Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 8 juin 2018, n° 17/12912

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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Me Etienne Bucher · consultation.avocat.fr · 4 octobre 2023

Les termes « marketing d'embuscade » ou « ambush marketing » ne sont pas des notions juridiques encadrées et font référence à des pratiques très diverses. Elles peuvent cependant être définies comme l'ensemble des pratiques promotionnelles qui font écho au positionnement d'une marque ou d'un annonceur qui cherche à se rendre visible lors d'un évènement de grande ampleur, sans avoir recueilli l'autorisation des organisateurs dudit évènement. Toutefois, le simple fait pour une entreprise d'associer ses activités à un évènement de grande importance ne constitue pas en soi une pratique …

 

Me Jérôme Tassi · consultation.avocat.fr · 17 septembre 2021

Résumé : Le Tribunal rappelle clairement qu'on ne peut pas reproduire une œuvre protégée par le droit d'auteur (ici l'affaire du festival) dans une vidéo Le fait de laisser croire à un partenariat avec le Festival de cannes dans une story Instagram est constitutif de parasitisme L'ambush marketing peut se définir comme la stratégie « qui consiste pour une entreprise en 'une stratégie publicitaire mise en place par une entreprise afin d'associer son image commerciale à celle d'un événement et donc de profiter de l'impact médiatique dudit événement sans s'acquitter des droits qui y …

 

www.collette-avocat.fr · 7 janvier 2020

Auteur : Hugues Collette L'entreprise qui souhaite aménager sa communication marketing à l'approche d'un événement majeur comme une compétition sportive internationale, un festival ou un concert en y faisant référence de manière plus ou moins explicite doit cerner les écueils qui pourront venir entraver sa campagne publicitaire. Certaines entreprises n'hésitent pas s'y associer directement, sans avoir au préalable conclu de partenariat avec l'organisateur dudit événement. Cette pratique qui s'appelle l'ambush marketing est appréhendée par le droit. Un tel encadrement juridique …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 8 juin 2018, n° 17/12912
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/12912
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 21 mai 2017, N° 2014049713
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 08 JUIN 2018

(n°101, 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 17/12912

Jonction avec le dossier 17/13621

Décision déférée à la Cour : jugement du 22 mai 2017 – Tribunal de commerce de PARIS – 15e chambre – RG n°2014049713

APPELANTES

S.A.S. DF FRANCE, agissant en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 337 591 903

S.A.S. DBA, agissant en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 352 235 733

S.A.S. DESSANGE INTERNATIONAL, agissant en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 542 065 081

Représentées par Me Stéphanie LEGRAND de la SEP LEGRAND – LESAGE-CATEL – GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque D 1104

INTIMEE

S.A.S. L P T, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

133, rue du Faubourg Saint-Honoré

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 303 324 552

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L 0075

Assistée de Me Vanessa BENICHOU plaidant pour le Cabinet KING & SPALDING LLP, avocat au barreau de PARIS, toque A 305

INTERVENANTE VOLONTAIRE

Association FRANCAISE DU FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM, agissant en la personne de son président, M. G H, domicilié en cette qualité au siège situé

[…]

[…]

Représentée par Me Gabrielle ODINOT de la SELARL ODINOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 271

Assistée de Me Anne-Sophie COULON plaidant pour la SELARL ODINOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 271

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 14 mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Colette PERRIN, Présidente

Mme Véronique RENARD, Conseillère

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme I J

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme I J, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Les sociétés DF France SARL, DBA SAS, et SAS Dessange International (ci-après les sociétés Dessange) exploitent près de 400 salons de T à travers le monde.

La société Frank P T (ci-après la société P) est la filiale du groupe Provalliance qui compte 2500 salons de T dans le monde, dont 1700 en France, exploités en propre ou en franchise.

Ces deux groupes de sociétés, qui fabriquent et commercialisent aussi des produits capillaires, sont partenaires officiels de nombreux festivals, salons et émissions de télévision.

La société DF France, présente depuis de nombreuses années au Festival de Cannes, a conclu en 2011, une convention de partenariat avec l’Association Française du Festival International du film (ci-après l’AFFIF), devenant son partenaire officiel et exclusif.

La SAS L P T comme d’autres coiffeurs intervient également depuis de nombreuses années à l’occasion de ce festival pour coiffer des célébrités.

Les relations entre ces deux groupes directement concurrents se sont fortement dégradées en 2011 et 2012 à l’occasion de ce festival, les sociétés Dessange, reprochant à la société P de se livrer à des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

Par acte du 14 août 2014, les sociétés Dessange ont assigné la société L P T en concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement du 22 mai 2017, assorti de l’exécution provisoire,le tribunal de commerce de Paris, a :

— écarté des débats les deux notes en délibéré des 25 et 27 avril 2017 postérieures à la clôture des débats et non sollicitées par le tribunal

— débouté la SARL DF France de sa demande de lui verser 500 000 euros de dommages et intérêts « en réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée à sa qualité de partenaire officiel exclusif du Festival de Cannes »,

— débouté la SARL DF France de sa demande sous astreinte d’interdire à la SAS L P T « de porter atteinte à sa qualité de Partenaire officiel exclusif du Festival de Cannes » sous astreinte de 500 euros par jour,

— débouté la SARL DF France et la SAS Dessange International de leurs demandes de leur verser respectivement 880 000 euros et 120 000 euros de dommages et intérêts « en réparation du préjudice résultant du détournement des investissements en relation avec le Festival de Cannes pour les années 2011 à 2014 »,

— condamné la SAS L P T à payer à la SAS DBA la somme de 80 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de faits de concurrence parasitaire à son encontre,

— interdit à la SAS L P T de fabriquer, présenter, exposer, offrir à la vente et/ou commercialiser les produits constituant le démarquage des produits « Création originale Dessange Code » et du coffret « 7e art » sous astreinte de 300 euros par jour passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, et ce jour pour une période limitée à six mois, période à l’issue de laquelle il sera à nouveau fait droit,

— laissé au juge de l’exécution le soin de liquider l’éventuelle astreinte,

— débouté la SAS L P de sa demande de lui payer 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— débouté la SARL DF France, la SAS DBA et la SAS Dessange International de l’ensemble de leurs demandes de publication de jugement,

— condamné la SAS L P T à payer à la SAS DBA, la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du CPC, déboutant pour le surplus,

— débouté la SARL DF France et la SAS Dessange International de leurs demandes en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

— dit les parties mal fondées en leurs moyens et demandes contraires aux termes du présent jugement, les en déboute respectivement,

— condamné la SAS L P T aux entiers dépens tels que définis à l’article 695 du Code de procédure civile.

Par jugement rectificatif en date du 9 octobre 2017 le tribunal de commerce de Paris a ordonné :

— la rectification de la désignation des produits figurant à la page 12 paragraphe 5, à la page 13 paragrapghe 3,

— la rectification du point 6 du dispositif qui est devenu :

Interdit à la SAS L P T de fabriquer, présenter, exposer, commercialiser les produits constituant le démarquage des produits des lignes capillaires Dessange Paris et 'création originale Dessange 'Code’ et du coffret 7e art'.

Les sociétés Dessange ont interjeté appel le 27 juin et 6 juillet 2017.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mars 2018, les sociétés Dessange demandent à la cour de :

— déclarer nulles les requêtes et ordonnances des 27 octobre 2017 et 1er février 2018, ainsi que les actes de signification et les procès-verbaux de constat des 6 novembre 2017 et 6 février 2018 dressés par Maîtres K Y, L M, N B, O X et V-G C, huissiers de justice ;

— écarter en conséquence des débats les pièces produites par la société L P T sous les numéros 80, 81, 124 à 129, 141 et 142 ;

— confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 mai 2017 en ce qu’il a :

— dit et jugé que la société L P T s’est rendue coupable de concurrence parasitaire au préjudice de la société DBA, en sa qualité de fabricant et distributeur des produits Dessange Paris, Création Originale Dessange ' Code et du coffret « 7e art » Dessange ;

— interdit à la société L P T sous astreinte de 300 € par jour passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, de fabriquer, présenter, exposer, offrir à la vente et/ou commercialiser les produits constituant le démarquage des produits des produits Dessange Paris, Création Originale Dessange ' Code et du coffret « 7e art » Dessange reproduits en pièce n° 34 ;

— débouté la société L P T de ses demandes reconventionnelles ; – condamné la société L P T aux entiers dépens et à payer à la société DBA la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

— dire et juger que la société L P T s’est rendue coupable de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la Société DF France, en sa qualité de Partenaire Officiel exclusif du Festival de Cannes, ainsi qu’au préjudice de la société Dessange International ;

— interdire à la société L P T sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, de poursuivre ses agissements et de porter atteinte, directement ou indirectement, sur tout support papier, Internet ou par tout autre moyen, à la qualité de Partenaire Officiel exclusif du Festival de Cannes de la société DF France ;

— dire que la cour se réservera la liquidation des astreintes ordonnées ;

— condamner la société L P T à verser à la société DF France, la somme de 500.000 €, en réparation en réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée à sa qualité de Partenaire Officiel exclusif du Festival de Cannes ;

— dire et juger que la société Dessange International a également subi un préjudice du fait des agissements de la société L P T dans le cadre du Festival de Cannes ;

— condamner la société L P T à verser la somme de 880.000 € à la société DF France et celle de 120.000 € à la société Dessange International, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du détournement de leurs investissements en relation avec le Festival de Cannes ;

— condamner la société L P T à verser à la société DBA la somme de 150.000 € à titre de dommages intérêts en réparation des faits de concurrence parasitaire commis à son encontre ;

— condamner la société L P T à verser à la société DF France la somme de 20.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la désorganisation de son réseau de franchise et de l’atteinte à l’image de marque des salons de T Dessange ;

— débouter la société L P T de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— ordonner, à titre de complément de dommages et intérêts, la publication de l’arrêt à intervenir in extenso ou par extraits dans trois journaux ou périodiques au choix des sociétés DF France, Dessange International et DBA et aux frais avancés de la société L P T, le coût de chaque insertion ne devant toutefois pas excéder la somme de 5.000 € hors taxes ;

— ordonner, également, à titre de complément de dommages et intérêts, la publication, pendant une durée de 30 jours, de l’arrêt à intervenir in extenso ou par extraits sur la page d’accueil du site Internet accessible à l’adresse www.franckprovost.com aux frais de la société L P T, sous astreinte de 1.500 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

— condamner la société L P T à leur verser à chacune la somme de 15.000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile en cause d’appel ; – la condamner à rembourser sur justificatifs à la société Dessange InternationaL l’ensemble des débours, frais et honoraires d’huissier exposés à l’occasion des constats effectués dans le cadre du présent litige ;

— condamner la société L P T en tous les dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Stéphanie Legrand, avocat, par application de l’article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 mars 2018, la société L P T demande à la cour de :

— confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 22 mai 2017 en ce qu’il a :

— débouté la société DF France de sa demande de lui verser 500.000 euros de dommages et intérêts « en réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée à sa qualité de Partenaire Officiel/ Exclusif du Festival de Cannes »,

— débouté la société DF France de sa demande sous astreinte d’interdire à la société L P T « de porter atteinte à sa qualité de Partenaire Officiel Exclusif du festival de Cannes» sous astreinte de 500 euros par jour,

— débouté la société DF France et la société Dessange International de leurs demandes de leur verser respectivement 880.000 euros et 120.000 euros de dommages et intérêts « en réparation du préjudice résultant du détournement de leurs investissements en relation avec le Festival de Cannes pour les années 2011 à 2014 »,

— débouté la société DF France, la SAS DBA et la société Dessange International de !'ensemble de leurs demandes de publication du présent jugement,

— débouté la société DF France et la société Dessange International de leurs demandes en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

— infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 mai 2017 en ce qu’il a :

— condamné la société L P T à payer à la société DBA la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de faits de concurrence parasitaire commis à son encontre,

— interdit à la société L P T de fabriquer, présenter, exposer, offrir à la vente et/ou commercialiser les produits constituant le démarquage des produits « Création originale Dessange-Code » ; et du coffret « 7 e art » sous astreinte ; – débouté la société L P T de sa demande de lui payer 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamné la société L P T à payer à la SAS DBA, la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens,

et statuant a nouveau :

— débouter les sociétés DF France, Dessange International ainsi que l’AFFIF de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

— dire et juger que la société L P T n’a pas copié et ne s’est pas inspirée des gammes « Code » et « Dessange Paris » pour créer et commercialiser sa propregamme « Styling » ni n’a tiré le moindre avantage concurrentiel de sa commercialisation,

— dire et juger que la société L P T n’a pas copié et ne s’est pas inspirée du coffret « 7e art » pour créer et commercialiser son propre coffret « Cannes VIP L P » ni n’a tiré

le moindre avantage concurrentiel de sa commercialisation,

— dire et juger que les requêtes et ordonnances aux fins de constats ainsi que les procès-verbaux de constat d’huissier sont parfaitement réguliers et nullement entachés de nullité,

— débouter la société DF France de sa demande de condamnation de la société L P au titre de la prétendue désorganisation de son réseau,

En tant que de besoin, dire et juger que la société DBA ne rapporte pas la preuve de son préjudice ni du montant des dommages intérêts réclamés,

— condamner la société DBA à restituer la somme de 96.349,16 euros qu’elle a tenté de saisir entre les mains de la société l’Oréal

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour considérait que la société L P avait commis une faute au titre de la commercialisation des produits de la gamme « Styling » :

— dire et juger que les produits de la gamme « Styling », objets du démarquage des gammes Dessange, sont uniquement constitués des 5 produits visés suivants : Absolu de Lumière, Brillant Hair n°1, Ocean Spray n°2, Wax Normale n°3, […],

— dire et juger que l’interdiction de commercialisation sollicitée par la société DBA ne peut être que limitée dans le temps,

A titre reconventionnel,

— dire et juger que les sociétés Dessange International, DF France et DBA ont commis un abus de droit en introduisant la présente procédure,

— les condamner solidairement au paiement d’une somme de 150.000 euros A titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

en tout état de cause,

— condamner chacune des sociétés Dessange International, DF France et DBA à verser chacune à la société L P T une somme de 20.000 euros ' soit 60.000 euros au total ' au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner l’AFFIF à verser à la société L P T une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner solidairement les sociétés Dessange International, DF France et DBA aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de la SCP JRF avocats.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 mars 2018, l’Association Française du Festival International du Film demande à la cour d’appel de Paris de :

— lui donner acte de son intervention volontaire à la procédure opposant les sociétés DF France, DBA et Dessange International à la société L P T ;

— la juger recevable et bien-fondée en cette intervention,

— dire et juger que la société L P T s’est rendue coupable d’actes de parasitisme, et

en particulier de pratiques dites d’ambush marketing au préjudice du Groupe Dessange et du Festival de Cannes ;

En conséquence,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a estimé que l’exploitation d’un événement tel que le Festival de Cannes dans une communication commerciale au travers de l’utilisation des éléments d’identification et des symboles les pluscaractéristiques de celui-ci, même appréhendés dans leur globalité, ne suffisaient pas à caractériser un comportement parasitaire.

— statuer ce que de droit sur les dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 mars 2018.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande tendant au prononcé de la nullité des requêtes et ordonnances des 27 octobre 2017 et 1er février 2018, et des procès-verbaux de constats d’huissiers des 6 novembre 2017 et 6 février 2018

Sur la nullité des requêtes

Les sociétés Dessange font valoir que la société P a dissimulé au juge des requêtes l’identité réelle des personnes morales visées qui étaient des franchisés indépendants, non parties au litige.

L’article 58 du Code de procédure civile dispose que la requête contient 'à peine de nullité :

pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement':

'L’indication des 'nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale de sa dénomination et de son siège social'.

Si la requête a visé comme demandeur éventuel 'le groupe Dessange', elle a identifié ce groupe comme étant constitué des trois sociétés DF France, DBA et Dessange International; en conséquence les demandeurs étaient parfaitement identifiés comme étant trois personnes morales dont il était précisé le siège social.

Dans chacune des requêtes la société P a indiqué que les sociétés DF France, DBA et Dessange International possèdent les salons de T éponymes et a sollicité la désignation d’un huissier pour se rendre dans 8 salons parisiens à l’enseigne Dessange, qui font partie du même réseau de franchisés et qui utilisent et distribuent des produits Dessange.

Or, les deux requêtes déposées, la première en octobre 2017, la seconde le 24 janvier 2018 avaient pour objet de vérifier si certains produits étaient en vente ou non, constatations qui entraient dans le cadre de l’activité des franchisés.

Les requêtes mentionnaient très précisément les adresses des salons concerné; en conséquence il n’est pas démontré que l’absence du nom social du franchisé ait été trompeur.

Les sociétés Dessange soutiennent que le critère de l’urgence n’était pas rempli lors de la seconde requête.

L’article 494 du Code de procédure civile dispose que la requête et l’ordonnance doivent être motivées par l’urgence.

Les sociétés Dessange font valoir que la société P avait déjà fait procéder à des opérations de constat dans trois salons de T à l’enseigne Dessange le 6 novembre 2017 et que dès lors il n’y avait pas urgence à présenter de nouvelles requêtes tendant aux mêmes fins le 24 janvier 2018, alors même que la société DBA avait reconnu que la ligne de produits coiffants Création Originale Dessange-Code’ avait été relancée en soutenant seulement que les conditionnements adoptés ne modifiaient ' pas sensiblement l’identité visuelle de la gamme'.

La société Dessange ayant dans ses conclusions du 16 janvier 2018 persisté à nier que la gamme 'Code 'avait été retirée de la vente et la clôture de la procédure ayant été initialement fixée au 15 février 2018, la société P était fondée à invoquer l’urgence pour faire réaliser des constats dans d’autres salons à l’enseigne Dessange et le constater.

Par ailleurs, si les franchisés gèrent librement leur stock, il n’en demeure pas moins qu’ils sont tenus par les produits de leur franchiseur et par la décision de celui-ci de retirer ou au contraire de remettre sur le marché certains produits pour une durée déterminée ; en conséquence, dans la mesure où le franchisé ne bénéficie pas d’une autonomie totale sur les produits présents dans son salon, il y avait lieu d’éviter tout risque de concertation entre les différents salons

Sur les constats

Les sociétés Dessange soutiennent que les huissiers ont outrepassé les limites de leur mission en prenant des clichés photographiques des produits sur lesquels ne figure pas la dénomination 'Code'.

Sur les opérations de constat réalisées les 6 novembre 2017 et 6 février 2018 par Me X

Le 6 novembre 2017 Me X s’est transporté dans trois salons parisiens.

Les sociétés Dessange font valoir que, lors de ses constats, Me X a effectué des photographies de produits autres que ceux de la gamme 'blond signature’ et de la gamme 'Elixir Capillaire’ et sur lesquels la dénomination 'Code’ n’apparaît pas.

Or ces produits lui ont été spontanément présentés au vu de l’objet de la requête et dès lors en prenant des photographies l’huissier n’a pas dépassé le cadre de sa mission.

Sur les opérations de constat réalisées le 6 février 2018 par Me Y

Les sociétés Dessange font valoir que, lors de son constat dressé dans le salon sis […], Me Y a interrogé madame Z, employée du magasin sans s’assurer que celle-ci était habilitée à répondre à ses questions et que l’huissier a ainsi outrepassé les limites de sa mission.

Il résulte du constat que Me A a parcouru les présentoirs et a constaté l’absence de produits.

L’huissier a en outre rapporté les propos spontanés que lui a tenus Mme Z qui était présente dans le salon et qui n’a pas contesté sa capacité à recevoir notification de l’ordonnance et à y répondre.

En conséquence il n’y a pas lieu d’écarter ce constat.

Sur les opérations de constat réalisées le 6 février 2018 par Me M et B

Les sociétés Dessange font valoir que Me B et Me M se sont rendus dans les zones 'réserve’ des salons pour effectuer leurs constatations alors que leur mission avait pour cadre le salon.

Les zones 'réserve’ en cause ne constituent pas une surface commerciale indépendante du salon mais font partie intégrante de celui-ci ; en faisant des constatations dans cette zone, les huissiers n’ont pas dépassé le périmètre fixé par l’ordonnance ; en conséquence, il n’y a pas lieu d’écarter les procès verbaux en cause.

Sur les opérations de constat réalisées par Me C

Me C est intervenu sur ordonnance rendue le 1er février 2018 afin de constater la présence ou non dans le salon sis 15 Rue des Saints Pères exploité par la société Dety de trois produits de la gamme Code et interroger le responsable ou toute personne habilitée sur les raisons d’une éventuelle absence de commercialisation de ces produits, le caractère définitif ou temporaire de ce défaut de commercialisation et la date à laquelle celle-ci a pris fin.

Les sociétés Dessange font valoir que Me C a interrogé madame D, directrice de l’accueil et monsieur E, coiffeur et qu’il a pris des photographies.

Me C a relaté avoir donné connaissance de l’ordonnance à ces deux salariés et avoir constaté que madame D avait immédiatement pris l’attache téléphonique de monsieur F, président de la société auquel il avait donné connaissance de l’ordonnance et dont il avait transcrit les déclarations ; celui-ci n’a alors pas contesté la capacité de ses deux salariés présents .

L’huissier relate que monsieur E lui a ensuite présenté spontanément deux produits à usage du salon dont il a pris photographie.

En conséquence, il n’y a pas lieu d’écarter le procès verbal de constat.

Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire allégués par les sociétés Dessange à l’occasion du Festival de Cannes

Les sociétés Dessange soutiennent que les pratiques de la société P à l’occasion du Festival de Cannes sont contraires aux usages loyaux du commerce.

La société P réplique que son activité à l’occasion du Festival de Cannes s’inscrit dans le cadre normal de la liberté du commerce.

L’AFFIF et les sociétés Dessange font état de la pratique par la société P de 'l’ambush marketing’ qui consiste pour une entreprise en 'une stratégie publicitaire mise en place par une entreprise afin d’associer son image commerciale à celle d’un événement et donc de profiter de l’impact médiatique dudit événement sans s’acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’organisateur de l’événement.

L’article L121-2 du Code de la consommation qui régit aussi les pratiques entre professionnels réprime comme déloyale toute pratique commerciale trompeuse notamment :

'Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre….service d’un concurrent'

ou

'lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur … l’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel'.

Ces dispositions ne limitent dès lors pas les actes de concurrence déloyale aux actes qui créent un risque de confusion mais visent les actes induisant en erreur et portant notamment sur les qualités des produits et services et qui sont de nature à altérer le comportement économique du consommateur moyen en le conduisant à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

Sont également contraires aux usages loyaux du commerce les agissements parasitaires qui consistent pour un agent économique à s’immiscer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de son savoir faire et de ses investissements non protégés par un droit de propriété intellectuelle.

La société DF France, qui est présente au Festival de Cannes depuis de très nombreuses années, a signé une convention de partenariat avec l’AFFIF en 1994, puis un second contrat le 27 novembre 2013 qui l’autorisait à utiliser le titre de coiffeur officiel du Festival de Cannes, le contrat stipulant que 'les prestations nécessaires sont concentrées lors de la cérémonie d’ouverture et de la cérémonie de clôture du festival', les autres projections ou événements ne faisant l’objet que de 'demandes ponctuelles 'selon un cahier des charges préalablement approuvé par l’AFFIF, la société DF France étant autorisée à faire usage du logo constitué d’une palme.

Il résulte de la liberté du commerce que la société P peut, comme d’autres coiffeurs, exercer son activité à l’occasion d’événements publics et en tirer profit ; elle est d’ailleurs partenaire de la chaîne Canal Plus ce qui lui ouvre une fenêtre médiatique sur ses activités dès lors qu’elle intervient comme coiffeur de certaines célébrités. Pour autant cette liberté ne saurait l’autoriser à créer une confusion et à l’entretenir au détriment de la société Dessange, en ce que celle-ci a seule des liens de partenariat lui assurant à titre exclusif le titre de partenaire officiel , ni à tromper le consommateur sur sa qualité et à le détourner de son concurrent, profitant ainsi sans bourse déliée des investissements réalisés par celui-ci pour financer ce partenariat.

Les termes tels que 'montée des marches', '7e art’ou 'Cannes’ avec la date du festival ne font pas partie des droits concédés à la société DF France par l’AFFIF et font partie du langage commun et de libre emploi ; de même il ne saurait être reproché à la société P d’insister sur son activité à l’occasion de ce festival et de privilégier celui-ci dans ses documents commerciaux en faisant notamment état du nombre de ses années de présence, ni de consacrer dans son magazine semestriel plus de pages à ce festival qu’à tout autre événement.

La société P revendique le droit à l’occasion de ce festival d’utiliser le slogan 'coiffeur officiel des femmes’ et prétend que celui-ci figure sur l’ensemble de ses communications commerciales tout au long de l’année afin de promouvoir son activité. Force est de constater qu’elle ne justifie pas de cette affirmation et que quand bien même ce serait le cas, un tel slogan utilisé de façon générale ne revêt aucune signification particulière ; en revanche, dès lors qu’il l’est dans le cadre d’un événement particulier qui est organisé et qui repose sur des participations financières d’entreprises qui souhaitent ainsi valoriser leur savoir faire, le terme 'officiel’ acquiert une signification spécifique pour désigner ces participants; dès lors l’emploi par la société P des termes 'coiffeur officiel des femmes’ était dans le cadre du festival ambigu, prêtant à confusion.

De plus, contrairement à ce que soutient la société P, elle a volontairement cultivé cette ambiguïté en associant sur toutes sortes de supports publicitaires les expressions’ coiffeur officiel des femmes’ et celles de 'Cannes’ et de 'Festival de Cannes’ et en se présentant comme ' un des acteurs beauté majeur du Festival de Cannes’ ou comme 'l’un des acteurs fondamentaux',en écrivant 'A Cannes toutes ces femmes jurent par le même coiffeur'; de même sur les réseaux sociaux elle publie des messages entretenant l’idée d’un partenariat , évoquant 'une fabuleuse histoire d’amour entre L P et le Festival de Cannes’ , 'une idylle qui date de 20 ans déjà', 'un 20e anniversaire de mariage', laissant ainsi faussement croire à l’existence d’un lien contractuel qui perdure depuis des années.

Par ailleurs, décrivant son activité à Cannes, la société P écrit 'Cannes backstage. Une équipe au top! Photocalls, tapis rouges, soirées prestigieuses, interviews et shootings: on les reconnaît à leur cordon autour du cou et leurs valises à roulettes, le peigne dans la poche, toujours prêts à satisfaire les moindres désirs des stars', laissant croire par ce message publicitaire que ses équipes ont un accès privilégié aux coulisses du festival, qu’elles seraient à la dispositions des stars et donc qu’elle est un partenaire du festival; de plus elle reprend à son actif les termes utilisés par les sociétés Dessange dans les guides officiels du festival édités par l’AFFIF qui indique 'Dessange sera à la disposition de tous les comédiens et stars du festival'.

De plus dans son magazine du deuxième semestre 2013, la société P a écrit 'Festival de Cannes, de Cabourg , de Monte Carlo… L P est sur tous les tapis rouges!'.

Sur sa page facebook elle a conservé pendant plus d’un an un lien avec un article la mentionnant comme 'partenaire du Festival de Cannes’alors que les sociétés Dessange avaient obtenu un droit de rectification.

L’ensemble de ces informations diffusées à l’initiative de la société P laissent faussement croire auprès du public qu’elle est partenaire du festival et sont de nature à inciter le consommateur à se tourner vers ses produits et services d’autant qu’elle utilise la référence au festival pour les promouvoir écrivant ' Si L P est le coiffeur officiel de nombreux tapis rouges et festvals c’est que les stars lui font confiance… Donc forcément nous aussi… La laque Extra forte est le produit phare utilisé par les coiffeurs studio au Festival de Cannes notamment'.

Il résulte également des pièces produites qu’à l’occasion des 66 et 67emes éditions du festival la société P a utilisé l’affiche et la palme du festival sans autorisation à des fins promotionnelles; la société P ne le conteste pas et elle ne saurait s’exonérer de sa responsabilité en invoquant des fautes de ses salariés et leur licenciement.

Enfin chaque année la société P organise des jeux concours estampillés 'spécial Festival de Cannes', indiquant en 2013 ' Pour la 18e édition consécutive L P, Q P et leur équipe de coiffeurs … sublimeront les stars sur le tapis rouge … Et pour cette nouvelle édition, L P invitera quotidiennement ses fans dans les coulisses du Festival de Cannes au travers de son grand jeu VIP Inside Cannes', ce qui laisse croire au consommateur que la société P bénéficie d’un accès privilégié.

Il apparaît que la société P a ainsi volontairement mis en oeuvre une stratégie publicitaire et promotionnelle qui conduit la presse et le consommateur d’attention moyenne à lui attribuer depuis plusieurs années , à tort, la qualité de partenaire officiel du Festival de Cannes, alors même qu’elle n’a pas réalisé d’investissement pour bénéficier de titre, ce qui caractérise un comportement commercial déloyal et fautif vis à vis de la société DF France, seul partenaire officiel

En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement et de retenir des actes concurrence déloyale et de parasitisme à l’encontre de la société P de ce chef.

Sur les actes de concurrence parasitaire résultant du démarquage de la gamme de produits Dessange et du coffret 7e art

Sur les produits Styling

Les sociétés Dessange soutiennent que la société P a commis des actes de parasitisme en s’appropriant le savoir faire et les efforts de création de la société DBA en matière de produits capillaires en créant et en commercialisant une gamme de produits 'Styling', qui reprend les caractéristiques de sa ligne de produits 'création originale Dessange Code’ et une ligne 'Dessange Paris’créée en 2009.

La société P fait valoir que la société DBA ne peut s’approprier une gamme alors que la société DBA vise en réalité trois gammes de produits et que de plus elle a retiré la gamme 'Code’ en raison de la dangerosité de l’un des produits de la gamme.

Les sociétés Dessange opposent cinq produits qui sont

— un spray 'brume’ lumière'

— un flacon 'matière Elixir capillaire'

— un spray 'eau texturisante thermoactive'

— un tube 'gel fixation forte'

— un pot 'cire sculptante brillante,'

ces trois derniers comportant la mention 'Code'.

Les sociétés Dessange soutiennent que, si ces produits font partie de deux lignes, ils constituent une gamme de produits car ils sont directement complémentaires et sont présentés selon le même conditionnement combinant le noir et le blanc et des bouchons métallisés.

Les constats réalisés ont mis en évidence que les produits en cause n’étaient plus présents à l’identique dans les salons car, si dans le salon de la rue des Saints Pères, l’huissier a constaté la présence de quelques pots de cire de la gamme Code, il lui a été indiqué qu’il s’agissait des derniers reliquats disponibles réservés à un usage interne ; si les sociétés Dessange, font valoir qu’il s’agissait d’un retrait avant le lancement d’une nouvelle gamme reprenant les mêmes caractéristiques, il a été constaté la présence dans le salon sis bd Sébastopol de nouveaux produits avec un conditionnement totalement différent sous des couleurs vives telles que le rose et le violet ; le responsable de ce salon indiquait avoir été informé dès le mois de juin 2017 de l’arrêt définitif de la commercialisation des produits en cause.

Néanmoins il n’est pas contesté que les produits Dessange ont été commercialisés jusqu’à cette date alors que la gamme P avait été introduite en 2012, de sorte que la cour peut seulement constater, que les actes allégués lors de l’assignation du 14 août 2014 ont cessé en cours de procédure, ce qui est sans effet sur leur réalité.

Il ne peut être contesté que les cinq produits visés par les sociétés Dessange sont destinés à la beauté et à la santé des cheveux et qu’ils sont dès lors complémentaires.

Les sociétés Dessange opposent cinq produits 'Styling’ de la société P qui ne conteste pas que leur forme respective à savoir des flacons, des tubes et d’un pot est identique aux contenants de ses produits; si ce type de forme est d’un usage courant pour des produits capillaires, ils sont aussi de taille très proche.

De plus, ils reprennent la combinaison du blanc et du noir avec un bouchon argenté.

La société P fait valoir que cette association est banale et qu’elle n’a fait que suivre une tendance mode présente depuis de nombreuses années.; toutefois, elle ne rapporte pas la preuve de la date de mise sur le marché des produits qu’elle oppose, à l’exception d’une gamme professionnelle pour hommes, de sorte qu’elle échoue à établir le caractère usuel de cette combinaison avant 2009.

Si sur les produits 'Styling’ figure une mention en rouge, elle est peu apparente et ne modifie pas l’impression visuelle similaire résultant de la combinaison des couleurs primaires que sont le blanc et

le noir.

Il résulte de ces éléments que la société P a repris pour sa gamme Styling l’identité visuelle de la gamme des produits opposés de la société Dessange et qu’elle s’est ainsi placée dans son sillage; en conséquence le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le coffret 7e art

Les sociétés Dessange exposent qu’en mai 2013, à l’occasion de la 67 ème édition du Festival de Cannes, la société DBA a créé et commercialisé un coffret '7emeart', mettant en valeur deux de ses produits et, que l’année suivant la société P a commercialisé un coffret similaire.

Les sociétés Dessange décrivent leur coffret comme étant composé d’un socle noir sur lequel vient s’emboîter un couvercle de même couleur et révèle une fois ouvert un écrin de velours rouge, évoquant le tapis rouge et la montée des marches du festival, dans lequel sont présentés deux produits capillaires et deux bijoux de cheveux recouverts de strass qui avaient été utilisés la même année pour réaliser la photographie du mannequin retenu pour constituer le visuel du Festival de Cannes 2013 et comportant gravée sur sa face avant la mention’ De l’effervescence des coulisses à la montée des marches, la maison Dessange sublime encore et toujours les plus belle icônes du 7e art'.

Il résulte de cette description et de l’examen visuel du coffret que c’elui-ci ne présente pas des caractéristiques banales et fonctionnelles afin seulement de recevoir des produits capillaires mais constituent un tout acvec ceux-ci, formant un objet unique.

Le coffret P reprend les mêmes caractéristiques à savoir un socle noir sur lequel s’emboîte un couvercle de même couleur révélant un écrin intérieur de couleur rouge destiné à mettre en valeur deux produits capillaires qui sont de même hauteur et un bijou à cheveux brillant, disposé en arc de cercle devant les produits et il comprend aussi sur sa face avant une accroche littérale.

Dès lors en commercialisant un coffret 'Cannes VIP’ reprenant l’ensemble des caractéristiques de celui de la société DBA, lors de l’édition suivante du festival, la société P a utilisé l’image notoire du Festival de Cannes telle que mise en scène par la société DBA dans le coffret en cause pour la promotion de ses produits et s’est inscrite dans son sillage.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu des actes de parasitisme.

Sur le préjudice des sociétés Dessange

Au titre du Festival de Cannes

Les sociétés Dessange exposent que la société DF France a subi un préjudice en raison de l’atteinte portée à sa qualité de partenaire officiel et exclusif du Festival de Cannes.

Les actes de parasitisme de la société P ont contribué à brouiller l’image de la société DF France et à dévaloriser le partenariat dont elle se prévaut.

Par ailleurs les sociétés DF France et Dessange International font état d’un préjudice économique ayant résulté du détournement de leurs investissements; selon une attestation du commissaire aux comptes il s’avère que la société DF International a assumé depuis 2011 des frais d’un montant de 1 374 195 euros au cours de la période 2011-2014.

La société Dessange International évoque la mise à disposition de moyens logistiques et humains pour ce festival représentant un budget de 192 617euros au cours de cette même période.

Pour autant, dès lors que les actes de parasitisme ont consisté à tirer profit de la qualité de partenaire officiel de la société DF France, seule cette dernière peut prétendre à un préjudice en lien direct avec ces agissements, tant en termes d’image que de perte économique.

La cour fixera à la somme de 50 000 euros la réparation au titre de l’atteinte à l’image et à 70 000 euros la réparation du préjudice économique de la société DF France, prononcera une interdiction de poursuite des actes de concurrence déloyale et déboutera la société Dessange International de sa demande.

La condamnation pécunière étant de nature à indemniser le préjudice subi, il n’y a pads lieu de prononcer une interdiction.

Sur les demandes de réparation au titre des produits Styling et du coffret 7e art

La société P prétend que la société DBA ne subit pas de préjudice du fait du retrait des produits et que de plus elle n’a tiré aucun avantage concurrentiel de la commercialisation des produits en cause.

Or ,comme l’a retenu le tribunal s’agissant d’actes de parasitisme le préjudice doit s’apprécier au regard des investissements détournés.

La société DBA produit une attestation de son commissaire aux comptes faisant état de dépenses à hauteur de 49 863 euros au titre de la recherche des formules 'Dessange Capillaires’ ; si la société DBA fabrique et commercialise 12 lignes capillaires et s’il n’est pas précisé les dépenses propres à chacune, il n’en demeure pas moins que les produits de la gamme revendiquée ont bénéficié de ces investissements.

La société DBA prétend avoir vu ses bénéfices diminuer de 100 000 euros entre 2012 et 2014 alors que celui de la société P a augmenté et que son préjudice s’est aggravé depuis le prononcé du jugement car la société P n’a pas respecté la mesure d’interdiction prononcée à son encontre sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

La société P démontre qu’en réalité le chiffre d’affaires de la société DBA avait commencé à chuter avant la mise sur le marché des produits Styling de sorte qu’il n’est pas démontré que ceux-ci en sont la cause; par ailleurs il n’est pas justifié de l’aggravation allégué du préjudice puisqu’il résulte des constats que la société Dessange avait cessé de commercialiser sa gamme .

En ce qui concerne le coffret, si la société P fait état d’investissements, il n’empêche que son coffret étant la reprise servile celui de la société DBA, elle a nécessairement profité des investissements réalisés par la société DBA dont elle connaissait le produit; elle ne conteste pas réalisé une marge de 66%.

Au regard de l’ensemble de ces éléments la cour estime que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi par la société DBA tant au titre du parasitisme par la commercialisation des produits Styling que par la commercialisation du coffret 7e art en lui allouant la somme de 80 000 euros.

Sur les autres demandes de réparation

Sur les demandes de publication

La société DF France ayant subi un préjudice d’image en sa qualité de partenaire officiel exclusif du Festival de Cannes, il y a lieu de faire droit à ses demandes de publication dans les termes du dispositif.

Sur les demandes d’interdiction des produits Styling et du coffret

Les sociétés Dessange demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a interdit à la société P de fabriquer et de commercialiser les produits constituant le démarquage des produits Dessange Paris Création Originale Dessange Code et le coffret 7e art'.

La société L P fait valoir que l’action engagée par les sociétés Dessange porte sur des faits de parasitisme et non de contrefaçon de sorte que l’interdiction des produits ne peut qu’être temporaire et ne se justifie plus dès lors que les faits ont cessé, puisque la société Dessange ne commercialise plus la gamme de produit à l’origine des faits.

Les constats dressés ont démontré que les produits revendiqués par la société DBA, qui faisaient partie d’une gamme fabriquée et commercialisée depuis des années, n’étaient plus offerts à la vente dans les salons qui ont donné lieu aux constats d’huissier, même s’il n’est pas démontré que leur absence constatée dans les rayons de ces salons était définitive ; les actes de parasitisme s’appuient néanmoins sur des actes de commercialisation effective, en l’espèce de cinq produits concurrents, présentant des caractéristiques similaires et s’inscrivant dans le sillage de la gamme offerte par la société DBA ; or, il ne peut être interdit à la société P de fabriquer et de commercialiser les produits en cause dès lors que les produits Dessange qui ne bénéficient d’aucun droit ne sont plus offerts au public et qu’il n’y a donc plus d’actes de concurrence; en conséquence la cour infirmera le jugement en ce qu’il a interdit à la SAS L P T de fabriquer, présenter, exposer, offrir à la vente et/ou commercialiser les produits constituant le démarquage des produits « Création originale Dessange Code ».

En revanche, il n’est pas contesté que le coffret de chacune des deux sociétés est toujours offert à la vente ; en conqéquence la cour confirmera l’interdicion prononée par le tribunal sous astreinte de 300 euros par jour passé un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt , et ce jour pour une période limitée à six mois, période à l’issue de laquelle il sera à nouveau fait droit.

Sur la demande de la société P pour procédure abusive

La société P succombant, sa demande sera rejetée.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

Les sociétés Dessange ayant dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DONNE acte à l’Association Française du Festival International du Film de son intervention.

REJETTE la demande d’annulation des requêtes et ordonnances des 27 octobre 2017 et 1er février 2018, et des procès-verbaux de constats d’huissiers des 6 novembre 2017 et 6 février 2018.

DIT n’y avoir lieu à écarter les pièces y afférents.

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a :

— débouté la société DF France de ses demandes de réparation résultant de l’atteinte portée à sa qualité de partenaire officiel exclusif du Festival de Cannes et du détournement de ses

investissements en relation avec le Festival de Cannes

— interdit à la société L P T sous astreinte de 300 € par jour passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, de fabriquer, présenter, exposer, offrir à la vente et/ou commercialiser les produits constituant le démarquage des produits des produits Dessange Paris, Création Originale.

Et statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant

DIT que la société L P s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société DF France en sa qualité de partenaire officiel exclusif du Festival de Cannes.

INTERDIT à la SAS L P T de fabriquer, présenter, exposer, offrir à la vente et/ou commercialiser le coffret « 7e art » sous astreinte de 300 euros par jour passé un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt et ce, pour une période limitée à six mois, période à l’issue de laquelle il sera à nouveau fait droit.

CONDAMNE la société L P T à verser à la société DF France les sommes suivantes :

—  50 000 euros au titre de l’atteinte à son image

—  70 000 euros au titre du détournement de ses investissements

ORDONNE à titre de complément de dommages et intérêts la publication de l’arrêt à intervenir par extraits dans trois journaux ou périodiques au choix de la société DF France et aux frais avancés par la société L P T, le coût de chaque insertion ne devant pas excéder la somme de 4 000 euros HT.

ORDONNE à titre de complément de dommages et intérêts, la publication, pendant une durée de 3 jours, de l’arrêt à intervenir in extenso ou par extraits sur la page d’accueil du site Internet accessible à l’adresse www.franckprovost.com aux frais de la société L P T, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.

CONDAMNE la société L P T à payer à chacune des sociétés DF France, DBA et Dessange International la somme de 8 000 euros chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE la société L P T à payer, sur justificatifs, aux sociétés DF France, DBA et Dessange International, l’ensemble des débours, frais et honoraires d’huissier exposés à l’occasion des constats effectués dans le cadre du présent litige.

REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires.

CONDAMNE la société L P T aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 8 juin 2018, n° 17/12912