Cour d'appel de Poitiers, 2ème chambre, 17 avril 2015, n° 14/03237

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 2e ch., 17 avr. 2015, n° 14/03237
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 14/03237
Décision précédente : Tribunal de grande instance de La Rochelle, 21 janvier 2014
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°227

R.G : 14/03237

XXX

X

Z

C/

SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE CAVAC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2e Chambre Civile

ARRÊT DU 17 AVRIL 2015

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/03237

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 22 janvier 2014 rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE.

APPELANTS :

Monsieur A X

né le XXX à XXX

XXX

17230 Y

ayant pour avocat plaidant la SCP GOMBAUD & COMBEAU, avocat au barreau de LA ROCHELLE

Maître C Z, mandataire judiciaire , ès-qualités de représentant des créanciers de Monsieur A X, suivant jugement du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE du 12 octobre 2011

XXX

XXX

ayant pour avocat plaidant la SCP GOMBAUD & COMBEAU, avocat au barreau de LA ROCHELLE

INTIMEE :

SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE CAVAC

XXX

XXX

agissant poursuites et diligences de son Représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

ayant pour avocat plaidant la SELARL ATLANTIC JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON,

ayant pour avocat postulant la SELARL LEXAVOUE POITIERS, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth JOUVENET, Président

Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller

Madame Catherine FAURESSE, Conseiller,

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Madame Elisabeth JOUVENET, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***************

M. A X, qui est éleveur de porcs à Y (17), a adhéré à la société coopérative agricole CAVAC pour la production de porcs et, selon bulletin d’adhésion du 24 avril 2006, s’est engagé à apporter à La CAVAC, sous réserve de ses besoins professionnels et familiaux, la totalité de la production porcine de son exploitation, ainsi qu’à respecter les statuts et le règlement intérieur de la coopérative.

En raison des difficultés de l’exploitation, La CAVAC a demandé une garantie sous la forme d’un warrant en date du 11 décembre 2008 pour garantir une créance de 250 000 €.

M. A X a été déclaré en redressement judiciaire par jugement du 12 octobre 2011, Me Z étant désignée comme mandataire judiciaire.

Par ordonnance du 13 juin 2012, le juge commissaire a prononcé la résiliation du contrat de production.

La CAVAC a déclaré une créance de 211 116.38 € à titre privilégié, laquelle fait l’objet d’une contestation devant le juge commissaire en attendant l’issue du présent litige.

M. A X et Me Z ès-qualités ont diligenté une action devant le tribunal de grande instance de La Rochelle en indemnisation et en nullité du warrant sur le fondement de l’article L.650-1 du code de commerce

Vu le jugement du 22 janvier 2014 du tribunal de grande instance de La Rochelle qui déboute M. A X et Me Z ès-qualités de ses demandes, La CAVAC de sa demande reconventionnelle et dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Vu la déclaration d’appel de Me Z ès-qualités et M. A X reçue au greffe le 8 août 2014

Vu les conclusions de Me Z ès- qualités et de M. A X du 20 février 2015 demandant à la cour de :

Réformer le jugement du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE en ce qu’il a débouté Monsieur X et Me Z de l’ensemble de leurs demandes ;

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la CAVAC de sa demande reconventionnelle relative à l’indemnité de résiliation ;

Statuant à nouveau,

Dire et juger la CAVAC seule et entière responsable des préjudices subis par Monsieur X et ceci sur le fondement de l’article L650-1 du Code de commerce ;

En conséquence, condamner la CAVAC à titre principal, à verser à Monsieur X la somme principale de 211 116,38 € à titre de dommages et intérêts ;

Dire et juger à titre subsidiaire que cette somme ne saurait être inférieure à la somme de 150 000 € ;

Déclarer nul et de nul effet le contrat de warrant agricole conclu le 11 décembre 2008 entre la CAVAC et Monsieur X ;

Débouter la CAVAC de l’ensemble de ses demandes ;

Condamner la CAVAC à verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la CAVAC aux entiers dépens et autoriser la SCP GOMBAUD & COMBEAU à poursuivre directement le recouvrement de ceux de ses dépens qui n’auraient pas été couverts par une provision préalable.

Vu les conclusions de La CAVAC du 2 mars 2015 demandant à la cour de :

Soit sommé à Monsieur X de verser aux débats les bilans et comptes de résultat détaillés définitifs pour les exercices 2012-2013-2014,

Soit sommé à Monsieur X de s’expliquer sur la quantification et la valorisation des stocks au 31 décembre 2014.

Dire et juger que Monsieur A X ne rapporte pas la preuve, en application des dispositions de l’article 650-1, soit d’une faute imputable à la CAVAC ou d’une d’immixtion caractérisée dans la gestion de son exploitation ou de la prise d’une garantie disproportionnée par rapport aux concours accordés à Monsieur A X.

En conséquence, débouter Monsieur A X de l’intégralité de ses demandes tendant à voir retenir la responsabilité de la CAVAC et confirmer sur ce point le jugement du 22 janvier 2014,

Pour les mêmes raisons, débouter purement et simplement Monsieur A X et Maître Z ès-qualités de leur appel tendant à obtenir la condamnation de la CAVAC à leur régler une indemnité de 211 116,38 € ou, à titre subsidiaire, une indemnité de 150 000 €.

Dire et juger, en tout état de cause, que Monsieur A X ne rapporte pas la preuve de la réalité du préjudice qu’il aurait subi.

Voir confirmer sur ce point le jugement du 22 janvier 2014,

Dire et juger que Monsieur A X ne rapporte pas la preuve de ce que le warrant conclu le 11 décembre 2008 serait entaché de nullité.

Dire et juger, par conséquent, le warrant du 11 décembre 2008 comme étant parfaitement régulier tant dans la forme que sur le fond,

Voir confirmer sur ce point le jugement du 22 janvier 2014,

Condamner Monsieur A X à payer à la coopérative CAVAC une indemnité de 38 553 € au titre de la résiliation intempestive du contrat d’approvisionnement.

Réformer sur ce point le jugement du 22 janvier 2014 en ce qu’il a rejeté la demande de la CAVAC.

Y ajoutant,

Condamner Monsieur A X et Maître Z ès-qualités à régler à la coopérative CAVAC une indemnité de 2 000 € au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.

Condamner Monsieur A X et Maître Z ès-qualités aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SELARL LEXAVOUE POITIERS, représentée par Maître Jérôme CLERC, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

Vu l’ordonnance de clôture du 2 mars 2015

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de La CAVAC

Les appelants soutiennent :

— que La CAVAC a exigé de M. A X la signature d’un contrat tripartite avec le E F LA BARRE, soit un 'contrat d’élevage à façon de cochettes’ entre le naisseur (M. A X) et l’engraisseur (le E), dont les conditions tarifaires étaient exorbitantes (25 € par cochette au lieu de 16 € pratiqué pour le porc)

— que le montant des apports de cochettes était directement versé par la société MULTIGENE qui achetait les femelles pour la reproduction, à La CAVAC, cette compensation provoquant l’asphyxie de M. A X qui n’avait plus aucune main mise sur son activité, dès lors que 100 % de la production était entre les mains de La CAVAC qui n’hésitait pas à écrire directement à la société MULTIGENE

— que La CAVAC assurait de fait la gestion de l’entreprise en lui imposant ses conditions via notamment le contrat du 17 septembre 2007

— que le warrant était excessif en ce qu’il portait sur la totalité du cheptel porcin y compris les animaux de remplacement et des installations techniques et en ce qu’il venait cautionner une dette dont La CAVAC est seule responsable en raison des conditions contractuelles imposées

— que les résultats de l’exploitation sont bien meilleures depuis la résiliation du contrat avec La CAVAC.

L’intimée réplique :

— que l’activité de M. A X était déjà déficitaires en 2006 lors de l’adhésion à La CAVAC et que les difficultés remontaient à 2002

— qu’elle a mis en relation M. A X et le E F, mais sans obligation pour M. A X de signer et qu’elle n’est pas intervenue dans leurs relations ; que les tarifs pratiqués s’expliquaient par la meilleure rémunération apportée par la production de cochettes par rapport à l’engraissement classique de porcs charcutiers ; que le professionnalisme du E F permettait une bonne rentabilité de la production, de sorte que le contrat n’était pas désavantageux pour M. A X et ne constitue pas un acte d’immixtion

— que l’amélioration de la rentabilité de l’exploitation depuis la rupture des relations avec La CAVAC est très contestable

— que les compensations opérées par La CAVAC sont autorisées par les statuts et le règlement intérieur et que les relations directes entre La CAVAC et la société MULTIGENE étaient destinées à préserver les intérêts de La CAVAC créancier et ne peut s’analyser en un acte d’immixtion

— que la constitution d’un warrant sur l’intégralité de l’exploitation en matériel et en animaux n’a rien d’excessif, dans la mesure où M. X s’était engagé à livrer l’intégralité de sa production à La CAVAC, où La CAVAC avait l’obligation d’approvisionner M. A X en aliments et était légitime à se prémunir contre l’éventuelle livraison de sa production porcine par M. A X à une autre coopérative.

Le litige s’inscrit dans le cadre de relations commerciales entre M. A X et La SCA COOPERATIVE AGRICOLE CAVAC fonctionnant notamment sur la base d’un compte courant associé-coopérateur, relations auxquelles les parties ne contestent pas que l’article L.650-1 du code de commerce sur le quel est fondé la demande s’applique.

Ledit article contient les dispositions suivantes :

' Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Pour le cas où la responsabilité d’un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ces concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.'

Me Z ès-qualités et M. A X entendent engager la responsabilité de La CAVAC pour immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur et garanties disproportionnées, de sorte que les développements de La CAVAC sur la fraude sont inutiles.

Les appelants développent pour l’essentiel devant la cour la même argumentation que devant le premier juge qui y a répondu par des motifs pertinents que la cour adopte.

S’agissant de l’immixtion, il convient d’ajouter qu’elle doit excéder le champ des relations contractuelles normales existant entre les parties pour qu’elle soit caractérisée et donc fautive.

A cet égard, il sera observé que ces relations contractuelles entre M. A X et La SCA COOPERATIVE AGRICOLE CAVAC étaient régies par les statuts et le règlement intérieur de la coopérative que l’éleveur s’était engagé à respecter lors de son adhésion et qui autorisait la coopérative à garantir le recouvrement de sa créance par tout mode de paiement recouvrant la compensation (cf § 5.2.4 du règlement intérieur) ; or en l’espèce, il ressort des pièces produites que M. A X avait des retards de paiement qui ont conduit La SCA COOPERATIVE AGRICOLE CAVAC à pratiquer des compensations à compter de 2009 et à donner des indications de tarif à MULTIGENE dans le souci de sauvegarder sa créance, sans que cela puisse lui être reproché.

Il sera également observé que, si l’arrêt du façonnage a permis de recentrer l’activité et de stopper l’hémorragie financière, et si la résiliation du contrat de production avec La SCA COOPERATIVE AGRICOLE CAVAC a favorisé un redémarrage de l’entreprise, cet état de fait n’est pas suffisant à démontrer l’immixtion fautive imputée à la coopérative, dès lors que le contrat passé avec le E F LA BARRE et les tarifs convenus n’ont pas été imposés à M. A X qui a signé ce contrat sans contrainte.

A supposer que les modalités d’adhésion à la coopérative et les tentatives de modifier les conditions d’exploitation n’étaient pas favorables à l’essor de l’entreprise, la preuve d’une immixtion caractérisée de La SCA COOPERATIVE AGRICOLE CAVAC n’est pas rapportée.

Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise.

Sur la nullité du warrant

Il convient de confirmer la décision entreprise par adoption des motifs.

Sur l’indemnité de résiliation

La CAVAC sollicite une indemnité de résiliation destinée à réparer le préjudice qu’elle subit du fait de la résiliation intempestive du contrat et dont le principe et le calcul résulteraient des statuts (montant initial de 196 724 € ramené à 38 553 €).

Il s’agirait d’une créance postérieure à l’ouverture de la procédure collective et donc hors plan de redressement

Elle conteste qu’il s’agisse d’une clause pénale comme le soutiennent Me Z ès-qualités et M. A X et comme l’a retenu le premier juge en la réduisant à néant et ce, notamment en ce qu’elle n’est pas forfaitaire.

Il sera observé que la résiliation du contrat a été autorisée par ordonnance du juge commissaire du 12 juin 2012 et ne peut donc être considérée comme fautive.

En ce qui concerne la qualification de clause pénale, constitue une clause pénale la clause d’un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution des obligations contractées. Le caractère excessif s’apprécie au regard du préjudice réellement subi par le créancier.

La clause litigieuse, telle que rappelée par le premier juge répond à cette définition et sera donc qualifiée de clause pénale qui sera réduite à zéro au regard de l’absence de réel préjudice subi par La SCA COOPERATIVE AGRICOLE CAVAC pour les motifs adoptés du premier juge.

Sur les demandes annexes

La demande de communication de pièces de La SCA COOPERATIVE AGRICOLE CAVAC est sans objet, la cour ayant trouvé des motifs suffisants pour asseoir sa décision sans les pièces demandées.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non taxés, de même qu’elle conservera la charge des dépens exposés par elle.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement du 22 janvier 2014 en toutes ses dispositions

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens exposés par elle en appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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