Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 1er mars 2023, n° 22/01117

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 1re ch. soc., 1er mars 2023, n° 22/01117
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 22/01117
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Montpellier, 17 février 2022, N° 21/07125
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2023
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Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 01 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/01117 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PKQR

ARRÊT N°

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 FEVRIER 2022

Juge de la mise en état de Montpellier – N° RG 21/07125

DEMANDEUR A LA REQUETE EN DEFERE :

Monsieur [R] [M]

né le 14 Mars 1968 à [Localité 8] (59)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Céline ROUSSEAU de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Safia BELAZZOUG, avocat au barreau de MONTPELLIER

DEFENDEURE A LA REQUETE EN DEFERE :

E.U.R.L. PHARMEFFICARE

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Aude DARDAILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 916 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 OCTOBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

— contradictoire ;

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société EFFICARE a embauché M. [R] [M] suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 septembre 2008 en qualité de délégué pharmaceutique. Le salarié a été licencié par lettre du 7 mars 2018.

Contestant son licenciement, M. [R] [M] a saisi le 1er août 2018 le conseil de prud’hommes de Béziers, section activités diverses, lequel, par jugement rendu le 31 janvier 2020, a :

confirmé l’ordonnance rendue par le bureau de conciliation et d’orientation du 26 octobre 2018 mais confirmé que toutes les sommes ont été payées par l’employeur ;

dit que le licenciement n’est pas frappé de nullité et qu’il est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes ;

débouté l’employeur de sa demande reconventionnelle ;

condamné le salarié aux dépens.

Cette décision a été notifiée le 13 février 2020 à M. [R] [M] qui en a interjeté appel suivant déclarations des 17 février 2020 (RG n° 20/00931) et 10 décembre 2021 (RG n° 21/07125).

La première déclaration d’appel du 17 février 2020 était ainsi rédigée :

« Objet/Portée de l’appel : Cabinet ALTEO Céline ROUSSEAU Tél : [XXXXXXXX01] [Courriel 7] Appel total Vu l’article L.1235-3-1 du Code du travail ; Vu l’article R.1454-14 du Code du travail ; Plaise à la cour de : 'De confirmer l’ordonnance rendue par le bureau de conciliation et d’orientation le 26 octobre 2018, par laquelle la SAS PHARMEFFICARE a été condamnée à payer à M. [M] la somme de 24 511,23 € nets, à titre prévisionnel correspondant aux sommes figurant sur le bulletin de paie de mai 2018 établi par l’employeur et non contesté et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à partir du premier jour suivant la date d’échéance. 'Juger que le licenciement de M. [M] est nul ; Et en conséquence, 'De condamner la société SARL EFFICARE à payer à M. [M] les sommes suivantes, étant précisé que les sommes indemnitaires sont exonérées de CSG-CRDS : ' 75 000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul avec exécution provisoire du jugement à intervenir ; ' l’incentive au titre du quatrième trimestre 2017 dont le montant sera à parfaire au jour du jugement ; ' 1 858 € au titre des commissions réalisées par les commerciaux ; ' 2 040 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens. 'Compte-tenu de l’astreinte fixée et de l’absence d’exécution de l’ordonnance du 26 octobre 2018, de liquider ladite astreinte de 100 € par jour de retard, entre le 1er décembre et le 5 décembre 2018, soit 400 €. »

Par ordonnance du 27 avril 2022, le conseiller de la mise en état a :

dit qu’il n’y a pas lieu à caducité de la déclaration d’appel :

déclaré irrecevables les conclusions déposées par l’employeur le 26 avril 2022 ;

joint les dépens au fond ;

rappelé que l’ordonnance peut être déférée par simple requête à la cour dans 15 jours de son prononcé.

Par requête du 10 mai 2022, la SASU PHARMEFFICARE a demandé à la cour de :

infirmer l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 27 avril 2022 ;

prononcer la nullité de l’appel formée le 17 février 2020 ;

dire irrecevable l’appel ;

constater l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la cour.

Suivant arrêt de ce jour la cour a :

confirmé l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

dit que la cour n’est pas valablement saisie de la demande d’annulation de la première déclaration d’appel ;

dit que les dépens du déféré suivront le sort de l’instance principale.

La cour a notamment retenu que la demande tendant à déclarer nulle la première déclaration d’appel n’avait pas été soumise au conseiller de la mise en état dans le cadre du débat qui devait donner lieu à l’ordonnance du 27 avril 2022 et que dès lors, statuant sur déféré, elle ne pouvait en connaître, ce qui ne portait pas préjudice à l’employeur, ce débat se trouvant de toute façon conditionné à la solution de l’instance relative à la seconde déclaration d’appel formée aux fins de régulariser la première.

En effet, le salarié a formé une seconde déclaration d’appel le 10 décembre 2021 ainsi rédigée :

« Objet/Portée de l’appel : L’appel tend à l’infirmation du jugement contradictoire rendu par le conseil de prud’hommes de Béziers, formation paritaire du 31 janvier 2020 en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement de M [M] n’est pas frappé d’une cause de nullité et qu’il est fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté M. [M] de l’intégralité de ses demandes, c’est-à-dire en ce qu’il l’a débouté de sa demande de condamner la société SARL EFFICARE à payer à M. [M] les sommes suivantes, étant précisé que les sommes indemnitaires sont exonérées de CSG-CRDS : 75 000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul avec exécution provisoire du jugement à intervenir ; ' l’incentive au titre du quatrième trimestre 2017 dont le montant sera à parfaire au jour du jugement ; ' 1 858 € au titre des commissions réalisées par les commerciaux ; ' 2 040 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens. »

Par ordonnance du 18 février 2022, le conseiller de la mise en état a :

déclaré irrecevable l’appel interjeté le 10 décembre 2021 ;

condamné le salarié aux dépens ;

rappelé que l’ordonnance peut être déférée par simple requête à la cour dans les 15 jours de son prononcé.

Le conseiller de la mise en état s’est prononcé aux motifs suivants :

« M. [M] ne peut valablement soutenir que cet appel est recevable au motif que la notification du jugement est irrégulière et que le délai d’appel court toujours, dès lors que le 17 février 2020 il a interjeté appel du même jugement (numéro de dossier RG 20/00931 pendant devant la cour) »

Par requête en déféré du 24 février 2022, M. [R] [M] demande à la cour d’infirmer l’ordonnance rendue le 18 février 2022 et de déclarer recevable l’appel interjeté le 10 décembre 2021.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 10 mai 2022 aux termes desquelles la SASU PHARMEFFICARE demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 18 février 2022 ;

débouter le salarié de son appel du 10 décembre 2021 et le déclarer irrecevable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera tout d’abord rappelé qu’en application des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, et sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, la dévolution se trouve limitée aux chefs de jugement critiqués dans la déclaration d’appel. L’absence d’effet dévolutif de l’appel n’affecte pas par lui-même la recevabilité de ce dernier mais uniquement sa portée.

Mais l’article 901 4° du code de procédure civile dispose que la déclaration d’appel est faite par acte contenant notamment et à peine de nullité : « 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. » La nullité de la déclaration d’appel encourue en application de ce texte ne sanctionne pas une irrégularité de fond, mais une irrégularité de forme, et ainsi il appartient à celui qui l’invoque de démontrer un grief.

1/ Sur la seconde déclaration d’appel

L’employeur soulève la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l’appel interjeté le 10 décembre 2021 par le salarié alors que le jugement lui avait été notifié le 13 février 2020.

Le salarié répond que le délai d’appel n’a pas commencé à courir dès lors que la notification du jugement est irrégulière en raison son libellé lapidaire et incomplet.

La lettre de notification du jugement en deux pages porte la mention :

« La voie de recours qui vous est ouvertes est : l’appel, à porter dans le délai d’un mois à compter de la notification de présente décision devant la chambre sociale de la cour d’appel de Montpellier [Adresse 2]. AVIS IMPORTANT : Les dispositions générales relatives aux voies de recours vont sont présentées ci-dessous. Vous trouverez les autres modalités au dos de la présente. »

Cette mention est suivie de la reproduction en très petits caractères des articles suivants : 668, 528, 642, 643, 644, 83, 84, 85, 91, 104, 78, 90, 380 et 544 du code de procédure civile ; R. 1461-1, R 1461-2 et R. 1462-2 du code du travail ; 272, 538, 572, 573 et 574 du code de procédure civile ; R. 1463-1 du code du travail ; 612, 613, 973, 974 et 975 du code de procédure civile ; R. 1462-1 du code du travail ; 582, 583, 584, 585, 586, 587, 588, 589, 590, 591 et 592 du code de procédure civile et enfin de l’article R. 1454-26 du code du travail.

L’article 680 du code de procédure civile dispose que :

« L’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie. »

En application de ce texte, le destinataire de la notification du jugement doit être informé de la voie de recours ouverte contre le jugement notifié et de son délai et encore du point de départ de ce dernier ainsi que des modalités de la voie de recours. Constitue une modalité d’exercice de l’appel l’indication que l’appelant doit constituer avocat ou être représenté par un défenseur syndical.

Le délai d’appel ne court pas faute pour la notification du jugement de mentionner que l’appelant doit constituer avocat ou se trouver représenté par un défenseur syndical, peu important l’existence d’un grief résultant de cette irrégularité.

En l’espèce, la notification n’indique pas de manière très apparente les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé en sorte que la notification du jugement n’a pas fait courir le délai d’appel d’un mois.

Toutefois, c’est à raison que le conseiller de la mise en état a relevé que le salarié a interjeté appel une première fois le 17 février 2020, et ce point se trouve nécessairement dans le débat sauf à en dénaturer totalement les termes.

En effet, le litige concerne non pas une première déclaration d’appel mais une tentative de régularisation d’une première déclaration d’appel par une seconde alors même que la Cour de cassation a institué un double régime de régularisation des déclarations d’appel.

Concernant les déclarations d’appel recevables mais dépourvues d’effet dévolutif, la 2e chambre civile de la Cour de cassation, par arrêt du 25 mars 2021, pourvoi n° 20-12.037, a retenu que : « La déclaration d’appel, qui ne mentionne pas les chefs critiqués du jugement, ne peut être régularisée que par une nouvelle déclaration d’appel, formée dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond, conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile. » La Cour de cassation n’a pas précisé le point de départ de ce délai de trois mois qui, quand il concerne l’obligation de conclure au fond, court à compter de la déclaration d’appel elle-même.

La seconde déclaration d’appel s’incorpore à la première dès lors qu’il résulte de l’article 546 du code de procédure civile que la partie qui a régulièrement saisi une cour d’appel d’un premier appel formé contre un jugement n’est pas recevable à réitérer un appel du même jugement contre le même intimé comme l’a rappelé la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 1er octobre 2020, n° 19-11.490.

Concernant les appels irrecevables, la même décision retient que selon l’article 911-1 alinéa 3 du code de procédure civile la partie dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie. Par contre la saisine irrégulière d’une cour d’appel, qui fait encourir une irrecevabilité à l’appel, n’interdit pas à son auteur de former un second appel, même sans désistement préalable de son premier appel, sous réserve de l’absence d’expiration du délai d’appel, tant que le premier appel n’a pas été déclaré irrecevable.

En l’espèce la première déclaration d’appel pourrait être critiquée tant sur le plan de sa nullité en application des dispositions de l’article 901 4° du code de procédure civile que de son absence d’effet dévolutif par application des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, ces critiques étant les seules causes de la formalisation d’une seconde déclaration d’appel.

Si l’on se place sur le terrain de l’irrégularité de forme, il convient de constater qu’au jour de la seconde déclaration d’appel, la première n’avait pas été déclarée irrecevable et qu’ainsi le salarié pouvait valablement la régulariser au moyen d’une seconde déclaration d’appel dès lors que le délai d’un mois n’avait pas commencé à courir faute de notification régulière du jugement.

Si l’on se place sur le terrain de l’absence d’effet dévolutif de l’appel, le salarié disposait d’un délai de 3 mois pour régulariser une nouvelle déclaration d’appel. Le point de départ de ce délai doit s’apprécier au regard des dispositions relatives à la prescription extinctive figurant au titre XX du livre III du code civil. Il sera en effet relevé que par un arrêt de sa 2e chambre civile du 17 septembre 2020, n° 19-18.608, la Cour de cassation a retenu que par application de l’article 2241 du code civil, un acte de saisine de la juridiction, même entaché d’un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion, et qu’ainsi la régularisation d’une déclaration d’appel reste possible jusqu’à ce que le conseiller de la mise en état statue sur la nullité.

En application des dispositions de l’article 2224 du code civil, un délai de prescription ne court qu’à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Compte tenu de la complexité de l’espèce, induite par les deux régimes, prétoriens autant que divergents, de régularisation des déclarations d’appel ne mentionnant pas les chefs de jugement critiqués, la cour retient que le point de départ du délai de 3 mois accordé pour régulariser une déclaration d’appel privée d’effet dévolutif, qui, sur le plan de son irrégularité formelle, pouvait, faute de notification valable du jugement, être régularisée jusqu’à la constatation de cette dernière, se trouve constitué, non par la première déclaration d’appel mais par la première contestation de l’effet dévolutif de cette dernière, soit les conclusions de l’employeur du 25 avril 2022.

Au regard de ce point de départ du délai de trois mois, la régularisation de la première déclaration d’appel par la déclaration en cause du 10 décembre 2021 n’apparaît pas tardive.

2/ Sur les dépens

Les dépens de l’incident suivront le sort de l’instance principale.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dit que la seconde déclaration d’appel du 10 décembre 2021 n’est pas tardive et s’incorpore régulièrement à la première déclaration d’appel du 17 février 2020 aux fins d’indiquer les chefs du jugement critiqués.

Dit que les dépens de l’incident suivront le sort de l’instance principale.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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