Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 4 décembre 2019, n° 16/17987

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 4 déc. 2019, n° 16/17987
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/17987
Décision précédente : Tribunal de commerce de Marseille, 18 avril 2016, N° 2013F03181
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 04 DÉCEMBRE 2019

(n° , 30 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/17987 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BZQFE (dossiers joints : RG n° […], […] et […])

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Avril 2016 – Tribunal de Commerce de Marseille – RG n° 2013F03181

APPELANTES

- SHELL J OIL L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° d’enregistrement : HRB 821190

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Ayant pour avocat plaidant : Me Erwan POISSON du LLP ALLEN & OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J022

Appelante dans le dossier 16/17987 et intimée dans les dossiers […], […] et […]

- K J L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° d’enregistrement : HRB 73273

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant : Me Christelle COSLIN du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J033

Appelante dans le dossier […] et intimée dans les dossiers 16/17987, […] et […]

- X I J L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° d’enregistrement : HRB 16798

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant : Me Christophe BARTHELEMY de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

Appelante dans le dossier […] et intimée dans les dossiers 16/17987, […] et […]

- PHILIPPS 66 CONTINENTALHOLDING L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° d’enregistrement : HRB 73463

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant : Me Christophe BARTHELEMY de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

Appelante dans le dossier […] et intimée dans les dossiers 16/17987, […] et […]

Désistement partiel par ordonnance en date du 20 septembre 2016

- BP REFINING & PETROCHEMICALS L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° d’enregistrement : HRB 3207

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant : Me Silvestre TANDEAU DE MARSAC de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0147

Appelante dans le dossier […] et intimée dans les dossiers 16/17987, […] et […]

- RUHR G L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : HRB 7527

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant : Me Silvestre TANDEAU DE MARSAC de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0147

Appelante dans le dossier […] et intimée dans les dossiers 16/17987, […] et […]

INTIMÉES

- SAS Z

Ayant son siège social : […]

[…]

[…]

N° SIRET : 530 042 662 (AIX-EN-PROVENCE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

Ayant pour avocat plaidant : Me Joëlle SALZMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

Intimée dans tous les dossiers

- SA SOCIETE DU PIPELINE SUD-EUROPEEN

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : 582 104 972 (PARIS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me D E, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

Ayant pour avocats plaidants : Me Antoine FOURMENT et Me Jean-Hugues CARBONNIER de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

Intimée dans tous les dossiers

- SHELL J OIL L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° d’enregistrement : HRB 821190

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Ayant pour avocat plaidant : Me Erwan POISSON du LLP ALLEN & OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J022

Intimée dans les dossiers […], […] et […] et appelante dans le dossier 16/17987

- K J L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° d’enregistrement : HRB 73273

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant : Me Christelle COSLIN du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J033

Intimée dans les dossiers 16/17987, […] et […] et appelante dans le dossier […]

- X I J L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° d’enregistrement : HRB 16798

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant : Me Christophe BARTHELEMY de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

Intimée dans les dossiers 16/17987, […] et […] et appelante dans le dossier […]

- PHILIPPS 66 CONTINENTALHOLDING L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° d’enregistrement : HRB 73463

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant : Me Christophe BARTHELEMY de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

Intimée dans les dossiers 16/17987, […] et […] et appelante dans le dossier […]

Désistement partiel par ordonnance en date du 20 septembre 2016

- BP REFINING & PETROCHEMICALS L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° d’enregistrement : HRB 3207

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant : Me Silvestre TANDEAU DE MARSAC de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0147

Intimée dans les dossiers 16/17987, […] et […] et appelante dans le dossier […]

- RUHR G L

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : HRB 7527

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant : Me Silvestre TANDEAU DE MARSAC de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0147

Intimée dans les dossiers 16/17987, […] et […] et appelante dans le dossier […]

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame M-N O, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère,

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame M-N O dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame P Q

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame M-N O, Présidente de chambre, et par P Q, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Avec la loi 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire et le décret du 9 octobre 2008, le Port Autonome de Marseille (PAM), établissement public sous tutelle directe de I’Etat issu de la loi n°65-491du 29 juin 1965 et du décret du 25 mars 1966, a été remplacé par le Grand Port Maritime de Marseille (GPMM), autre établissement public dont la vocation était d’assurer les activités de service public administratif.

Les activités d’exploitation de nature industrielle ou commerciale ont été apportées à la SAS de droit privé Z, créée le 2 février 2011par ses actionnaires, le GPMM, la société INEOS, la Compagnie Fluviale de Transport et la Société du Pipeline Sud Européen (A) afin de devenir l’opérateur des terminaux pétroliers des ports de Fos et Lavera.

Z qui a pour objet : « la conception, l’acquisition, l’exploitation et la maintenance des équipements et outillages de superstructures nécessaires à la fourniture de prestations de services liées aux opérations de chargement et déchargement de navires transportant des produits pétroliers (bruts, raffinés et gaz de pétroles liquéfiés), des produits chimiques, des huiles végétales et dérivés liquides alimentaires ainsi que la fourniture de prestations connexes liées à la gestion des ports pétroliers de Fos et de Lavéra », a commencé ses activités le 16 mai 2011.

Cette société assurait depuis sa création la gestion des opérations de navires à quai et le déchargement des cargaisons de pétrole brut notamment dans le terminal maritime de la société A sis sur les installations portuaires de Fos et de Lavéra, de plusieurs compagnies étrangères, notamment : Shell J Oil (Y), K J (K), Ruhr Oil L (B), […], et X I Deutxschland, (X) dénommées les « MiRO shippers ».

La société A a été créée en 1958 afin « d’assurer le transport d’hydrocarbures liquides pour le compte de ses actionnaires et de toutes sociétés d’activités pétrolières » au moyen d’un pipeline partant de Marseille / Fos et remontant jusque vers les raffineries de Karlsruhe, toutes regroupées à compter du 1er octobre 1996 sous la dénomination de 'raffinerie de MIRO' afin d’alimenter celles-ci et d’approvisionner ainsi le nord de I’Allemagne et les pays limitrophes. La société A a commencé ses activités de transport de brut en fin d’année 1962 sous la gestion du PAM et a maintenu ses activités par la suite avec Z.

Le 12 juillet 2012, la société B écrivait à A avoir ' pris la décision de ne plus utiliser A comme route d’approvisionnement du brut pour MIRO pour le court et moyen terme et de rediriger toutes les livraisons pour MIRO vers le pipeline TAL pour l’heure".

Les derniers déchargements de navires pétroliers étaient effectués :

— le 24 juillet 2012 par la société Y,

— le 30 juillet 2012 par la société K,

— le 6 août 2012 par la société X,

— le 16 août 2012 par les sociétés B et BP.

Le 15 août 2012, la société X annonçait des volumes extrêmement faibles à partir de 2013.

Le 17 août 2012, le navire Matilda affrété par la société K J était détourné sur Trieste.

Le 9 novembre 2012, la société Z demandait aux sociétés Y, K, B, P66 et X d’avoir à reprendre leurs déchargements par Fos et Lavéra d’ici au 28 novembre 2012.

Par acte du 4 octobre 2013, la société Z. faisait assigner devant le tribunal de commerce de Marseille, les sociétés Y, K, B, BP, P 66, X et A.

Par jugement du 19 avril 2016, le tribunal de commerce de Marseille a :

— déclaré la société Z irrecevable en ses demandes fondées sur les dispositions de l’article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ;

— mis hors de cause sans dépens la Société Du Pipeline Sud-Européen S.A.;

En conséquence,

— débouté la société Z de ses demandes fondées sur les dispositions de I’article 1382 du code civil dirigées à l’encontre de la Société du Pipeline Sud-Européen S.A ;

— débouté la société Z de ses demandes fondées sur les dispositions de I’article 1382 du code civil dirigées à l’encontre de la société Philipps 66 Continentalholding ;

— condamné in solidum la Société Shell J Oil, la Société K J, la Société Ruhr G, la Société […], et la Société X I J à payer à la société Z la somme de 5 883 760,20 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice';

— conformément aux dispositions de I’article 1154 du code civil, dit que les intérêts au taux légal se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux ;

— débouté la société Z de sa demande de publication du présent jugement ;

— condamné conjointement la Société Shell J Oil, la Société K J, la Société Ruhr G, la Société […], et la Societe X I J à payer à la société Z la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de I’article 700 du Code de Procédure Civile ;

— condamné conjointement la Société Shell J Oil, la Société K J, la Société Ruhr G, la Société […], et la Société X I J à payer à la Société du Pipeline Sud-Européen S.A. la somme de 20 000 euros ;

— conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de Procédure Civile,

— condamné conjointement la Société Shell J Oil, la Société K J, la société Ruhr G, la Société […], et la Société X I J aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu’énoncés par l’article 695 du Code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction seront liquidés à la somme de 222,48 euros TTC ;

conformément aux dispositions de l’article 515 du Code de Procédure Civile,

— ordonné pour le tout l’exécution provisoire ;

— rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.

Les sociétés Y, B, BP Europa (BP), K, X et Phillips 66 ont interjeté appel de ce jugement.

La société Z en a relevé appel incident.

Vu les dernières conclusions de la société B, et de la société BP Europa appelantes, déposées et notifiées le 9 septembre 2019, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l’article 122 du Code de procédure civile,

Vu l’article 1448 du Code de procédure civile

Vu l’article L 442-6, I, 5° du Code de commerce,

Vu l’article 1240 du Code civil,

A titre principal,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé la société Z irrecevable en ses demandes l’encontre des sociétés des sociétés Ruhr G L et […] L ;

— ré’former le jugement pour le surplus ;

— dire et juger que le tribunal de commerce de Marseille a statué ultra petita ;

— constater que le tribunal de commerce de Marseille était incompétent pour se prononcer sur la rupture des relations commerciales établies entre A et B et en tirer les conséquences pour condamner les sociétés Ruhr G L et […] L à réparer le préjudice prétendument subi par Z du fait de cette rupture ;

— dire et juger que seul le tribunal arbitral peut se prononcer sur un éventuel manquement commis dans les relations entre les sociétés A d’une part, Ruhr G L et […] L d’autre part ;

— juger que Z ne rapporte pas la preuve d’une faute de la société Ruhr G L ou de […] L à son encontre sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, ni celles d’un préjudice et d’un lien de causalité ;

— rejeter toute demande de condamnation des sociétés Ruhr G L et […] L à réparer le préjudice prétendument subi par Z ;

A titre subsidiaire,

— dire et juger que la société Z ne rapporte pas la preuve d’une quelconque relation commerciale établie entre les sociétés Rhur G L et Z, et entre les sociétés […] L et Z ;

— dire et juger que la société Z ne rapporte pas la preuve d’une quelconque rupture brutale ni d’un quelconque préjudice au soutien de ses différentes prétentions ;

En tout état de cause,

— débouter la société Z et la société A purement et simplement de l’intégralité de leurs fins et demandes à l’encontre des sociétés Ruhr G L et […] L ;

— condamner la société Z à verser aux sociétés Rhur G L et […] L la somme de 300 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner la société Z aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la société X I J L (X), appelante, déposées et notifiées le 9 septembre 2019, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l’article L. 442-6 I 5° (ancien) du Code de commerce,

Vu l’article 1382 (ancien) du Code civil,

Vu la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, notamment ses articles 7 et 9,

Vu les autres textes légaux et réglementaires cités,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces,

— déclarer la société X I J L recevable en son appel et l’y déclarer bien fondée ;

— confirmer le jugement du Tribunal de commerce en date du 19 avril 2016 en ce qu’il a déclaré la société Z irrecevable en ses demandes fondées sur les dispositions de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

— réformer le jugement du Tribunal de commerce en date du 19 avril 2016 en ce qu’il a condamné la

société X I J L in solidum avec les Sociétés Shell J Oil L, K J L, Ruhr G L, […] L à payer à la société Z la somme de 5.883.760,20 euros (cinq millions huit cent quatre-vingt-trois mille sept cent soixante euros et vingt centimes) à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;

— réformer le jugement du Tribunal de commerce en date du 19 avril 2016 en ce qu’il a condamné la société X I J L in solidum avec les sociétés Shell J Oil L, K J L, Ruhr G L, […] L à payer une indemnité à la société Z et à la société A sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens ;

En conséquence, statuant de nouveau,

À titre principal,

dire et juger irrecevable dans son action la société Z, faute d’avoir été légalement désignée pour exercer l’activité de chargement et déchargement sur les terminaux pétroliers du port de Marseille ;

— dire et juger en conséquence que la société Z doit être déboutée de toute demande en réparation d’un quelconque préjudice à l’encontre de la société X I J L, tant sur le fondement de l’article L 442-6I 5° (ancien) du Code de commerce que sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du Code civil ;

À titre subsidiaire,

dire et juger que la société Z n’a pas fait la démonstration de l’existence d’une relation commerciale établie au sens de l’article L 442-6I 5° (ancien) du Code de commerce avec la société X I J L ;

dire et juger que la société Z n’a pas fait la démonstration d’une faute attribuable à la société X I J L tant sur le fondement de l’article L 442-6I 5° (ancien) du Code de commerce que sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du Code civil ;

dire et juger en conséquence que la société Z doit être déboutée de toute demande en réparation d’un quelconque préjudice à l’encontre de la société X I J L, tant sur le fondement de l’article L 442-6I 5° (ancien) du Code de commerce que sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du Code civil ;

dire et juger en conséquence que la société X I J L ne peut pas être condamnée in solidum ;

À titre très subsidiaire,

— dire et juger que la société Z ne peut se prévaloir d’une faute de la société X I J L à l’encontre de la Société du Pipeline Sud- Européen ;

— dire et juger en conséquence que la société X I J L ne peut pas être condamnée in solidum ;

À titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que le préjudice de la société Z n’est pas celui revendiqué par la société Z;

En tout état de cause,

— condamner la société Z à payer la somme de 130.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

débouter la société A de toute demande faite à l’encontre de la société X I J L sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens.

Vu les dernières conclusions de la société Shell J Oil (Y), appelante, déposées et notifiées le 10 septembre 2019, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les pièces versées aux débats,

Vu l’article L. 442-6 I 5° (ancien) du Code de commerce,

Vu l’article 1382 (ancien) du Code Civil,

Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile,

A titre principal,

— dire et juger que Y et Z n’ont entretenu aucune relation commerciale au sens de l’article L. 442-6 I 5° (ancien) du Code de commerce ;

— dire et juger que Y n’aurait pu commettre aucune rupture brutale ou abusive, même si l’article L. 442-6 I 5° (ancien) du Code de commerce avait été applicable;

— dire et juger que Y n’a pas pu engager sa responsabilité envers Z au visa de l’article 1382 (ancien) du Code Civil ;

En conséquence,

— confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu’il a rejeté les demandes de Z fondées sur l’article L. 442-6 I 5° (ancien) du Code de commerce ;

— infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu’il a condamné Y à indemniser Z sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du Code Civil ;

Statuant à nouveau,

— débouter Z de l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;

A titre subsidiaire,

— constater qu’aucun des préjudices allégués par Z en première instance ou en cause d’appel n’est justifié, que ce soit sur le fondement de l’article L. 442-6 I 5° (ancien) du Code de commerce ou de l’article 1382 (ancien) du Code Civil ;

En conséquence,

— confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu’il a rejeté les demandes de Z fondées sur l’article L. 442-6 I 5° (ancien) du Code de commerce ;

— infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu’il a condamné Y à indemniser Z sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du Code Civil ;

Statuant à nouveau,

— débouter Z de l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;

En tout état de cause :

— débouter Z de toute demande de condamnation in solidum ;

— débouter Z de sa demande de publication du jugement ;

— débouter Z de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner Z à payer à Y la somme de 70.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner Z aux entiers dépens ;

— débouter A de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en ce que cette demande serait dirigée à l’encontre de Y.

Vu les dernières conclusions de la société K J (K), appelante déposées et notifiées le 9 septembre 2019, par lesquelles il est demandé à la Cour de':

Vu le jugement entrepris, rendu le 19 avril 2016 par le Tribunal de Commerce de Marseille,

Vu l’article L. 442-1 II du Code de commerce et l’ancien article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

Vu l’article 1240 (anciennement 1382) du Code civil,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’il n’a jamais existé de relation commerciale établie entre la société Z SAS et la société K J L et a dit la société Z SAS irrecevable en ses demandes fondées sur les dispositions de l’ancien article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Par conséquent,

— dire et juger, en tant que de besoin, que la société K J L n’a pas commis de rupture, brutale ou abusive, partielle d’une relation commerciale établie avec la société Z SAS au titre des années 2009, 2010 et 2011';

— dire et juger que la société K J L n’a pas commis de rupture brutale ou abusive d’une relation commerciale établie avec la société Z SAS en août 2012';

Le réformant pour le surplus,

— prendre acte de ce que la société Z SAS abandonne sa demande indemnitaire au titre d’une prétendue rupture partielle de relation entre 2009 et 2011';

— dire et juger que la société K J L n’a pas commis de faute sur le fondement de l’article 1240 (anciennement 1382) du Code civil ;

— dire et juger que la société K J L n’a causé aucun préjudice à la société Z SAS, de quelque nature que ce soit ;

— infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Shell J Oil L, K J L, Ruhr G L, BP Refining & Petrochemichals L et X I J L à payer à la société Z SAS la somme de 5.883.760,20 euros à titre de dommages-intérêts ;

En conséquence,

— débouter la société Z SAS de sa demande de condamnation in solidum des sociétés K J L, Société du Pipeline Sud-Européen, Shell J Oil L, Ruhr G L, BP Refining & Petrochemichals L, Phillips 66 Continental Holding L et X I J L ;

En tout état de cause,

— débouter la société Z SAS de sa demande de publication de la décision à intervenir ;

— débouter la société Z SAS de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions en ce qu’elles sont dirigées, individuellement, in solidum ou solidairement, à l’encontre de la société K J L ;

— rejeter les allégations formulées par la Société du Pipeline Sud-Européen, ainsi que la demande de cette dernière au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en ce que ces allégations et cette demande seraient dirigées à l’encontre de la société K J L ;

— condamner la société Z SAS au paiement à la société K J L de la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles.

Vu les dernières conclusions de la société Phillips 66 Continental Holding L (P.66), intimée, déposées et notifiées le 9 septembre 2019, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l’article L. 442-6 I 5° (ancien) du code de commerce,

Vu l’article 1382 (ancien) du Code civil,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les autres textes légaux et réglementaires cités,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces,

— confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille en date du 19 avril 2016 en ce qu’il a déclaré la société Z irrecevable en ses demandes fondées sur les dispositions de l’article L. 442-6 I 5° (ancien) du Code de Commerce à son encontre ;

— confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille en date du 19 avril 2016 en ce qu’il a débouté la société Z de ses demandes fondées sur les dispositions de l’article 1382 (ancien) du Code civil dirigées à l’encontre de la société Phillips 66 Continental Holding ;

— constater que la société Z n’a produit aucun élément de preuve attestant d’une quelconque responsabilité de la société Phillips 66 Continental Holding L et a même tenté d’obtenir sa condamnation par le truchement d’un amalgame entre deux sociétés distinctes ;

— constater que la société Z a agi de manière abusive à l’égard de la société Phillips 66 Continental Holding L ;

En conséquence, statuant de nouveau :

— condamner la société Z à régler à la société Phillips 66 Continental Holding L la somme de 60.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Vu les dernières conclusions de la société Z, intimée et appelante incidente, déposées et notifiées le 16 septembre 2019, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les articles 31 et 122 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du Code civil (anciennement 1153, 1153-1 et 1154),

Vu l’article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,

Vu l’article 1240 (anciennement 1382) du Code civil,

— débouter les sociétés Shell J Oil, K J, Ruhr G, […], X I J et Phillips 66 Continental de l’ensemble de leurs demandes formulées en cause d’appel ;

— dire et juger recevables et bien fondées les demandes de la société Z à l’encontre des sociétés Shell J Oil, K J, Ruhr G, […], X I J et A ;

À titre principal,

— infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 19 avril 2016 en ce qu’il a débouté la société Z de ses demandes à l’encontre des sociétés Shell J Oil, K J, Ruhr G, […], X I J et A sur le fondement des dispositions de l’article L.442-6-I-5° du Code de commerce ;

— dire et juger que les sociétés Shell J Oil, K J, Ruhr G, […], X I J et A ont rompu leurs relations commerciales établies depuis plus de 50 ans sans aucun préavis en août 2012 en violation de l’article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ;

Et en conséquence,

— condamner in solidum les sociétés Shell J Oil, K J, Ruhr G, […], X I J et A à payer à la société Z une indemnité globale de 16.511.583 euros (13.011.583 + 3.500.000) au titre de la réparation de l’intégralité des préjudices subis, avec les intérêts au taux légal sur cette somme à compter de la date de l’acte introductif d’instance, soit depuis le 4 octobre 2013, et capitalisation de ces intérêts à compter de cette même date, par application des articles 1153 et 1154 du Code civil ;

À défaut,

À titre subsidiaire,

— confirmer le jugement du 19 avril 2016 en ce qu’il a considéré que la société Z a subi un préjudice personnel et direct du fait des agissements dénoncés, et condamner les sociétés Shell J Oil, K J, Ruhr G, […], X I J sur le fondement de l’article 1240 du Code civil ;

— réformer néanmoins le jugement sur le quantum en fixant le montant de l’indemnité globale à 16.511.583 euros assortis des intérêts calculés comme précité ;

En toute hypothèse,

— ordonner la publication de la décision à intervenir, traduite le cas échéant en langues anglaise et allemande, aux frais avancés et solidaires des sociétés Shell J Oil, K J, Ruhr G, […], X I J, dans 5 journaux ou revues au choix et à l’initiative de la société Z, sans que le coût global ne puisse excéder la somme de 50.000 euros (hors taxes), et sur la page d’accueil du site Internet des défenderesses accessible en France et en Europe, dans un encadré de couleur rouge sur fond blanc figurant sur le 1er écran de la page d’accueil, en police de caractère de taille 13, pour une durée minimum de trois mois ;

— condamner solidairement les sociétés Shell J Oil, K J, Ruhr G, […], X I J à verser à la société Z la somme de 800.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens';

— condamner la Société Phillips 66 Continental Holding L à verser à la société Z la somme de 60.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société Pipeline Sud-Européen (A), intimée, déposées et notifiées le 13 septembre 2019, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l’ordonnance de jonction du 9 mai 2017, l’article L442-6, I, 5° du Code de commerce, l’article 1240 (anciennement 1382) du Code civil, l’article 1383 du Code civil,

— dire et juger que la Société du Pipeline Sud-Européen (A) n’est l’auteur d’aucune décision de rupture quelconque et n’a commis aucune faute susceptible d’être à l’origine du préjudice allégué par la société Z ;

— dire et juger que la Société du Pipeline Sud-Européen (A) n’a pris aucune part à la décision concertée et subreptice des sociétés appelantes, mise en 'uvre dans le courant de l’été 2012, de cesser brutalement et abusivement leurs approvisionnements par le port pétrolier de Fos-sur-Mer/Lavéra pour remplacer l’alimentation de leur raffinerie MiRO par le TAL au départ du port de Trieste en Italie ;

— dire et juger que la Société du Pipeline Sud-Européen (A), première victime de la décision concertée des appelantes, n’a pas rompu, au sens des dispositions de l’article L442-6, I , 5° du Code de commerce, les relations commerciales établies qu’elle entretient avec la société Z ni commis aucune faute quelconque à ce titre ;

Ce faisant,

— déclarer les sociétés appelantes mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions, en tant qu’elles sont dirigées à l’encontre de la Société du Pipeline Sud-Européen (A) ; les en débouter;

— déclarer la société Z mal fondée en ses demandes de condamnation « in solidum » en tant qu’elles sont dirigées à l’encontre de la Société du Pipeline Sud-Européen (A) ; la débouter de son appel incident en tant que celui-ci est dirigé à l’encontre de la Société du Pipeline Sud-Européen (A) ;

— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a purement et simplement mis la Société du Pipeline Sud-Européen (A) hors de cause et condamné les sociétés Shell J Oil L, X I J L, Ruhr G L, […] L et K J L à lui payer la somme de 20 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

— condamner solidairement les appelantes au paiement d’une somme additionnelle de 30 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

— dire que les dépens d’appel pourront être directement recouvrés par Maître D E en application de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Sur la recevabilité de l’action la société Z

X soutient que la société Z est irrecevable en son action, faute d’avoir été légalement désignée pour exercer l’activité de chargement et déchargement sur les terminaux pétroliers du port de Marseille.

Elle estime que la société Z exercerait illégalement son activité sur les ports de Fos et Lavéra, d’une part, en ce qu’elle ne serait pas légalement titrée pour exercer cette activité dans laquelle elle prétend avoir succédé au Port Autonome de Marseille (PAM) et au Grand Port Maritime de Marseille (GPMM), d’autre part, en ce que, lors du transfert d’activité entre le GPMM et Z, le premier exerçait illégalement cette activité, puisque la dérogation temporaire qui le lui permettait avait pris fin deux ans après l’adoption de son projet stratégique, soit le 9 mars 2011.

Ainsi, et au regard des textes européens, comme de la jurisprudence en la matière, elle en déduit que Z n’aurait pas la qualité légale pour exercer son activité et partant, de demander réparation tant sur le fondement de l’article L442-6, I, 5° du code de commerce, que sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

S’agissant du fait que Z ne serait pas légalement titrée, X dit que cette société est devenue l’opérateur des terminaux pétroliers de Fos et Lavéra dans des conditions irrégulières, en l’absence de procédure concurrentielle, par le 'contrat de cession de matériels et équipements' conclu avec le GPMM, notamment selon une procédure de gré à gré.

X, qui fait valoir qu’elle n’est pas un concurrent évincé qui souhaiterait exploiter les outillages du port de Marseille et qui demanderait dans ce but l’annulation des conventions de terminal, conteste par voie d’exception la légalité du titre sur lequel Z fonde ses demandes, dès lors que le droit européen impose une mise en concurrence des conventions de terminal du port de Marseille qu’il s’agisse d’une convention d’occupation domaniale ou d’une délégation de service public.

Elle poursuit en soutenant que la cour est compétente pour statuer elle-même sur l’illégalité manifeste des conventions de terminal dont se prévaut Z et en tirer les conséquences au principal sans qu’il y ait lieu à question préjudicielle de la CJUE au motif que le droit de l’Union est clair et parfaitement établi et qu’il en est de même en droit interne. Elle invoque à cet égard la jurisprudence SCEA du Chéneau du Tribunal des conflits du 17 octobre 2011 et l’arrêt de la Cour de cassation du 24 avril 2013 (syndicat mixte du parc des Griselles) faisant application de la

jurisprudence Béziers I du Conseil d’Etat du 28 décembre 2009 (commune de Béziers).

Elle ajoute que les relations commerciales dont se prévaut Z sont fondées sur une situation de droit et de fait illégitime, comme contraire à des règles d’ordre public, ce qui entache selon elle d’illégalité toute l’activité conduite par cette société sur les terminaux pétroliers de Fos et de Lavéra.

Z rétorque que cette question ne relève pas de l’office du juge commercial et est sans incidence sur la solution du litige.

Elle fait valoir qu’il appartenait à X de saisir les juridictions administratives selon les voies de droit ouvertes aux tiers à l’époque de la signature de la convention, et dans le délai contentieux de droit commun. Elle ajoute que les tiers à un contrat administratif ne peuvent exciper, après l’expiration du délai de recours contentieux de deux mois que de l’illégalité de ses clauses réglementaires, et non des vices affectant la conclusion même de la convention dans lesquelles ces clauses sont insérées, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation du 6 février 2001.

***

Il est constant que la convention de terminal est un contrat administratif ainsi que l’a précisé le tribunal des conflits dans sa décision n°4099 su 13 novembre 2017.

Le contentieux de cette convention relève en principe du juge administratif.

En effet, l’article 49 du code de procédure civile pose le principe selon lequel le juge de l’action est le juge de l’exception, et il est de principe que le juge judiciaire ne peut apprécier la légalité d’un acte administratif sous réserve s’agissant du juge civil, de sa qualité de gardien de la propriété privée et des libertés individuelles.

Toutefois, sans qu’il s’agisse d’un contrôle de légalité, le principe de primauté du droit communautaire permet aux juridictions judiciaires non répressives d’apprécier la régularité d’un acte administratif au droit européen.

Egalement, selon deux décisions du Tribunal des conflits du 17 octobre 2011, il n’y a pas lieu à renvoi préjudiciel 'lorsqu’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal' (SCEA du Chéneau/INAPORC et M. C/CNIEL et syndicat de exploitants agricoles du canton de Riez et de Moustiers).

En outre, selon la jurisprudence SCEA du Chéneau, lorsque le droit de l’Union est en cause, le juge judiciaire doit appliquer le droit de l’Union ou saisir la CJUE à titre préjudiciel.

Le juge judiciaire pourrait en ce cas écarter (et non annuler) l’application de l’acte administratif jugé irrégulier.

A supposer qu’il en soit ainsi s’agissant d’un contrat administratif, comme en l’espèce la convention de terminal, X ne démontre pas en quoi l’irrégularité alléguée des conditions de passation de cette convention qui n’emporte pas automatiquement la nullité de celle-ci, aurait une influence sur la solution du litige. En effet, elle ne justifie pas en quoi l’annulation de la convention qui n’est pas demandée et qui relève de la seule compétence du juge administratif, aurait des effets sur les relations commerciales alléguées liant X et Z.

Il en est de même s’agissant de l’exploitation illégale alléguée des terminaux par le GPMM après l’expiration du délai de deux ans suivant l’adoption du projet stratégique fixé par l’article 7 de la loi du 4 juillet 2008.

En tout état de cause, même à admettre l’intérêt de X à soulever l’illégalité alléguée de la convention de terminal dans le litige l’opposant à Z portant sur la rupture brutale de leurs relations commerciales établies et subsidiairement sur la faute qu’elle aurait commise à son encontre, X, qui déclare expressément ne pas être un concurrent évincé, n’est pas recevable, même par voie d’exception, à se prévaloir de vices relatifs à la passation de conventions conclues en 2011 et partant l’illégalité de celles-ci.

En effet, un tel recours n’est ouvert aux tiers qu’aux conventions conclues après le 4 avril 2014, date de la jurisprudence Tarn-et-Garonne du Conseil d’Etat qui ouvre un recours à tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine, à supposer encore que tel soit le cas, s’agissant d’irrégularités alléguées dans la conclusion de la convention.

Cependant, dès lors que le droit de l’Union est en jeu et que les conditions de passation de la convention de terminal, qu’elle soit qualifiée de convention d’occupation domaniale ou de concession de services, sont susceptibles d’être déclarées non conformes aux articles 49 et 56 du TFUE au regard de la jurisprudence de la CJUE relative aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité, la Cour ne peut éluder le débat au fond.

L’obligation de transparence qui consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture de la concession des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication qui découlent de ces principes ne s’imposent que dans les cas où il existe un intérêt transfrontalier certain dont l’existence doit s’apprécier au regard d’un ensemble de critères tels que l’objet ou les caractéristiques techniques de la concession, son montant, les spécificités du secteur ou le lieu géographique d’exécution, ce qui ne peut se déduire du seul exposé des faits de l’espèce en l’absence de production aux débats de la convention de terminal.

En outre, il ressort de l’article premier de l’arrêté du 9 mars 2009 définissant les activités de manutention portuaire d’intérêt national et du 2° de l’article L 5312-4 du code des transports que les outillages nécessaires aux opérations de chargement et de déchargement des navires sur les terminaux pétroliers de Lavéra et de Fos a été déclaré d’intérêt national, de sorte que les dérogations prévues à l’article 52 du TFUE pour des motifs d’ordre public ou de sécurité juridique sont remplies, ce dernier texte étant nécessairement dans le débat.

La demande de X tendant à voir déclarer irrecevable l’action de la société Z faute par celle-ci d’avoir été légalement désignée pour exercer l’activité de chargement et déchargement sur les terminaux pétroliers du port de Marseille, est rejetée, comme tant irrecevable que mal fondée.

Sur la situation particulière de P 66

Philipps 66 Continental Holding (P 66) se défend d’être un MiRO Shippers ni même un expéditeur de pétrole, faisant valoir qu’un amalgame a été fait par Z dans son assignation entre elle et X alors qu’il n’existe aucun lien commercial entre elle et Z, ni même entre elle et A, amalgame que continue d’entretenir Z dans ses conclusions, tout en observant qu’elle n’est plus mise en cause dans les conclusions de Z en date du 30 mars 2017.

Or, Z ne sollicite à l’encontre de P 66, intimée par les MiRO Shippers, qu’une condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et P 66 demande de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la société Z irrecevable en ses demandes fondées sur les dispositions de l’article L.442-6 I 5° (ancien) du Code de Commerce à son encontre et en ce qu’il a débouté la société Z de ses demandes fondées sur les dispositions de l’article 1382 (ancien) du Code civil dirigées à son encontre ainsi que de condamner Z à lui verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est constant que l’assignation de P 66 résulte d’une confusion avec X et qu’aucune demande n’est formée à son encontre par Z, autre qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile

En outre, P 66 a interjeté appel de ce jugement avant de s’en désister et ne se trouve pas intimée du fait de Z.

Dès lors, l’équité commande de rejeter les demandes respectives formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre l’une de l’autre par ces deux sociétés et de confirmer le jugement de ce chef.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies par les 'Miro Shippers' à l’égard de Z

Aux termes de l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version applicable au litige :

« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

Sur la recevabilité des demandes de Z à l’égard des MiRO Shippers sur ce fondement

Le tribunal de commerce a déclaré irrecevables les demandes de la société Z fondées sur les dispositions de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce à l’égard des Miro Shippers, en l’absence de relation commerciale.

Z soutient que l’existence de la relation commerciale n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais de fond.

Selon l’article 31 du code de procédure civile 'l’action est ouverte à tous eux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention,(…)'.

L’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.

En l’espèce, l’existence d’une relation commerciale n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais de son succès.

Dès lors, c’est à tort que la société Z a été déclarée irrecevable en ses demandes sur ce fondement. Le jugement est infirmé de ce chef.

Il convient donc de rechercher l’existence d’une relation commerciale établie entre la société Z et les MiRO Shippers ainsi qu’avec A, et dans l’affirmative, l’existence d’une rupture brutale émanant de ces derniers, de nature à justifier l’indemnisation de la brutalité de cette rupture.

Sur l’existence de relations commerciales

Les MiRO Shippers (Y, K, B, BP et X) dénient toute relation commerciale directe avec Z. Ils en veulent pour preuve l’absence de tout document en ce sens et disent n’entretenir une telle relation qu’avec la société A.

Y fait valoir que les juridictions adoptent donc une approche pragmatique de la notion de relation directe, laquelle n’est démontrée qu’en rapportant la preuve d’échanges commerciaux directs, manifestés par des contrats, des flux financiers, des livraisons de biens ou services, ou des contacts réguliers, tout autre élément étant inopérant. Elle dit qu’en l’espèce, elle n’est en contact qu’avec A afin d’organiser l’acheminement de son pétrole via le Pipeline A ; que A se chargeait de transmettre les commandes des MiRO Shippers à Z laquelle est un prestataire de A.

Elle soutient que l’intervention directe de Z sur le port de Marseille et l’absence de A dans les modalités de déchargement n’impliquent pas pour autant une relation commerciale directe entre elle et Z. Elle se défend d’avoir jamais agréé Z en tant que prestataire, étant donné son monopole dans l’exploitation des terminaux pétroliers du port de Marseille et ajoute que les brochures et tarifs de Z ne lui ont été remis que par A.

Y fait valoir qu’aucune facture, aucun contrat, aucune trace d’un mouvement financier entre elle et Z n’a pu être prouvé par cette dernière.

Elle ajoute que l’investissement dans le TAL, autre pipeline méditerranéen, italien cette fois-ci, démontre bien qu’il s’agissait pour les MiRO d’avoir un terminal pétrolier à disposition et un pipeline pour acheminer le pétrole jusqu’en Allemagne notamment, peu important qu’il s’agisse du port de Marseille ou de celui de Trieste.

B et BP soutiennent particulièrement qu’il n’y a jamais eu de « mariage industriel » avec le port de Marseille et que Z, ne doit pas être confondue avec le port autonome de Marseille ni avec le GPMM, que Z n’a été créée qu’en 2011 pour devenir l’opérateur des ports pétroliers de Fos et Lavéra, que la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 n’a pas prévu un transfert des relations d’affaires entre les ports maritimes et leurs partenaires au profit de Z et que le contrat d’apport en nature du GPMM à Z exclut toute cession de fonds de commerce, de clientèle ou de contrat. Elles réfutent l’utilisation faite par Z du protocole signé en 2006 auquel ni celle-ci (pas encore créée), ni B n’étaient parties, protocole qui a d’ailleurs cessé de produire ses effets en 2007, pour démontrer qu’une relation commerciale existait entre ces deux entités. Elles disent qu’aucun contrat d’aucune sorte n’a été conclu entre elles et Z et se fondent sur l’article 1er des Conditions Générales des prestations effectuées par A pour dire que celle-ci est contractuellement en charge des opérations de déchargement et de pompage des navires qu’elle dirige.

Elles s’appuient ensuite sur les tarifs de A, impliquant un « pack transport » intégrant les prestations portuaires.

K invoque l’absence de trace écrite (contrats, engagements) d’une quelconque relation directe ou encore d’un contact direct entre elle et Z qui facturait à A, cette dernière se chargeant de facturer à chacun des MiRO Shippers, sans qu’il n’existe aucune preuve d’un flux financier entre elle et Z. Elle assure n’avoir jamais reçu de mails ou messages de la part de Z et conteste toute preuve d’une relation commerciale directe tirée du protocole signé en 2006, concernant l’approvisionnement de la raffinerie MiRO, lequel ne visait qu’à les informer des engagements pris en vue du partenariat existant entre Z et A.

X soutient qu’il n’a jamais existé aucune relation commerciale entre elle et Z, mais que celle-ci démontre bien qu’elle avait une telle relation avec A, son seul client.

Elle indique ne posséder que 2% du capital de A et ne pas être représentée au conseil d’administration, contrairement à Y, K et B. Elle ajoute qu’au sens du droit de la concurrence, A n’était pas contrôlée par les MiRO Shippers, qu’il s’agit d’une entreprise autonome distincte des autres personnes morales qui composent son actionnariat.

X considère que la seule entreprise responsable d’une rupture brutale avec Z est A.

A fait valoir que la rupture brutale des relations commerciales en cause a eu lieu avec le détournement au mois d’août 2012 vers le port de Trieste du navire Matilda, affrété par K, qui devait décharger à Fos-sur-mer.

Elle dénie que Z soit son sous-traitant, faisant valoir qu’elle a refacturé à l’euro, l’euro les taxes portuaires pour le compte de Z et renvoie à ses conditions générales des prestations effectuées faisant valoir que l’article 1 « Généralités », exclut expressément les opérations portuaires à Fos et Lavéra. Elle dit que la prise en charge du pétrole par A ne se faisait qu’à partir des bacs de Fos-sur-mer.

Elle invoque une décision de l’Autorité de la concurrence du 13 novembre 2014 (n° 14-DCC-167) qui précise que « les dispositions prises par le bénéficiaire au début de l’exploitation, concernant les tarifs d’accès à ses canalisations, sont soumises au contrôle du ministre chargé de l’énergie, deux mois avant leur mise en vigueur. Toute modification ultérieure fait l’objet d’une déclaration motivée au ministre chargé de l’énergie, un mois au moins avant sa mise en vigueur. Pendant ces délais, le ministre chargé de l’énergie peut faire opposition aux mesures proposées ». Elle en déduit qu’il est impossible qu’elle ait pris en compte dans ses tarifs les prestations de Z et rappelle que les tarifs sont ceux fixés par les appelantes, qui cumulent la qualité d’actionnaire avec celle d’administrateur de la A.

Elle poursuit en rejetant toute responsabilité dans une quelconque rupture avec Z, alléguant qu’elle a continué de travailler avec elle pour assurer le transport d’hydrocarbures liquides vers deux raffineries qui continuent d’être alimentées par le pipeline ; que cette relation se poursuit également pour le stockage ; que la rupture a été consommée entre les MiRO et elle-même d’une part, et entre les MiRO et Z de l’autre. À ce titre A dénonce les agissements brutaux de ses actionnaires qui auraient dû à ce titre selon elle, protéger ses intérêts. En détournant tout le pétrole vers le port de Trieste, elle considère que les MiRO Shippers ont agi dans le seul intérêt de la société d’exploitation du TAL, l’autre pipeline, dont ceux-ci sont aussi actionnaires. Elle dit avoir subi la rupture brutale tout autant que Z.

A s’appuie d’ailleurs sur les écritures de Z en faisant valoir que, bien que souhaitant une condamnation in solidum de A et des MiRO Shippers, Z confirme qu’elle n’entretenait une relation commerciale qu’avec ces derniers.

A considère que ses actionnaires ont agi de manière concomitante et déloyale pour rompre brutalement les relations commerciales qui les liaient. Elle a perdu du jour au lendemain la moitié de son activité de transport longue distance. Elle n’a bénéficié d’aucun préavis alors qu’elle faisait face à d’importants coûts de travaux pour renouveler le permis d’exploitation en Allemagne qui arrivait à expiration en 2012, ce que les MiRO Shippers savaient pertinemment en tant qu’administrateurs et actionnaires, d’autant plus que ces travaux se déroulaient pour partie dans la raffinerie MiRO. La brutalité est caractérisée selon A d’autant plus que quelques mois auparavant, les MiRO shippers avaient communiqué leurs prévisions de transport d’hydrocarbures sur les cinq ans à venir.

A s’appuie enfin sur le procès-verbal de la réunion de son conseil d’administration du 17 juillet 2013, au cours de laquelle les MiRO shippers qui en font partie (Shell J Oil, F G, K J) ont tous convenu d’un arrêt brutal des relations commerciales et du versement de 13,6 millions d’euros via une transaction, pour éviter de trancher le litige naissant par arbitrage ainsi que leur contrat le prévoyait. Le conseil d’administration ayant refusé cette offre, les appelantes ont tenté de nouveau de faire voter une transaction à hauteur de 20 millions d’euros. Elle ajoute que si une procédure d’arbitrage est en cours entre A et les MiRO shippers mis à part X, Z y est étrangère, ce qui n’empêche pas celle-ci d’obtenir réparation.

A ajoute que les appelantes étaient si peu confiantes quant à leurs arguments qu’elles avaient envisagé de se désister en appel, et que, représentée au conseil d’administration de Z, elle avait

été informée par le président de cette société, le 11 juin 2018, qu’un accord entre les appelantes et Z était en bonne voie.

La société Z soutient qu’une relation commerciale directe qui s’entend d’une volonté commune d’effectuer des actes ensemble dans les activités de production, de distribution ou de service avec les MiRO Shippers ne peut être contestée. Elle soutient que « la relation commerciale s’impose de fait, par elle-même, et n’est autre que la traduction des intérêts réciproques à la réalisation d’une opération économique commune et globale ».

Elle en veut pour preuve le protocole signé en 2006, concernant l’approvisionnement de la raffinerie MiRO et la facturation par A dans le cadre de mandat (article 2.3 du protocole), son intervention directe sur le port de Marseille et l’absence de A dans les modalités de déchargement. Elle fait état d’un mariage industriel avec les MiROShippers.

Elle relate à cet égard le projet qui a pris naissance au milieu des années 1950 auquel un certain nombre de sociétés pétrolières se sont associées avec le port de Marseille ; que ce projet s’est traduit par la construction du pipeline (A) relié aux installations portuaires de Lavéra et de Fos réaménagées à cet effet et s’est concrétisé au travers du partenariat économique établi depuis 1962 entre le port de Marseille, A et ses actionnaires.

Elle dénie sa qualité de sous-traitante de A, soutenant que le transport du pétrole brut vers la raffinerie MiRO est avant tout son affaire et celle des MiRO Shippers.

Elle en déduit que les MiRO Shippers ont fait le choix de collaborer avec le Port de Marseille et qu’ils ont ainsi créé A, construit le pipeline et les infrastructures associées au sein des installations portuaires du Port de Lavéra/Fos organisant la gestion des liens à la fois techniques, opérationnels et commerciaux de leurs relations avec l’opérateur du Port de Marseille, au travers de A.

Z souligne que techniquement A intervenait seulement pour prendre en charge les produits qu’une fois ceux-ci acheminés dans ses bacs depuis les quais de déchargement du port. En revanche, la planification des navires, leur affrètement, la coordination des déchargements avec le port s’effectuaient directement entre les MiRO Shippers (via l’Armateur et/ou le Capitaine du navire) et l’Opérateur du port de Marseille. Z en appelle aux conditions générales de prestations de A qui excluent clairement les missions que Z assumait directement, du champ d’activité de A.

Z explique l’absence de commandes passées par les MiRO Shippers auprès d’elle par la création d’un instrument de gestion et répartition des commandes, des volumes de produits destinés à la raffinerie MiRO, instrument nécessitant un personnel qui n’a aucun lien de subordination avec les MiRO shippers. Elle ajoute que pour simplifier les flux financiers, la facturation passait par A, qui facturait elle-même aux MiRO shippers, avant de reverser à l’euro l’euro les sommes payées par ces derniers à Z selon ses tarifs indiqués dans la brochure tarif de A. Elle conteste en conséquence n’être qu’un simple sous-traitant chargé par A d’une partie de son travail alors qu’elle est un partenaire économique indiscutable.

***

Ainsi que le fait valoir Z, la relation commerciale prévue par l’article L 442-6.I. 5° du code de commerce dans sa version applicable à l’espèce, est une notion plus économique que juridique, ainsi qu’il est admis tant par la doctrine que par la jurisprudence.

Ce texte s’applique aux cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial.

L’existence d’une relation commerciale s’entend d’échanges commerciaux conclus directement entre les parties, avec ou sans contrat.

Au soutien de l’existence d’une relation commerciale avec les MiRO Shippers, Z ne produit ni bons de commande que lui aurait adressé directement l’une des sociétés appelantes composant les Miro Shippers, ni factures à son nom acquittées par aucune d’elles.

En outre, il est produit notamment des factures du GPMM du 19 mai 2011 à A sous le numéro client 166910 au titre de prestations 'Canalisation Déchargement' de navires du mois d’avril 2011 ainsi que plusieurs factures de Z à A Fos sur mer, telle une facture du 11 juillet 2011 sous le numéro client 48, au titre de 'déchargement de brut' du 20 au 21 mai 2011(Pièces 4,5 et 6 de B et BP).

Cependant, le protocole d’approvisionnement de la raffinerie de Karlsruhe (pièce 6 de Z) conclu le 1er juin 2006 entre les sociétés partenaires de la raffinerie MiRO (K, BP, Y et Conocophilips Germany L devenue Phillips 66), le PAM , la société de remorquage portuaire et d’assistance en Méditerranée, le syndicat des pilotes de Marseille et du Golfe de Fos et la société coopérative du Lamenage des Ports de Marseille et du Golfe de Fos mentionne :

'Les entreprises ou établissements concernés par la réception de pétroles bruts ou de charges d’alimentation aux ports de Fos et de Lavéra, et par leur transport par pipeline sur la raffinerie de Karlsruhe en Allemeagne (MiRO), ont décidé d’associer leurs intérêts afin d’inciter les partenaires de cette raffinerie à développer le trafic sur Fos'.

Le principe d’incitation au trafic de ce protocole prévoit que 'les tonnages en provenance de toutes origines et destinés à approvisionner la raffinerie MiRO, située à Karlsrhue (Allemagne), bénéficient d’une remise sur les tarifs fixés par le PAM, dès lors que ces tonnages excèdent 7,5 millions de tonnes, étant précisé que les remises telles détaillées à l’article 2.2 ne portent que sur des fractions excédant 7,5MT'

S’agissant de la facturation, l’article 2.3 de ce protocole précise :

'Dans le cadre de son mandat, A facturera tout au long de l’année à ses clients allemands, les mêmes tarifs portuaires.

Le montant global correspondant aux remises consenties par les Partenaires sera restitué globalement aux clients allemands au cours du deuxième mois suivant l’exercice considéré, sur la base d’un bilan des tonnages livrés'. (souligné par la cour)

Par les mêmes tarifs portuaires, il faut entendre 'non ristournés' ainsi qu’il résulte de l’avenant ci-après, qui le précise.

Ce protocole conclu pour un an, renouvelable par tacite reconduction, a fait l’objet d’un avenant du 5 juin 2008 qui indique que :

'Pour des raisons inhérentes au statut d’établissement public du Port Autonome de Marseille, ce dernier est contraint de se retirer du Protocole, c’est ce qu’il a notifié à ses partenaires par courrier en date du 29 juillet 2007. Toutefois, le montant de la ristourne a été intégré dans le catalogue des tarifs publics du Port Autonome et les conditions d’éligibilité et d’application de la ristourne sur activité lui revenant restent inchangées à ce jour'.

Il se déduit de ces éléments, la preuve des liens commerciaux entretenus entre les 'clients allemands' et Z et de la facturation par A en vertu de son mandat aux 'clients allemands' des prestations portuaires effectuées par Z, la circonstance que les factures ainsi adressées aux MiRO Shippers

ne fassent pas état de ce mandat ou ne soient pas conformes aux prescriptions du code général des impôts ainsi qu’il est allégué à supposer ces prescriptions applicables, étant à cet égard indifférente.

En outre, ce protocole signé pour une année renouvelable, modifié par l’avenant susvisé, a été précédé d’autres protocoles de même nature depuis 1995 ainsi qu’il résulte du rapport de la directrice de la stratégie et des ressources du PAM pour informer le conseil d’administration sur la proposition d’un nouveau protocole (pièce 70 de Z) et a perduré jusqu’à la rupture des relations en 2012. Il s’inscrit dans le cadre d’un 'mariage industriel' avec les MiRO Shippers dont se prévaut justement Z, mariage qui avait commencé à la fin des années 1950, formalisé par le décret du 14 octobre 1959, relativement à la construction du pipeline sud européen à partir des installations du port de Marseille ainsi que des infrastructures associées au sein des installations portuaires de Fos/Lavéra et la création de A dont les MiRO Shippers étaient actionnaires.

S’il est exact que le protocole de 2006 ne crée aucune obligation spécifique à l’égard des 'clients allemands' en terme d’obligation d’achat, il n’en demeure pas moins qu’il est le fruit d’une négociation à laquelle ceux-ci ont participé pour l’obtention d’un engagement tarifaire à partir d’un certain tonnage et qu’ils l’ont signé.

Il s’en déduit que l’existence de relations directes entre les MiRO Shippers et Z est établie depuis 1962, étant observé que la circonstance que Z n’ait été créée qu’en 2011 est indifférente dès lors que la relation d’affaires avec les MiRO Shippers, initialement nouée avec le PAM depuis 1962, devenu le GPMM (loi du 4 juillet 2008) a perduré avec celle-ci devenue à son tour, l’opérateur du port pétrolier de Fos et Lavéra, au regard de la continuité des relations entre les parties, s’agissant des activités liées au déchargement des navires, l’accord des MiRO Shippers résultant à suffisance de la poursuite dans les mêmes conditions, sans opposition, de ces opérations par Z, sans avoir égard à la forme juridique, à la reprise des contrats ou à l’absence de mention de cession de la clientèle dans le contrat d’apport en nature du GPMM à Z.

A cet égard, il sera observé que le contrat de cessions de matériels et d’équipements conclu entre le GPMM et Z le 9 mai 2011 précise que 'le GPMMM a décidé de procéder à la filialisation de son activité 'Vracs liquides’ dont le périmètre d’activité concerne les deux terminaux pétroliers de Fos et de Lavéra' ( page 2) et que 'l’objet [des opérations] est de fournir à Z l’universalité des biens et des moyens nécessaires à la poursuite par Z de l’exploitation de l’activité Vracs Liquides du GPMM' (page 3).

En outre, il ne peut être retenu l’absence d’intervention de Z dans le processus organisationnel, alors que les demandes de livraison centralisées par les intermédiaires des MiRO Shippers, sont reçues par Z qui les valide, via son logiciel (FLUXY), donnant ses disponibilités et indiquant notamment les quais de déchargement, la circonstance que ces commandes passent par une plate-forme commune en l’espèce, le 'Crude Oil Scheduler' constitué de personnel de la raffinerie Miro et que A adresse à ses clients le 'Calendrier des prévisions de transport et de réception des tankers' prévus à l’article 12 des conditions générales de ses prestations, étant indifférente.

Egalement, A qui assure les prestations de stockage temporaire et de transport, n’est pas impliquée dans les opérations de déchargement qui relèvent du monopole de Z dans l’exploitation des terminaux pétroliers de Fos et de Lavéra. Z réceptionne en effet, à quai les cargaisons en liaison avec les armateurs, les capitaines et agents maritimes des navires, au profit des MiRO Shippers.

A cet égard, A observe justement que, contrairement à ce qu’il est soutenu notamment par Y, l’article 1er 'Généralités' du préambule des Conditions Générales des prestations effectuées par A (pièces 11 de A et 17 de Y) exclut expressément les opérations de réception des cargaisons à Fos et Lavéra.

En effet si cet article dispose :

'La société de Pipeline Sud-Européen, ci-après dénommée 'A', assure le transport de pétroles bruts et de produits intermédiaires depuis les ports de Fos et de Lavéra jusqu’aux points de livraison desservis par elle, ainsi que toutes les opérations de stockage et autres s’y rattachant',

l’alinéa 3 de cet article précise:

'Dans le cadre des réglementations en vigueur, applicables en France et en Allemagne, le présent règlement définit les rapports entre A et ses clients en ce qui concerne les prestations de toute nature effectuées par A pour leur compte, à l’exception des opérations de réception des cargaisons à Fos et Lavéra, qui font l’objet de textes particuliers . Il se borne à poser les principes généraux de l’exploitation dont les modalités d’application pourront faire l’objet d’annexes détaillées'. (souligné par la cour)

De même, l’article 33 du titre X intitulé 'Responsabilité du Transporteur' précise :

' A a la garde pleine et entière des pétroles bruts et des produits intermédiaires et en est responsable vis-à-vis des tiers et, sous réserve des dispositions de l’article 33, vis-à-vis des clients, depuis l’entrée dans les installations dont A est propriétaire jusqu’à sa sortie à la vanne de livraison du terminal intéressé.

(…)' (souligné par la cour)

Encore, selon le Plan de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) (pièce 51 de A) (article 2.3.2.2 'Le dépôt d’hydrocarbures A') la réception des hydrocarbures par A se fait par 6 pipelines en provenance des ports de Fos et de Lavéra et l’expédition se fait via 3 pipelines, étant observé que le dépôt de la Fenouillère où sont situés les bacs de A est situé sur la commune de Fos-sur-Mer.

De même, des contrôles et inspections des sites pétroliers exploités par Z sont réalisés par les groupes pétroliers afin de vérifier les normes de sécurité des ports où leurs navires accostent et qu’il existe des échanges avec Z, destinataire des comptes rendus (pièces 25-1, 25-2 et 38 de Z). La circonstance que ces contrôles soient réalisés par des sociétés spécialisées comme K Raffinage et Shell Trading et non par chacune des MiRO Shippers directement est indifférente puisqu’il ne peut être sérieusement contesté qu’ils ont été faits pour leur compte.

Egalement, les MiRO Shippers ne peuvent être suivis lorsque ces sociétés soutiennent que Z aurait la qualité de sous-traitante de A, alors que celle-ci était dépourvue de mission relativement aux services de logistique portuaire de Fos et Lavéra ainsi qu’il a été dit et que sa facturation reprenait de manière distincte et à l’euro l’euro les prix de Z.

Il ne se déduit pas de la facturation par A des prestations de Z aux MiRO Schippers sous l’intitulé 'Taxes portuaires relatives aux cargaisons réceptionnées pour votre compte' (pièces 50 et 51 de Z), une rémunération des services réalisés par A pour le compte des MiRO Shippers. En effet, le 'Pack Transport' proposé par A renvoie aux tarifs officiels diffusés par Z, telle la 'Brochure 2012 des Tarifs de Prestations de Services assurées par Z S.A.S, opérateur des Ports Pétroliers de Fos-Lavéra', et aux 'Frais Z' pour le transfert.

En revanche, il s’en déduit que Z intervient comme prestataire des services portuaires de Fos et Lavéra et que A agit au nom de celle-ci, en qualité de mandataire à l’égard des MiRO Shippers, pour le paiement des factures.

Z fait ainsi justement état de la mise en place dans l’intérêt commun des parties d’un mécanisme

de centralisation des commandes et de paiement des factures depuis plus de 50 ans.

L’existence de relations commerciales directes entre Z et les MiRO Shippers est établie.

Sur le caractère établi des relations commerciales

Le caractère suivi, stable et habituel de ces relations commerciales résulte d’un courant d’affaires régulier, habituel et continu entre les parties qui résulte du tableau produit par Z (sa pièce 5) retraçant entre 1996 et 2012 le tonnage transporté depuis le port de Fos à destination de la raffinerie de MiRO pour un tonnage moyen de plus de 7 millions de tonnes ainsi que du tableau les tonnages passés 'via A+Z' de 1999 à 2011 adressé par A à Z (ses pièces 7 et 8).

Egalement, selon les prévisions 2012 (les mêmes pièces 7 et 8) et celles de 2012 à 2016 (pièces 55 à 58), Z pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec les MiRO Shippers puisque notamment une prévision de 7,8 millions de tonnes pour 2012 était émise le 20 mars 2012 par A.

Ainsi, Z effectuait sans interruption des prestations de services portuaires pour le compte des MiRO Shippers depuis au moins 16 ans lorsque B et BP, K ainsi que Y ont décidé au mois d’août 2012 de les rompre, étant rappelé ainsi qu’il a été dit que la circonstance que Z n’ait été créée qu’en 2011 est indifférente dès lors que la relation d’affaires avec les MiRO Shippers, a perduré avec celle-ci devenue à son tour, l’opérateur du port pétrolier de Fos et Lavéra, s’agissant des activités liées au déchargement des navires.

Sur le caractère brutal de la rupture

Il est constant qu’aucun préavis écrit n’a été adressé à Z par les MiRO Shippers ou par A et qu’après le mois d’août 2012, plus aucun navire pour le compte des MiRO Shippers ne s’est présenté au port de Marseille, le navire Matilda affrété par K, attendu le 17 août à Marseille, ayant brutalement changé de cap pour se rendre au port de Trieste.

Les conditions d’application de l’article L 442-6. I, 5° du code de commerce se trouvent ainsi réunies au profit de Z à l’égard de K, B, BP, Y et X.

X ne peut être suivie lorsqu’elle soutient qu’elle n’aurait pas pris l’initiative d’une rupture avec Z mais que A n’aurait plus été en mesure de satisfaire ses obligations à son égard, au vu du délai pris pour lui livrer le pétrole injecté en août 2012 (sa pièce 14), alors qu’elle ne justifie d’aucun envoi de navires après le mois d’août 2012.

Sur la rupture brutale des relations commeciales établies de A à l’égard de Z

A réfute toute responsabilité dans une quelconque rupture avec Z, faisant valoir qu’elle a continué à travailler avec elle pour assurer le transport d’hydrocarbures liquides vers deux raffineries qui continuent d’être alimentées par le pipeline ; que cette relation se poursuit également pour le stockage.

A soutient justement n’être l’auteur d’aucune décision de rupture quelconque et aucune faute susceptible d’être à l’origine du préjudice allégué par la société Z n’est établie à son encontre, étant rappelé que A facturait les prestations de Z pour les MiRO Shippers en qualité de mandataire.

En tout état de cause, même à admettre l’existence d’une rupture sans préavis de A à l’égard de Z, A fait justement valoir que la rupture ne pourrait être que partielle dans la mesure où elle a continué ses relations avec Z en dehors de celles entretenues avec les MiRO Shippers.

L''article L 442-6, I, 5° susvisé suppose en cas de rupture partielle, que la diminution du courant d’affaires présente un caractère délibéré.

Or, aucun élément ne permet de dire que A a pris part à la décision brutale des MiRO Shippers de ne plus passer par le port de Marseille, diminuant ainsi son courant d’affaires avec Z.

Dès lors, la responsabilité de A à l’égard de Z ne peut être engagée sur le fondement de l’article L 442-6, I, 5 (ancien) du code de commerce.

En revanche, le jugement est infirmé en ce qu’il a prononcé la mise hors de cause de A, Z étant déboutée des demandes formées à son encontre.

Sur les chefs de préjudice subis par Z

Z qui poursuit la condamnation in solidum des MiRO Shippers et A à lui verser une indemnité globale de 16 511 583 euros du fait de la rupture brutale des relations avec les MiRO Schippers, sollicite une somme de 13 011 583 euros en réparation de sa perte de marge sur coûts variables et une somme de 3 500 000 euros au titre de l’atteinte portée à son image sur la marché national et international.

Sur le préjudice subi du fait de sa perte de marge de K, B , BP , Y et X

La responsabilité de A n’ayant pas été retenue sur le fondement de l’article L 442-6.I. 5 du code de commerce, Z est déboutée de ses demandes d’indemnisation de son préjudice à son encontre.

Z qui se fonde sur le rapport de Mme C, justifie fait valoir que :

— un préavis de 36 mois aurait dû lui être accordé, eu égard à la durée de 30 ans de ses relations,

— elle n’a pu retrouver un ou des partenaires commerciaux lui permettant d’avoir la même activité que celle qui était la sienne avec les MiRO Shippers,

— sa reconversion sur un marché aussi concentré nécessite du temps et des investissements nécessaires pour une reconversion.

Outre qu’elles contestent la condamnation in solidum prononcée par le tribunal de commerce, en l’absence d’indivisibilité du préjudice puisqu’il était loisible à Z de déterminer exactement quelle part du préjudice allégué revenait à chacun des MiRO Shippers, K, B , BP, Y et X réfutent le montant du préjudice allégué, s’agissant tant de la durée du préavis invoqué, des investissements que Z dit avoir fait pour changer ou faire évoluer son activité, de la difficulté de les amortir, de la difficulté de trouver d’autres partenaires économiques, que des marges brutes estimées, fondées sur des tarifs qu’elles contestent, ainsi que des volumes estimés fondés sur des projections trop optimistes.

***

La Cour a retenu que Z effectuait sans interruption des prestations de services portuaires pour le compte des MiRO Shippers depuis au moins 16 ans lorsque B, BP, K ainsi que Y et X ont décidé au mois d’août 2012 de les rompre.

Les activités portuaires de chargement et déchargement exercées par Z sont spécifiques et le marché se caractérise par un nombre réduit de clients.

Et Z alimente déjà les raffineries côtières à proximité du port de Marseille.

Par ailleurs, les possibilités de reconversion sont longues, coûteuses et difficiles

Au regard de ces éléments, la Cour considère qu’un préavis de 18 mois aurait dû être accordé à Z.

Au vu des pièces produites et du rapport de Mme C du 23 mars 2017 (pièce 53 de Z), il convient de retenir, en dépit des vives critiques émises par les appelantes (rapport du cabinet Sorgem produit par Y, du cabinet Ricol-Lasteyrie produit par B et BP, rapport du cabinet FTI produit par K, et du cabinet H3P produit par X) :

— par extrapolation prorata temporis sur 12 mois à partir des tonnages de l’année 2011, un tonnage en 2012 de 7,7 millions de tonnes une perte de chiffre d’affaires en volumes sur les années 2010, 2011 et 2012 s’élevant en moyenne 6,6 millions de tonnes par an, la rupture étant intervenue le 10 août 2012, conformément au rapport de Mme C,

— une valorisation de la perte de chiffres d’affaires par application des tarifs de 2012, en vigueur à la date de la rupture, la critique tenant à l’augmentation des tarifs de Z ne pouvant être retenue dès lors que ces tarifs étaient connus des MiRO Shippers via A,

ce dont il résulte une perte de chiffres d’affaires hors taxes annuel de 3 630 480 euros, soit sur 18 mois 5 445 720 euros.

— les coûts variables liés à la perte du chiffre d’affaires ou coûts directs de production qui se définissent comme les charges qui varient proportionnellement au niveau d’activité contrairement aux charges fixes qu’il convient de déduire, à savoir :

* la redevance de location du pipe 54 s’élevant en 2012 à la somme de 257 669 euros économisée, du fait de restructuration des installations avec mise sous cocon du pipeline 54,

* la dotation provision gros entretien pipe 54 d’un montant de 44 444 euros, économisée du fait de la suppression du pipe 54,

* la C35, impôt calculé au taux de 0,16% du chiffre d’affaires, soit 5 808 euros par an calculé sur le chiffre d’affaires hors taxes annuel perdu,

Soit un montant total de 307 921 euros par an, s’élevant sur 18 mois, à la somme de 461 881 euros .

Il s’en déduit une perte de marge sur coûts variables sur 18 mois de 4 983 839 euros (5 445 720 euros
- 461 881 euros).

Si les rapports produits par les appelantes font état de baisses de dépenses liées au chiffre d’affaires non prises en compte, il n’est pas démontré que la baisse des frais de maintenance générale et réglementaire constituerait un coût variable en lien direct avec l’arrêt des activités avec les MiRO Shippers.

De même, le seul intéressement dont bénéfice les salariés de Z qui n’est pas dans la masse salariale, est sans incidence sur la marge brute, étant observé que les salariés n’ont pas de participation.

K, B , BP, Y et X ayant concouru par leur faute respective à produire l’entier dommage subi par Z, puisque cette dernière n’a plus reçu de commandes d’aucun d’eux à compter du mois d’août 2012, il convient de les condamner in solidum à réparer le préjudice ainsi subi par cette dernière à la somme de 4 983 839 euros.

Sur les autres demandes d’indemnisation

Z se prévaut encore :

— des travaux qu’elle a dû financer pour la déconnexion et l’isolement de la canalisation de transport n°54 d’un montant de 397 886,94 euros,

— de la non utilisation du poste P 5 et de la charge que constitue les investissements réalisés sur ce poste et non encore amortis à la date du 10 août 2012 à hauteur d’une valeur nette comptable de 3 317 666 euros sous déduction d’une charge annuelle d’amortissement de : 223 882 euros.

Seul le préjudice résultant de la brutalité de la rupture et non celui résultant de la rupture elle-même donne lieu à réparation.

Or, ainsi que le font valoir les appelantes, Z ne démontre pas que le financement des travaux de déconnexion et d’isolement de la canalisation n°54 résulte de la brutalité de la rupture, que ces frais auraient été occasionnés uniquement par l’absence d’activité du transport de pétrole brut jusqu’à la raffinerie MiRO et que si un préavis de 18 mois lui avait été donné , elle aurait été en mesure de trouver de nouveaux clients pour compenser sa perte d’activité.

A cet égard, est à relever la déclaration de président de Z au conseil d’administration du 19 décembre 2013 en ces termes :

'Pour faire suite aux baisses des trafics des imports de pétrole brut liées à l’arrêt des activités des raffineries de Reichstett, Berre et la perte de trafic sur MiRO (Allemagne), le CA de Z avait décidé en date du 29 novembre 2012 d’arrêter l’exploitation de la canalisation de transport n° 54 à compter du début 2013".

Cette demande qui ne peut donner lieu à réparation, est donc rejetée.

S’agissant des investissements réalisés sur le poste P5, Z ne démontre pas que ceux-ci constituent des investissements dédiés au seul déchargement du pétrole brut destiné à la raffinerie MiRO.

En outre, il apparaît que cette plate-forme a cessé d’être utilisée par Z seulement en 2014.

Dès lors, ces investissements ne peuvent être pris en compte au titre de la brutalité de la rupture.

Cette demande doit également être rejetée.

En conséquence, ces sociétés doivent être condamnées in solidum à payer à Z la somme totale de 4 983 839 euros en réparation du préjudice subi par Z et qui leur est imputable.

Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, s’agissant d’une indemnisation et non à compter de l’assignation introductive d’instance comme sollicité.

Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Sur le préjudice subi par Z du fait de l’atteinte portée à son image et au Port de Marseille

Z qui sollicite la somme de 3 500 000 euros en réparation de ce chef de préjudice, soutient que la brutalité de la rupture qu’elle subit marque un désaveu du Port de Marseille sur la marché national et international. Elle fait état à cet égard des efforts qu’elle a réalisés en termes financiers mais aussi de promotion et de cohésion sociale, qui ont permis au Port de Marseille d’acquérir une forte

attractivité et une forte notoriété, efforts largement compromis par les agissements des MiRO Shippers. Elle ajoute que le climat social a été aussi perturbé de ce fait.

Cependant, force est de constater que Z ne justifie ni de l’atteinte portée à son image et au Port de Marseille par la brutalité de la rupture ni d’un préjudice direct en résultant.

En revanche, des articles de presse (notamment les pièces 6 et 7 de K), font état en particulier du rapport de la cour des comptes relatant un climat social dégradé préexistant.

Cette demande est rejetée.

Sur la publication de l’arrêt

La demande de Z à ce titre n’apparaît pas justifiée et doit être rejetée ainsi que l’a justement décidé le tribunal de commerce de Marseille.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Z et de A sauf à dire que la condamnation est in solidum et non conjointe et de condamner en cause d’appel in solidum K, B, BP, Y et X à payer in solidum à Z la somme de 100 000 euros et à A celle de 20 000 euros sur ce fondement.

En revanche, le sens de l’arrêt et l’équité commande de ne pas faire application de cet article au profit des autres parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a :

— débouté la société Z de sa demande de publication du présent jugement,

— condamné la Société Shell J Oil, la Société K J, la Société Ruhr G, la Société […], et la Societe X I J à payer à la société Z la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de I’article 700 du code de procédure civile, sauf à dire que la condamnation n’est pas conjointe mais in solidum,

— condamné la Société Shell J Oil, la Société K J, la Société Ruhr G, la Société […], et la Société X I J à payer à la Société du Pipeline Sud-Européen S.A. la somme de 20 000 euros, sauf à dire que cette condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’est pas conjointe mais in solidum,

— condamné la Société Shell J Oil, la Société K J, la société Ruhr G, la Société […], et la Société X I J aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu’énoncés par l’article 695 du Code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction seront liquidés à la somme de 222,48 euros TTC, sauf à dire que cette condamnation n’est pas conjointe mais in solidum ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE la société Z recevable en ses demandes fondées sur les dispositions de l’article L.

442-6, 1, 5° du code de commerce';

CONDAMNE in solidum la Société Shell J Oil, la Société K J, la société Ruhr G, la Société […], et la Société X I J à payer à la société Z la somme de 4 983 839 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière sur le fondement des dispositions de l’article L. 442-6, 1, 5° du code de commerce ;

DIT que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière dans les termes de l’article 1154 (ancien) du code civil ;

DÉBOUTE la société Z de ses demandes plus amples en réparation de son préjudice ;

DÉBOUTE la société Z de ses demandes dirigées contre la Société du Pipeline Sud-Européen S.A ;

LA DÉBOUTE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile dirigée contre la société Phillips 66 Contuinental Holding L ;

DÉBOUTE la société Phillips 66 Contuinental Holding L de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile dirigée contre la société Z ;

CONDAMNE in solidum la Société Shell J Oil, la Société K J, la Société Ruhr G, la Société […], et la Societe X I J aux dépens et à payer à la société Z la somme de 100 000 euros ainsi qu’à la Société du Pipeline Sud-Européen S.A la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.

Le Greffier Le Président

P Q M-N O

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 4 décembre 2019, n° 16/17987