Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 13 mars 2019, n° 17/21477

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Sarah Temple-Boyer · 6 juillet 2021

Rappel : D'après l'article L.442-1 - II du Code de commerce (ancien article L 442-6, I, 5°) : “Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 13 mars 2019, n° 17/21477
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/21477
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 12 novembre 2017, N° 2016011706
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 13 MARS 2019

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 17/21477 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QGG

Décision déférée à la cour : jugement du 13 novembre 2017 – tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2016011706

APPELANTE

SARL KLASET

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : 331 502 872 ( PARIS)

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant Me Chantal TEBOUL ASTRUC, avocat au barreau de PARIS, toque : A235

INTIMÉE

SAS MONOPRIX EXPLOITATION, par abréviation MPX

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : 552 083 297 (NANTERRE)

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Marie GUELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R7

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport et Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame E F, Présidente de chambre

Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller, rédacteur

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame A B

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame E F, président et par Madame C D, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société MONOPRIX EXPLOITATION (MONOPRIX), qui exploite en France des magasins à l’enseigne MONOPRIX, a, depuis 2003 pour fournisseur de ses produits textiles, la société KLASET, grossiste, disposant d’un réseau de fabricants implantés en Inde.

Après avoir réalisé un audit social en mai 2013 dans deux des trois usines des fournisseurs de la société KLASET et avoir provoqué une réunion avec cette dernière le 9 juillet 2013, la société MONOPRIX, par lettre recommandée avec accusé réception du 22 juillet 2013, a pris la décision de suspendre leurs relations commerciales en raison de la méconnaissance par celle-ci des règles applicables en matière sociale et éthique, et lui a accordé un délai de 15 jours afin de recevoir une proposition « sérieuse et professionnelle ».

Reprochant à la société MONOPRIX d’avoir brutalement et sans préavis rompu leurs relations commerciales, la société KLASET l’a assigné par acte du 1er juin 2005 , sur le fondement de l’article L442-6 I du code de commerce, en indemnisation de son préjudice devant le tribunal de commerce de NANTERRE , lequel, par jugement du 15 octobre 2015 s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de PARIS.

Selon décision du 13 novembre 2017 le tribunal de commerce de PARIS a:

— dit que la Sas MONOPRIX EXPLOITATION a pu valablement interrompre sans préavis la relation commerciale établie qui la liait à la société KLASET en raison du comportement fautif de cette dernière,

— débouté la société KLASET de l’ensemble de ses demandes en dommages et intérêts,

— condamné la société KLASET à payer à la société MONOPRIX EXPLOITATION la somme de 2.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

La société KLASET a relevé appel de ce jugement par déclaration du 22 novembre 2017.

Suivant dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2019, elle sollicite:

— l’infirmation de la décision entreprise,

* en ce qu’elle a retenu que la société MONOPRIX a pu valablement interrompre sans préavis la relation commerciale établie qui la liait à elle en raison de son comportement fautif ,

* en ce qu’elle l’a déboutée de toutes ses demandes,

* en ce qu’elle l’a condamnée à payer à la société MONOPRIX la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— la constatation que la société MONOPRIX a commis une faute à son égard en rompant les relations commerciales établies depuis 2013 sans respecter le moindre préavis au mépris des dispositions de l’article L 442-6, I,5° du code de commerce,

— la fixation du préavis minimum à 18 mois à compter de la fin du mois de juillet 2013,

— la condamnation de la société MONOPRIX à lui payer les sommes de 320.213,66 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de marge brute qui aurait été réalisée par le partenaire évincé sur une période de 18 mois, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 décembre 2014 et capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l’article 1154 du Code civil, de 26.745,23 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au coût des licenciements qu’elle a été contrainte de supporter, de 8.000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 31 décembre 2018, la société MONOPRIX, intimée, sollicite:

— le débouté de toutes les prétentions de l’appelante,

— la confirmation de la décision dont appel,

— la condamnation de la société KLASET à lui verser la somme de 8.000 euros en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société KLASET reproche à la société MONOPRIX d’avoir rompu brutalement, sans préavis, leurs relations commerciales établies depuis 2003 en invoquant un motif fallacieux.

Elle conteste d’une part le prétendu manquement à son devoir de vigilance et d’autre part, le défaut de mise en oeuvre d’une action corrective.

Elle prétend que le souci éthique allégué par la société MONOPRIX ne saurait résulter de l’attestation de Mme X, salariée et membre du comité exécutif de l’intimée, qui n’est

corroborée par aucune autre pièce.

Elle rappelle que le code de bonne conduite de la société MONOPRIX ne lui a été adressé que le 16 avril 2013 et que celle-ci ne lui a jamais demandé auparavant de faire procéder à des audits de ses fournisseurs par l’ICS (Initiative Clause Sociale), groupe de distributeurs oeuvrant pour l’amélioration des conditions de travail dans les pays fournisseurs.

Elle critique le rapport d’audit versé aux débats qui ne présente, selon elle, aucune valeur probante s’agissant d’un document non certifié et communiqué partiellement.

Elle fait valoir que son fournisseur principal SKR IMAGE, à qui elle confiait 80 % de sa production, n’a pas été audité alors qu’il répondait aux critères de la société intimée et qu’aujourd’hui encore celui-ci travaille avec la société intimée par l’intermédiaire d’une société RAKAM.

Elle en déduit que la stratégie de la société MONOPRIX a été en réalité de l’évincer à moindre coût et sans préavis.

S’agissant du défaut de mise en oeuvre d’une action corrective, elle réplique qu’elle a garanti à la société MONOPRIX que ses fournisseurs respecteraient les normes requises et lui a proposé de produire dans d’autres usines auditées par de grands groupes.

Elle prétend que la société intimée n’a pas respecté la politique de dialogue qu’elle prône sur son site internet, en ne lui proposant pas de plan d’actions correctives, d’audit de suivi ou les mesures correctivesqui lui incombaient.

Elle soutient en conséquence que la société MONOPRIX n’établit pas une inexécution de ses obligations justifiant une rupture immédiate.

La société MONOPRIX, pour sa part, se prévaut d’une simple suspension des relations commerciales en raison des manquements de sa partenaire.

Elle allègue qu’en dépit des obligations mises à sa charge par le code de bonne conduite et par les principes généraux de la responsabilité civile, la société KLASET a manqué aux diligences lui incombant, dans la sélection de ses fournisseur et le contrôle et la surveillance des conditions d’exploitation de ses sites de production.

Elle estime que l’appelante n’est pas fondée à remettre en cause tardivement la sincérité de l’audit reçu dès juillet 2013 dès lors qu’il lui était loisible d’aller contrôler elle-même les conditions d’exploitation de ses fabricants ou de mandater un auditeur spécialisé. Elle considère que sa partenaire ne lui a adressé que de vagues promesses alors que compte tenu de la gravité des manquements, elle aurait du revoir entièrement sa ligne de production.

Aux termes de l’article L 422-6,1,5° du Code de commerce :

"Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (..) de rompre brutalement , même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure".

Dans sa correspondance du 22 juillet 2013, la société MONOPRIX alléguant des manquements de la société KLASET à ses « valeurs sociales et éthiques » a « pris la décision de suspendre leurs relations commerciales à partir de ce jour en attendant (..) une proposition sérieuse et professionnelle pouvant la faire changer d’avis et ce dans un délai de 15 jours. »

Elle verse aux débats le rapport réalisé le 16 mai 2013, par le responsable des audits sociaux de la société MONOPRIX, la directrice « Qualité et Sourcing » de la société MONOPRIX et l’auditeur indien ITS auprès de deux des fournisseurs de la société KLASET: la société HM International se trouvant dans les locaux de MANI FASHIONS et la société BEENDI INTERNATIONAL .

L’appelante ne peut sérieusement critiquer la valeur probante de ce rapport en la présente instance d’appel alors même qu’il est corroboré par un reportage photographique dont elle ne conteste pas la véracité, et qu’elle n’a remis en cause ni les constatations de ce rapport d’audit ni le compte rendu de sa visite du 9 juillet 2013 dans les locaux de la société MONOPRIX aux termes de sa lettre en réponse du 24 juillet 2013 (pièce n°9 de l’appelante).

Elle ne peut pas davantage prétendre ignorer le devoir de vigilance à la charge des grandes entreprises, donneurs d’ordres, responsables à l’égard des consommateurs (article L 113-1 du code de la consommation) ou les règles internationales posées par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la Convention des Nations Unies sur les Droits de l’enfant et les conventions de l’Organisation Internationale du Travail.

Elle ne peut non plus méconnaître l’engagement de la société MONOPRIX, ainsi qu’il ressort des coupures de presse produites, (pièces n° 6, 7 et 20 de l’intimée, n° 23 de l’appelante) depuis de nombreuses années, d’accompagner les fournisseurs pour améliorer les conditions du salarié au travail dans les pays en voie de développement, la dite société appartenant depuis 1998 au groupe de travail ICS qui promeut un commerce responsable en travaillant sur la responsabilité sociale des fabricants des enseignes de la grande distribution en import de produits en provenance des pays à risque, le secteur français de la grande distribution s’étant doté de systèmes normatifs comme des labels, des chartes et des codes de bonne conduite lui permettant d’assurer une meilleure traçabilité de la production et le respect des droits humains fondamentaux pour lutter contre l’exploitation des enfants, la durée excessive du travail, l’absence de repos hebdomadaire, l’exposition aux matières dangereuses, le manque d’hygiène, la discrimination et la liberté d’association.

C’est ainsi que par courriel du 16 avril 2013, la société MONOPRIX a communiqué à la société KLASET son code de bonne conduite.

Elle y explique que son enjeu « est de tracer les usines qui produisent pour Monoprix et de contrôler si ses productions sont faites sous l’application de ses exigences éthiques ». Elle demande à la société KLASET « une transparence totale des lieux de production », lui explique qu' « il est de sa responsabilité de vérifier que ses usines en direct ou en sous-traitance respectent les principes décrits dans son code de conduite ainsi que les législations sociales » et souligne qu’elle « se réserve le droit d’auditer à tout moment les lieux de production ».

Ce message fait suite à un courriel antérieur du 16 novembre 2012 aux termes duquel un membre de la direction « Qualité-Sourcing-Façon » de la société MONOPRIX réclame à l’appelante « le nom et adresse de toutes les usines dans lesquelles elle fait fabriquer pour Monoprix » , souhaite savoir si « ces usines ont déjà été auditées socialement ainsi que la date d’audit » et conclut que grâce aux informations données il sera établi « un classement des prochaines usines à auditer à moyen terme » et qu’il « reste à disposition si elle a des questions sur ce process ».

La société KLASET a alors répondu en remplissant un tableau sur lequel elle a inscrit le nom de ses 3 fournisseurs en Inde et en portant la mention qu’aucun audit n’avait été réalisé dans ces trois lieux.

Dès lors elle ne peut prétendre avoir été surprise ni par la convocation à la réunion du 9 juillet 2013,

ni par la réalisation d’un audit chez ses fournisseurs, dès lors qu’elle avait une parfaite connaissance, à tout le moins depuis novembre 2012, du risque d’un audit social au sein des usines avec lesquelles elle travaille.

Pour sa défense, elle fait valoir que son fournisseur HM INTERNATIONAL/MANI FASHIONS a été audité favorablement en 2010 par la société d’audit BSCI, que le représentant de ce fournisseur a d’ailleurs indiqué que l’audit réalisé le 16 mai 2013 avait été concluant, que la société BEENDI INTERNATIONAL a par ailleurs confirmé n’avoir jamais fait travailler d’enfant dans son entreprise et payer convenablement ses salariés et qu’enfin son fournisseur principal, SKR IMAGE, qui n’a pas été audité, est néanmoins toujours en relation commerciale avec MONOPRIX.

Il ressort toutefois de la pièce 21 de l’appelante que l’audit réalisé par BSCI (Business Social Compliance Initiative), qui soutient de nombreux distributeurs dans leurs efforts d’amélioration des conditions de travail dans les usines du monde entier, en 2009, ne portait pas sur l’usine HM International, déclarée comme son fournisseur par la société KLASET, mais sur l’usine de la société MANI FASHION, dans les locaux de laquelle la société HM International a été transférée subrepticement, de sorte que le site de la société HM International n’a jamais été audité.

Par ailleurs, les locaux de la société MANI FASHION ayant été visités en janvier 2009, le rapport la concernant, ne peut, en raison de son ancienneté, valoir preuve du respect de normes sociales et éthiques en mai 2013. En effet, selon le rapport du 16 mai 2013 précité, les conditions d’exploitation se sont détériorées, les normes de sécurité ne sont pas respectées.

En outre les seules allégations du représentant de la dite société portant sur la satisfaction supposée des membres chargés de l’audit lors de leur visite ne sauraient être retenues, compte tenu de leur avis rapporté dans cet audit du 16 mai 2013.

S’agissant de l’usine BEENDI International, les affirmations de son représentant selon lequel, elle n’a jamais fait travailler d’enfant et ses salariés sont payés au taux en cours, sont contredites pour partie par les constatations du même rapport d’audit du 16 mai 2013.

Enfin, il ne peut être reproché à la société MONOPRIX de n’avoir pas audité le troisième fournisseur de la société KLASET, alors qu’elle avait déjà constaté que l’activité de la société HM avait été transférée dans des conditions opaques dans les locaux d’une autre société, que la société BEENDI n’effectuait que des prestations de repassage et de conditionnement alors que la teinture et l’impression étaient effectuées par d’autres sous-traitants non identifiés, et que les membres de l’audit avaient formulé un avis négatif sur les conditions d’exploitation des deux premières usines.

Les pièces n° 24 et 25 de l’appelante ne permettent d’établir ni le lien entre la société SKR et l’auteur des SMS ou mails versés aux débats, ni une relation directe entre la société SKR et la société MONOPRIX.

Elles ne peuvent donc permettre d’accréditer la thèse de la société KLASET selon laquelle la société MONOPRIX travaillerait toujours avec la société SKR IMAGE, apportant ainsi la démonstration selon l’appelante qu’elle respecte toutes les règles sociales et éthiques.

Il ressort du rapport d’audit du 16 mai 2013 l’existence de graves manquements aux règles de sécurité (usine HM : cartons empilés en hauteur, extincteur inaccessible; usine BEENDI : conditions de sécurité inacceptables, pas de deuxième issue de secours, sécurité électrique inexistante, ventilation inefficace, état déplorable du bâtiment et de l’usine…) et aux normes sociales (usine BEENDI : salaires inférieurs au minimum légal).

Dans sa correspondance du 24 juillet 2013, Mme Y, gérante de la société KLASET a au demeurant reconnu son manque de vigilance.

Il est ainsi établi que la société KLASET a gravement manqué aux diligences lui incombant dans la sélection de ses fournisseurs et dans le contrôle et la surveillance des conditions d’exploitation de ses sites de production.

La société KLASET prétend également que le grief qui lui est opposé de n’avoir pas proposé d’actions correctives n’est pas fondé, puisqu’il incombait à la société MONOPRIX d’y procéder, conformément à sa politique de dialogue.

Il ressort toutefois du courrier du 22 juillet 2013, que la société MONOPRIX a suspendu les relations commerciales avec sa partenaire en lui octroyant un délai de 15 jours pour lui transmettre des propositions sérieuses et professionnelles.

En réponse la société KLASET écrivait le 24 juillet 2013, sans aucunement remettre en cause la teneur de l’audit :« nous pouvons vous proposer de produire dans d’autres usines qui ont été auditées par de grands groupes et qui travailleraient avec des usines certifiées OEKO TEX ou auditées par SGS,Z et qui respecteraient vos attentes ».

A juste titre, la société MONOPRIX fait valoir que sa partenaire n’a pas pris la mesure de la gravité de ses propres manquements en ne lui communiquant aucune proposition concrète sur le nom de ses nouveaux fournisseurs ou sous-traitants et leurs conditions d’exploitation, et, en se contentant de vagues promesses lesquelles ne pouvaient légitimement suffire à poursuivre un partenariat solide.

Il ne saurait être reproché à la société MONOPRIX de n’avoir pas proposé d’actions correctives alors que la sécurité même des travailleurs était compromise et que le rapport d’audit ne se limitait pas à émettre des réserves mais à prescrire la cessation immédiate des relations avec les usines concernées par « le verdict: NO GO » .

De plus, la société MONOPRIX a, par courrier du 15 janvier 2015, à la réception de la mise en demeure notifiée le 22 décembre 2014 par le conseil de la société KLASET, réitéré son offre comme suit: « nous demeurons dans l’attente des propositions que voudra bien nous faire votre cliente, nous garantissant le bon respect des conditions d’exploitation que requiert notre code de bonne conduite, et à défaut desquelles la reprise de la relation ne sera pas envisageable ».

Enfin, le 20 février suivant, dans la perspective d’une éventuelle reprise de la relation commerciale, la société MONOPRIX a invité sa partenaire à se rapprocher de ses services d’achat en vue de la constitution d’un dossier conforme à la version actualisée du code de bonne conduite et de celui du référentiel ICS (Initiative Clause Sociale) auquel elle adhère.

Il résulte de tout ce qui précède que l’inexécution par la société KLASET de ses obligations essentielles de contrôle et surveillance de ses sites de production en vue du respect des normes sociales et éthiques fixées, et son absence de réponse sérieuse et concrète aux offres de la société MONOPRIX, justifient la rupture immédiate des relations commerciales, ces fautes revêtant une gravité suffisante, conformément aux dispositions de l’article L 442-6 I,5 du code de commerce.

La décision des premiers juges sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

L’équité commande, en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, d’allouer à la société MONOPRIX une indemnité de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société KLASET à verser à la société MONOPRIX la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

REJETTE toutes autres demandes,

CONDAMNE la société KLASET aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

C D E F

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