Cour d'appel de Montpellier, 12 mars 2014, n° 12/04367

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 12 mars 2014, n° 12/04367
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 12/04367
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 1er mai 2012

Texte intégral

XXX

4° chambre sociale

ARRÊT DU 12 Mars 2014

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/04367

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 MAI 2012 CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RGF10/01029

APPELANTE :

Madame A X

XXX

XXX

Présente, assistée de Maître Laëtitia GOARANT, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/008388 du 18/09/2012 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

S.A. BIONUTRICS

prise en la personne de son représentant légal

XXX

BELGIQUE

Représentée par Maître Vincent COTTEREAU de la SCP COTTEREAU-MEUNIER-BARDON, avocat au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 NOVEMBRE 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Régis TOURNIER, Conseiller, faisant fonction de Président, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Régis TOURNIER, Conseiller, faisant fonction de Président

Madame Claire COUTOU, Conseillère

Madame C D, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRÊT :

— Contradictoire.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 08 janvier 2014 et prorogé aux 29 janvier et 12 mars 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure civile;

— signé par M. Régis TOURNIER, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame Y X était embauchée le 6 janvier 2009 ave effet au 2 février, en qualité d’attachée commerciale, par la société SA BIONUTRICS, qui exploite une activité de distribution exclusive de produits de nutrition.

Le 20 janvier 2010 Madame X était convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour le 29 janvier, et le 3 février 2010 elle était licenciée par une lettre ainsi libellée :

— Insuffisance notoire du chiffre d’affaires de votre secteur

*L’objectif d’atteindre 20% minimum du CA annuel par la création de nouveaux prescripteurs, n’est pas respecté (annexe #1) ;

*vous êtes en dessous de l’objectif des 35000€ de chiffre d’affaires pour fin 2009 (annexe #2);

*vous êtes en dessous du chiffre d’affaires réalisé par une de nos délégués qui a commencé en même temps que vous sur un secteur non encore visité par notre Laboratoire.

— Votre moyenne journalière de visites n’est pas respectée (annexe #3);

Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Nous vous informons également que nous vous dispensons de votre mois de préavis mais que celui-ci vous sera rémunéré selon les règles et législations en vigueur

Madame Y X saisissait alors le Conseil de prud’hommes de Montpellier sollicitant la condamnation de la société à lui payer les sommes de :

-16.800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non information du DIF;

-2.800 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;

-5.600 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

-2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 2 mai 2012 cette juridiction :

— considérait que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse,

— rejetait la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

— condamnait la société au paiement de :

*200 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure,

*300 euros de dommages et intérêts pour défaut d’information du DIF.

Madame Y X a régulièrement interjeté appel de ce jugement et soutient que :

— la procédure de licenciement est irrégulière en ce qu’a été omise, dans la convocation, l’adresse de la mairie de Montpellier, et en ce que le délai de cinq jours n’a pas été respecté car l’employeur est dans l’incapacité de le démontrer,

— le licenciement est sans cause réelle et sérieuse car elle a reçu des lettres de félicitations pendant plusieurs mois sur son travail, ce qui contredit l’argumentation de l’employeur,

— de plus le secteur était difficile, des fonctions annexes venaient réduire son temps de travail, et les objectifs étaient irréalisables et irréalistes,

— les résultats produits actuellement, comparés aux prédécesseurs et aux successeurs sont inexploitables.

Elle sollicite donc l’infirmation du jugement déféré et le paiement de ;

-16.800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non information du DIF;

-2.800 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;

-2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société demande la confirmation de cette décision, par appel incident expose que l’appel est abusif. Elle sollicite la condamnation de l’appelante à lui payer la somme de 3.000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive et 3.500 euros pour ses frais en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la procédure de licenciement

Attendu que selon l’article L1232-2 du Code du travail

l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable ; la convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge et cette lettre indique l’objet de la convocation ; que l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ;

Attendu que le mode de convocation à l’entretien préalable au licenciement, par l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par la remise en main propre contre décharge n’est qu’un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de réception de la convocation par la salariée et il appartient à l’employeur qui a pris l’initiative de la convocation d’établir le respect de ce délai dans le choix de la date de l’entretien;

Attendu que la société LABORATOIRE BIONUTRICS ne rapportant pas la preuve qu’elle a respecté ce délai, qui permet au salarié de s’y préparer en recherchant le cas échéant un conseiller, elle a commis une irrégularité de procédure ; que cette méconnaissance porte atteinte aux droits de la défense, l’appelante n’ayant pas été assistée, et doit donc être réparée par l’octroi de la somme de 2.800 euros soit un mois de salaire ;

Sur la rupture

Attendu que l’insuffisance de résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement et il appartient au juge de rechercher si les mauvais résultats procèdent, soit d’une insuffisance professionnelle, soit d’une faute imputable au salarié ; qu’en présence d’une clause d’objectifs, le juge doit apprécier si les objectifs contractuellement fixés sont réalistes et si leur non réalisation résulte soit d’une faute du salarié soit d’une insuffisance professionnelle qui lui est imputable ; qu’enfin si le salarié doit réaliser un objectif annuel de chiffre d’affaires, l’employeur ne peut, en cours d’année, procéder à son licenciement ;

Attendu qu’en l’espèce d’abord il résulte des courriels produits aux débats que dès le mois de juillet 2009 le responsable direct de Madame X lui écrivait le 17 juillet :

Toute cette pratique commerciale et le facteur temps devraient te permettre de faire bouger ce chiffre mensuel qui reste pour l’instant autour des 15 000 E.

L’objectif s’éloigne mais il te reste presque 6 mois pour tenter de le rattraper au mieux.

Ta moyenne de visite est un peu en dent de scie mais semble se rapprocher des 4 par jour ces dernières semaines.

Ta création de nouveaux prescripteurs est très faible pour l’instant : il faut donc persister et continuer ce travail essentiel de prospection. Et les graines plantées devraient très bientôt fleurir…

Au 31 mai, tu avais encore des premières visites à effectuer chez 10 petits prescripteurs qui ne demandent sûrement qu’à devenir grands: Thiebault, Guenoun, Lacan, Delahaye, etc..

La prochaine fois, nous verrons si ton fameux enthousiasme est bien au rendez-vous et nous ferons le point sur ta recherche des besoins!

Attendu que Madame X lui répondait :

Je regrette d’avoir à rédiger ce mail (un samedi matin qui plus est) alors que je croyais que vous aviez tous les deux bien compris la situation générale et qu’avant toute chose la confiance était de mise.

Ce feedback soulignant le manque de résultat n’aura pas eu les effets escomptés et les encouragements espérés ne sont pas vraiment à la hauteur de mes investissements. Je n’ai jamais compté les heures pour Bionutrics et ne comptais pas le faire, je suis régulièrement en train de me jauger et je n’hésite pas à me replonger dans mes livres dès que possible. Et ce, tout en courant dans tout les sens pour un appart et tout ce qui va avec afin de répondre aux exigences du laboratoire.

Et enfin, souhaitant le plus rapidement possible me rapprocher de mon objectif (pour lequel je n’ai jamais été d’accord), je mets en place une soirée produits alors que j’aurais pu attendre septembre pour prendre le temps de m’installer dans mon nouveau logement.

Ce mail est peut être trop corrosif mais je regrette, je pensais qu’on s’était compris. Il semblerait que la confiance n’y soit déjà plus et comme votre mail m’a blessé, je trouvais normal de vous en informer afin d’éviter que nos bonnes relations en subissent les conséquences.

Attendu qu’il est donc établi que dès le mois de juillet 2009 les responsables de la société avaient mis en exergue, lors d’un entretien, un éloignement de l’objectif annuel par Madame X et un manque de prospection ; que dès lors les expressions employées par les mêmes responsables ultérieurement, dans leurs divers écrits, ne peuvent venir signifier autre chose que des encouragements dans la démarche entreprise par Madame X ; qu’en effet les expressions employées ne sauraient anéantir cette constatation du mois de juillet et doivent être replacées dans leur contexte ;

Attendu qu’ensuite, si Madame X fait état de difficultés dans les trois départements confiés à savoir l’Hérault, le Gard et la Lozère, il n’en demeure pas moins que dès son embauche elle a bénéficié d’une formation de 5 semaines portant tant la nature scientifique des produits commercialisés que sur la fonction commerciale qui lui incombait dans la recherche, la prospection, et la rencontre avec les prescripteurs qui étaient des praticiens médicaux et pas seulement des professionnels de santé ; qu’ainsi elle a disposé de connaissances et d’informations sur les départements en question et il lui appartenait de les mettre en 'uvre ; que ne peut être retenue aussi son argumentation sur l’absence de fourniture d’un fichier de base et d’une « friche » de son secteur laissé par son prédécesseur, d’autant que la liste produite aux débats par la société comporte plus de 300 noms ayant composé, selon elle, le fichier de base;

Attendu que, selon les stipulations contractuelles, Madame X devait visiter 4 prescripteurs par jour qui, pour deux départements sur trois, bénéficient d’une importante densité d’implantation de professionnels de santé ; qu’elle ne fournit aucun exemple de rapport de visite dans lequel elle a mentionné des refus de prospects ou des erreurs dans les renseignements fournis par l’entreprise ; qu’également elle ne produit aucun planning prévisionnel d’activité hebdomadaire, ici aussi à titre d’exemple, permettant de comprendre les obstacles auxquels elle se serait heurtée ; qu’enfin, sur douze mois, elle n’a pu respecter ce chiffre de 4 que pour deux mois ;

Attendu que le même contrat mentionne , dans son article 6c, que le chiffre d’affaires du secteur a été déterminé par la moyenne des 6 derniers mois du secteur et était annexé au contrat en sorte qu’il était objectif et n’était ni irréaliste ni irréalisable a priori ; qu’il appartient donc à Madame X d’apporter des éléments concrets expliquant les différences entre l’ancien chiffre d’affaires, effectué par un salarié, et celui réalisé par elle ; qu’à cet égard il convient de souligner que si les deux salariées, citées à titre comparaison, ont réalisé sensiblement le même chiffres d’affaires d’une année sur l’autre à savoir plus de 0,92 % et plus de 5,94 %, Madame X a réalisé un chiffre d’affaires de moins 53,43 % par rapport à l’année précédente ; que cette disproportion est telle qu’elle implique une carence de Madame X dans l’organisation de son travail quotidien et l’appréhension cohérente de ses tournées ;

Attendu qu’enfin si Madame X allègue que l’organisation de conférences empiétait sur son temps de travail, elle ne fournit ni l’ampleur ni la répétitivité de celles-ci alors que l’employeur indique, pour sa part, qu’il s’agissait d’une méthode de vente, par des soirées de relations publiques, avec l’octroi de primes de contacts, contractuelles, et un défraiement de frais ;

Attendu que l’ensemble de ces constatations corrobore donc que l’insuffisance de résultats est parfaitement établie et qu’elle est directement imputable à Madame X ; que le jugement doit être confirmé de ce chef;

Sur les autres demandes

Attendu que Madame X demande la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour non information du DIF ; que, cependant, compte tenu de la durée de son ancienneté dans l’entreprise et de l’absence de démonstration de la réalité d’un préjudice allant au-delà de la simple omission fautive de l’employeur il n’y a pas lieu d’augmenter le montant des dommages intérêts ;

Attendu que la procédure initiée par Madame X tant en première instance qu’en appel ne peut être qualifiée d’abusive ; qu’en effet d’une part elle a obtenu satisfaction en première instance pour deux chefs de demande , et en appel pour un chef de demande ; que cette demande n’est pas fondée ;

Attendu qu’il parait équitable que chacune des parties supporte ses frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

Vu l’article 696 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne la société LABORATOIRE BIONUTRICS à payer à Madame X la somme de 2.800 euros en réparation de son préjudice pour irrégularité de la procédure de licenciement,

Confirme pour le surplus,

Y Ajoutant,

Rejette la demande dommages intérêts pour procédure abusive,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile pour l’instance d’appel,

Condamne la société LABORATOIRE BIONUTRICS aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

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Textes cités dans la décision

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