Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 22 septembre 2021, n° 18/00780

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 2-4, 22 sept. 2021, n° 18/00780
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/00780
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 15 mai 2017, N° 16/09425
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2021

NB

N° 2021/ 217

Rôle N° RG 18/00780 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BBY52

Y X

Z A

C/

B C

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Francis SAIMAN

Me Henry BOUCHARA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 16 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/09425.

APPELANTS

Monsieur Y X

né le […] à […],

demeurant […]

Représenté par Me Francis SAIMAN de la SELARL PHARE AVOCATS (postulant), avocat au barreau de MARSEILLE, et assisté par Me Bernard BORIES (plaidant), avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

Madame Z A es qualité de curatrice de Monsieur Y X selon le jugement du 23 mars 2015

née le […] à ALGER,

demeurant […]

Représentée par Me Francis SAIMAN (postulant) de la SELARL PHARE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, et assisté par Me Bernard BORIES (plaidant), avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEE

Madame B C

née le […] à […], demeurant […]

Représentée par Me Henry BOUCHARA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 30 Juin 2021 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anne-Marie BLANCO, en présence de Madame Anne COURVOISIER, Greffier en stage d’appronfondissement.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2021,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOS'' DU LITIGE

E X est décédé le […], […], laissant pour lui succéder son fils Y X, issu de son union dissoute avec Mme Z A.

Par un jugement du 23 mars 2015, M. Y X a été placé sous le régime de la curatelle renforcée. Sa mère a été désignée curateur.

Par ordonnance de référé du 25 avril 2016, le président du tribunal de grande instance de Marseille a ordonné la communication par la société ANTARIUS des différents versements effectués par feu E X depuis la souscription du contrat en prenant soin de préciser les dates et les montants des versements.

Par ordonnance du 9 septembre 2016, le président du tribunal de grande instance de Marseille, sur saisine de Mme Z A, a ordonné à la société ANTARIUS la communication des informations relatives à un contrat d’assurance-vie souscrit par son ancien époux.

Les éléments obtenus ont révélé que la bénéficiaire de cette assurance-vie était la compagne du souscripteur, Mme B C, qui a reçu à ce titre un capital de 30 445,62 euros.

Par acte d’huissier en date du 2 août 2016, M. Y X, assisté de sa mère, a assigné Mme B C devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE afin d’obtenir le rapport à la succession de E X de la somme de 30 445,62 euros.

Par jugement réputé contradictoire du 16 mai 2017, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, le tribunal de grande instance de MARSEILLE a :

Débouté Y X assisté de son curateur Z A de l’ensemble de ses demandes ;

L’a condamné aux dépens ;

Débouté Y X assisté de son curateur Z A, de sa demande d’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu d’assortir le présent jugement de l’exécution provisoire.

Ce jugement n’a pas été signifié.

Par déclaration reçue le 15 janvier 2018, M. Y X, assisté de son curateur, a interjeté appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 30 mars 2018, M. Y X, assisté de son curateur, demande à la cour de :

Vu l’article L 132-13 du Code des Assurances,

Vu l’article 920 du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les primes versés au titre du contrat assurance vie,

Vu le caractère manifestement exagéré au regard des facultés du défunt,

Vu l’atteinte à la réserve héréditaire,

Vu l’indemnité de réduction due,

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de MARSEILLE le 16 mai 2017,

Vu les autres pièces versées aux débats,

Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de MARSEILLE le 16 mai 2017,

Déclarer la demande de Monsieur Y X et Madame Z A, es qualité de curateur de Monsieur Y X, recevable et bien fondée,

et en conséquence :

Dire et juger que les primes versées en 2012 au titre des contrats d’assurance vie ont été manifestement exagérées eu égard aux facultés de Monsieur E X, en application de l’article L 132-13 du Code des Assurances,

En conséquence,

Condamner Madame B C au paiement d’une indemnité de réduction, laquelle sera fixée par le notaire en charge de la succession,

Renvoyer donc les parties devant le notaire en charge de la succession, Maître Philippe DUCORD, notaire à MARSEILLE,

Condamner Madame B C à payer la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Madame B C aux entiers dépens.

Dans le dernier état de ses écritures récapitulatives transmises par voie électronique le 20 juin 2018, Mme B C sollicite de la cour de :

Vu l’article L 132-13 du Code des Assurances,

Vu l’article 920 du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les primes versés au titre du contrat d’assurance vie,

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille le 16 mai 2017,

Vu les autres pièces versées aux débats,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille le 16 mai 2017,

DEBOUTER l’appelant de l’ensemble de ses demandes,

CONDAMNER Monsieur Y X et Madame Z A, es qualité de curateur de Monsieur Y X, à payer la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur Y X et Madame Z A, es qualité de curateur de Monsieur Y X, aux entiers dépens,

L’ordonnance de clôture du 4 novembre 2020, fixant l’affaire à l’audience du 2 décembre 2020, a été révoquée par une ordonnance du 18 novembre 2020.

La procédure a été clôturée le 2 juin 2021 et l’affaire fixée à l’audience de plaidoiries du 30 juin 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.

Sur l’étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour d’appel ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater’ ou 'donner acte', de sorte que la cour d’appel n’a pas à statuer.

Par ailleurs, l’effet dévolutif de l’appel implique que la cour d’appel connaisse des faits survenus au cours de l’instance d’appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s’ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu’en cours d’instance d’appel.

Toutes les dispositions du jugement entrepris qui ne sont pas contestées par les parties sont devenues définitives.

Le jugement est critiqué dans son intégralité.

Sur la demande de M. Y X, assisté de Mme Z A

Pour débouter M. Y X, assisté de son mandataire, de ses demandes de rapport de la somme de 30 445,62 euros à la succession et de réduction de ladite somme, le tribunal de grande instance de Marseille a rappelé que le rapport n’est dû que par un co-héritier à l’égard d’un autre co-héritier, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, et constaté que le demandeur ne produisait aucune pièce permettant de procéder aux opérations nécessaires pour établir un éventuel excès portant atteinte à la réserve héréditaire, en application des articles 918 à 920 du code civil.

Au soutien de la seule prétention de réduction maintenue en appel, l’appelant fait valoir que les versements effectués par E X dans le cadre du contrat d’assurance-vie présentaient un caractère manifestement exagéré au regard de ses facultés.

Il est indiqué que le de cujus, qui ne disposait d’aucun patrimoine immobilier, était, en 2012 au moment des versements, âgé de 60 ans, atteint d’un cancer ayant entraîné des hospitalisations et des séances de chimiothérapie, qu’il était en arrêt maladie et que ses revenus s’élevaient à environ 314 euros par mois. Par ailleurs, il est allégué que le contrat était dénué d’utilité pour le souscripteur.

Enfin, l’appelant ajoute que si son père a reçu un héritage d’un montant de 36 635,90 ' en 2011, le caractère manifestement exagéré s’apprécie au moment du versement des primes et non au moment du décès.

Au soutien de sa prétention, l’intimée fait valoir en substance que le caractère manifestement excessif des versements effectués n’est pas rapporté, que ce dernier vivait chez elle et qu’il avait perçu le 13 octobre 2011, à la mort de ses parents, une somme de 36 635 euros.

Si son compagnon disposait certes de revenus modestes, il avait considéré que souscrire un contrat d’assurance-vie était le meilleur placement rémunéré pour cet argent.

L’ article L.132-13 du code des assurances dispose que ' le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés .

Il résulte de l’article L.132-13 du code des assurances que les règles du rapport à succession et celles de réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s’appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ; un tel caractère s’apprécie au moment du versement, au regard de l’âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur.

Le caractère manifestement exagéré des primes s’apprécie en tenant compte de divers éléments, dont l’utilité du contrat lui-même pour le souscripteur, permettant au juge de contrôler que l’assurance vie ne permet pas de contourner les limites posées à la liberté de disposer de son patrimoine en présence d’héritiers.

Les critères d’appréciation du caractère manifestement excessif des primes payées sont donc l’âge du souscripteur et sa situation familiale et patrimoniale.

Ils doivent en conséquence s’apprécier au moment du versement des primes, au regard de l’ensemble des actifs du souscripteur et non uniquement de ses revenus, de sa situation familiale (nombre d’héritiers, mariage, veuvage) et ce au moment de la souscription du contrat et du paiement des primes.

Il convient de rappeler que la charge de la preuve du caractère manifestement exagéré des primes incombe à celui qui demande la réintégration des primes versées dans l’actif successoral.

Il n’est pas contesté que E X a souscrit le 24 février 2012 un contrat d’assurance-vie auprès de la société CREDIT DU NORD ANTARIUS et désigné en cas de décès comme bénéficiaire Mme B C, et à défaut ses héritiers.

Il ressort des éléments produits que E X a versé 30 000 euros le 24 mai 2012, 10 000 euros le 20 novembre 2012 et effectué un rachat partiel de 10 000 euros le 30 août 2012.

Salarié de la fourrière marseillaise, E X a perçu, selon les avis d’imposition produits, des revenus mensuels en 2011 de 1 274,75 euros et en 2012, au titre des salaires et assimilés et 'pensions, retraites, rentes’ 380,84 euros.

En 2012, il était âgé à l’époque de 60 ans, a été en arrêt maladie, ne disposait d’aucun patrimoine immobilier, ayant vendu un immeuble reçu lors de la succession de ses parents situé à Marseille le 13 octobre 2011, pour un montant total de 75 000 euros, partagée avec un co-indivisaire. Il détenait un compte-courant créditeur d’un montant de 21 476 euros, dont a été déduit le versement de 10 000 euros effectué le 20 novembre 2012.

Il vivait au domicile de Mme B C, sa compagne depuis de nombreuses années et qui l’a accompagné jusqu’à sa mort, et n’avait qu’un seul enfant, l’appelant, invalide.

Si E X était atteint d’un cancer, il n’est pas démontré pour autant que cette maladie l’ait privé de sa capacité d’agir ou de contracter, d’autant qu’il n’est pas indiqué la date à

laquelle la maladie a été diagnostiquée.

Enfin, il est établi que le contrat d’assurance-vie a été souscrit juste après avoir perçu la succession de ses parents, excluant toute disproportion eu égard à ses capacités financières.

Compte tenu de son espérance de vie, de la nature de ses obligations familiales, de la possibilité de rachat, qui avait déjà été réalisée le 30 août 2012, le contrat souscrit présentait pour E X une utilité certaine, tout en lui permettant, à raison de ses revenus, d’assurer ses obligations à l’égard de son fils et de sa compagne.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, de la date de leur versement, les primes versées par E X n’étaient pas manifestement exagérées eu égard à ses facultés et ne doivent donc pas être réintégrées à l’actif successoral.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris, par substitution de motifs.

Sur le renvoi devant le notaire

Au regard de ce qui précède, la demande formulée par l’appelant de renvoyer les parties devant le notaire chargé de la succession, devient sans objet.

Il convient donc de débouter l’appelant de sa demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. Y X, assisté de son mandataire, qui succombe doit être condamné aux dépens d’appel.

M. Y X, assisté de son curateur Mme Z A sera débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme B C a exposé des frais de défense complémentaires en cause d’appel ; il convient de faire application de l’article 700 du code de procédure civile à son profit à hauteur de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris, par substitution de motifs,

Y ajoutant,

Déboute M. Y X, assisté de son curateur Mme Z A de sa demande de renvoi devant le notaire,

Condamne M. Y X, assisté de son curateur Mme Z A, aux dépens d’appel,

Déboute M. Y X, assisté de son curateur Mme Z A, de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Y X, assisté de son curateur Mme Z A à verser à Mme B C une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Michèle JAILLET, président, et par Madame Céline LITTERI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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