Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 25 août 2020, n° 19/00189

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 2e protection soc., 25 août 2020, n° 19/00189
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 19/00189
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Nord, 21 juin 2017
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

N°687

A

X

X

X

C/

SCP BTSG

CPAM DES FLANDRES

FIVA

TR

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 25 AOUT 2020

*************************************************************

N° RG 19/00189 – N° Portalis DBV4-V-B7D-HFBP

JUGEMENT DU TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DU NORD (LILLE) EN DATE DU 22 juin 2017

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

Madame Z A veuve X agissant en qualité d’ayant droit de Monsieur B X

[…]

[…]

Madame C X agissant en qualité d’ayant droit de Monsieur B X

[…]

[…]

Monsieur B-AB X agissant en qualité d’ayant droit de Monsieur B X

[…]

[…]

Monsieur B-F X agissant en qualité d’ayant droit de Monsieur B X

[…]

[…]

Représentés et plaidant par Me Romain FINOT substituant Me Michel LEDOUX de la SCPA MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMES

La SCP BTSG, mandataires judiciaires, prise en la personne de Maître Marc SENECHALagissant en qualité de mandataire liquidateur de la société ASCOMETAL

[…]

[…]

Convoquée par lettre recommandée du 23 décembre 2019 dont l’accusé de réception a été signé le 30 décembre 2019

Non comparante, non représentée

La CPAM DES FLANDRES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée et plaidant par Mme Vanessa HORAU, dûment habilitée

Le FIVA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Dispensé de comparaître

DEBATS :

A l’audience publique du 15 Juin 2020 devant M. D E, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Août 2020.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme AC-AD AE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. D E en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

M. D E, Président de chambre,

Madame Jocelyne RUBANTEL, Présidente,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 25 Août 2020, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, M. D E, Président a signé la minute avec M. Pierre DELATTRE, Greffier.

*

* *

DECISION

Vu le jugement en date du 22 juin 2017 par lequel le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille, saisi d’une action en recherche de la faute inexcusable de l’employeur par les consorts X, ayants droit de M. B X, salarié de la société ASCOMETAL (sidérurgie) du 1er janvier 1987 au 31 mars 1994, et décédé le […] d’un cancer broncho-pulmonaire primitif dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres par décision de prise en charge en date du 15 janvier 2015, a :

— reçu le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante ( FIVA), subrogé dans les droits des consorts X et les consorts X, en leur action de reconnaissance de faute inexcusable à l’encontre de la société ASCOMETAL (la SCP BTSG liquidateur judiciaire de la société ASCOMETAL n’ayant pas comparu),

— dit les demandes recevables et fondées,

— dit les consorts X et le FIVA, défaillants dans la charge de la preuve qui leur incombe,

— débouté les consorts X et le FIVA de l’ensemble de leurs demandes,

— rappelé que le délai dont disposent les parties pour, le cas échéant, interjeter appel du jugement est d’un mois à compter du jour de sa notification,

— ordonné la notification du jugement;

Vu, enregistrée le 29 juin 2017 au greffe de la cour d’appel de Douai, la déclaration en date du 22 juin 2017 par laquelle les consorts X ont interjeté appel du jugement susvisé;

Vu les a12 de la loi du 18 novembre 2016, L142-2 du Code de la sécurité sociale, 114 de la loi du 18 novembre 2016, 16 du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale ainsi que du décret n° 2018-772 du 4 septembre 2018 désignant les tribunaux de grande instance et cours d’appel compétents en matière de contentieux général et technique de la sécurité sociale et d’admission à l’aide sociale, le dossier de la présente procédure a été transféré par le greffe de la cour d’appel de Douai à la présente cour devant laquelle les parties ont été convoquées à l’audience de plaidoiries du 15 juin 2020;

Vu, enregistrées au greffe le 11 février 2019, les conclusions soutenues oralement à l’audience par lesquelles les consorts X demandent à la Cour:

— de dire et juger que la maladie professionnelle dont a souffert et est décédé Monsieur B X est due à une faute inexcusable de son employeur, la société ASCOMETAL,

— de déclarer recevable et bien fondé le recours des consorts X,

— de rejeter toutes les exceptions et fins de non-recevoir invoquées,

— de fixer au maximum le montant de la majoration de la rente due aux ayants droit de la victime,

— d’allouer aux consorts X l’indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation à laquelle Monsieur B X aurait pu prétendre avant son décès conformément aux dispositions de l’article L452-3 du code de la Sécurité Sociale,

— de constater la subrogation légale du FIVA à hauteur des indemnisations versées par cet organisme aux Consorts X,

— de fixer les dommages et intérêts alloués aux ayants droit de Monsieur B X en réparation des chefs de préjudices personnels subis par celui-ci de la manière suivante:

' Préjudice esthétique: 10.000€,

' Préjudice sexuel: 10.000€,

' Déficit fonctionnel temporaire: 10.000€

' Tierce personne temporaire: 20.480€

de dire et juger qu’en vertu de l’article 1153-1 du Code Civil l’ensemble des sommes dues portera intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir;

Vu, enregistrées au greffe le 4 juillet 2019, les conclusions par lesquelles le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, dispensé de comparaître à l’audience du 15 juin 2020 à la suite de sa demande en ce sens du 11 juin 2020 reçue par mail au Greffe de la Cour le 12 juin suivant, demande à la Cour:

— de déclarer recevable la demande du Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante, subrogé dans les droits des ayants droit de M. X,

— de dire que la maladie professionnelle de monsieur X est la conséquence de la faute inexcusable de la société ASCOMETAL,

— de fixer à son maximum l’indemnité forfaitaire visée à l’article L452-3, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale et de dire que cette indemnité sera directement versée par la CPAM des Flandres à la

succession de monsieur X,

— de fixer à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime, en application de l’article L452-2 du Code de la sécurité sociale, et dire que cette majoration lui sera directement versée par l’organisme de sécurité sociale,

— de fixer l’indemnisation des préjudices personnels de monsieur X à la somme totale de 111415,20€ se décomposant de la façon suivante:

Souffrances morales 63800.00 €

Souffrances physiques 20600.00 €

Préjudice d’agrément 20600.00 €

Tierce personne 6415.20 €

— de fixer l’indemnisation des préjudices moraux de ses ayants droit, à la somme totale de 65300€, se décomposant comme suit:

Mme Z X (veuve) 32600 €

Mme C X (enfant) 8700€

M. B F X (enfant) 8700 €

M. B AB X (enfant) 8700 €

Mme G X (petit enfant) 3300 €

M. H X (petit enfant) 3300 €

— de dire que la CPAM des Flandres devra verser ces sommes au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, soit un total de 176 715,20 €,

— de rejeter la demande des consorts X au titre du déficit fonctionnel temporaire,

— de rejeter la demande des consorts X au titre de la tierce personne temporaire,

— de condamner la partie succombante aux dépens en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 1er mars 2019, le courrier en date du 27 février 2019 par lequel, en réponse à l’envoi par le Greffe le 14 février 2019 d’un calendrier de procédure fixant une injonction de conclure aux intimés au plus tard le 13 mai 2019, au nombre desquels la société ASCOMETAL, la SCP BTSG (Maître Marc SENECHAL), mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société ASCOMETAL désigné par le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 24 juillet 2014 (BODACC A n°20140151 publié le 8 août 2014) ayant prononcé la liquidation judiciaire d’ASCOMETAL, indique ne pouvoir conclure faute de précisions et ne «pouvoir exploiter [ce courrier] par manque de références concernant le débiteur faisant l’objet d’une procédure collective à la SCP BTSG»;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 30 août 2019, le courrier en date du 28 août 2019 par lequel, en réponse à l’envoi par le Greffe le 5 août 2019 d’une injonction de conclure avant le 20 septembre

2019 faite à la SCP BTSG (Maître Marc SENECHAL) ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société ASCOMETAL, indique ne pouvoir conclure faute de précisions et ne «pouvoir exploiter [ce courrier] par manque de références concernant le débiteur faisant l’objet d’une procédure collective à la SCP BTSG»;

Vu, déposées et soutenues oralement à l’audience du 15 juin 2020, les conclusions par lesquelles la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres demande à la Cour:

Sur la demande de faute inexcusable: de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à la sagesse de la Cour sur le mérite du recours en reconnaissance de faute inexcusable engagé par les ayants droits Monsieur B X,

en cas de reconnaissance de la faute inexcusable:

— de condamner la société ASCOMETAL, représentée par Maître Marc Sénéchal [BTSG], ès-qualités de mandataire judiciaire, à rembourser à la Caisse primaire d’assurance maladie des Flandres le montant des sommes dont l’organisme devra faire l’avance au titre de la faute inexcusable,

— de fixer la créance de la Caisse primaire d’assurance maladie des Flandres dans la procédure collective de la société ASCOMETAL,

— de dire qu’elle sera inscrite sur l’état des créances;

MOTIFS

Attendu que n’est pas contestée devant la Cour la recevabilité de l’action des consorts X; que les arguments développés par ceux-ci sur la prescription de l’action sont donc sans objet; qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce point;

SUR CE:

Sur la faute inexcusable:

Attendu que, pour rejeter l’action en recherche de la faute inexcusable de l’employeur introduite à l’encontre de la société ASCOMETAL par les consorts X, ayants droit de M. B X, salarié de cette entreprise de sidérurgie du 1er janvier 1987 au 31 mars 1994, et décédé le […] d’un cancer broncho-pulmonaire primitif dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres le 15 janvier 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille s’est fondé, dans son jugement du 22 juin 2017, sur la circonstance qu’en l’absence de certificat de travail de M. B X, les requérants n’établissaient pas la réalité de l’exposition de ce dernier à l’inhalation de poussières d’amiante, les 4 seules attestations versées aux débats et rédigées «sans aucune description précise et étayée» ne permettant pas d’y remédier;

Attendu 'aux termes des dispositions de l’article L452-1 du code de la sécurité sociale: «Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire[…]»;

Qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, et que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens des dispositions précitées de l’article L452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver; qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié

mais qu’il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage;

Que, sauf hypothèses limitativement énumérées au code du travail, la faute inexcusable de l’employeur ne se présume pas; qu’il appartient dès lors à la victime ou à ses ayants droit d’en rapporter la preuve;

Attendu, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que l’usine des Dunes où à travaillé M. X est une aciérie dont la capacité annuelle est de 700 000 tonnes et qui fournit plus de 20 % du marché des aciers fins et spéciaux; qu’elle est équipée de 3 réacteurs en série effectuant chacun des opérations bien définies: un four électrique UHP (Ultra Haute Puissance) qui réalise la fusion du métal à partir des ferrailles, un four poches à arc qui permet le raffinage du métal en poche avec chauffage à l’aide d’électrodes, et enfin, un dégazeur RH qui élimine de manière très poussée les gaz dissous dans l’acier par mise sous vide; que l’acier y est coulé par 2 voies: coulée continue rotative à quatre lignes verticales et coulée en lingots; qu’il est ensuite passé sur deux installations de laminage (blooming et train de 900 mm); que les produits sont alors sciés et refroidis; qu’à l’époque de la contamination la plus intense les conditions de travail étaient quelques peu différents notamment au niveau du four UHP; qu’en effet, à cette époque étaient en service les moyens de fusion suivant: un four électrique de 45 tonnes; trois fours MARTIN de 100 tonnes chacun; un convertisseur LD de 70 tonnes; que dans le cadre de ces opérations, le personnel était massivement exposé aux poussières d’amiante et ne bénéficiait d’aucune protection individuelle ou collective;

Qu’il ressort du relevé de carrière ARRCO versé aux débats que M. X a travaillé pour le compte de la société ASCOMETAL sur le site de l’usine des Dunes du 1er janvier 1987 au 31 mars 1994; que de par ses fonctions, M. B X assurait le contrôle des barres d’acier à la sortie des fours PITS, ce secteur étant soumis à des températures extrêmes, et l’amiante y étantit présente sous toutes ses formes: joints, tresses, calorifuges ou protections thermiques; que les différentes taches réalisées au sein de l’aciérie provoquaient le dégagement d’une fine poussière d’amiante que les opérateurs inhalaient à pleins poumons; que la poussière d’amiante restait confinée dans des ateliers ou l’air était brassé par un système d’aérotherme, ce qui occasionnait ne importante dispersion des fibres; que les systèmes d’aspirations étaient alors totalement inadaptés et inefficaces pour éviter les dégagements de poussières;

Qu’il en résulte que M. X a ainsi travaillé au long de sa carrière, dans des atmosphères très empoussiérées, et ce sans aucune protection ni information sur les dangers liés à la manipulation de l’amiante;

Qu’outre le relevé de carrière ARRCO susmentionné, les attestations convergentes, précises et détaillées versées aux débats par les consorts X suppléent avec suffisance et efficience à l’absence de certificat de travail étonnamment relevée par le premier juge comme à elle seule dirimante pour écarter la faute inexcusable de l’employeur:

attestation de M. I J lequel relate: «J’ai travaillé à l’usine des Dunes chez ASCOMETAL à LEFFRINCKOUCKE du 2 janvier 1973 au 30 novembre 2011 au service métallurgie du parachèvement laminoir avec Monsieur B X en tant que contrôleur. Monsieur B X était au contrôle à chaud, son travail était de mesurer les profils des barres en acier à la sortie du laminage, dans la chaleur, et ou la poussière d’amiante était constante et à proximité des fours pits. On ignorait la dangerosité de l’amiante et des poussières d’amiante dans ce secteur des laminoirs»;

attestation de M. Georges CIZO lequel relate: «Je certifie avoir travaillé avec Monsieur B X dans l’entreprise ASCOMETAL pendant de nombreuses années, de son arrivée dans la société en 1975 jusqu’à son départ en 1990. Nous travaillions chaque jour dans un environnement de poussières dans les ateliers de parachèvement laminoirs. Nos travaux consistaient à faire des contrôles de barres à côtés des fosses de refroidissement. Tout ceci contenait des poussières occasionnées par les produits chauds, poussières de vermiculite et d’amiante.»;

attestation de M. K L lequel relate: «J’ai travaillé de 1985 à 1990 à la société ASCOMETAL (usine des Dunes de LEFFRINCKOUCKE) en compagnie de Monsieur B X. Les travaux consistaient à contrôler les barres qui sortaient des fours, moi j’étais pontonnier donc nous étions par ce fait constamment exposés aux fumées et à la poussière d’amiante des fours. Nous ne savions pas à cette époque-Ià tous les dangers de l’amiante, la dangerosité de ces produits et les travaux étaient effectués sans aucune protection individuelle ni collective spécifique à l’amiante. C’était en voyant plusieurs camarades pris par le cancer de l’amiante que l’on a pris conscience du vrai danger que l’on a vécu à l’usine ASCOMETAL»;

attestation de M. M N lequel relate: «J’ai travaillé du 2 mai 1964 au 17 février 1987 à l’usine des Dunes à LEFFRINCKOUCKE en compagnie de Monsieur B X. Mon poste de travail était opérateur sur fours de traitement thermique tandis que Monsieur B X travaillait dans le même environnement en tant que contrôleur sur les produits traités. Nous ne savions pas à l’époque que nous travaillions au contact de l’amiante que nous respirions journellement sur notre poste de travail»;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que c’est par une mauvaise appréciation des circonstances de l’espèce que le premier juge a cru pouvoir retenir que la preuve de l’exposition à l’amiante de M. X, ouvrier et contrôleur en laminoir sidérurgique, n’était pas rapportée;

Attendu, en second lieu, que la conscience du danger de l’inhalation des poussières d’amiante, qu’avait ou qu’aurait dû avoir l’employeur de M. X doit s’apprécier à l’époque de l’exposition du salarié, en tenant compte de l’inscription des affections respiratoires liées à l’amiante dans un tableau des maladies professionnelles à partir de 1945, des connaissances scientifiques raisonnablement accessibles à l’époque, de la réglementation relative à la protection contre les poussières alors en vigueur, ainsi que de l’importance de l’organisation et de l’activité de la société ASCOMETAL;

Qu’en France, le danger de l’inhalation des fibres d’amiante fut porté à la connaissance du monde professionnel par l’inscription de la fibrose pulmonaire consécutive à l’inhalation de poussières renfermant de l’amiante dans le tableau n°25 des maladies professionnelles par l’ordonnance n°45-1724 du 2 août 1945; que le tableau n°30 des maladies professionnelles consacré à l’asbestose professionnelle fut créé cinq ans plus tard, par le décret n°50-1082 du 31 août 1950; que le fait que le tableau n° 30 des affections respiratoires liées à l’amiante ait été créé dès 1945 et qu’il ait été complété à plusieurs reprises, a eu pour conséquence que, quelle que fût la pathologie concernée et les incertitudes scientifiques de l’époque, tout entrepreneur avisé, était dès cette période tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l’usage, alors encore licite, de cette fibre; que les tableaux de maladies professionnelles constituent une reconnaissance officielle de l’existence d’un risque professionnel que ne peut ignorer un employeur dans le cadre de ses obligations légales en matière d’hygiène et de sécurité des salariés, et ceci quels que soit les travaux effectués ou la date d’inscription de l’affection déclarée;

Que de nombreux rapports et études scientifiques publiés depuis le début du XXe siècle sont venus confirmer l’étendue de cette connaissance par tous et constituent la preuve d’une connaissance très ancienne des dangers de l’amiante; qu’après l’introduction du terme asbestose pulmonaire (asbestose: amiante, en anglais) dans le British Medical Journal, en 1927, et la publication de statistiques de mortalité alarmantes en 1930, la Grande Bretagne adopta la première réglementation visant à réduire le risque d’asbestose, en 1931; qu’en France, dès 1906, une note publiée dans le Bulletin de l’inspection du travail par O P, inspecteur du travail, signala de nombreux cas de fibroses pulmonaires dans le cadre d’une étude concernant une cinquantaine de décès survenus en cinq ans chez les ouvriers d’une usine de filature et de tissage d’amiante de Condé-sur-Noireau; qu’en 1930, le Docteur Q R, dans la revue La médecine du travail, la première étude donnant une description détaillée de la maladie, établissant un lien de causalité entre l’asbestose et le travail des ouvriers de l’amiante, insistant sur I’évolutivité de la maladie malgré la cessation de l’exposition" et comprenant plusieurs pages de recommandations précises en direction des industriels sur les mesures à prendre afin de réduire I’empoussièrement; qu’en 1946, les Docteurs Q et H.DESOILLE publièrent dans les Archives des maladies professionnelles, une enquête dans laquelle ils constataient que « l’amiante, qui est agréable à travailler, ne provoque aucun trouble gênant en apparence mais est, par contre, fort dangereux par la pneumoconiose spéciale grave qu’elle provoque, connue sous le nom d’asbestose, d’évolution plus sévère que la silicose et qui est plus rapidement mortelle»; qu’à partir de 1935, diverses publications attirèrent l’attention sur la coexistence anormalement fréquente entre exposition professionnelle à l’amiante et cancer broncho-pulmonaire; que la première fut celle de K.M. LYNCH, parue dans l’American Journal of Cancer; qu’en France, ce risque fut signalé dès 1945 par L.DEROBERT dans un article publié dans les Archives des maladies professionnelles, puis par le Professeur S T dans un rapport paru en 1954 dans cette même publication; que le lien entre amiante et cancer du poumon fut démontré en 1955 par U V, au terme d’une étude épidémiologique sur les causes des cancers pulmonaires menée en collaboration avec l’administration de la santé britannique, et publiée dans le British Journal of Industrial Medicine; que cette étude fut très largement reprise en France, dans des publications importantes comme La Presse Médicale en 1958 (M. Y, Asbestose et cancer bronchique, 40,66) et les Archives d’anatomie pathologique en 1962 (B. LA GUILLAUMIE, Relations entre cancer et asbestose, 144); que les études effectuées à partir de 1960 par le Dr W AA, publiées dans des revues médicales de grande diffusion comme le Journal of the American Medical Association (1964) et présentées notamment lors de la conférence sur l’amiante de New-York de 1965 démontrant que le risque de cancer concernait tout autant les ouvriers qui produisaient des objets incorporant de l’amiante que ceux qui utilisaient ce produit dans des processus très divers, notamment pour assurer une isolation ou effectuer une tâche imposant une protection contre la chaleur; qu’un bilan de l’état des connaissances sur les maladies de l’amiante fut dressé lors du Congrès international de Caen de mai 1964, dont le compte rendu fut publié dans la revue Travail et sécurité, en novembre 1964; que lors de cette réunion, qui connut une large audience parmi les acteurs et intervenants du risque professionnel en France (professeurs de médecine, responsables de la Sécurité sociale, des directions du travail, de l’Institut National de Sécurité, médecins du travail de sociétés qui travaillaient ce matériau), J.C. WAGNER présenta ses travaux sur le mésothéliome, et le Pr HADENGUE observa que plus de 70 pays indemnisaient l’asbestose comme maladie professionnelle, certains d’entre eux prenant également en charge les cancers broncho-pulmonaires; qu’un autre bilan fut réalisé lors du congrès de l’Académie des Sciences des New-York d’octobre 1964, réunissant les meilleurs spécialistes de l’amiante, et dont le compte rendu de 732 pages fut publié l’année suivante;

Que ces connaissances furent par la suite publiées dans des revues de grande diffusion, destinées au monde professionnel, par des organismes jouant un rôle dans la prévention des risques professionnels; qu’ainsi, I’INRS R en 1967 une note n°552-48-97 intitulée Protection contre les risques professionnels dans le travail de l’amiante, donnant des recommandations précises aux industriels utilisateurs d’amiante; que dans une note de 1972 (n°801- 68-72), I’INRS soulignait que l’inhalation de poussières d’amiante peut provoquer une série de maladies évolutives, et présentait des mesures de prévention, même lorsque la concentration en fibres n’est pas très importante, telle que l’aspiration effective de la poussière, le port de vêtements de travail appropriés (masque individuel … ), mais aussi l’interdiction d’utiliser l’air comprimé pour nettoyer les combinaisons et les balais;

Que, indépendamment des connaissance scientifiques existantes, il convient de relever, que les premiers textes réglementant spécifiquement l’amiante datent de 1976-1977 et sont de très peu postérieurs au début de l’exposition à l’amiante de M. X; que d’autres textes, en vigueur bien antérieurement, avaient déjà pour eu objet de prévenir les dangers consécutifs à l’inhalation de poussières en général, parmi lesquelles figuraient les poussières d’amiante, notamment la loi du 12 juin 1893 concernant l’hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels, le

décret du 10 mars 1894, pris pour l’application de la loi précitée du 12 juin 1893, disposant que les poussières sans distinction de nature ou de composition devaient évacuées directement en dehors de l’atelier au fur et à mesure de leur production et qu’il devait être installé des ventilations aspirantes énergiques , le décret du 11 juillet 1903 étendant les dispositions de la loi du 12 juin 1893 aux usines chantiers ateliers de quelque nature que ce soit, publics ou privés, le décret du 20 novembre 1904 imposant l’évacuation immédiate des poussières de quelque nature qu’elles soient, ou encore la loi du 26 novembre 1912, portant codification des lois ouvrières abrogeant la loi du 12 juin 1893, mais reprenant en totalité ses dispositions;

Que plus récemment, il en fut de même du décret n°73-1048 du 15 novembre 1973 intégrant l’ensemble des dispositions susvisées dans le code du travail en particulier aux articles R232-12, R232-13 et R232-14; que le décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d’hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l’action des poussières d’amiante est venu compléter le dispositif existant, ce décret, applicable dans tous les établissements industriels, commerciaux et agricoles et leurs dépendances, de quelque nature que ce soit (et non simplement les entreprises de fabrication), publics ou privés a ordonné la mise en 'uvre d’un dispositif de contrôle de l’atmosphère, au moins une fois par mois (article 6), en fixant des seuils de concentration moyenne en fibres d’amiante (à l’origine, 2 fibres/cm3), a rappelé que des installations de protection collective des salariés, notamment des installations de captage, de filtration et de ventilation devaient être mise en place, en précisant qu’elles devaient être vérifiées au moins une fois par semaine et être constamment en parfait état de fonctionnement (article 7), et rappelé également l’obligation de mettre à la disposition du personnel des équipements de protection individuelle (notamment des appareils respiratoires anti-poussière ») en cas de travaux occasionnels et de courte durée et en cas d’impossibilité technique de mettre en place des installations collectives (articles 4 et 8);

Qu’il existait dès lors bien, à l’époque d’exposition de M. X, une réglementation préventive contre les affections respiratoires;

Qu’ainsi, et à l’époque à laquelle M. X a été exposé aux poussières d’amiante, soit jusqu’en 1994, un employeur normalement soucieux de la santé de ses salarié pouvait aisément s’informer sur le sujet, en particulier auprès du corps médical;

Qu’il avait en toute hypothèse l’obligation de respecter les dispositions législatives et réglementaires qui existaient en matière de protection respiratoires des salaries;

Qu’à l’époque d’exposition de M. X la société ASCOMETAL était une entreprise importante de la sidérurgie disposant d’une organisation structurée et de ressources humaines importantes, avec des compétences techniques, juridiques et médicales, de telle sorte que cette entreprise devait nécessairement avoir connaissance de la composition des matériaux utilisés par ses salariés, de l’existence d’un risque signalé par un tableau de maladies professionnelles, et des travaux scientifiques et médicaux concernant l’amiante;

Qu’il résulte de tout ce qui précède, que la société ASCOMETAL doit être regardée comme n’ayant pu ignorer le danger que représentait pour ses salariés en général et pour M. X en particulier l’inhalation de poussières d’amiante, ou que la société ASCOMETAL aurait dû en toute hypothèse avoir eu conscience de ce danger;

Attendu, en troisième lieu, que la faute inexcusable est caractérisée s’il apparait que l’employeur, qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, ainsi qu’il vient d’être dit, et tel qu’il en a été ainsi démontré de la société ASCOMETAL, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver; que les « mesures nécessaires » s’entendent de la nécessité de mettre en place des mesures efficaces propres à éviter la réalisation du risque;

Qu’il ressort des pièces du dossier que M. X a inhalé de grandes quantités de fibres d’amiante

du fait des produits utilisés par l’entreprise dans l’ensemble de son processus de fabrication sans bénéficier de moyens de protection collective ou individuelle;

Et attendu enfin que la société ASCOMETAL, représentée par son mandataire liquidateur la SCP BTSG, est demeurée volontairement muette, et s’est ainsi privée de la faculté qui était la sienne d’apporter la contradiction à l’évidence de l’exposition à l’amiante de M. X, à l’évidence de la pleine et entière conscience de ce danger qui était celle de la société ASCOMETAL ainsi qu’à l’évidence de la carence de l’employeur dans la mise en 'uvre des mesures propres à garantir la sécurité des salariés;

Attendu qu’il découle de tout ce qui précède que la maladie professionnelle de M. B X, et son décès qui lui est imputable, doivent être regardés comme trouvant leur cause dans la faute inexcusable de l’employeur, la société ASCOMETAL;

Que le jugement sera dès lors infirmé de ce chef;

Sur les demandes indemnitaires:

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que la CPAM des Flandres a reconnu le caractère professionnel de la maladie de M. X le 15 janvier 2015, ainsi que l’imputabilité du décès; qu’à ce titre, la Caisse a attribué à la victime une rente annuelle, en considération de son taux d’incapacité permanente, fixé à 100 %, puis une rente à son conjoint survivant; que les ayants droit de la victime ont saisi le FIVA, et accepté les offres d’indemnisation que le Fonds leur a adressées et qui se décomposaient comme suit (sauf Monsieur B- AB X, lequel a contesté l’offre du FIVA, la Cour d’appel de FORT DE FRANCE ayant cependant confirmé l’offre du FIVA dans un arrêt du 9 septembre 2016):

1) au titre de la succession de M. X (indemnisation des préjudices subis par M. X, le droit à réparation ayant été transmis aux ayants droit):

— Préjudice d’incapacité fonctionnelle: Taux d’incapacité permanente de 100 % (barème FIVA) à compter du 28 juillet 2014, jusqu’à la date du décès, ce qui correspond à une indemnisation inférieure à l’indemnisation versée l’organisme social, de telle sorte que le FIVA n’a offert aucune somme à ce titre (article 53 IV alinéa 1 de la loin°2000-1257 du 23 décembre 2000);

— Autres préjudices extra-patrimoniaux:

Souffrances morales 63800.00 €

Souffrances physiques 20600.00 €

Préjudice d’agrément 20600.00 €

TOTAL 105000.00 €

2) au titre des préjudices moraux et d’accompagnement de chacun des ayants droit à titre personnel:

Mme Z X (veuve) 32600 €

Mme C X (enfant) 8700 €

M. B F X (enfant) 8700 €

M. B AB X (enfant) 8700 €

Mme G X (petit enfant) 3300 €

M. H X (petit enfant) 3300 € ;

Attendu par ailleurs que, le 12 mai 2017, les ayants droit de la victime ont saisi le FIVA, qui, une fois l’instruction du dossier achevée, leur a notifié une offre d’indemnisation au titre de la tierce personne à hauteur de 2225,78 euros; que les consorts X ont contesté l’offre du FIVA devant la Cour d’appel de DOUAI, laquelle, par un arrêt du 31 mai 2018, leur a alloué la somme de 6415,20 euros au titre de l’assistance par tierce personne;

En ce qui concerne l’application des dispositions de l’article L452-2 du code de la sécurité sociale (majoration de la rente):

Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article L452-2 du code de la sécurité sociale: 'Dans les cas mentionnés à l’article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre […]';

Que le conjoint survivant a droit à la majoration de la rente résultant de ces dispositions; qu’il sera statué en ce sens, la majoration étant fixée à son maximum, ladite majoration étant versée directement par la Caisse à Mme Z X ;

En ce que concerne l’indemnité forfaitaire mentionnée à l’article L452-3 du code de la sécurité sociale:

Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale: 'Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100%, il lui est alloué en outre une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimul légal en vigueur à la date de la consolidation.';

Que la CPAM des Flandres ayant fixé à 100% le taux d’incapacité de M. X, les ayants droit sont en droit de réclamer l’indemnité forfaitaire instaurée par les dispositions précitées; que cette indemnité sera égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation, soit 18 263,54 € (valeur au 01/04/2014); que cette indemnité sera directement versée à la succession par la CPAM des Flandres;

En ce que concerne l’indemnisation des préjudices personnels de M. X mentionnés à l’article L452-3 du code de la sécurité sociale:

Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale déjà cité: «Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. [']';

S’agissant des souffrances morales:

Attendu que M. X est décédé le […] des suites d’un cancer broncho-pulmonaire non opérable; que la souffrance morale de M. X a résulté de l’annonce brutale de ce diagnostic, M. X se sachant avoir été massivement exposé aux poussières d’amiante par son employeur, connaissant la gravité de sa maladie, et se sachant condamné à court terme; que cette souffrance s’est ainsi caractérisée par la spécificité de la situation des victimes de l’amiante, laquelle implique une

anxiété permanente face au risque, à tout moment, d’une dégradation de l’état de santé et de menaces sur le pronostic vital; que sont versées aux débats 17 attestations convergentes descriptives de cet état moral vécu par M. X;

Qu’il sera dès lors fait une équitable appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 63800 euros le montant de l’indemnité destinée à réparer les souffrances morales de M. X;

S’agissant des souffrances physiques:

Attendu que le cancer broncflo-pulmonaire entraîne des souffrances physiques importantes liées en particulier aux diff’rents traitements (chirurgicaux, chimiothérapie, radiothérapie … ), et à la perte de capacité respiratoire irrémédiable et irréversible; que M. X n’a pu bénéficier d’une opération, compte tenu de l’avancernent de sa maladie; qu’il a été hospitalisé à plusieurs reprises, a subi une biopsie par thoracoscopie (examen particulièrement douloureux, effectué sous anesthésie locale avec introduction d’un endoscope au travers d’une petite incision réalisée entre deux côtes, pour visualiser le poumon et pratiquer les biopsies à partir de l’analyse desquelles le caractère malin des cellules peut seul être posé avec certitude); qu’il a été contraint de suivre un traitement par radiothérapie et par chimiothérapie; qu’enfin, sa pathologie a été à l’origine d’une dégénérescence générale ayant conduit au décès; que les 17 attestations susvisées témoignent également de façon convergente de l’étendue de ces souffrances physiques;

Qu’il sera dès lors fait une équitable appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 20600 euros le montant de l’indemnité destinée à réparer les souffrances physiques de M. X;

S’agissant du préjudice d’agrément:

Attendu que le préjudice d’agrément mentionné à l’article L452-3 susvisé, antérieurement défini comme un préjudice subjectif à caractère personnel résultant des troubles ressentis dans les conditions d’existence, s’apprécie désormais comme l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs;

Qu’il ressort des pièces du dossier que M. X a été privé de la faculté de pratiques ses activités sportives et de loisirs habituelles, soit le jardinage, le bricolage et la pêche maritime;

Qu’il sera dès lors fait une équitable appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 20600 euros le montant de l’indemnité destinée à réparer le préjudice d’agrément de M. X;

S’agissant du préjudice esthétique:

Attendu qu’il n’est pas contesté que le FIVA n’a procédé à aucun versement au titre du préjudice esthétique; que le FIVA s’en remet à justice sur ce chef de demande;

Qu’il ressort des pièces du dossier que M. X a subi un important préjudice esthétique du fait de sa pathologie; qu’il a ainsi dû subir plusieurs interventions chirurgicales ayant engendré des cicatrices disgracieuses et importantes; que M. X s’est également vu administrer plusieurs cures de chimiothérapie, couplées à des séances de radiothérapie, traitements aux effets secondaires éprouvants provoquant notamment des nausées, une alopécie, une perte d’appétit et des vomissements à l’origine d’un amaigrissement conséquent; que M. X a bénéficié d’un traitement à base de corticoïdes, traitement ayant occasionné d’importantes conséquences sur son aspect physique;

Qu’il sera dès lors fait une équitable appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 5000 euros le montant de l’indemnité destinée à réparer le préjudice esthétique de M. X;

En ce que concerne l’indemnisation des préjudices personnels de M. X non mentionnés aux article L452-1 et suivants du code de la sécurité sociale mais ayant vocation à pêtre indemnisés en application :

S’agissant du déficit fonctionnel temporaire:

Attendu que la victime est en droit d’obtenir réparation de son déficit fonctionnel temporaire, lequel n’est pas indemnisé dans le cadre des dispositions de l’article L452-2 du code de la sécurité sociale;

Que toutefois, l’indemnisation par le FIVA du déficit fonctionnel temporaire et permanent (le FIVA indemnisant le déficit fonctionnel globalement sans distinguer les deux postes) et telle qu’elle est déjà intervenue au profit des ayants droit de M. X, rend irrecevable la demande présentée par ces derniers; qu’elle sera dès lors rejetée;

S’agissant du recours à une tierce personne:

Attendu que les consorts X, ainsi qu’il a été ci-avant, ont d’ores et déjà été indemnisés à hauteur de 6415,20 euros au titre des frais de recours à une tierce personne par arrêt de la cour d’appel de Douai en date du 31 mai 2018;

Que leur demande présentée à ce titre est dès lors irrecevable; qu’elle ne peut, dans ces conditions, qu’être rejetée;

En ce qui concerne le préjudice moral des ayants droit:

Attendu que l’ampleur des souffrances subies par M. X et la proximité avec ce dernier de chacun des ayants droit, veuve, enfants et petits-enfants, justifient que leur soient allouées les sommes suivantes afin de réparer leur préjudice moral:

Mme Z X (veuve) 32600 €

Mme C X (enfant) 8700 €

M. B F X (enfant) 8700 €

M. B AB X (enfant) 8700 €

Mme G X (petit enfant) 3300 €

M. H X (petit enfant) 3300 € ;

Sur les rapports entre les parties:

Attendu que le FIVA a versé ou doit verser aux consorts X les sommes suivantes au titre des préjudices personnels de M. B X à la somme totale de 111415,20€ se décomposant de la façon suivante:

Souffrances morales 63800.00 €

Souffrances physiques 20600.00 €

Préjudice d’agrément 20600.00 €

Tierce personne 6415.20 €;

Attendu par ailleurs que le FIVA a versé ou doit verser aux consorts X les sommes suivantes au titre de l’indemnisation des préjudices moraux des ayants droit de M. B X, soit la somme totale de 65300€, se décomposant comme suit:

Mme Z X (veuve) 32600 €

Mme C X (enfant) 8700€

M. B F X (enfant) 8700 €

M. B AB X (enfant) 8700 €

Mme G X (petit enfant) 3300 €

M. H X (petit enfant) 3300 €;

Que ces sommes versées ou à verser par le FIVA aux consorts X soit en vertu d’accords avec les consorts X soit en vertu de l’arrêt de la cour d’appel de Douai du 31 mai 2018, soit en vertu de l’arrêt de la cour d’appel de Fort de France du 9 septembre 2016, s’élèvent donc à 176715,20 euros;

Que le FIVA est en droit de récupérer ces sommes; qu’il est cependant en droit de le faire, non pas sur la Caisse, mais sur l’employeur, auteur de la faute inexcusable;

Que s’il dirige sa demande à l’égard de la Caisse, manifestement en raison du fait que la société ASCOMETAL est en liquidation judiciaire, seule la fixation de la créance du FIVA au passif de la liquidation judiciaire de la société ASCOMETAL peut être ordonnée par la Cour;

Attendu en revanche, que la Cour fixant le montant du préjudice esthétique de M. X à hauteur de 5000 euros, montant, au regard duquel le FIVA n’est pas intervenu, a vocation à être avancé par la Caisse au profit des consorts X; qu’il y a aura lieu, dès lors de fixer la cérance de la CPAM à ce titre à hauteur de 5000 euros et de dire que cette créance de 5000 euros sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société ASCOMETAL;

Que de même, les autres sommes versées par la CPAM aux consorts X (rente du conjoint survivant, majoration de la rente et indemnité forlfaitaire de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale) constituent une créance de la Caisse récupérable par celle-ci sur la société ASCOMETAL; que ces sommes seront dès lors également inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la société ASCOMETAL;

Sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Attendu qu’il sera fait une équitable appréciation des circonstances de l’espèce en disant n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Qu’il ya lieu d’ordonner l’emploi des dépens de l’instance d’appel nés postérieurement au 31 décembre 2018 en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la société ASCOMETAL;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoirement et en dernier ressort:

INFIRME les entières dispositions du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille

du 22 juin 2017 ;

STATUANT A NOUVEAU:

DECLARE recevable l’action du Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) ;

DIT que la maladie professionnelle de M. B X et le décès de celui-ci sont la conséquence de la faute inexcusable de la société employeur ASCOMETAL ;

FIXE à son maximum l’indemnité forfaitaire visée à l’article L452-3, alinéa 1er du code de la sécurité sociale et DIT que cette indemnité (soit 18263,54 euros valeur au 1er avril 2014) sera directement versée par la CPAM des Flandres à la succession de M. B X ;

FIXE à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant (Mme Z X) de la victime (M. B X) en application de l’article L452-2 du Code de la sécurité sociale, et DIT que cette majoration lui sera directement versée par l’organisme de sécurité sociale (caisse primaire d’assurance maladie des Flandres) ;

FIXE l’indemnisation des préjudices personnels de M. B X à la somme totale de 116415,20€ se décomposant de la façon suivante:

Souffrances morales 63800.00 €

Souffrances physiques 20600.00 €

Préjudice d’agrément 20600.00 €

Préjudice esthétique 5000 €

Tierce personne 6415.20 €

FIXE l’indemnisation des préjudices moraux des ayants droit de M. B X à la somme totale de 65300€, se décomposant comme suit:

Mme Z X (veuve) 32600 €

Mme C X (enfant) 8700€

M. B F X (enfant) 8700 €

M. B AB X (enfant) 8700 €

Mme G X (petit enfant) 3300 €

M. H X (petit enfant) 3300 €

DIT que les sommes versées ou à verser par le FIVA à hauteur de 176715,20 euros aux consorts X peuvent être récupérées par le FIVA sur la société ASCOMETAL ;

FIXE en conséquence la créance du FIVA sur la société ASCOMETAL à la somme de 176715,20 euros ;

DIT que la créance du FIVA sur la société ASCOMETAL d’un montant de 176715,20 euros sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société ASCOMETAL à la diligence de la SCP

BTSG (Maître Marc SENECHAL) mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société BTSG ;

DIT que la créance de la CPAM des Flandres de 5000 euros correspondant à l’indemnité destinée à réparer le préjudice esthétique de M. B X (non versée ou non à verser par le FIVA) et dont la CPAM fera l’avance en la versant directement à la succession de M. B X, sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société ASCOMETAL à la diligence de la SCP BTSG (Maître Marc SENECHAL) mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société BTSG ;

DIT que les autres sommes versées par la CPAM des Flandres aux consorts X (rente du conjoint survivant, majoration de la rente et indemnité forlfaitaire de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale) constituent une créance de la Caisse récupérable par celle-ci sur la société ASCOMETAL ;

DIT que ces sommes (rente du conjoint survivant, majoration de la rente et indemnité forlfaitaire de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale) seront dès lors également inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la société ASCOMETAL à la diligence de la SCP BTSG (Maître Marc SENECHAL) mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société BTSG ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

ORDONNE l’emploi des dépens de la présente instance d’appel nés postérieurement au 31 décembre 2018 en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la société ASCOMETAL.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 25 août 2020, n° 19/00189