Cour d'appel de Pau, 10 janvier 2013, n° 11/03410

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Sur la décision

Texte intégral

PC/AM

Numéro 13/70

COUR D’APPEL DE PAU

1re Chambre

ARRET DU 10/01/2013

Dossier : 11/03410

Nature affaire :

Demande en décharge ou en réduction des droits d’enregistrement portant sur des mutations à titre gratuit ou des partages

Affaire :

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DES LANDES

C/

D-E A-C née F

Y A-C Z A-C

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 10 janvier 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 18 septembre 2012, devant :

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, faisant fonction de Président, chargé du rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BENEIX, Conseiller

en présence de Madame X, élève avocate

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DES LANDES

XXX

XXX

représentée et assistée de la SCP LONGIN – LONGIN-DUPEYRON – MARIOL, avocats à la Cour

INTIMES :

Madame D-E A-C née F

née le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

Monsieur Y A-C

né le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

Mademoiselle Z A-C

née le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

représentés par la SCP DUALE – LIGNEY, avocats à la Cour

assistés de Maître Jean MONTOULIEU, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 03 AOUT 2011

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN

M. M A-C est décédé le XXX à XXX, laissant pour lui succéder sa veuve, Mme D-E F et leurs deux enfants majeurs, Z (née le XXX) et Y (né le XXX).

L’entreprise individuelle que le défunt exploitait sous l’enseigne Marbrerie A a été transformée, à effet du 1er janvier 2007, en SARL dont M. G A-C a été désigné gérant.

Dans la déclaration de succession souscrite le 27 avril 2007, les consorts A-C ont demandé à bénéficier de l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit prévue par l’article 787 C du code général des impôts (C.G.I.), à concurrence de 75 % de la valeur de l’entreprise individuelle, estimée à 339 297 €.

Selon proposition de rectification du 5 février 2009, l’administration fiscale leur a refusé le bénéfice de cette disposition et l’imposition supplémentaire subséquente a fait l’objet d’un avis de mise en recouvrement du 28 mai 2009 pour un montant de 55 781 € dont 4 886 € au titre des intérêts de retard.

La Direction Départementale des Finances Publiques des Landes (D.D.F.P.) a rejeté leur réclamation contentieuse le 21 juin 2010.

Par acte d’huissier de justice du 27 juillet 2010, les consorts A-C ont fait assigner la D.D.F.P. des Landes devant le tribunal de grande instance de Mont de Marsan qui, par jugement du 3 août 2011, a :

— annulé la décision du 21 juin 2010 par laquelle la D.D.F.P. des Landes a rejeté la réclamation contentieuse des consorts A-C relative à l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit sur la valeur de l’entreprise individuelle Marbrerie A,

— déchargé ceux-ci de l’imposition supplémentaire mise en recouvrement à leur encontre le 28 mai 2009 pour un montant de 55 781 € et ordonné restitution des sommes acquittées à ce titre,

— condamné la D.D.F.P. des Landes à payer aux consorts A-C la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La Direction Départementale des Finances Publiques des Landes a interjeté appel de cette décision selon déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 22 septembre 2011.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 3 juillet 2012.

Dans ses dernières conclusions déposées le 10 avril 2012, la D.D.F.P. des Landes demande à la Cour, réformant le jugement entrepris, de débouter les consorts A-C de leur demande en annulation de la décision du 21 juin 2010 rejetant leur réclamation contentieuse et de leur demande tendant à être déchargés de l’imposition mise en recouvrement le 28 mai 2009 pour un montant de 55 781 €, de dire qu’ils seront tenus de restituer les sommes reçues du chef de l’exécution provisoire du jugement et de les condamner aux entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Longin – Longin-Dupeyron – Mariol.

Au soutien de ses prétentions, la D.D.F.P. des Landes expose en substance :

— que le premier juge a pris acte de la qualité de M. Y A-C de gérant de la SARL Marbrerie C au regard des conditions requises par l’article 787-B-d du C.G.I. visant les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, sans vérifier si ce cohéritier remplissait la condition de poursuite effective de l’exploitation de l’entreprise au sens des dispositions de l’article 787 C du C.G.I. visant les entreprises individuelles,

— qu’en effet si la loi du 1er août 2003 admet implicitement que l’entreprise individuelle soit, après sa transmission, transformée en société sans que soit remis en cause le régime d’exonération partielle des droits de mutation prévu par l’article 787 C, ladite exonération demeure soumise aux conditions strictes prévues par ce dernier texte et notamment à ce que l’un des héritiers poursuive l’exploitation de l’entreprise, exerçant effectivement dans cette nouvelle société son activité professionnelle si celle-ci est soumise à l’impôt sur les sociétés,

— que dès lors que le droit applicable est celui existant au jour du fait générateur de l’imposition et que le défunt exerçait son activité en nom personnel, seul doit être pris en considération le régime prévu par l’article 787 C du C.G.I. sur la transmission des entreprises individuelles (exigeant une exploitation effective de l’entreprise) à l’exception des conditions posées par l’article 787 B visant l’exercice de simples fonctions de direction,

— que le bénéfice de l’article 787 C du C.G.I. suppose que l’héritier exerce effectivement son activité professionnelle à la direction de l’entreprise, tant avant qu’après sa transformation en SARL et qu’il y accomplisse des actes précis et des diligences réelles, assimilables à une activité professionnelle, laquelle doit en outre lui procurer les moyens de satisfaire à ses besoins,

— que ces conditions ne sont pas réunies en l’espèce puisque l’héritier poursuit des études universitaires, ne justifie d’aucun revenu tiré de son activité dans la SARL A-C ni d’une qualification et d’une expérience pour lui permettre d’exploiter effectivement l’entreprise transmise.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 2 juillet 2012, les consorts A-C concluent à la confirmation de la décision entreprise et sollicitent la condamnation de la D.D.F.P. des Landes à leur payer la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d’appel, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SCP de Ginestet – Dualé – Ligney.

Ils soutiennent pour l’essentiel :

— que l’administration fonde sa réclamation sur une instruction adeministrative du 18 juillet 2001 aux termes de laquelle le bénéfice de l’exonération partielle des droits de mutation par décès est subordonné à l’exercice effectif pendant les cinq années qui suivent la date du décès d’une activité professionnelle principale si la société est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter du C.G.I. ou d’une fonction énumérée au 1° de l’article 885 O bis du C.G.I. si cette société est soumise à l’impôt sur les sociétés de plein droit ou sur option, et qui définit la notion d’activité professionnelle principale comme l’exercice à titre habituel de nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et qui procure à celui qui l’exerce le moyen de satisfaire aux besoins de l’existence,

— que ces dispositions – dont la valeur normative est contestable – sont inapplicables en l’espèce dès lors que la SARL Marbrerie A n’est pas une société de personnes et relève de l’impôt sur les sociétés dont l’éligibilité au bénéfice de l’exonération partielle suppose seulement que l’un des héritiers exerce des fonctions de direction, même non rémunérées et que décider le contraire aboutirait à imposer une condition non spécialement prévue par les textes et une interprétation contraire au droit des sociétés et à la liberté du choix du statut du dirigeant social,

— qu’en toute hypothèse, la contestation par l’administration du manque d’expérience, de qualification professionnelle et de disponibilité est vaine et contredite par les pièces versées aux débats établissant l’implication effective de M. Y A-C dans la gestion sociale et qu’il perçoit effectivement des revenus de l’exploitation de l’activité (quote-part du loyer commercial versée à une SCI dont il est associé, dividendes sociaux) lui procurant des revenus non négligeables.

MOTIFS

Aux termes de l’article 787 C seul applicable en l’espèce, en sa rédaction en vigueur à la date d’ouverture de la succession, sont exonérés des droits de mutation à concurrence de 75 % de leur valeur, la totalité ou une quote-part indivise de l’ensemble des biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels, affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmis par décès ou entre vifs, si les conditions suivantes sont réunies :

— a) l’entreprise individuelle a été détenue depuis plus de deux ans par le défunt ou le donateur lorsqu’elle a été acquise à titre onéreux,

— b) chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l’engagement dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise pendant une durée de six ans à compter de la date de la transmission,

— c) l’un des héritiers, donataires ou légataires poursuit effectivement, pendant les cinq années qui suivent la date de la transmission, l’exploitation de l’entreprise.

L’administration fiscale soutient que l’exonération partielle suppose que l’héritier mentionné à l’article 787 C-C exerce effectivement dans l’entreprise (même transformée en société postérieurement au décès) son activité professionnelle de nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ce qui suppose l’accomplissement d’actes précis et de diligences réelles dans le cadre d’une activité devant lui procurer le moyen de satisfaire aux besoins de l’existence et qu’en l’espèce, M. Y A-C, âgé de 19 ans, ayant le statut d’étudiant et n’ayant disposé en 2007 d’aucun revenu professionnel lui permettant de satisfaire à ses besoins matériels ne peut être considéré comme ayant poursuivi effectivement l’exploitation de l’entreprise de son père.

Cette interprétation ne peut cependant être retenue en l’espèce sauf à confondre poursuite de l’exploitation de l’entreprise et exercice au sein de celle-ci d’une activité professionnelle et à considérer, ultra legem, que l’article 787 C-C impose à l’héritier d’exercer lui-même l’activité physique objet de l’entreprise transmise, alors même que la poursuite de l’exploitation peut parfaitement s’entendre en termes de gestion administrative et commerciale assurant la continuation de l’activité de production (au demeurant exécutée, avant même le décès de M. M C-A, par une dizaine de salariés) et faisant partie intégrante et essentielle de l’exploitation, en sorte qu’il ne peut être imposé à l’héritier d’exercer physiquement l’activité matérielle objet de l’entreprise transmise et d’en retirer un revenu professionnel pour prétendre au bénéfice de l’exonération partielle prévue par le texte dont s’agit.

Or l’administration ne produit aucun élément établissant concrètement et indiscutablement le caractère fictif et factice des fonctions de gérance dévolues à M. Y A-C en suite de la création de la SARL A-C qui ne constitue pas, en soi, une cause d’exclusion du bénéfice des dispositions de l’article 787 C du C.G.I.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a :

— annulé la décision du 21 juin 2010 par laquelle la D.D.F.P. des Landes a rejeté la réclamation contentieuse des consorts A-C relativement à l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit sur la valeur de l’entreprise individuelle Marbrerie A,

— déchargé les consorts A-C de l’imposition supplémentaire mise en recouvrement à leur encontre le 28 mai 2009 pour un montant de 55 781 € et ordonné restitution des sommes acquittées à ce titre.

L’équité commande, en application de l’article 700 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué aux consorts A-C la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés en première instance et de leur allouer de ce chef une indemnité de 2 000 € au titre des frais par eux exposés en cause d’appel.

La Direction Départementale des Finances Publiques des Landes sera condamnée aux entiers dépens d’appel et de première instance, avec bénéfice de distraction au profit de la SCP de Ginestet – Dualé – Ligney.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Mont de Marsan en date du 3 août 2011,

En la forme, déclare l’appel de la Direction Départementale des Finances Publiques des Landes recevable,

Au fond :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Ajoutant à la décision entreprise :

— Condamne la Direction Départementale des Finances Publiques des Landes à payer aux consorts A-C, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 € (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d’appel,

— Condamne la Direction Départementale des Finances Publiques des Landes aux entiers dépens d’appel et de première instance, avec bénéfice de distraction au profit de la SCP de Ginestet – Dualé – Ligney.

Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Mireille PEYRON Patrick CASTAGNE

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Cour d'appel de Pau, 10 janvier 2013, n° 11/03410