Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 1er décembre 2016, n° 16/59715

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, réf., 1er déc. 2016, n° 16/59715
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 16/59715

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

N° RG :

16/59715

N° : 2/MP

Assignation du :

02 Août 2016

(footnote: 1)

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le 01 décembre 2016

par A B, Juge au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de M N, Greffier.

DEMANDEURS

SARL CLICHE

[…]

[…]

S.A.S. K L

[…]

[…]

Monsieur C D, dit E F

[…]

[…]

Monsieur A X

[…]

[…]

Monsieur G H

[…]

[…]

[…]

représentés par Me Edouard MILLE, avocat au barreau de PARIS – #D0735

DÉFENDERESSES

Association FRANCE GALOP

[…]

[…]

représentée par Maître Jean-Marie GUELOT de l’AARPI GUELOT & BARANEZ Avocats Associés, avocats au barreau de PARIS – #R0007

S.A.R.L. DEARDLINERS

[…]

[…]

représentée par Me Mathieu DAVY, avocat au barreau de PARIS – #E0233 substitué par Me ALDEBERT Chloé, avocat au barreau de PARIS – #E0233

DÉBATS

A l’audience du 03 Novembre 2016, tenue publiquement, présidée par A B, Juge, assisté de M N, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

EXPOSE DU LITIGE

Messieurs C D et A X forment en tant qu’auteurs, compositeurs et interprètes le groupe de musique électronique « BOT’OX » au sein duquel ils expliquent avoir notamment écrit, composé, et interprété en collaboration avec monsieur G H l’œuvre musicale « Basement Love » déposée à la SACEM le 30 octobre 2013, les droits patrimoniaux d’auteurs ayant été cédés à la SAS K L et à monsieur A X, éditeur à compte d’auteur, par contrats de cession et d’édition d’œuvre musicale et de cession du droit d’adaptation audiovisuelle du 30 octobre 2013 et contrat de coédition du 31 octobre 2013.

L’EURL CLICHE a produit un enregistrement phonographique de 4 minutes et 3 secondes de cette œuvre qui a été divulguée avec elle dans l’album « Sans Dormir » le 6 novembre 2013.

L’association FRANCE GALOP, personne morale de droit privé régie par les dispositions de la loi de 1901, a notamment pour objet l’organisation des courses de chevaux de galop et des activités s’y trouvant rattachées ainsi que l’exploitation des installations dont elle dispose. Elle organise dans ce cadre chaque année de grandes compétitions internationales parmi lesquelles, sur le site de Longchamp, le « Qatar Prix de l’Arc de Triomphe ».

Dans le cadre de la promotion de l’édition 2015 du « Qatar Prix de l’Arc de Triomphe », l’association FRANCE GALOP a mis en ligne les 16 et 17 septembre 2015 sur les plateformes de partage YouTube.be et YouTube.com une vidéo intitulée « Qatar Prix de l’Arc de Triomphe 2015 » d’une durée de 2 minutes et 9 secondes composées d’images d’archives présentées sur un fond sonore constitué de commentaires sportifs, d’effets sonores et de parties de l’œuvre « Basement Love » couvrant la totalité de la vidéo.

Tandis que l’association FRANCE GALOP explique que cette dernière a été produite par la SARL DEADLINERS PRODUCTION, dont l’activité principale est la production audiovisuelle, en exécution d’un devis accepté du 26 août 2015 pour un montant de 5 456,88 euros HT, celle-ci indique avoir effectué une prestation technique de montage à partir d’éléments fournis et d’instructions données par celle-là.

Par lettre recommandée avec accusé de réception de leur conseil du 24 septembre 2015, messieurs C D, A X et G H ainsi que l’EURL CLICHE et la SAS K L ont mis en demeure l’association FRANCE GALOP de cesser l’exploitation de l’œuvre « Basement Love » ou de leur communiquer les documents nécessaires à la détermination des conditions d’obtention de leur autorisation pour la poursuite de l’exploitation.

Les échanges ultérieurs n’aboutissaient pas un à règlement amiable du litige naissant.

C’est dans ces circonstances que messieurs C D, A X et G H ainsi que l’EURL CLICHE et la SAS K L, ont par acte d’huissier des 2 et 30 août 2016, assigné L’association FRANCE GALOP et la SARL DEADLINERS PRODUCTION.

A l’audience, les parties reprenaient oralement les demandes et moyens développés dans leur acte introductif d’instance et dans leurs écritures régulièrement notifiées et déposées le jour de l’audience auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de leurs moyens respectifs conformément aux dispositions combinées des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile.

Messieurs C D, A X et G H ainsi que l’EURL CLICHE et la SAS K L demandent au juge des référés, au visa des articles 4 et 5 de la directive 04/48/CE du 29 avril 2004, 145, 489, 700 et 809 du code de procédure civile et L 113-2, L 122-4, L 213-1, L 331-1, L 331-1-3 et L 335-4 du code de la propriété intellectuelle :

— de constater que la société CLICHE est recevable à agir en qualité de producteur du phonogramme intitulé « Basement Love » publié sur l’album « Sans dormir » ;

— de constater que la société K et Monsieur A X sont recevables à agir en qualité de titulaire des droits patrimoniaux d’auteur afférents à l’œuvre musicale intitulée « Basement Love » ;

— de constater que Messieurs C D, A X et G H, sont recevables à agir en qualité d’auteurs et de compositeurs de l’œuvre musicale intitulée « Basement Love », en défense de leur droit moral ;

— de constater que Messieurs C D, A X, et G H, sont recevables à agir en qualité d’interprètes de l’œuvre musicale intitulée « Basement Love », en défense de leur droit moral ;

— de constater que la société DEADLINERS a commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur patrimoniaux au préjudice de la société K et de Monsieur X, en incorporant, sans autorisation, des fragments de l’œuvre « Basement Love » dans un vidéogramme promotionnel ;

— de constater que la société DEADLINERS a commis des actes de contrefaçon de droits voisins patrimoniaux au préjudice de la société CLICHE en incorporant, sans autorisation, des fragments du phonogramme « Basement Love » dans un vidéogramme promotionnel ;

— de constater que l’association FRANCE GALOP a commis des actes de contrefaçon de droits voisins patrimoniaux au préjudice de la société CLICHE, en diffusant sur les sites Youtube.com et Youtu.be le phonogramme « Basement Love » sans l’autorisation de son producteur ;

— de constater que la société DEADLINERS et l’association FRANCE GALOP ont porté atteinte au droit moral des auteurs et compositeurs de l’œuvre « Basement Love » en incorporant des fragments de ladite œuvre au sein d’une vidéo promotionnelle et en diffusant celle-ci sur les sites Youtube.com et Youtu.be ;

— de constater que la société DEADLINERS et l’association FRANCE GALOP ont porté atteinte au droit moral des artistes-interprètes de l’œuvre « Basement Love » en incorporant des fragments de l’enregistrement phonographique de l’interprétation de ladite œuvre au sein d’une vidéo promotionnelle et en diffusant celle-ci sur les sites Youtube.com et Youtu.be ;

— de constater que les agissements précités ne souffrent d’aucune contestation sérieuse ;

— EN CONSEQUENCE :

○ d’ordonner à l’association FRANCE GALOP de communiquer à la société K, à Monsieur A X, et à la société CLICHE, sous astreinte de 500 euros par jour de retard au-delà du trentième jour suivant le prononcé de l’ordonnance à intervenir, tout élément en possession de l’association FRANCE GALOP en relation avec la promotion du Qatar Prix de l’Arc de Triomphe, et notamment :

▪ copie des factures d’achat d’espaces publicitaires sur tout support, quel que soit le pays, permettant la diffusion d’éléments audiovisuels, pour les années 2013, 2014 et 2015 ;

▪ copie des factures et ou contrats de licence ou de cession des droits de télédiffusion du Qatar Prix de l’Arc de Triomphe pour les années 2013, 2014 et 2015, qu’ils prévoient ou non la mise à disposition du cocontractant du matériel audiovisuel promotionnel développé par FRANCE GALOP ;

▪ copie du budget détaillé des investissements promotionnels engagés par FRANCE GALOP et ses cocontractants pour la promotion des éditions 2013, 2014 et 2015 du Qatar Prix de l’Arc de Triomphe ;

▪ copie du plan média des éditions 2013, 2014 et 2015 du Qatar Prix de l’Arc de Triomphe ;

— d’ordonner que les éléments précités soient certifiés conformes à leur original par l’expert-comptable de l’association FRANCE GALOP ou par son représentant légal,

— d’ordonner à la société DEADLINERS et à l’association FRANCE GALOP de payer solidairement :

○ 25 000 euros à la société K et à Monsieur X, à répartir entre eux suivant l’article 3 du contrat de coédition conclu entre eux, soit 21 250 euros à la société K et 3 750 euros à Monsieur X, à titre de provision sur la réparation du dommage causé par la violation des droits patrimoniaux d’auteur afférents à l’œuvre « Basement Love » ;

○ 25 000 euros à la société CLICHE, à titre de provision sur la réparation du dommage causé par la violation des droits voisins patrimoniaux afférents au phonogramme « Basement Love » ;

— d’ordonner à la société DEADLINERS et à l’association FRANCE GALOP de payer solidairement :

○ à Monsieur C D :

▪ 2 000 euros à titre de provision sur la réparation du dommage causé par la violation de son droit moral d’auteur sur l’œuvre « Basement Love » ;

▪ 2 000 euros à titre de provision sur la réparation du dommage causé par la violation de son droit moral d’artiste-interprète sur son interprétation de l’œuvre « Basement Love » ;

▪ 2 000 euros à titre de provision sur la réparation du dommage causé par la violation de son droit moral d’artiste-interprète sur son interprétation de l’œuvre « Basement Love », telle que fixée sur le phonogramme éponyme ;

○ à Monsieur A X :

▪ 2 000 euros à titre de provision sur la réparation du dommage causé par la violation de son droit moral d’auteur sur l’œuvre « Basement Love » ;

▪ 2 000 euros à titre de provision sur la réparation du dommage causé par la violation de son droit moral d’artiste-interprète sur son interprétation de l’œuvre « Basement Love », telle que fixée sur le phonogramme éponyme ;

○ à Monsieur G H :

▪ 2 000 euros à titre de provision sur la réparation du dommage causé par la violation de son droit moral d’auteur sur l’œuvre « Basement Love » ;

▪ 4 000 euros à titre de provision sur la réparation du dommage causé par la violation de son droit moral d’artiste-interprète sur son interprétation de l’œuvre « Basement Love », telle que fixée sur le phonogramme éponyme ;

— de condamner la société DEADLINERS et l’association FRANCE GALOP au paiement des entiers dépens, ainsi qu’aux montants visés ci-après, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

○ 2 500 euros à la société K ;

○ 2 500 euros à la société CLICHE ;

○ 2 500 euros à Monsieur C D ;

○ 2 500 euros à Monsieur A X ;

○ 500 euros à Monsieur G H.

En raison de la communication de son plan média par l’association FRANCE GALOP, ils modifient toutefois leurs demandes en ces termes :

— ils abandonnent leurs demandes de communication de la copie du plan média des éditions 2013, 2014 et 2015 du Qatar Prix de l’Arc de Triomphe et toutes les demandes pour les années 2013 et 2014 ;

— ils limitent leurs demandes aux espaces publicitaires relatifs à la télévision, la radio et l’internet ;

— ils sollicitent en revanche la communication des spots radio et TV visés dans ce plan sans astreinte et admettent la possibilité que l’association FRANCE GALOP apporte la preuve de l’inexistence de ces spots par la communication d’une attestation de non-diffusion ;

— ils fondent leur demande de communication sur l’article L 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle et non sur l’article 145 du code de procédure civile.

En réplique, l’association FRANCE GALOP demande au juge des référés de :

— sur la demande de production de pièces sous astreinte et au visa de l’article 145 du code de procédure civile,

○ constater le caractère inutile et comme tel illégitime de la mesure sollicitée,

○ en conséquence, débouter les requérants de toutes leurs demandes à ce titre.

— sur les demandes de provisions, indemnités et dépens et au visa de l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile,

○ débouter les requérants de toutes leurs demandes et les renvoyer à mieux se pourvoir devant le juge du fond,

○ subsidiairement, Z les montants sollicités à de plus justes proportions ;

— en tout état de cause et vu l’article 1625 du code civil :

○ dire et juger FRANCE GALOP recevable et bien fondée en son appel en garantie,

○ y faisant droit, condamner la société DEADLINERS PRODUCTION à relever et garantir FRANCE GALOP de toutes les condamnations éventuellement mises à sa charge,

— sur la demande de provision formée par la société DEADLINERS PRODUCTION et vu l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile :

○ relever l’existence d’une contestation sérieuse et dire n’y avoir lieu à référé,

○ condamner la société DEADLINERS PRODUCTION à payer à FRANCE GALOP la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La SARL DEADLINERS PRODUCTION demande pour sa part au juge des référés, au visa des articles L 123-3, L 122-4, L 213-1, L 331-1, L. 331-1-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, 1625 du code civil et 699 et 700 du code de procédure civile, de :

— à titre liminaire, CONSTATER que l’originalité et la titularité des droits sur une œuvre relève des pouvoirs des juges du fond ;

— à titre principal :

○ CONSTATER que l’association FRANCE GALOP a eu l’initiative de la réalisation du clip vidéo relatif à l’édition 2015 de la course hippique « Qatar Prix de l’Arc de Triomphe », a eu le contrôle de sa réalisation et en a effectué le suivi ;

○ CONSTATER que la société DEADLINERS PRODUCTION est intervenue exclusivement en tant que prestataire technique dans le cadre de la réalisation du clip vidéo « Qatar Prix de l’Arc de Triomphe » ;

○ CONSTATER que la responsabilité de la société DEADLINERS PRODUCTION ne peut être engagée solidairement avec celle de l’association FRANCE GALOP au titre des actes d’incorporation et de modification des fragments de la musique « Basement love » au sein du vidéo clip litigieux, ni au titre de la diffusion dudit vidéo clip sur YouTube.com et YouTube.me, réalisés sur directives et instructions de l’association FRANCE GALOP ;

○ RECONNAÎTRE la responsabilité exclusive de l’association FRANCE GALOP au titre des actes d’incorporation et de modification des fragments de la musique « Basement love » au sein du vidéo clip litigieux, ainsi qu’au titre de la diffusion dudit vidéo clip sur YouTube.com et YouTube.me ;

○ en conséquence :

▪ METTRE hors de cause la société DEADLINERS PRODUCTION dans le cadre du présent litige ;

▪ DEBOUTER les sociétés CLICHE et K L, ainsi que Messieurs A X, C D et G H de toutes leurs demandes, fins et conclusions relatives à la reconnaissance de la responsabilité de la société DEADLINERS PRODUCTION, et à leurs demandes de condamnations indemnitaires provisionnelles solidairement avec FRANCE GALOP ;

▪ ENGAGER la responsabilité exclusive de l’association FRANCE GALOP au titre des actes d’incorporation et de modification des fragments de la musique « Basement love » au sein du vidéo clip litigieux, ainsi qu’au titre de la diffusion dudit vidéo clip sur YouTube.com et YouTube.me ;

— à titre subsidiaire :

○ Z à de plus justes proportions les demandes indemnitaires provisionnelles de la société K L et de Monsieur A X au titre du dommage causé par la violation des droits patrimoniaux d’auteur ;

○ Z à de plus justes proportions les demandes indemnitaires provisionnelles de la société CLICHE au titre du dommage causé par la violation des droits voisins patrimoniaux ;

○ Z à de plus justes proportions les demandes indemnitaires provisionnelles de Messieurs A X, C D et G H au titre de leur préjudice moral ;

Z à de plus justes proportions les indemnités sollicitées par les demandeurs sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— à titre reconventionnel, CONDAMNER l’association FRANCE GALOP à régler à la société DEADLINERS PRODUCTION la facture n° 1110375 émise le 17 septembre 2015 d’un montant de 5.456, 88 euros hors taxes, augmentée du taux de TVA en vigueur et assortie des intérêts égaux à trois fois le montant du taux d’intérêt légal, et ce à compter du 17 octobre 2015, au titre de la réalisation du montage du clip vidéo « Qatar Prix de l’Arc de Triomphe » ;

— en tout état de cause :

○ CONDAMNER l’association FRANCE GALOP à verser à la société DEADLINERS PRODUCTION la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

○ CONDAMNER l’association FRANCE GALOP aux entiers dépens.

Les parties étant régulièrement représentées, l’ordonnance sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

1°) Sur la vraisemblance de contrefaçon et le trouble manifestement illicite

a) Sur la recevabilité de l’action et sur les actes de contrefaçon vraisemblable caractérisant un trouble manifestement illicite

Moyens des parties

Les demandeurs exposent que les actes nécessaires à l’exploitation de fragments de l’œuvre « Basement Love » au sein de la vidéo promotionnelle litigieuse requerraient l’autorisation préalable de :

— la SAS K L et de monsieur A X en leur qualité de coéditeurs cessionnaires des droits patrimoniaux d’auteur non cédés à la SACEM ;

— l’EURL CLICHE en sa qualité de titulaire des droits voisins patrimoniaux afférents au phonogramme incorporant l’œuvre ;

messieurs C D, A X et G H au titre du droit moral qui leur est reconnu en leur qualité d’auteurs et de compositeurs de l’œuvre mais également en leur qualité d’interprètes du phonogramme.

Ils précisent ainsi que l’œuvre a été divulguée au sein de l’album intitulé « Sans Dormir » le 6 novembre 2013, que la jaquette de cet album comprend la mention « ? i’m a Cliche & © K 2013 » et que l’EURL CLICHÉ est présumée seule titulaire des droits voisins patrimoniaux afférents au phonogramme. Ils indiquent que les apports consentis par les auteurs et compositeurs à la SACEM, qui quoi qu’il en soit excluent toute « reproduction fragmentaire » telle que celle critiquée, sont limités aux seuls droits d’exécution publique et de reproduction mécanique, que cette cession est d’interprétation stricte et ne comprend pas le droit d’adaptation mis en œuvre pour incorporer l’œuvre dans le message publicitaire portée par le clip litigieux qui constitue une œuvre composite et qui a en revanche été expressément cédé à la SAS K L et à monsieur A X. Ils ajoutent que :

— la fragmentation de l’œuvre et la création à partir de celle-ci par la SARL DEADLINERS PRODUCTION du clip qui constitue une œuvre composite l’incorporant porte atteinte aux droits patrimoniaux d’auteur dont sont titulaires la SAS K L et monsieur A X ;

— l’incorporation du phonogramme dans le clip par la SARL DEADLINERS PRODUCTION et que la mise en ligne de ce dernier sur YouTube.be et YouTube.com, respectivement les 16 et 17 septembre 2015, par l’association FRANCE GALOP portent atteinte aux droits de producteur de l’EURL CLICHE ;

— la fragmentation de l’œuvre, la suppression de toute la partie chantée et l’ajout de sons et de voix off dénaturent l’œuvre et portent atteinte au droit moral d’auteur et d’interprète de messieurs C D, A X et G H.

En réplique, l’association FRANCE GALOP expose qu’elle « ne peut qu’émettre toute réserve sur l’existence et la titularité des droits ainsi revendiqués dans l’attente de connaître les moyens que pourra développer en défense la société DEADLINERS PRODUCTION », position qui n’a pas été modifiée à l’audience, et qu’elle « se bornera en l’état à contester […] la demande de production de pièces sous astreinte formée à son encontre [et] la condamnation provisionnelle formée pour la réparation des prétendus préjudices ». Sur l’atteinte au droit moral, elle explique que les demandeurs ne démontrent ni le découpage dont ils font état ni la suppression de la partie vocale, alors que l’œuvre originale se trouve elle-même comporter des mesures non chantées, et que les contrats et factures produites révèlent que la destination des œuvres du groupe BOT’OX n’exclut nullement leur usage commercial, à travers la réalisation de spots publicitaires nécessitant de par leur nature une fragmentation de l’œuvre originale et l’adjonction de slogans.

De son côté, la SARL DEADLINERS PRODUCTION soutient que « les demandeurs développent longuement dans leur acte introductif d’instance, les droits revendiqués sur la musique « Basement love », objet du litige, [… alors qu']un tel débat relève du fond, et n’a pas à être abordé dans le cadre d’un référé […] un examen minutieux et précis [étant] nécessaire pour qualifier une œuvre d’originale et déterminer qui en détient les droits ». Elle ajoute qu’elle « ne préjuge aucunement de l’originalité ou de la titularité du morceau » et émet « toutes réserves » sur ces points. Sur le terrain de l’atteinte au droit moral, elle expose que les demandeurs ne démontrent pas le découpage qu’ils allèguent ni de quelle façon cela aurait altéré ou dénaturé le morceau, aucun élément extérieur provenant d’un autre morceau n’y ayant été inséré, que l’utilisation fragmentée et à visée commerciale de la musique n’est pas en soi une atteinte à leur droit moral puisqu’ils fournissent eux-mêmes aux débats des éléments prouvant qu’ils l’acceptent de manière régulière et que la simple adjonction de commentaires sportifs à la chanson « Basement love » à la fin du clip vidéo n’est pas, en tant que telle, une altération ou une dénaturation du morceau.

Appréciation du juge des référés

Conformément à l’article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Et, conformément à l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

Par ailleurs, aux termes de l’article L 213-1 du code de propriété intellectuelle, l’autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme autres que celles mentionnées à l’article L 214-1 du même code qui dispose en particulier que, lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins de commerce, le producteur ne peut s’opposer à sa communication directe dans un lieu public dès lors qu’il n’est pas utilisé dans un spectacle.

Les défendeurs se contentent d’émettre des « réserves » non explicitées sur la titularité des droits, pourtant largement détaillée par les demandeurs, et sur l’originalité de l’œuvre et n’opposent aucun moyen précis à ce titre autre que celui tiré d’une incompétence de principe du juge des référés pour en connaître. Or, s’il est exact que ce dernier ne peut trancher le principal au sens de l’article 480 du code de procédure civile et si ses ordonnances n’ont pas au principal autorité de la chose jugée conformément à l’article 488 du même code, il a le pouvoir sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile, et ce même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire toute mesure conservatoire pour faire un cesser un trouble manifestement illicite tel celui généré par des actes de contrefaçon vraisemblable de droits d’auteur ou voisins. Il peut dans ce cadre apprécier, à travers la vraisemblance de l’atteinte, celle de la titularité et de l’originalité et ce d’autant plus qu’il est juge de sa compétence et des conditions de recevabilité des actions dont il est saisi. Il a ainsi pouvoir pour trancher, dans les limites inhérentes à la procédure de référé, les questions en débat.

Dès lors, en l’absence de toute contestation autre que des « réserves » indéfinies, la recevabilité de l’action est acquise. Faute de débat sur ce point, la matérialité des actes de contrefaçon vraisemblable, par ailleurs démontrée par le procès-verbal de l’APP du 21 septembre 2015, l’est également, seule demeurant en litige la réalité de l’atteinte au droit moral.

Sur ce plan, conformément à l’article L 121-1 du code de propriété intellectuelle, l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit, attaché à sa personne, est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Et, en vertu de l’article L 212-2 du même code, l’artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation. Ce droit inaliénable et imprescriptible est attaché à sa personne.

Alors que le titre « Basement Love » dure 4 minutes et 3 secondes ainsi que le révèle la jaquette de l’album « Sans Dormir » qui le contient (pièces 7 et 8 des demandeurs), il ressort du procès-verbal de l’APP du 21 septembre 2015 que la vidéo litigieuse, diffusée sur Youtube.be et Youtube.com du 16 au 29 septembre 2015, ce que personne ne conteste, dure 2 minutes et 9 secondes. Ce seul constat prouve en soi que l’œuvre est tronquée dans la vidéo. Et, leur écoute comparée établit que l’introduction de l’œuvre est amputée de 20 secondes (33 secondes sur le titre et 13 secondes sur la vidéo), qu’elle est reprise à l’identique jusqu’à 1 minute 4 secondes (les paroles n’apparaissant sur le titre qu’à l minute 24 secondes et n’étant de ce fait pas supprimées) jusqu’à une pause de 12 secondes marquée par un effet sonore absent du titre et l’incorporation à 1 minute et 11 secondes de commentaires sportifs qui perdurent jusqu’à 1 minute 48 et couvrent, avec des effets sonores ajoutés dès 1 minute et 38 secondes, les paroles, l’œuvre étant ensuite reprise à l’identique.

Ainsi, l’œuvre a été significativement tronquée, l’effet de crescendo propre au genre de la musique électronique étant anéanti, et fragmentée. Et, si les paroles n’ont pas été supprimées, elles ont été en grande partie occultées par l’ajout de commentaires et d’effets sonores. Une telle modification de l’œuvre l’altère dans sa forme et constitue une atteinte au droit au respect dont sont titulaires les auteurs mais également les interprètes sur leurs interprétations qui subissent le même sort.

L’atteinte au droit moral des auteurs et des interprètes est ainsi vraisemblable.

En conséquence, sont incontestées ou vraisemblablement établies :

— l’atteinte aux droits des éditeurs (la SAS K L et monsieur A X) par l’incorporation de l’œuvre fragmentée, tronquée et dénaturée dans la vidéo litigieuse,

— l’atteinte aux droits du producteur de phonogramme de l’EURL CLICHE par l’incorporation du phonogramme dans le clip et la mise en ligne de ce dernier sur YouTube.be et YouTube.com,

— l’atteinte au droit moral reconnu à messieurs C D, A X et G H en leur qualité d’auteurs et de compositeurs de l’œuvre mais également en leur qualité d’interprètes du phonogramme.

b) Sur l’imputabilité des actes de contrefaçon vraisemblable

Moyen des parties

Les demandeurs exposent que tout fait d’une personne ayant concouru à la réalisation d’un dommage, serait-ce partiellement, l’oblige à réparer intégralement le préjudice correspondant vis-à-vis de la victime, à charge pour le débiteur de l’indemnité de se retourner contre son coobligé. Précisant que la SARL DEADLINERS PRODUCTION et l’association FRANCE GALOP ont conjointement porté atteinte à leurs droits, ils en déduisent qu’elles sont solidairement tenues de réparer l’entier dommage résultant du concours de leurs fautes respectives

L’association FRANCE GALOP soutient pour sa part qu’elle a passé commande auprès de la SARL DEADLINERS PRODUCTION, entreprise spécialisée dans le domaine de la production audiovisuelle, de la réalisation du clip vidéo destiné à promouvoir auprès de public le « Qatar Prix de l’Arc de Triomphe » programmé le 4 octobre 2015, en lui laissant une totale liberté de création pour réaliser sa prestation et notamment choisir la bande-son.

La SARL DEADLINERS PRODUCTION réplique qu’elle a agi sur instructions de son commanditaire, l’association FRANCE GALOP, à laquelle elle s’est contentée de livrer un produit en réalisant, sans liberté de création, une prestation purement technique sous le contrôle total de cette dernière qui a choisi, outre les images d’archives à sélectionner, la musique utilisée pour la sonorisation et avait seule la qualité de diffuseur. Elle en déduit que c’était au commanditaire du clip vidéo de s’assurer du respect des droits patrimoniaux d’auteur et des droits voisins de producteur de phonogrammes de la société CLICHE, le devis émis au titre de sa prestation ne comportant d’ailleurs aucune mention de ces droits et la poursuite de la collaboration révélant qu’aucun reproche ne lui est en réalité fait.

Appréciation du juge des référés

Tant l’activité déclarée de production audiovisuelle de la SARL DEADLINERS PRODUCTION dans son extrait Kbis que la rémunération d’un « directeur de production » dans le seul document contractuel produit qu’est le devis du 26 août 2015 d’un montant de 5 456,88 euros HT pour la réalisation du « CLIP QATAR ARC DE TRIOMPHE V2 » postule, au sens de l’article 1353 du code civil, la qualité de producteur de la SARL DEADLINERS PRODUCTION de l’œuvre audiovisuelle composite litigieuse, responsable à ce titre de la réalisation de cette dernière.

Or, le courriel du 31 août 2015, qui contient le « brief » adressé par l’association FRANCE GALOP dans sa commande évoque le rythme attendu ainsi que les « rushs » fournis mais pas la bande-son à utiliser. Le seul courriel mentionnant le choix de la musique antérieurement à la livraison de la vidéo est celui du 10 septembre 2015 dans lequel la SARL DEADLINERS PRODUCTION interroge l’association FRANCE GALOP sur la « zic » qu’elle aimerait. Il ne contient aucune autre précision et n’est suivi d’aucune réponse. A la supposer probante, l’impression des échanges de messages texte du 29 août 2015 par lequel un interlocuteur non identifié autorise « A » à choisir de la « zic commerciale » n’est pas plus éclairant sur la connaissance de l’association FRANCE GALOP de la musique finalement choisie. Les instructions données par cette dernière ne concernent ainsi pas les éléments de sonorisation autres que le principe de la présence de commentaires sportifs. D’ailleurs, le courriel du 25 septembre 2015, postérieur à la mise en demeure du conseil des demandeurs, ne dit pas autre chose puisque l’association FRANCE GALOP y explique qu’il aurait fallu l’informer préalablement au lancement

de la production des conséquences du choix d’une « musique commerciale » et du montant des droits afférents et qu’elle pensait au contraire que « tout était clearé (sic) », le courriel du 10 octobre 2014 ne révélant pour sa part aucune habitude antérieure selon laquelle l’association FRANCE GALOP choisirait la musique.

La SARL DEADLINERS PRODUCTION a ainsi librement choisi d’intégrer l’œuvre litigieuse dans la vidéo en qualité de producteur professionnel et ne s’est pas contentée d’exécuter les directives de l’association FRANCE GALOP.

Dès lors si l’association FRANCE GALOP est responsable de la communication de la vidéo au public, l’incorporation du phonogramme dans celle-ci et la fragmentation de l’œuvre sont imputables à la SARL DEADLINERS PRODUCTION, peu important que les droits afférents à l’œuvre ne soient pas visés dans le devis puisqu’ils ont été éludés et que les relations entre les parties se poursuivent par ailleurs.

Les défenderesses ayant concouru par leur action conjuguée à la réalisation du dommage subi par les demandeurs, leur responsabilité est engagée in solidum.

c) Sur la communication de pièces

Moyens des parties

Les demandeurs exposent que la communication de son plan média par l’association FRANCE GALOP, qui satisfait partiellement leurs prétentions, a permis la découverte de la diffusion de spots radiophonique et télévisuel qui doivent, comme les autres pièces réclamées, leur être fournis pour leur permettre de déterminer leurs préjudices définitifs en application de l’article L 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle. Ils précisent qu’une clause de confidentialité ne peut faire obstacle à une communication judiciaire.

L’association FRANCE GALOP réplique que seule est justifiée la production de pièces en relation avec les faits de contrefaçon allégués ce qui exclut en soi les pièces antérieures à 2015 et relatives à des supports incompatibles avec le format vidéo. Elle ajoute que le contrat de sponsoring contient une clause de confidentialité interdisant sa communication et que les pièces qu’elle a spontanément produites permettent de déterminer l’étendue de l’exploitation litigieuse.

Appréciation du tribunal

Conformément à l’article L 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle, si la demande lui est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d’une procédure civile prévue aux livres Ier, II et III de la première partie peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des marchandises et services qui portent prétendument atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de telles marchandises ou fournissant de tels services ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces marchandises ou la fourniture de ces services. La production de documents ou d’informations peut être ordonnée s’il n’existe pas d’empêchement légitime.

L’opportunité de la communication des pièces nécessaires à la détermination de l’étendue du préjudice subi doit être analysée à l’aune des critères fixés par l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle pour le réparer.

Le plan média produit en pièce 15 par l’association FRANCE GALOP vise une campagne publicitaire par voie d’affichage et de presse qui est étrangère au litige mais également une campagne télévisuelle, radiophonique et digitale qui peut concerner la diffusion de la vidéo litigieuse ou de sa bande-son.

A ce titre, la production du nombre de vues de la vidéo sur YouTube (23 932 au total) et le courrier du 26 octobre 2016 de la SARL COMQUEST qui gère le site de l’association FRANCE GALOP aux termes de laquelle les vidéos y figurant ne sont accessibles que par des liens renvoyant vers le site YouTube ne sont pas de nature à révéler toute l’étendue de l’exploitation digitale puisque le plan média vise également une promotion via une campagne RTB ainsi que sur le site Lefigaro.fr et sur les réseaux sociaux. Ces demandes de communication sont, comme celles relatives au spot radio, pertinentes et il y sera fait droit dans les termes du dispositif, aucune astreinte n’étant prononcée au regard de l’absence de résistance de l’association FRANCE GALOP informée le jour de l’audience de l’évolution des prétentions adverses.

En revanche, l’attestation de la société EQUIDIA du 21 octobre 2016 aux termes de laquelle seul le spot publicitaire « Monumental » étranger au litige a été diffusé sur ses chaînes « Equidia Live » et « Equidia Life » ainsi que le courriel du 25 août 2015 de l’association FRANCE GALOP révélant la seule communication de ce dernier pour la chaîne « Equipe 21 » suffit à établir l’inexistence de la diffusion de la vidéo litigieuse dans le cadre de la campagne télévisuelle, le plan média ne visant aucune autre chaîne. Les prétentions des demandeurs seront à ce titre rejetées.

Par ailleurs, la communication de la copie du budget détaillé des investissements promotionnels engagés par l’association FRANCE GALOP et ses cocontractants pour la promotion de l’édition 2015 du « Qatar Prix de l’Arc de Triomphe » apparaît non seulement inutile au regard de la production du plan média mais, comme celle du contrat de sponsoring, bien trop large par rapport à l’objet du litige. Elle ne sera pas ordonnée.

d) Sur les mesures réparatrices

La vraisemblance de l’atteinte aux droits des demandeurs étant établie, le principe de la créance indemnitaire de l’association FRANCE GALOP et de la SARL DEADLINERS PRODUCTION n’est pas sérieusement contestable.

Il est pour l’heure constant que la vidéo litigieuse, d’une durée de 2 minutes et 9 secondes, a été diffusée 13 jours sur YouTube pour un total de 23 932 vues. Ces éléments fixent l’étendue de la diffusion qui ne peut être confondue ni avec celle des autres éléments de promotion de l’édition 2015 « Qatar Prix de l’Arc de Triomphe » ni avec la notoriété et le succès de cette compétition sportive. Au regard des éléments de comparaison produits, qui portent sur des autorisations beaucoup plus larges, l’association FRANCE GALOP et la SARL DEADLINERS PRODUCTION seront condamnées in solidum à payer les sommes provisionnelles de :

—  6 000 euros à la SAS K L et à monsieur A X, à charge pour eux de se répartir cette somme dans les conditions du contrat de coédition, en réparation de l’atteinte portées à leurs droits patrimoniaux d’auteur,

—  6 000 euros à l’EURL CLICHE en réparation de l’atteinte portée à ses droits voisins de producteur de phonogramme,

—  1 500 euros chacun à messieurs C D, A X et G H en réparation du préjudice causé par l’atteinte à leur droit moral d’auteurs,

—  1 500 euros chacun à messieurs C D et A X et 2 000 euros à monsieur G H, dont la voix n’a pas été supprimée mais couverte par des effets sonores et des commentaires sportifs en seconde partie de la vidéo, en réparation du préjudice causé par l’atteinte à leur droit moral d’interprètes.

2°) Sur la garantie de la SARL DEADLINERS PRODUCTION

Moyens des parties

L’association FRANCE GALOP expose que la fourniture de la vidéo emporte cession des droits de propriété intellectuelle s’y trouvant rattachés et application de l’article 1625 du code civil et en déduit que la SARL DEADLINERS PRODUCTION lui doit garantie.

La SARL DEADLINERS PRODUCTION réplique que la garantie d’éviction n’est pas due car elle n’a jamais été rémunérée pour les prestations techniques réalisées en dépit du temps séparant la mise en demeure de l’assignation, car l’association FRANCE GALOP, qui a donné son accord exprès pour le choix d’une « musique commerciale», ne pouvait ignorer la menace d’éviction et est ainsi de mauvaise foi et car les droits sur la musique n’étaient pas compris dans la vente.

Appréciation du tribunal

Conformément à l’article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Conformément à l’article 1626 du code civil, quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.

En l’absence de restriction légale ou conventionnelle, la garantie est due quelle que soit la nature, corporelle ou incorporelle, du bien cédé, et ce dès que le contrat de vente est formé. Le paiement du prix étant une obligation née du contrat de vente et non une condition de sa formation conformément aux articles 1583 et 1650 du code civil, la garantie s’applique peu important que le prix n’ait pas été payé.

Il est désormais acquis que la SARL DEADLINERS PRODUCTION a seule et librement choisi la musique à incorporer dans la vidéo litigieuse qu’elle a produite. En sa qualité de producteur professionnelle, il lui appartenait de fournir à l’association FRANCE GALOP, qui n’est en revanche pas une professionnelle de la production, une vidéo respectant les droits des tiers et non contrefaisante. Et, les pièces produites n’établissent pas la connaissance par l’association FRANCE GALOP du défaut d’autorisation des demandeurs, peu important l’absence de mentions des droits dans le devis puisqu’ils ont été, manifestement par ignorance ou négligence, éludés. La mauvaise foi de cette dernière n’étant pas établie, la garantie de la SARL DEADLINERS PRODUCTION n’est pas sérieusement contestable et sera totale à titre provisionnel.

3°) Sur la demande en paiement de la SARL DEADLINERS PRODUCTION

Moyens des parties

Tandis que la SARL DEADLINERS PRODUCTION invoque l’acceptation du devis par l’association FRANCE GALOP et l’exécution du contrat de vente, cette dernière lui oppose une contestation sérieuse tirée de l’existence d’une contestation sur la libre disposition des droits attachés à la création du clip dont il est sollicité le paiement.

Appréciation du tribunal

Conformément à l’article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il est désormais acquis que la SARL DEADLINERS PRODUCTION doit intégralement garantir la SARL DEADLINERS PRODUCTION. Or, non seulement l’article 1630 du code civil dispose que l’acquéreur peut demander au vendeur la restitution du prix en cas d’éviction, mais l’association FRANCE GALOP n’a pu pleinement utiliser la vidéo produite. Aussi la demande en paiement se heurte-t-elle à une contestation sérieuse et sera-t-elle rejetée.

4°) Sur les demandes accessoires

Succombant au litige, l’association FRANCE GALOP et la SARL DEADLINERS PRODUCTION, dont les demandes au titre des frais seront rejetées, seront condamnées in solidum à supporter les entiers dépens de l’instance de référés ainsi qu’à payer aux demandeurs la somme de 1 000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des référés, statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,

Déclare recevable l’action de messieurs C D, A X et G H ainsi que de l’EURL CLICHE et de la SAS K L ;

Dit qu’en incorporant dans la vidéo destinée à promouvoir l’édition 2015 du « Qatar Prix de l’Arc de Triomphe » des fragments de l’œuvre dénaturée « Basement Love » tirée du phonogramme « Sans Dormir » et en diffusant cette vidéo sur YouTube du 16 au 29 septembre 2015, la SARL DEADLINERS PRODUCTION et l’association FRANCE GALOP ont concurremment commis des actes de contrefaçon vraisemblable caractérisant un trouble manifestement illicite au préjudice de la SAS K L et de monsieur A X en leurs qualités de coéditeurs, de l’EURL CLICHE en qualité de producteur du phonogramme et de C D, A X et G H en leur qualité d’auteurs et de compositeurs de l’œuvre mais également en leur qualité d’interprètes du phonogramme ;

Ordonne en conséquence à l’association FRANCE GALOP de communiquer à messieurs C D, A X et G H ainsi que l’EURL CLICHE et la SAS K L :

— copie des factures d’achat d’espaces publicitaires en France dans le cadre de sa campagne digitale et radiophonique portant sur la diffusion de la vidéo litigieuse pour l’édition 2015 du « Qatar Prix de l’Arc de Triomphe », ces pièces devant être certifiées conformes par son expert-comptable,

— copie du contenu du spot radio,

— et à défaut de diffusion de spot radio utilisant la bande sonore de la vidéo, une attestation de non diffusion de son représentant légal ;

Rejette les autres demandes de communication de pièces ;

Condamne in solidum la SARL DEADLINERS PRODUCTION et l’association FRANCE GALOP à payer les sommes provisionnelles à valoir sur l’indemnisation définitive de leur préjudice de :

- SIX MILLE EUROS (6 000 €) à la SAS K L et à monsieur A X, à charge pour eux de se répartir cette somme dans les conditions du contrat de coédition, en réparation de l’atteinte portées à leurs droits patrimoniaux d’auteur,

- SIX MILLE EUROS (6 000 €) à l’EURL CLICHE en réparation de l’atteinte portée à ses droits voisins de producteur de phonogramme,

- MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 €) chacun à messieurs C D, A X et G H en réparation du préjudice causé par l’atteinte à leur droit moral d’auteurs,

- MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 €) chacun à messieurs C D et A X et DEUX MILLE EUROS (2 000 €) à monsieur G H en réparation du préjudice causé par l’atteinte à leur droit moral d’interprètes ;

Condamne à titre provisionnel la SARL DEADLINERS PRODUCTION à garantir l’association FRANCE GALOP de toutes les condamnations prononcées à son encontre, y compris celles prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

Rejette la demande en paiement de la SARL DEADLINERS PRODUCTION ;

Rejette les demandes de la SARL DEADLINERS PRODUCTION et de l’association FRANCE GALOP au titre des frais irrépétibles ;

Condamne in solidum la SARL DEADLINERS PRODUCTION et l’association FRANCE GALOP à payer à messieurs C D, A X et G H ainsi qu’à l’EURL CLICHE et à la SAS K L la somme de MILLE EUROS (1 000 €) chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SARL DEADLINERS PRODUCTION et l’association FRANCE GALOP à supporter les entiers dépens de l’instance ;

Rappelle que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire conformément à l’article 489 du code de procédure civile.

Fait à Paris le 01 décembre 2016

Le Greffier, Le Président,

M N A B

FOOTNOTES

1:

Copies exécutoires

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Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 1er décembre 2016, n° 16/59715