Mme Pham

Rapporteur

___________

Mme Roussier

Rapporteur public

___________

Audience du 18 juin 2013

Lecture du 2 juillet 2013

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Montreuil

(3e Chambre)

39-05-01-01-01

39-04-01

C

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2012, présentée pour la SOCIETE PAUL DISCHAMP, société anonyme simplifiée, dont le siège est situé XXX, par Me Vignancour ; la SOCIETE PAUL DISCHAMP demande au tribunal :

1°) à titre principal, de substituer au prix figurant dans le contrat conclu par elle avec France Agrimer les 18 février et 8 avril 2011 un prix à la tonne de 3 512,724 euros et, en conséquence, de condamner France Agrimer à lui verser la somme de 349 097,67 euros hors taxe, outre la TVA de 5,5% ;

2°) à titre subsidiaire, de déclarer nul ce même contrat pour défaut de consentement et, en conséquence, de condamner France Agrimer à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de l’exécution forcée du contrat en lui allouant la somme de 322 356,93 euros hors taxe, à laquelle s’ajoute la TVA de 5,5 % ;

3°) de dire que les sommes allouées seront productives d’intérêts au taux légal à compter de la date de leur exigibilité contractuelle ou, subsidiairement, à la date de la présentation de la requête, avec capitalisation des intérêts ;

4°) de faire défense à France Agrimer d’exiger la livraison du tonnage restant et d’appliquer une quelconque pénalité prévue à l’article 10 du cahier des charges du plan national d’aide alimentaire pour l’insuffisance de fourniture qui en résulte ;

5°) de condamner France Agrimer à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu’elle est recevable à former un recours en contestation de validité du contrat signé avec France Agrimer ; que ce contrat n’est pas fondé sur un consentement valable, dès lors qu’il est entaché d’erreur sur la substance même de la chose qui en est l’objet ; que France Agrimer ne pouvait ignorer cette erreur ; que, le contrat ayant été exécuté, elle est fondée à demander au tribunal la réparation de cette erreur en exigeant, d’une part, une indemnité et, d’autre part, qu’il soit fait défense à France Agrimer d’exiger la livraison du tonnage restant ;

Vu la décision attaquée ;

Vu l’avis de réception de la demande ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 février 2013, présenté pour l’établissement France Agrimer, par Me Alibert, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SOCIETE PAUL DISCHAMP à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la requête est irrecevable, dès lors que la SOCIETE PAUL DISCHAMP ne tire pas les conclusions, qu’implique nécessairement la remise en cause de la validité du contrat, que le cocontractant ne saurait, en cas d’annulation d’un contrat, bénéficier d’une indemnisation supérieure au prix du marché ; que la demande préalable formée par la requérante porte sur une somme différente de celle sollicitée et qu’il n’appartient pas au juge administratif de dire, de constater, ou de déclarer la nullité d’un contrat, ni de faire défense à l’administration ; qu’au fond, l’erreur de l’entreprise sur le montant des prestations ne constitue pas un vice suffisamment grave pour entraîner la nullité du contrat ; que seule une erreur grossière et aberrante est de nature à permettre la rectification du prix du marché, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; qu’en tout état de cause, la SOCIETE PAUL DISCHAMP ne démontre pas que la somme réclamée correspond aux dépenses exposées et utiles à l’administration, alors que seules de telles dépenses peuvent ouvrir droit à indemnisation ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 mars 2013, présenté pour la SOCIETE PAUL DISCHAMP qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que sa requête, qui demande à titre principal la régularisation du marché et à titre subsidiaire sa nullité, est recevable ; que les différences de calcul constatées entre la demande préalable et la demande juridictionnelle ne sont pas une cause d’irrecevabilité ; qu’au regard des autres offres émises et de sa réputation, il était évident que son offre était entachée d’erreur matérielle ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 mai 2013, présenté pour France Agrimer, qui conclut aux mêmes fins que ceux présentés dans son mémoire en défense par les mêmes moyens ;

Vu l’ordonnance en date du 19 avril 2013 fixant la clôture d’instruction au 21 mai 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 juin 2013 :

— le rapport de Mme Pham, rapporteur ;

— et les conclusions de Mme Roussier, rapporteur public ;

1. Considérant que l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer, dit France Agrimer, a lancé un appel à concurrence, publié au JOUE du 18 janvier 2011 et au BOAMP le lendemain, au titre de la campagne 2011 du plan national d’aide alimentaire comprenant 24 lots de produits alimentaires divers destinés aux entrepôts des entreprises caritatives ; que la SOCIETE PAUL DISCHAMP a présenté une offre pour le lot n° 20 « Maquereaux sauce tomate – 385 grammes environ, boîte imprimée ovale en métal ou en aluminium, sans ouverture facile », consistant en une quantité de 157 tonnes, soit 1 289,17 euros la tonne, qui a été retenue par décision en date du 8 avril 2011 ; que, par courriel en date du 21 décembre 2011, alors que 133 265 tonnes de produits étaient déjà livrés, la SOCIETE PAUL DISCHAMP a informé France Agrimer de ce qu’elle avait commis une erreur dans le calcul du prix lors de la remise de son offre, ayant confondu le prix d’achat au kilo et celui de la boîte de 367 grammes ; qu’elle sollicitait de ce fait que France Agrimer n’applique pas les pénalités prévues au cahier des charges pour non livraison du reste du tonnage dû et étudie le principe d’une aide pour compenser les pertes financières subies par elle ; que, par courriel en date du 23 décembre 2011, France Agrimer a rejeté cette demande ; que, par courrier en date du 13 février 2012, la SOCIETE PAUL DISCHAMP a présenté une demande préalable tendant à ce qu’elle soit exemptée d’exécuter la fin du marché et à ce que lui soit allouée une indemnité compensant les 302 539 euros de perte sèche subie ; que, par courrier en date du 23 mars 2012, France Agrimer a également rejeté cette réclamation ; que la SOCIETE PAUL DISCHAMP demande au tribunal, à titre principal, de procéder à une modification du prix figurant dans le contrat litigieux, à titre subsidiaire, de déclarer nul le contrat litigieux pour défaut de consentement, et de condamner France Agrimer à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de l’exécution forcée du contrat en lui allouant la somme de 322 356,93 euros hors taxe, et enfin de faire défense à France Agrimer d’exiger la livraison du tonnage restant et d’appliquer une quelconque pénalité prévue à l’article 10 du cahier des charges du plan national d’aide alimentaire pour insuffisance de fourniture ;

Sur les conclusions tendant à la modification du prix du marché :

2. Considérant que si le caractère définitif des prix stipulés au marché s’oppose en principe à toute modification unilatérale ultérieure, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s’agit d’une erreur purement matérielle et d’une nature telle qu’il serait impossible à l’une des parties de s’en prévaloir de bonne foi ; que, dans un tel cas, le juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens présentées par l’un des cocontractants, a le pouvoir de procéder à la modification du prix stipulé afin de réparer cette erreur ;

3. Considérant qu’en l’espèce, il ne résulte pas de l’instruction que l’erreur alléguée par la SOCIETE PAUL DISCHAMP soit d’une nature telle qu’il était impossible à France Agrimer de s’en prévaloir de bonne foi, alors même que le prix erroné était 1,7 fois inférieur au prix de l’offre d’un des autres candidats, soit une différence de 926,68 euros, dès lors qu’hormis le caractère semblant anormalement bas, mais non aberrant, de ce prix, aucun document ne permettait de déceler l’existence d’une erreur matérielle ; que la société requérante elle-même ne s’est aperçue de son erreur qu’après réception des factures de son fournisseur et qu’elle n’a signalé l’erreur commise qu’après livraison de plus de 133 tonnes de maquereaux, alors que le marché arrivait à son terme ; qu’au demeurant, l’offre rectifiée de la requérante deviendrait alors la plus chère ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la SOCIETE PAUL DISCHAMP et tendant à la modification du prix du marché doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation du marché et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par France Agrimer et tirée de l’irrecevabilité de ces conclusions :

5. Considérant que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d’un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu’il appartient alors au juge, lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités, d’en apprécier l’importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent, eu égard à l’ exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu’il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise et en tenant compte de l’objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ; que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

6. Considérant que la SOCIETE PAUL DISCHAMP soutient que le contrat litigieux est entaché d’une erreur ayant vicié son consentement ; que, toutefois, cette erreur, imputable à la seule négligence de la requérante, présente un caractère inexcusable et n’est, par suite, pas de nature à entraîner l’annulation du contrat litigieux ; que les conclusions aux fins d’annulation du contrat doivent en conséquence être rejetées ;

Sur les conclusions indemnitaires et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par France Agrimer et tirée de l’irrecevabilité de ces conclusions :

7. Considérant que, ainsi qu’il a été relevé, l’erreur commise sur le prix du marché n’était pas d’une nature telle qu’il serait impossible à France Agrimer de s’en prévaloir de bonne foi ; que, par suite, la SOCIETE PAUL DISCHAMP n’a pas établi que France Agrimer aurait commis une faute en exigeant l’exécution du contrat ; qu’en l’absence de faute, les conclusions indemnitaires présentées par la requérante doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à ce qu’il soit fait défense à France Agrimer d’exiger la livraison du tonnage restant et d’appliquer une quelconque pénalité prévue à l’article 10 du cahier des charges du plan national d’aide alimentaire pour l’insuffisance de fourniture qui en résulte :

8. Considérant qu’en dehors du cas prévu par les articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative dont les dispositions ne sont pas applicables en l’espèce, il n’appartient pas au juge administratif d’adresser des injonctions à l’administration ; que, dès lors, les conclusions de la SOCIETE PAUL DISCHAMP tendant à ce qu’il soit fait défense à France Agrimer d’exiger la livraison du tonnage restant et d’appliquer une quelconque pénalité prévue à l’article 10 du cahier des charges du plan national d’aide alimentaire sont irrecevables ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de France Agrimer, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SOCIETE PAUL DISCHAMP au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, le versement de la somme réclamée par France Agrimer ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête susvisée est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de France Agrimer tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SOCIETE PAUL DISCHAMP et à France Agrimer.

Délibéré après l’audience du 18 juin 2013, à laquelle siégeaient :

— M. Célérier, président,

— Mme Jasmin-Sverdlin, premier conseiller,

— Mme Pham, premier conseiller,

Lu en audience publique le 2 juillet 2013.

Le rapporteur, Le président,

Signé Signé

C. Pham T. Célérier

Le greffier,

Signé

XXX

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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