Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 23 juin 2016, n° 14/04105

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 2 sect. 2, 23 juin 2016, n° 14/04105
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 14/04105
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lille, 21 mai 2014, N° 2014000015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

République Française Au nom du Peuple Français COUR D’APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 2 ARRÊT DU 23/06/2016 ***

N° de MINUTE : 16/

N° RG : 14/04105 (jonction avec le N° RG 14/4593)

Jugement (N° 2014000015)

rendu le 22 Mai 2014

par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE

REF : SA/KH

APPELANTES SARL MICAMAR

ayant son siège XXX

XXX

Représentée par Me Virginie LEVASSEUR, constituée aux lieu et place de Me Dominique LEVASSEUR avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Marylène LAMOURE avocat au barreau de PAU

SAS BRASSEURS DE GAYANT

ayant son siège XXX

XXX

Représentée par Me Alain REISENTHEL, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉE SARL LE CANASTEL

ayant son siège XXX

XXX

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI Assistée de Me Panos LIPSOS, avocat au barreau de PAU

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Pascale FONTAINE, Président de chambre

Y Z, Conseiller

Nadia CORDIER, Conseiller


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryse ZANDECKI DÉBATS à l’audience publique du 24 Mars 2016 après rapport oral de l’affaire par Y Z

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2016 après prorogation du délibéré initialement prévu le 9 juin 2016 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Pascale FONTAINE, Président, et Maryse ZANDECKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er mars 2016 *** FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 11 décembre 2007, la société Micamar a cédé à M. Le Du, agissant pour le compte de la société en formation Le Canastel, un fonds de commerce de débit de boissons et restauration rapide, sis à XXX.

Au titre des conditions particulières de la convention, il était notamment prévu que le cessionnaire s’engageait à poursuivre le contrat d’approvisionnement exclusif de bières auprès du Brasseur Grain d’Orge pour une durée de 7 ans et pour un volume global de 500 hl.

Par acte sous seing privé en date du 31 janvier 2008, la société Brasserie Grain d’Orge, aux droits de laquelle vient la société Les Brasseurs de Gayant (le brasseur), a conclu une convention commerciale de distribution exclusive de bières avec la société Le Canastel. Le contrat stipulait que le client devait se fournir obligatoirement soit auprès de la Brasserie, soit auprès d’un entrepositaire, la société Micamar, pour un volume de 560 hl de bière sur 7 ans, soit 80 hl par an.

Concomitamment, un contrat de marché de fourniture de boissons, portant sur un quota d’approvisionnement en bière de 71 hl de bière par an, a été signé entre la société Micamar (le fournisseur/le distributeur) et la société le Canastel (le revendeur).

Parallèlement, par convention du 09 avril 2008, le brasseur a mis du matériel à disposition de la société Le Canastel (tireuse de bière, stores, fauteuils…) pour une valeur de 8 557, 85 euros. Une convention de location de matériel (machine à café, machine à glaçons…), évalué à 8 761, 38 euros, a également été régularisée entre la société Micamar et Le Canastel. La société Le Canastel n’est pas parvenue à réaliser les quotas d’approvisionnement prévus aux contrats.

Après plusieurs échanges de courriers entre les parties, portant sur les difficultés liées au respect de ces quotas ainsi que sur les tarifs pratiqués par le distributeur et le paiement de ristournes, Micamar a mis fin, le 12 décembre 2012, à ses livraisons.

Suivant courrier en date du 11 février 2013, la société Les Brasseurs de Gayant, reprochant au revendeur d’avoir rompu le contrat en ne reprenant pas ses approvisionnements, l’a mis en demeure d’avoir à payer les pénalités contractuelles.

Par exploits d’huissier des 17 janvier et 23 janvier 2013, la société Le Canastel a assigné la SARL Micamar et la société Les Brasseurs de Gayant, respectivement devant le tribunal de commerce de Pau et devant le tribunal de commerce de Lille aux fins, à titre principal, de voir prononcée la nullité des contrats de fourniture de bières la liant à ces sociétés.

La juridiction paloise a retenu la connexité entre les deux affaires et s’est dessaisie au profit du tribunal de commerce de Lille, qui a prononcé la jonction entre les deux instances.

Par jugement en date du 22 mai 2014, le tribunal de commerce de Lille a, notamment:

• prononcé la nullité de la convention de distribution exclusive de bières signée entre l’EURL Le Canastel et la SAS Les Brasseurs de Gayant pour vice du consentement, • prononcé la nullité de la convention de marché de fourniture de boissons signée entre l’EURL Le Canastel et la SARL Micamar pour vice du consentement, • dit n’y avoir lieu à restitution des marchandises et commissions versées au titre des transactions commerciales réalisées entre les sociétés sous le régime des contrats annulés, • dit n’y avoir lieu à remboursement anticipé ni déchéance du terme du crédit de 14 537 euros accordé par le CIC-Banque Scalbert-X, à raison de l’annulation de la convention de distribution exclusive de bières, • condamne la SARL Micamar à payer à l’EURL Le Canastel la somme de 13 700 euros à titre de dommages et intérêts, • condamne l’EURL Le Canastel à payer à la SAS Les Brasseurs de Gayant la somme de 4 605, 83 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 21 février 2013, au titre du paiement du matériel prêté au titre de la convention de « mise à disposition de matériel », • condamne l’EURL Le Canastel à payer à la SARL Micamar la somme de 6 556, 22 euros au titre du paiement du matériel loué au titre du contrat « location de matériel « .

Les sociétés Micamar et Brasseurs de Gayant ont interjeté appel par déclaration des 1er et 17 juillet 2014. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 26 août 2014.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 19 décembre 2014, la société Micamar demande à la cour de:

• réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille-Métropole le 22 mai 2014.

Y ajoutant et statuant à nouveau:

A titre principal: • constater que le convention de fournitures de boissons et la convention de distribution exclusive de bières forment un ensemble contractuel indivisible, • prendre acte que la société Le Canastel sollicite la nullité de la convention de fournitures de boissons et l’exécution de la convention de distribution exclusive de bières, • juger que la société Le Canastel se contredit au détriment d’autrui, • constater par conséquent que la société Le Canastel se rend coupable d’estoppel, • ordonner une fin de non recevoir, • déclarer par conséquent la société Le Canastel irrecevable en ses demandes.

A titre subsidiaire:

En ce qui concerne les commissions bières:

• constater que la totalité des ristournes ont été versées, • juger que la société Micamar ne doit aucune somme au titre des ristournes bières à l’EURL Le Canastel.

En ce qui concerne la convention Marché de fournitures de boissons:

• juger de la recevabilité des pièces n°8 à 11 transmises par la société Micamar, • constater que la SARL Micamar a respecté son devoir précontractuel d’information envers l’EURL Le Canastel, • constater l’absence de vice du consentement, • rejeter, par conséquent, la demande de nullité de la convention.

En ce qui concerne les dommages et intérêts:

A titre principal;

• constater qu’en l’absence de dol de la SARL Micamar, cette dernière n’a commis aucune faute, • débouter, par conséquent, la société Le Canastel de sa demande de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire:

• juger la violation par le tribunal de commerce de Lille-Métropole des dispositions des articles 4, 5, 12 et 16 du code de procédure civile, • infirmer, par conséquent, le jugement condamnant la SARL Micamar à verser à l’EURL Le Canastel la somme de 13 700 euros.

En tout état de cause:

• condamner la société Le Canastel au paiement de la somme de 6 556, 22 euros, • condamner la société Le Canastel au règlement d’une indemnité de 30 000 euros à parfaire, correspondant à la clause pénale applicable en cas de non-réalisation des volumes prévus par le convention de fourniture de boissons, • condamner la société Le Canastel au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Levasseur conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle soulève en premier lieu l’irrecevabilité des demandes de la société Le Canastel motif pris de l’incohérence de ses prétentions, caractérisant une contradiction au détriment d’autrui (règle de l’estoppel). Elle explique que les conventions de distribution exclusive de bières et le contrat de marché de fournitures de boissons formant un ensemble indivisible puisque participant à une même opération économique, Le Canastel ne peut à la fois demander la nullité du contrat de marché de fournitures de boissons et l’exécution de la convention de distribution exclusive de bières.

Sur le fond elle conteste la nullité de la convention de fournitures de boissons aux motifs que:

— aucun vice du consentement ne peut être retenu: le volume de boissons à atteindre fixé dans la convention correspondait à celui effectivement réalisé par la société Micamar avant la cession, le tribunal ayant retenu la réticence dolosive sur la base de chiffres inexacts, qui ne tenaient pas compte des boissons n’ayant pas fait l’objet de ristournes,

— elle a respecté son obligation précontractuelle d’information en portant à la connaissance de l’acquéreur, dont le gérant n’était pas un novice du secteur, les quotas de bières et chiffres d’affaires qu’elle réalisait avant la cession.

Si la nullité des conventions n’était pas prononcée, elle soutient qu’elle ne devrait aucune ristournes bières à la société dès lors que les dispositions contractuelles lui laissaient la possibilité d’opter pour une ristourne de 30 euros/hl et de ne pas appliquer celle de 40 euros/hl.

Si la cour retenait qu’elle a commis une réticence dolosive, Micamar fait valoir que l’octroi de dommages et intérêts à La Canastel ne pourrait se justifier, comme l’a fait le premier juge car:

— l’EURL Le Canastel n’a jamais formulé cette demande à titre principal, mais seulement dans l’hypothèse d’une résiliation du contrat; le premier juge a donc statué ultra petita,

— et il a fondé sa décision sur un moyen de droit non soutenu par les parties et sans solliciter leurs observations en violation des articles 12 et 16 du code de procédure civile.

A l’appui de ses demandes reconventionnelles, elle fait valoir que:

— elle est fondée à réclamer les pénalités pour les volumes non réalisés en application de la clause pénale figurant dans la convention,

— en exécution du contrat de location, le locataire doit lui rembourser le prix du matériel.

Selon ses dernières conclusions, signifiées le 29 février 2016, la société Brasseurs de Gayant demande à la cour de:

• réformer partiellement le jugement et débouter la Canastel de toutes fins et conclusions, • dire et juger que le litige entre le débitant de boissons Canastel et son entrepositaire de boissons Micamar ne le concerne pas.

A titre reconventionnel:

• prononcer la résiliation de la convention commerciale du 31 janvier 2008 et de la convention de mise à disposition du 09 avril 2008, aux torts exclusifs de Canastel, • condamner Canastel au paiement de la somme de 33 866, 32 euros au titre de l’indemnité de rupture de la convention commerciale du 31 janvier 2008 avec intérêts au taux légal depuis le 21 février 2013 (8 jours après la réception de la mise en demeure du 11 février 2013).

Confirmant:

• condamner l’EURL Canastel au paiement de la valeur résiduelle du matériel investi pour la somme de 4 605, 83 euros TTC, outre les intérêts au taux légal depuis le 21 février 2013, • dire et juger que les condamnations, soit la somme de 4 605, 83 euros porteront intérêts à hauteur de 1% par jour de retard, par application des dispositions des articles 3 et c de la convention de mise à disposition du

matériel du 09 avril 2008, à compter du 13 mars 2013, à savoir un mois après la réception de la mise en demeure du 11 février 2013,

Par ailleurs:

• condamner l’EURL Canastel à rembourser par anticipation le prêt BSD de 14 568 euros en deniers et quittances des sommes restant dues au jour du jugement, • la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC, ainsi qu’en tous frais et dépens.

Elle conteste toute manoeuvre dolosive de sa part; elle fait valoir que:

— les relevés statistiques de volumes de bières débités par son prédécesseur la société Micamar ont été communiqués à la société Le Canastel, ceux produits en première instance étant incomplets,

— le volume d’approvisionnement de 80 hectolitres par an prévu dans le contrat a tenu compte du prévisionnel établi par M. Le Du, lequel indiquait un doublement du résultat net en deux ans, et du potentiel en bières de l’établissement, axé sur une activité uniquement de bar.

Elle réfute également l’absence de cause lors de la formation du contrat, soutenant que la clause d’approvisionnement exclusif trouve sa contrepartie dans le cautionnement solidaire et à 100 % apporté par le brasseur, sans lequel la banque n’aurait pas consenti de prêt, et qui présentait pour lui un risque réel.

Sur l’arrêt des livraisons, elle souligne que le litige oppose l’entrepositaire de boissons à la société Le Canastel et qu’elle y est étrangère, le brasseur désignant dans le contrat d’approvisionnement exclusif un entrepositaire non pas parce qu’il est une filiale ou un associé mais pour assurer la constance de la qualité du produit.

A l’appui de sa demande reconventionnelle en résiliation des contrats d’approvisionnement et de mise à disposition de matériel, elle fait valoir que:

— la société Canastel a violé la clause d’approvisionnement exclusif en débitant des produits concurrents (Heineken) alors même qu’elle vend des bières de même type,

— en conséquence, Canastel est redevable de la valeur du matériel investi, soit 4 605, 83 euros, outre une pénalité de retard de 1% de la valeur de ce matériel par jour de retard (article 3c de la convention),

— la rupture de la convention d’approvisionnement exclusif fait disparaître la cause du cautionnement et rend exigible le prêt en application de l’article 3 du contrat de prêt, de sorte que le risque financier pour le brasseur doit disparaître et que client doit être condamné à rembourser par anticipation son prêt à la banque.

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 21 avril 2015, la SARL Le Canastel demande à la cour de:

— dire et juger que, compte tenu des invraisemblances qui affectent les pièces Micamar 8 à11, seuls peuvent être retenus les volumes exprimés dans la pièce n°6 de la société Brasseurs de Gayant, déjà pris en compte par le tribunal de commerce, – prendre acte de l’aveu judiciaire de la société Brasseurs de Gayant selon lequel les volumes vendus entre ladite société et Micamar avant la cession étaient de 50 hl par an,

— en tout état de cause, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 22 mai 2014 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a:

— limité la condamnation de la société Micamar à payer à l’Eurl Le Canastel, 13.700 € à titre de dommages et intérêts au lieu des 45.000 € de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation demandés par la société Le Canastel dans ses conclusions après jonction de première instance,

— condamné l’Eurl le Canastel à payer à la SAS Les Brasseurs de Gayant la somme de 4.605, 83 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 21 février 2013, au titre

du paiement du matériel prêté au titre de la convention de « mise à disposition de matériel »,

— condamné l’Eurl Le Canastel à payer à la Sarl Micamar la somme de 6.556,22 € TTC au titre du paiement du matériel loué au titre du contrat « location de matériel »,

— omis de faire droit à la demande de la société le Canastel de condamner la société Micamar à relever et garantir la société Le Canastel de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.

— le réformer sur les points susvisés, et :

1. dans le litige Le Canastel / Brasseurs de Gayant

Vu les articles 1134, 1147 du code civil:

— débouter les Brasseurs de Gayant de leurs demandes, fins et conclusions,

— prononcer l’annulation du contrat intitulé « convention commerciale » signé le 31 janvier 2008 entre la société Le Canastel et la société Brasserie Grain d’Orge, aux droits de laquelle vient la société les Brasseurs de Gayant,

— subsidiairement, prononcer la résiliation dudit contrat au 12 décembre 2012.

en tout état de cause:

— dire et juger qu’aucune condamnation de la société Le Canastel ne peut intervenir dès lors qu’il n’est pas établi que les capacités du débit correspondaient réellement aux quotas demandés,

— à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que les clauses sur le fondement desquelles le brasseur établit ses demandes s’analysent en une clause pénale et réduire à un montant le plus symbolique qui soit les sommes demandées par le brasseur,

— condamner la société Micamar à relever et garantir la société Le Canastel de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

— condamner la société les brasseurs de gayant à payer à la société le canastel la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du cpc en plus des sommes allouées à ce titre par le tribunal de commerce par le jugement dont appel.

1. dans le litige Le Canastel / Micamar ' Sodico Vu les articles 1134, 1147 du code civil:

— débouter la société Micamar de ses demandes, fins et conclusions,

Vu les articles 1109 et suivants du code civil:

— prononcer l’annulation du contrat intitulé « marché de fourniture de boisson » signé entre la société Le Canastel et la société Micamar,

— subsidiairement, prononcer la résiliation dudit contrat aux torts de la société Micamar, au 12 décembre 2012.

— pour le cas où le contrat entre la société Le Canastel et la société Brasserie Grain d’Orge ne serait pas annulé, condamner la société Micamar à payer à la société Le Canastel la somme de 6351 euros au titre des ristournes avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 octobre 2012, selon compte arrêté au 31 décembre 2012.

Avant dire droit, pour le cas où la cour s’estimerait insuffisamment informé que le caractère abusif du prix, enjoindre sous astreinte à la société Micamar de

communiquer ses tarifs et les factures établies dans l’intérêt de l’intégralité de ses autres clients de façon à établir les prix pratiqués auprès de ses autres clients.

En tout état de cause:

— condamner la société Micamar à payer à la société Le Canastel la somme de 45.000 euros de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

— dire et juger qu’aucune condamnation de la société Le Canastel ne peut intervenir dès lors qu’il n’est pas établi que les capacités du débit correspondaient réellement aux quotas demandés,

— à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que les clauses sur le fondement desquelles Micamar fonde ses demandes s’analysent en une clause pénale et réduire à un montant le plus symbolique qui soit les sommes demandées par la société Micamar,

— condamner la société Micamar à payer à la société Le Canastel la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des sommes allouées à ce titre par le tribunal de commerce par le jugement dont appel

— condamner solidairement la société Micamar et la société Brasseurs de Gayant aux entiers dépens de première instance et d’appel.

I/ Sur le litige entre la société Le Canastel et la société Brasseur de Gayant, elle fait valoir que:

1) Sur l’annulation du contrat, les moyens suivants:

a) les vices du consentement: le dol, et subsidiairement l’erreur, en ce que le contrat prévoyait un approvisionnement de 80 hl/an alors que le brasseur, qui avait travaillé avec son prédécesseur, n’ignorait pas que les capacités de débit du commerce étaient inférieures à 50 hl/an. En laissant croire à Le Canastel que les débits réalisés étaient de 80 hl/an et en laissant le revendeur face à des quotas inatteignables, la société Brasseur de Gayant a commis un dol ou au moins une réticence dolosive. En tout état de cause, il y a eu erreur sur la capacité du débit et les volumes réalisés. Les nouveaux tableaux produits en cause d’appel par le brasseur et Micamar, en contradiction avec ceux produits en première instance, ont été édités pour les besoins de la cause en juin 2014 et ne sont corroborés par aucune autre pièce,

b) l’absence de cause: l’engagement de fourniture doté d’une clause d’exclusivité à sa charge, d’une durée et d’un poids financiers importants, assorti de la clause pénale, n’a pas de réelle contrepartie: le prêt n’a pas été accordé par le brasseur mais par la banque, les ristournes accordées sont absorbées par les prix de vente pratiqués, plus élevés que ceux du marché et qui l’empêchent de dégager des marges, et le cautionnement apparaît comme une contrepartie dérisoire en l’absence de risque réel pris par le brasseur (existence d’autres garanties).

2) Pour conclure au débouté des demandes reconventionnelles de la société Brasseurs de Gayant, elle expose que:

— il ne peut y avoir de condamnation pour défaut d’exécution des quantités dès lors qu’il résulte du propre aveu du fournisseur que les quantités demandées ne correspondaient pas aux capacités réelles du débit de boissons,

— l’arrêt des livraisons et la rupture des relations commerciales sont imputables à Micamar, laquelle n’était pas fondée à se prévaloir de l’exception d’inexécution,

— en conséquence, la société Micamar, à l’encontre de laquelle la résiliation du contrat est sollicitée à défaut d’annulation, devra garantir la société Le Canastel de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au bénéfice du brasseur du fait de l’arrêt des livraisons,

— le brasseur est mal fondé à lui reprocher d’avoir commercialisé des bières de type Heineken alors qu’il n’en proposait pas lui-même et que le contrat de fourniture de bières autorise le débiteur de boissons à vendre un produit que le brasseur ne fournit pas.

— l’indemnité de 33 866, 32 euros réclamée par le brasseur s’analyse en clause pénale, laquelle apparaît excessive et doit être réduite compte tenu de l’exécution partielle par la société Le Canastel de son engagement (article 1231 du code civil).

— la clause du contrat de mise à disposition au titre de laquelle le brasseur réclame la somme de 4 605, 83 euros concerne le cas où la société Le Canastel s’approvisionnerait auprès d’une brasserie concurrente; tel n’est pas le cas en l’espèce,

dès lors que les livraisons ont été stoppées par Micamar et que la Heineken demandée n’a jamais été livrée; en outre, le brasseur n’a jamais réclamé la restitution du matériel de sorte que la pénalité de 1% par jour de retard, qui ne s’applique qu’en cas de retard dans la restitution du matériel, doit être écartée,

— il n’existe aucun motif de faire droit à la demande de remboursement anticipée du prêt dès lors qu’il n’est pas établi que les conditions du paiement anticipé sont réunies, que la banque n’est pas partie à l’instance et qu’elle n’a pas demandé ce paiement anticipé.

II/ Sur le litige entre la société le Canastel et la société Micamar

1) Sur le paiement de la ristourne, dans l’hypothèse où le contrat ne serait pas annulé, le Canastel expose que depuis le début du contrat, Micamar n’a jamais versé la part qu’elle devait restituer à la société Le Canastel, alors même qu’elle a reçu les fonds du brasseur à cette fin, comme ce dernier l’a confirmé; les ristournes en question sont celles prévues au contrat passé entre le débitant et la brasserie, soit 30 euros/hl et 40 hl/l selon le type de bière, l’existence de ces deux montants ne signifiant nullement que Micamar ait le choix d’appliquer l’un ou l’autre à sa guise.

2) Elle se défend de tout estoppel, exposant que: – la demande au titre du paiement des ristournes, qui semble être visée par l’irrecevabilité soulevée par la société Micamar, n’est plus formulée qu’à titre subsidiaire; au moment de la rédaction de l’assignation délivrée à l’encontre la société Micamar (début janvier 2013), la société Le Canastel n’envisageait pas d’assigner le brasseur et de demander l’annulation du contrat, espérant encore une renégociation possible,

— il n’y a d’estoppel que si les actions engagées sont de même nature, fondées sur les mêmes conventions et opposant les mêmes parties; tel n’est pas le cas en l’espèce, les parties étant différentes et les demandes (annulation d’un contrat et demande de paiement de ristournes) pas de même nature

— il n’y a pas nécessairement de contradiction entre demander subsidiairement la résiliation et demander le paiement des ristournes dès lors que celles-ci sont dues pour la période antérieure à la résiliation,

— le co-contractant victime de l’inexécution conserve la faculté de modifier son option entre poursuivre soit l’exécution, soit la résolution, tant qu’il n’a pas été statué sur sa demande initiale par une décision passée en force de chose jugée; la société Le Canastel conservait donc le choix de reformuler sa demande en la passant en subsidiaire,

— en tout état de cause, la demande de paiement des ristournes n’est plus formulée qu’à titre subsidiaire, si l’annulation du contrat n’était pas prononcée, et l’éventuelle contradiction aurait alors disparu au moment où le juge statue,

— enfin l’estoppel suppose une mauvaise foi, absente en l’espèce.

3) A l’appui de sa demande d’annulation du contrat intitulé « marché de fourniture de boissons » signé entre elle et Micamar, la société Le Canastel excipe des moyens suivants:

a) les vices du consentement: le dol et subsidiairement l’erreur; l’article 2 du contrat prévoit que les quantités fixées à la charge du revendeur doivent correspondre aux capacités antérieures du débit. Or, les capacités réelles de débit avant la cession

(moins de 50 hl/an) étaient inférieures à la quantité de 71 hl/an prévue au contrat. En n’informant pas le co-contractant que les quantités initialement fixées dans le contrat d’approvisionnement exclusif souscrit auprès du brasseur Grain d’Orge n’avaient

jamais été atteintes, la société Micamar a fait preuve d’une réticence dolosive et laissé à la charge du revendeur des quotas inatteignables. En tout état de cause, il y a erreur sur la capacité du débit et les volumes réalisés,

b) l’absence de cause: – l’économie du contrat doit être examinée dans sa globalité. En l’espèce, au regard de la lourdeur des obligations mises à la charge de la société Le Canastel (volume des livraisons imposées et clause pénale), les contreparties sont dérisoires: les avoirs prévus au contrat ne constituent qu’une renégociation indirecte d’un prix inférieur et non pas un avantage réel, ces avoirs sont absorbés par les prix fixés par le distributeur, abusifs et disproportionnés, qui ne laissent qu’une marge dérisoire au débitant, lequel ne tire alors aucun profit du contrat de distribution; si la cour s’estimait insuffisamment informée sur le caractère abusif du prix, elle pourrait avant dire droit enjoindre à la société Micamar de produire les factures délivrées à ses autres clients.

— le prêt de matériel ne constitue pas une contrepartie puisque non prévu au contrat de fourniture de boissons; il a en outre été établi postérieurement;

— le contrat avec Micamar est d’autant moins causé qu’il existe déjà un contrat de fourniture avec le brasseur. 4) S’agissant de la demande subsidiaire de résiliation du contrat, La Canastel fait valoir que celle-ci est justifiée par le refus de livraison de la part de Micamar.

5) Sur sa demande de dommages et intérêts, elle explique que:

— le dol l’a conduite à accepter un marché à des prix prohibitifs; son préjudice est constitué par le fait de payer des produits au double de leur prix et par l’absence de marge faisant obstacle à toute rémunération du gérant,

— elle a formulé cette demande en tout état de cause et pas seulement subsidiairement en cas de résiliation du contrat, de sorte que le premier juge n’a pas statué ultra petita.

6) Elle s’oppose aux demandes reconventionnelles de la société Micamar aux motifs que:

— il ne peut y avoir de condamnation pour défaut d’exécution des quantités dès lors que les quantités demandées ne correspondaient pas aux capacités réelles du débit de boissons, et qu’au contraire, ces quantités étaient exorbitantes,

— sur la demande de paiement de la somme de 30 000 euros, la société Micamar ne fournit pas le moindre justificatif sur les volumes non réalisés; elle n’a pas délivré de mise en demeure, requise par l’article 1230 du code civil, se contentant de cesser toute livraison; l’article 7 invoqué par Micamar à l’appui de sa demande ne concerne que le cas de résolution du contrat, non demandée par celle-ci; cette clause s’analyse en une clause pénale qui doit être réduite compte tenu de l’exécution partielle du contrat,

— la demande au titre du contrat de location de matériel doit être rejetée dès lors que l’impossibilité d’exécuter les volumes et de donner suite au contrat est imputable au dol de la société Micamar, qui ne saurait de prévaloir de sa propre turpitude; la clause résolutoire de ce contrat ne mentionne pas d’obligations relatives au présent litige; en outre cette somme de 6 556, 22 euros ne tient pas compte de l’amortissement comptable et de la valeur d’usage déclinante du matériel, qui ne peut donc être remboursé à sa valeur d’origine, déjà surestimée; la clause prévoyant le paiement à la valeur d’origine s’analyse comme une clause pénale, qui doit être réduite.

MOTIFS DE LA DECISION

I Sur le litige opposant les sociétés Le Canastel et les Brasseurs de Gayant

Sur la nullité de la convention commerciale du 31 janvier 2008

Aux termes de l’article 1108 du code civil, quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention: le consentement de la partie qui s’oblige, sa

capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l’engagement, une cause licite dans l’obligation.

Il ressort de l’article 1109 du code civil, qu’il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Selon l’article 1110 du même code, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.

L’article 1116 du même code précise que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, il doit être prouvé. Il résulte de ces textes qu’il appartient à celui qui se prévaut de la nullité du contrat sur le fondement du dol d’apporter la preuve de l’intention dolosive de son co-contractant. Doit être établie l’existence de manoeuvres destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement.

***

' En l’espèce, les quotas d’enlèvement de bière souscrits par la société Micamar avant la cession du fonds de commerce à M. Le Du figurent à l’acte de cession, ainsi rédigé (pièce 21 de l’intimée, article 7 B): « le cédant a souscrit un contrat d’approvisionnement exclusif auprès du brasseur Grain d’Orge, savoir un contrat d’approvisionnement de bière pour une durée de 7 ans et pour un volume de 500 hl global ».

L’acte de cession mentionne par ailleurs, au titre des garanties et déclarations faites par le cédant (article 15 A, § 8), que ce dernier « a rempli normalement ses obligations contractuelles, professionnelles ou légales jusqu’à ce jour en ce qui concerne les éléments du fonds […] ».

Au regard de ces clauses contractuelles, M. Le Du, auquel s’est substituée la société Le Canastel, pouvait légitimement croire que le débit de boissons qui lui était ainsi cédé par la société Micamar réalisait effectivement les volumes de bières fixés dans le contrat d’approvisionnement exclusif la liant au brasseur.

Or, il ressort des propres statistiques de vente produites par la société Les Brasseurs de Gayant (pièce 6 du brasseur), datées des 10 janvier 2006 et 10 janvier 2008, qu’en réalité le café « Le Canastel » débitait les volumes suivants:

• 2004: 47, 1 hl • 2005: 33, 3 hl • 2006: 37, 6 hl • 2007 (neuf mois): 26, 8 hl

soit, pour les trois dernières années d’exploitation, moins de la moitié du quota d’approvisionnement imposé à la société Le Canastel par le contrat de distribution exclusive de bière régularisé avec le brasseur.

Les Brasseurs de Gayant font valoir que ces chiffres sont inexacts en ce qu’ils seraient partiels, comme n’incluant pas les bières non ristournables, et se prévalent,

en cause d’appel, de tableaux statistiques, produits par la société Le Micamar (pièces 8 à 11), aux termes desquels le débit de boissons écoulait les volumes suivants:

• 2004: 96, 5 hl • 2005: 67, 5 hl • 2006: 56, 2 hl • 2007 (neuf mois): 46, 8 hl

Cependant, la cour relève que ces tableaux, édités après le jugement, ne sont nullement probants, en ce que:

• émanant de la société Micamar, ils n’ont, de manière très surprenante, jamais été produits en première instance par cette dernière, qui y avait pourtant tout intérêt, • tant le brasseur que l’entrepositaire n’ont évoqué en première instance une quelconque distinction entre bières ristournables et bières non ristournables ni n’ont contesté les chiffres repris dans les statistiques de 2006 et 2008 (pièces 52 et 53 de l’intimée), le brasseur reconnaissant même expressément (page 5 de ses conclusions) : « les volumes débités aujourd’hui par Canastel sont de l’ordre de 50 hl par an. Le prédécesseur débitait également environ 50 hl par an », • le brasseur, fournisseur exclusif du débit de boissons, était pourtant le mieux à même de fournir des statistiques complètes, • les tableaux de 2006 et 2008, outre qu’ils sont très précis en ce qu’ils détaillent les volumes par type de bière (alors que celui édité en 2014 ne fait état que de « futs » sans autre précision), mentionne bien que les chiffres repris ci-dessus constituent un « Total général », • le brasseur, comme la société Micamar, malgré la demande formée dès l’assignation et réitérée par Le Canastel, se gardent bien de produire les relevés et factures établissant les quantités de bières vendues avant la cession du fonds de commerce, documents qui auraient pourtant permis d’étayer leurs allégations, à les supposer exactes, • tout autant se gardent-ils de produire l’accord commercial qui régissait leurs relations avant la cession du fonds de commerce, alors même que cette pièce aurait été susceptible de prouver l’existence de bières non remisables, en dépit, là encore, de la sommation qui leur a été délivrée par Le Canastel (conclusions du 30 mars 2015, pièce 56).

Au regard de l’ensemble de ces éléments, aucune valeur probante ne peut être attachée aux pièces 8 à 11 produites par la société Le Micamar et la cour retiendra en conséquence les volumes réalisés avant la cession tels que figurant dans les tableaux de 2006 et 2008.

Ainsi, le brasseur savait parfaitement, tant en sa qualité de vendeur de ladite bière qu’en sa qualité d’associé de la SARL Micamar (28% du capital), que les volumes de bières réalisés par celle-ci quand elle exploitait le café, étaient inférieurs de plus de moitié au quota de 80 hl par an fixé dans la convention de distribution du 28 janvier 2008.

' Pour contester avoir fixé des objectifs irréalisables à la charge du débitant de boissons, le brasseur fait valoir qu’il a établi ce volume de 80 hl par an en fonction du compte d’exploitation prévisionnel élaboré par M. Le Du, d’où il ressort un

résultat net d’exploitation passant de 4 900 euros en 2008 à 10 700 euros en 2010 (pièce 8 bis).

Il fait valoir en outre, après avoir affirmé le contraire en première instance, que M. Le Du n'« était pas véritablement novice », au motif que certains membres de

sa famille auraient travaillé dans ce secteur d’activité ainsi que lui-même dans les années 1970-1980.

Outre qu’il est contesté par l’intéressé et qu’il n’est étayé par aucune preuve, ce moyen est parfaitement inopérant et ne saurait suffire à faire de M. Le Du un professionnel du secteur.

Dès lors, la cour ne pourra que faire siens les motifs du jugement qui, après avoir souligné que la société Le Canastel avait établi ce prévisionnel sur la base d’un postulat dont elle ignorait l’inexactitude (consommations supposées de 71 hl/an selon l’acte de cession du fonds), relève que face à un « novice » reprenant une « affaire en perte » (selon ses propres conclusions de première instance) il appartenait à la société Les Brasseurs de Gayant « de se livrer à un examen critique des données prévisionnelles, et qu’un professionnel, expérimenté comme elle, ne pouvait ignorer qu’un doublement des consommations, déjà difficile dans des circonstances favorables, devenait irréaliste au cas d’espèce ».

' Enfin, aucun élément sérieux ne peut permettre d’affirmer, comme l’allègue le brasseur, que les travaux réalisés dans le commerce, pour un montant relativement modeste (moins de 15 000 euros) allaient le rendre attractif au point d’engendrer un doublement de la consommation de bières.

' Or, l’achat exclusif de bière à la société Brasseurs de Gayant constitue l’obligation principale fixée à la charge de la société Le Canastel et la détermination des volumes à réaliser (article 4 du contrat), la mesure et la portée de son engagement. L’inexécution des dits quotas est en outre sanctionnée lourdement (résiliation du contrat, clause pénale, obligation de rembourser le prêt cautionné).

Dans ces conditions, l’information selon laquelle le débit de boissons qu’elle venait d’acquérir n’avait jamais écoulé un volume de bière de 80 hl/an, débitant tout au plus 47, 1 hl en 2004 et seulement 37, 6 hl l’année précédant la cession, revêtait nécessairement pour la société Le Canastel un caractère déterminant de son engagement.

Il est en effet évident que la société Le Canastel n’aurait jamais pris l’engagement de débiter 80 hl par an en sachant que son prédécesseur en écoulait deux fois moins, ou n’aurait accepté de contracter avec le brasseur qu’à des conditions essentielles différentes.

En outre, les Brasseurs de Gayant, professionnel, ne pouvait ignorer l’importance que pouvait revêtir une telle information pour son co-contractant.

' Pour autant, pour être caractérisé, le dol suppose la preuve d’une manoeuvre déloyale ou frauduleuse.

Or en l’espèce, la volonté de la société Les Brasseurs de Gayant de tromper la société Le Canastel afin de l’amener à contracter à des conditions qu’elle savait irréalisables n’est pas caractérisée, le simple fait de ne pas avoir informé son co-contractant des volumes réalisés par son prédécesseur ne suffisant pas à caractériser une réticence dolosive.

' En revanche, le fait, pour le brasseur, d’avoir omis d’informer le débitant de boissons sur les volumes effectivement réalisés par son prédécesseur, information dont il ne pouvait ignorer le caractère déterminant, constitue un manquement, dont le caractère intentionnel n’est certes pas caractérisé, mais qui a néanmoins entraîné une erreur, chez son co-contractant, portant sur l’objet et la portée de son obligation.

Cette erreur sur un élément essentiel du contrat a vicié le libre consentement de la société Le Canastel, a minima son caractère éclairé.

Il convient dès lors de confirmer le prononcé de la nullité de la convention commerciale du 31 janvier 2008, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le moyen tiré de l’absence de cause.

Sur les conséquences de la nullité du contrat

La nullité du contrat entraînant son anéantissement rétroactif, celui-ci est censé n’avoir jamais existé; il n’a pu produire et ne peut produire aucun effet.

La remise en état ne peut cependant être ordonnée en l’espèce, l’obligation du débitant de boissons portant sur un bien qui a été consommé au fur et à mesure de l’exécution du contrat, et qu’il est donc dans l’impossibilité de restituer.

Sur les demandes reconventionnelles de la SAS Les Brasseurs de Gayant en résiliation du contrat et en paiement de la somme de 33 866, 32 euros au titre de l’indemnité de rupture

' La demande de résiliation de la société Les Brasseurs de Gayant est en conséquence sans objet.

' Aux termes de l’article 1227 du code civil, la nullité de l’obligation principale entraîne celle de la clause pénale.

La nullité du contrat d’approvisionnement exclusif générant celle de la clause pénale qui y est insérée, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le brasseur de sa demande en paiement de la somme de 33 866, 32 euros au titre de l’indemnité de rupture.

Sur la demande reconventionnelle de la SAS Les Brasseurs de Gayant en remboursement par anticipation du prêt bancaire

Aux termes de l’article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

En l’espèce, la société Les Brasseurs de Gayant (la caution), excipe de la déchéance du terme du prêt accordé par la banque Scalbert X à la société Le Canastel et sollicite la condamnation de l’emprunteur à payer à la banque l’intégralité des sommes restant dues, sur le fondement de l’article 3 du contrat de prêt du 05

février 2008 : « la totalité des sommes restant dues à la banque en capital, intérêts, frais et accessoires en vertu du présent prêt, deviendrait immédiatement exigible, de plein droit, sans mise en demeure préalable, dans l’un ou l’autre des cas suivants: [']

— en cas d’inexécution de l’un quelconque des engagements pris au présent acte par l’emprunteur, et notamment dans le cadre du contrat commercial ci-après conclu entre l’emprunteur et la brasserie.

Si l’une de ces hypothèses se réalisait, la banque ou la brasserie en sa qualité de caution solidaire, pourrait exiger le paiement de toutes les sommes dues » (pièce 1 du brasseur).

Bien qu’il ne le précise pas, le brasseur sollicite nécessairement cette condamnation au profit de la banque, créancier prêteur.

Ainsi, et nonobstant la clause du contrat qui prévoit que la caution pourrait exiger le paiement de toutes les sommes dues, seule la banque, en sa qualité de

prêteur, est titulaire du droit de solliciter le remboursement du prêt et a donc qualité pour agir à cette fin, quand bien même la déchéance du terme et le droit de réclamer l’entier paiement seraient encourus du fait de l’inexécution de la convention commerciale liant le brasseur au débiteur.

Dès lors, faute de qualité pour agir en remboursement du prêt, la demande de la société Les Brasseurs de Gayant tendant à cette fin est irrecevable.

En outre, le débiteur ne saurait être condamné à payer des sommes au profit d’une partie qui n’est pas présente à l’instance et, qui plus est, pourrait n’avoir aucun intérêt à solliciter la déchéance du terme.

Au surplus, la cour relève que l’annulation du contrat d’approvisionnement exclusif fait disparaître le cas de déchéance du terme sur lequel s’appuie le brasseur pour solliciter le remboursement des sommes restant dues au titre du prêt accordé par la banque Scalbert X.

Sur la demande reconventionnelle de la SAS Les Brasseurs de Gayant en paiement de la valeur résiduelle du matériel investi

' Aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».

En l’espèce la société Les Brasseurs de Gayant ne précise pas le fondement juridique de sa demande.

Il appartient donc à la cour de d’examiner les faits sous tous leurs aspects juridiques conformément aux règles de droit qui leur sont applicables et ainsi de donner à la demande son exact fondement juridique.

' Aux termes de l’article 1131 du code civil, l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Il résulte de la convention du 09 avril 2008 que le brasseur a mis du matériel à disposition de la société Le Canastel, dont il est stipulé qu’il conserve la propriété, le client s’engageant « à n’utiliser ce matériel qu’au débit exclusif des bières nommées ci-dessous, fabriquées et/ou distribuées par la Brasserie Grain d’Orge » (pièce 4 du brasseur, clause B).

La clause C du contrat précise que « dans le cas où le client viendrait à s’approvisionner auprès d’une brasserie concurrente ou s’il changeait son installation sans accord préalable de la Brasserie Grain d’Orge, la Brasserie aura le droit d’exiger la restitution immédiate du matériel mis à la disposition du client par la Brasserie, à moins qu’elle ne préfère le remboursement de la valeur dudit matériel, et ce pendant les deux premières années. Au delà de cette période, il sera

tenu compte d’un amortissement de 20% par année échue. Passé le délai d’un mois, le client règlera une indemnité forfaitaire de 1% du prix d’installation par jour de retard ».

Il se déduit clairement de ces stipulations, la commune intention des parties de subordonner l’existence de cette convention de prêt de matériel à la conclusion et à l’exécution du contrat d’approvisionnement exclusif de bière.

La convention d’approvisionnement exclusif constituant la cause de la convention de mise à disposition, la disparition de la première par l’effet de la nullité entraîne nécessairement la caducité de la seconde.

Il importe peu en conséquence que la nullité du contrat d’approvisionnement soit due à une erreur imputable au brasseur ou que le contrat litigieux ne prévoit spécifiquement la restitution du matériel ou son remboursement en valeur qu’en cas d’approvisionnement auprès d’une brasserie concurrente ou de changement d’installation.

Dès lors, la caducité de la convention de prêt étant une conséquence légale et automatique de la nullité du contrat d’approvisionnement, elle impose nécessairement que le matériel mis à disposition du débitant de boissons, resté la propriété du brasseur, soit restitué, en nature ou en valeur, à ce dernier.

' Le brasseur sollicite le paiement, non pas de la valeur à neuf du matériel, mais de la valeur au jour de sa mise en demeure du 11 février 2013 (pièces 15); il y joint un décompte précis reprenant les biens mis à disposition, la référence de la facture d’achat, leur valeur à neuf et leur valeur après calcul de d’un amortissement de 20 % par année échue (pièce 16).

Sa demande étant ainsi fondée en droit et justifié en son quantum, il convient d’y faire droit; sans qu’il y ait lieu de déduire la valeur du store (829, 70 euros HT, soit 992, 32 euros TTC), la pièce 62 produite par Le Canastel démontrant que le store qui a été restitué est celui qui avait été prêté par la société Micamar-Sodico et non celui mis à disposition par les Brasseurs de Gayant.

La société Le Canastel sera ainsi condamnée à verser à la société Brasseurs de Gayant la somme de 4 605, 83 euros TTC au titre du remboursement du matériel mis à disposition, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 février 2013.

Sur la demande reconventionnelle de la société Les Brasseurs de Gayant en paiement de la somme due en exécution de la clause pénale figurant dans le contrat de mise à disposition de matériel. A titre liminaire, la cour observe que le tribunal de commerce a omis de statuer sur cette demande.

' En vertu de l’article 1152 alinéa 2 du code civil, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la clause pénale qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

La caducité d’un contrat ne joue que pour l’avenir et, à la différence de la nullité, n’entraîne pas la nullité de la clause pénale qui y est insérée.

En l’espèce, il résulte de la clause litigieuse que, contrairement à ce qu’allègue la société Le Canastel, l’indemnité forfaitaire de 1% en cas de retard s’applique aussi bien à la demande de restitution du matériel ou qu’à la demande de remboursement.

En outre, cette demande de paiement du matériel a été expressément formulée dans la mise en demeure, datée du 11 février 2013, adressée par le brasseur à la société Le Canastel, puisqu’elle vise une somme globale de 38 472, 15 euros « au titre des indemnités de rupture contractuelles de la convention commerciale et du matériel mis à disposition, selon détails ci-joint » (pièces 15 et 16 du brasseur).

Cette clause pénale est en conséquence applicable.

En l’espèce, l’application de cette stipulation, ainsi rédigée, « Passé le délai d’un mois, le client règlera une indemnité forfaitaire de 1% du prix d’installation par jour de retard », conduirait à condamner la société Le Canastel à verser une indemnité de 46,05 euros par jour depuis le 13 mars 2013 et ce jusqu’à parfait règlement.

Cette indemnité représente déjà, à la date du présent arrêt, une somme de plus de 55 000 euros.

Au regard de la dette de la société Le Canastel (4 605, 83 euros), cette clause pénale apparaît manifestement excessive.

La caducité de la convention de prêt étant la conséquence de l’annulation du contrat d’approvisionnement, due à l’erreur qui a affecté le consentement de la société Le Canastel, erreur elle-même imputable au brasseur, il convient de réduire cette clause pénale à la somme d’un euro.

II Sur le litige opposant les sociétés Le Canastel et Micamar

Sur l’irrecevabilité des demandes de la société Le Canastel à l’égard de la société Micamar

Il résulte de l’article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Cette liste n’est pas limitative et il est admis en droit procédural qu’il est interdit de se contredire au détriment d’autrui. L’estoppel sanctionne ainsi le comportement procédural d’une partie lorsqu’il est constitutif d’un changement de position en droit, de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions.

En l’espèce, la société Micamar reproche à la société Le Canastel de se contredire à son détriment en sollicitant d’un côté le paiement de ristournes bières selon exécution de la convention commerciale signée avec la société Les Brasseurs de Gayant, et de l’autre l’annulation du contrat de fourniture de boissons signé avec elle-même alors que les deux conventions forment un ensemble contractuel indivisible qui ne peut encourir que la même sanction. Autrement explicité, la société Micamar fait grief à son adversaire de solliciter l’exécution d’une convention dont elle devrait aussi demander la nullité dès

lors qu’elle prétend obtenir celle de l’autre, en raison de l’indivisibilité régnant entre les deux contrats. En réalité, il ressort d’un tel raisonnement qui part du postulat, lui même susceptible d’être soumis à discussion, que les deux conventions sont indivisibles, qu’elle reproche à la société Le Canastel de commettre une erreur de droit.

En effet, la simple circonstance que les prétentions d’une partie ne soient pas juridiquement cohérentes ne suffit pas à caractériser l’estoppel, lequel suppose des prétentions radicalement contradictoires et destinées à induire l’adversaire en erreur.

Tel n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que les actions engagées par la société Micamar devant le tribunal de commerce de Lille puis devant le tribunal de commerce de Pau n’étaient ni de même nature, ni fondées sur les mêmes conventions et n’opposaient pas les mêmes parties.

En tout état de cause, il ressort des conclusions (après jonction) de la société demanderesse (pièce 51 de l’intimée), ainsi que de l’exposé du litige repris dans le jugement déféré que, devant le tribunal de commerce, qui est saisi des prétentions des parties telles que formulées à l’audience, que la société La Canastel a sollicité à l’encontre de la société Micamar, à titre principal, la nullité de la convention « Marché de fournitures de boissons »; que ce n’est qu’à titre subsidiaire, en cas de rejet de sa demande de nullité, qu’elle a demandé le paiement des ristournes bières.

Elle formule les mêmes prétentions devant la cour et selon le même ordre de priorité.

En conséquence, aucune contradiction au détriment d’autrui ne pouvant être reprochée à la société Le Canastel, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Micamar.

Sur la nullité de la convention dite « Marché de fournitures de boissons »

Il ressort de l’article 1109 du code civil, il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Selon l’article 1116 du même code, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, il doit être prouvé.

***

' La cour renvoie à ses précédents développements concernant la convention commerciale passée entre le brasseur et le débitant de boissons pour rappeler que les tableaux statistiques produits en cause d’appel par la société Micamar (pièces 8 à 11) et introduisant une distinction entre bières ristournables et prétendues bières non ristournables, ne sont pas probants et qu’il convient de retenir les volumes réalisés avant la cession tels que figurant dans les tableaux de 2006 et 2008. .

' Ainsi, la société Micamar, cédante du fonds de commerce repris par la société Le Canastel, devenue entrepositaire-grossiste de cette dernière, était parfaitement informée de ce que les volumes de bières qu’elle écoulait quand elle exploitait le café, étaient inférieurs de moitié au quota de 71 hl par an fixé dans le contrat de fourniture de boissons.

Or, l’acte de cession du fonds de commerce du 11 décembre 2007, après avoir indiqué que « le cédant a souscrit un contrat d’approvisionnement exclusif auprès du brasseur Grain d’Orge, savoir un contrat d’approvisionnement de bière pour une durée de 7 ans et pour un volume de 500 hl global », mentionne au titre des garanties et déclarations faites par le cédant (article 15 A, § 8), que ce dernier « a rempli normalement ses obligations contractuelles, professionnelles ou légales jusqu’à ce jour en ce qui concerne les éléments du fonds et qu’il n’est lié par aucun contrat d’une nature spéciale onéreuse ou inhabituelle concernant le fonds, à l’exception d’un contrat de fourniture de bière et café le liant aux ETS Sodico et Grains d’Orge (en gras dans l’acte) ».

Il résulte de la superposition de ces deux mentions que le cessionnaire ne pouvait que croire que le débit de boissons qui lui était ainsi cédé réalisait

effectivement les volumes de bières de 500 hl sur sept ans, soit 71 hl/an, quota ensuite repris dans le contrat de fourniture de boissons le liant à l’entrepositaire.

Pour considérer qu’elle a sincèrement informé le cessionnaire du débit de bière écoulé par ses soins, la société Micamar fait valoir qu’elle a transmis ses chiffres d’affaires dans le cadre des pourparlers, que ceux-ci ont été joints à l’acte de cession (sa pièce 7 bis), et que M. Le Du, issu d’une famille connaisseuse du secteur, était à même de les apprécier.

Ces moyens sont parfaitement inopérants, la seule information portant sur le chiffre d’affaire, pas plus que la fourniture du compte de résultat de la société, ne permettant de considérer que la société le Canastel était ainsi ipso facto informée des volumes de bières réalisés.

En effet, sauf pour M. Le Du a être expert dans le domaine, qualité qui ne peut être acquise par le simple fait d’être issu d’une famille de ce secteur d’activité, circonstance au demeurant non prouvée, et à connaître parfaitement le commerce cédé, il apparaît en effet particulièrement complexe de reconstituer un volume de bière écoulé à partir du seul chiffre d’affaire, alors même que celui-ci inclut d’autres ventes que la bière (petite restauration, café, autres boissons…).

En tout état de cause, la société Micamar ne saurait reprocher au gérant de ne pas s’être livré à des extrapolations et à des calculs forcément approximatifs, pour se considérer libérée de l’obligation de transmettre des informations conformes à la réalité et qu’elle savait déterminante de l’engagement de son co-contractant.

Il ressort du contrat litigieux que:

• « cette coopération [entre le fournisseur et le revendeur], prend la forme contractuelle d’une convention d’achat exclusive en application de la réglementation européenne » (préambule), • en contrepartie [des avantages économiques et financiers accordés par le fournisseur au revendeur], le revendeur achètera exclusivement au fournisseur les produits spécifiés sous l’article 3 pour les quantités conventionnelles ou valeurs déterminées sous le même article, aux conditions générales de vente du fournisseur,

l’article 7 du contrat prévoyant notamment une clause pénale égale à 20 % des quantités manquantes.

Ainsi, à l’instar du contrat liant le débitant de boissons au brasseur, l’achat exclusif de bière à l’entrepositaire constitue l’obligation principale fixée à la charge de la société Le Canastel et la détermination des volumes à réaliser, la mesure et la portée de son engagement.

Dans ces conditions, l’information selon laquelle le débit de boissons qu’elle venait d’acquérir n’avait jamais écoulé un volume de bière de 71 hl/an, débitant tout au plus 47, 1 hl en 2004 et seulement 37, 6 hl l’année précédant la cession, revêtait nécessairement pour la société Le Canastel un caractère déterminant de son engagement.

Il est en effet évident que la société Le Canastel n’aurait jamais pris l’engagement de débiter 71 hl par an en sachant que son prédécesseur en écoulait presque deux fois moins, ou n’aurait accepté de contracter avec son fournisseur qu’à des conditions essentielles différentes.

Or, au delà de ce défaut d’information, il résulte des circonstances de l’espèce, qu’à la différence du brasseur, l’entrepositaire s’est livré en réalité à une manoeuvre dolosive à l’égard de la société Le Canastel.

En effet, en laissant croire, par une rédaction habile de l’acte de cession du fonds de commerce, qu’elle réalisait effectivement les quotas de bière fixé dans le contrat la liant à son propre fournisseur de bière (71 hl/an), ce qui constitue un mensonge, puis en s’abstenant de transmettre les chiffres effectivement réalisés par le commerce lors de la conclusion du marché de fournitures de boissons, la société Micamar, qui savait donc les quotas irréalisables et qui ne pouvait ignorer que si elle avait eu connaissance du niveau réel de la consommation de bière la société Le Canastel n’aurait pas contracté ou l’aurait fait à des conditions différentes, a intentionnellement cherché à tromper celle-ci.

Une telle manoeuvre doit être qualifiée de dolosive; à l’origine de l’erreur d’appréciation de la société Le Canastel sur l’objet et la portée de son engagement, et ce dol a vicié son consentement, de sorte qu’il y a lieu en conséquence de prononcer la nullité du contrat, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le moyen tiré de l’absence de cause.

L’injonction de communiquer ses tarifs et factures pratiquées à l’égard de ses autres clients, formée par Le Canastel à l’encontre de la société Micamar pour voir établir le cas échéant le caractère abusif du prix et l’absence de cause, en conséquence inutile, ne sera pas ordonnée..

Sur les conséquences de la nullité et le paiement des ristournes

' Pour les mêmes motifs que ceux concernant le contrat avec le brasseur, il ne sera ordonné aucune restitution.

' La cour rappelle, à toutes fins utiles, qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en paiement des ristournes formée seulement à titre subsidiaire par la société Le Canastel, compte tenu de l’annulation des deux conventions d’approvisionnement et de fournitures de boissons.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Le Canastel à l’encontre de la société Micamar

' Aux termes de l’article 561 du code de procédure civile, l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

Suivant l’article 4 du code civil, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et selon l’article 5 du même code, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

Pour solliciter la réformation du jugement qui a partiellement fait droit à la demande de la société Le Canastel, la société Micamar fait valoir que le premier juge a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile en accordant des dommages et intérêts qui n’étaient demandés qu’à titre subsidiaire, en cas de résiliation (et non

d’annulation) du contrat, et les articles 12 et 16 du même code en fondant sa décision sur un moyen de droit relevé d’office et non visé dans son jugement.

La réformation du jugement ne saurait en tout état de cause être ordonnée sur ces seuls moyens dès lors qu’en raison de l’effet dévolutif de l’appel, tous les points du litige soumis au tribunal sont déférés à la cour, de sorte que celle-ci réexaminera la demande de dommages et intérêts de la société Le Canastel en prenant soin d’une part de vérifier à quel titre, principal ou subsidiaire, elle a été présentée, d’autre part,

ce point étant mis en exergue par la société Micamar, si un fondement juridique est ou non invoqué par la demanderesse, et en tirera toutes les conséquences de droit.

A titre surabondant, la cour relève que s’il apparaît que dans l’assignation, cette demande de dommages et intérêts était formée à titre subsidiaire, il ressort cependant des conclusions après jonction (pièce 51) mais surtout de l’exposé du litige par le tribunal de commerce, saisi des prétentions des parties telles que formulées aux débats, s’agissant d’une procédure orale, que cette demande de dommages et intérêts a été formée « en tout état de cause », que soit prononcée l’annulation ou la résiliation du contrat.

' Aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».

En l’espèce, le caractère sibyllin et imprécis des conclusions impose à la cour de procéder à leur interprétation afin de déterminer si un fondement juridique a été invoqué à l’appui de la demande de dommages et intérêt, et le cas échéant lequel.

Il ressort du dispositif de ses dernières conclusions d’appel (page 47), que la société Le Canastel, après avoir exposé ses demandes d’annulation ou de résiliation du contrat au visa des articles 1109 et suivants du code civil, introduit un deuxième paragraphe (« Avant dire droit ») puis un troisième, dénommé « en tout état de cause » dans lequel elle présente sa demande de dommages et intérêts; et qu’aucun texte n’est spécifiquement visé au soutien de cette demande.

Cependant, dans le corps de ses conclusions, est ainsi introduite la demande de dommages et intérêts (page 41): « le dol, la provocation à l’erreur ayant conduit à l’acceptation d’un marché aux prix prohibitifs ['] ». Ainsi la société Le Canastel se réfère aux manoeuvres dolosives comme constitutive d’une faute; de telles manoeuvres étant nécessairement antérieures à la conclusion du contrat (faute commise pendant la période pré-contractuelle), la responsabilité de Micamar ne peut être recherchée que sur un fondement délictuel; en outre, et d’évidence, par l’effet de l’anéantissement rétroactif d’un contrat annulé, seule la responsabilité délictuelle d’une des parties à ce contrat peut être engagée.

En se bornant ainsi à préciser le fondement juridique implicitement mais évidemment invoqué par la demanderesse dans des conclusions soumises à la contradiction de la société Micamar, sans introduire dans le débat de nouveaux

éléments de fait, la cour ne relève aucun moyen d’office et n’a donc pas à inviter les parties à s’expliquer sur la qualification donnée à ce fondement.

' Selon l’article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

A l’appui de sa demande de dommages et intérêts, la société Le Canastel invoque les préjudices suivants:

• préjudice né du fait de payer des produits au double de leur prix, • perte de marge imputable à ces prix trop élevés.

A titre de comparaison, elle produit une page tiré d’un site internet « Promocash », listant un certain nombre de bières sous leur nom commercial, ainsi que leur prix par fûts de 30 litres, revêtue du cachet de la société Promocash. A côté des deux premières marques de bière, figure une mention manuscrite, dont l’auteur est inconnu, reprenant les noms des bières Gold et Orpal distribuées par Micamar et leur prix tel que pratiqué par cette dernière.

Cependant, un tel document ne suffit pas à établir que les prix pratiqués par la société Micamar seraient prohibitifs dès lors qu’une seule et unique référence de comparaison ne saurait refléter le prix du marché.

En outre la société Promocash commercialise, notamment, des bières dénommées « bière prestige Mosbrau », « bière export Mosbrau »; or, aucun autre élément de preuve ne permet de vérifier si lesdites bières sont des bières de qualité au moins équivalente aux bières Gold et Orpal fabriquées par Les Brasseurs de Gayant et distribuées par la société Micamar, de sorte que la comparaison de leurs prix ne peut avoir aucune signification.

Enfin, il n’est aucunement établi que la faible marge réalisée par la société Le Canastel ait été due au prix de la bière.

' Surtout, les manoeuvres frauduleuses fautives de la société Micamar ont porté sur les volumes de bières réalisés par le débit de boissons; ce comportement dolosif a entraîné pour la société Le Canastel une erreur sur l’appréciation des volumes à réaliser et non sur le prix, accepté en toute connaissance de cause par le débitant de boissons, qui pouvait facilement avoir accès, comme le montre le document comparatif Promocash produit, simplement imprimé sur le site internet du grossiste, aux tarifs pratiqués sur le marché libre.

Dès lors, il n’existe aucun lien de causalité entre la faute invoquée (la manoeuvre consistant à faire croire à un débit de bière supérieure à celui effectivement réalisé) et le préjudice allégué (avoir payé un prix supérieur au prix du marché).

Faute d’apporter la preuve d’un préjudice et du lien de causalité avec la faute, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par la société Le Canastel et de réformer en conséquence le jugement de ce chef.

Sur la demande de garantie formée par l’EURL Le Canastel à l’encontre de la SARL Micamar

La société Le Canastel sollicite la garantie de la société Micamar « en tout état de cause » (dispositif de ses conclusions page 46) et «d’une façon générale » (page 26), sur le fondement du dol de la société Micamar, de son « attitude » et de l’arrêt des livraisons.

La seule condamnation prononcée contre la société Le Canastel au bénéfice du brasseur porte sur le paiement d’un euro en application de la clause pénale figurant dans le contrat de mise à disposition.

La mise en oeuvre de cette clause pénale résulte du défaut de restitution du matériel mis à disposition, consécutive à l’annulation de la convention

d’approvisionnement exclusif. Or, celle-ci est exclusivement imputable au fait personnel du brasseur.

Aucune faute ne pouvant être reprochée de ce fait à la société Micamar, il convient de débouter Le Canastel de sa demande de garantie.

Sur la demande reconventionnelle de la société Micamar en paiement de pénalités

Aux termes de l’article 1227 du code civil, la nullité de l’obligation principale entraîne celle de la clause pénale.

En l’espèce, la nullité du contrat de fourniture de boissons entraînant celle de la clause pénale qui y est insérée, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Micamar de sa demande en paiement de la somme de 30 000 euros au titre des pénalités pour volumes non réalisés.

Sur la demande reconventionnelle de la société Micamar au titre du contrat de location

' Aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».

En l’espèce la société Micamar ne précise pas le fondement juridique de sa demande en paiement du matériel mis à disposition.

Il appartient donc à la cour d’examiner les faits sous tous leurs aspects juridiques conformément aux règles de droit qui leur sont applicables et de restituer à la demande son exact fondement juridique.

' Aux termes de l’article 1131 du code civil, l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Il résulte de la convention de location de matériel litigieuse que l’entrepositaire a mis du matériel à disposition de la société Le Canastel, dont il est stipulé qu’il conserve la propriété, destiné à «être utilisé uniquement pour le débit des produits distribués par le fournisseur » (pièce 6 de Micamar).

Elle précise par ailleurs: « la présente location est consentie à titre gracieux pour la durée des relations commerciales entre les parties. »

Il se déduit de ces stipulations, la commune intention des parties de subordonner l’existence de cette convention de location de matériel à la conclusion et à l’exécution du contrat de fourniture de boissons.

La convention de fourniture de boissons constituant la cause de la convention de location, la disparition de la première par l’effet de la nullité entraîne la caducité de la seconde, peu important que la nullité du contrat de fourniture de boissons soit

due au dol de la société Micamar ou que la clause résolutoire du contrat ne vise que l’inexécution de certaines obligations.

En effet, la caducité de la convention de prêt constituant la conséquence légale et automatique de la nullité du contrat d’approvisionnement, elle impose

nécessairement que le matériel mis à disposition du débitant de boissons, resté la propriété du brasseur, soit restitué, en nature ou en valeur, à ce dernier.

' La société Micamar sollicite le remboursement du prix du matériel en application de la clause suivante du contrat: »En cas d’inexécution par le locataire de l’une quelconque des clauses des présentes, la résiliation sera encourue de plein droit sans mise en demeure préalable. Le fournisseur aura alors la faculté de demander au locataire la restitution du matériel aux frais dudit locataire ou bien le remboursement du prix du matériel ci-dessus visé, sans qu’un amortissement puisse être pratiqué ».

La restitution du matériel, resté la propriété du fournisseur, est la conséquence de la caducité du contrat. Cette caducité n’opérant, à l’instar de la

résiliation, que pour l’avenir, la société Micamar est fondée à demander l’application de la clause du contrat, régulièrement ratifié par la société Le Canastel, fixant les modalités de la restitution, en ce compris l’exclusion de tout amortissement. ' En vertu de l’article 1152 alinéa 2 du code civil, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la clause pénale qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Aux termes de l’article 1226 du code civil, « la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour s’assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution ».

Elle peut se définir aussi comme une évaluation forfaitaire et anticipée des conséquences de l’inexécution de l’obligation contractée. Elle a pour objet de contraindre le débiteur à l’exécution.

En l’espèce, la clause litigieuse ne fixe pas à la charge du locataire une indemnité destinée à sanctionner l’inexécution de ses obligations contractuelles et à dédommager le fournisseur du préjudice en résultant, mais ne fait que mettre à la charge de la société Le Canastel la restitution de ce qu’il a reçu et à remettre les parties dans le même état que si le prêt n’avait pas eu lieu.

Il convient dès lors de débouter la société Le Canastel de sa demande tendant à voir réduite la somme due à ce titre sur le fondement de l’article 1152 du code civil.

' En cause d’appel, la société Micamar ne conteste pas la déduction de la somme de 2 205,16 euros opérée par le premier juge, qui a, à juste titre, relevé que le store devanture et le rentoilage avaient déjà été restitués (pièce 62 produite par Le Canastel).

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il condamne la société Le Canastel à payer à la société Micamar la somme de 6 556, 22 euros.

Sur les frais et dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie

condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, les sociétés Micamar et Brasseurs de Gayant, qui succombent dans la majeure partie de leurs prétentions, seront condamnées, chacune pour moitié, aux dépens d’appel.

Il apparaît équitable de condamner les sociétés Micamar et Brasseurs de Gayant à payer chacune à la société Le Canastel, la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS REFORME le jugement dont appel en ce qu’il :

— dit n’y avoir lieu à remboursement anticipé ni déchéance du terme du prêt accordé par la Banque Scalbert X à l’EURL Le Canastel

— condamne la société Micamar à payer à l’EURL Le Canastel la somme de 13 7001 euros à titre de dommages et intérêts STATUANT A NOUVEAU des chefs réformés:

DEBOUTE l’EURL Le Canastel de sa demande de dommages et intérêts formée à l’encontre de la SARL Micamar.

CONSTATE l’IRRECEVABILITE de la demande en remboursement par anticipation du prêt accordé par la Banque Scalbert X à l’EURL Le Canastel, formée par la SAS Les Brasseurs de Gayant.

CONFIRME le jugement pour le surplus.

Y AJOUTANT:

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Micamar à l’encontre de l’EURL Le Canastel sur le fondement de l’estoppel.

DIT sans objet la demande de résiliation de la convention commerciale du 31 janvier 2008 formée par la SAS Brasseurs de Gayant.

CONDAMNE l’EURL Le Canastel à payer à la SAS les Brasseurs de Gayant la somme de UN euro en exécution de la clause pénale contenue dans le contrat de mise à disposition du matériel du 09 avril 2008.

CONDAMNE la SAS Les Brasseurs de Gayant à payer à l’EURL Le Canastel la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

CONDAMNE la SARL Micamar à payer à l’EURL Le Canastel la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

DEBOUTE la SAS Les Brasseurs de Gayant de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE la SARL Micamar de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS Brasseurs de Gayant et la SARL Micamar, chacune pour moitié, aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ZANDECKI P. FONTAINE

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Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 23 juin 2016, n° 14/04105