Cour d'appel de Rennes, 30 novembre 2016, n° 15/05052

  • Gasoil·
  • Fiche·
  • Licenciement·
  • Employeur·
  • Faute grave·
  • Salarié·
  • Sociétés·
  • Manifestation sportive·
  • Référencement·
  • Lubrifiant

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Village Justice · 31 juillet 2019

L'employeur est tenu de rembourser les frais professionnels exposés par ses salariés. Par exemple, un salarié qui se fait inviter au restaurant par un client va garder le justificatif et le transmettre à l'employeur afin que ce dernier s'imagine que son employé a financé un repas d'affaires. Autre exemple, un salarié en déplacement professionnel va gonfler la distance parcourue afin d'obtenir un remboursement plus important sur la base des indemnités kilométriques. Plus rare mais plus grave, un salarié peut même produire une fausse facture pour ensuite en obtenir le remboursement. Si …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 30 nov. 2016, n° 15/05052
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 15/05052

Sur les parties

Texte intégral

9e Ch Prud’homale

ARRÊT N°239

R.G : 15/05052

M. X Y

C/

SA FUCHS LUBRIFIANT FRANCE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU
DÉLIBÉRÉ :

Président : Mme Sophie LERNER,
Président,

Assesseur :M. Pascal PEDRON, Conseiller,

Assesseur : Mme Laurence LE QUELLEC,
Conseiller,

GREFFIER :

Mme Z A, lors des débats, et Marine ZENOU, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Octobre 2016

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Novembre 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur X Y

Les Landes Marettes

XXX

comparant en personne, assisté de Me Laurent LE BRUN de la SCP CALVAR & ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE :

SA FUCHS LUBRIFIANT FRANCE

XXX

XXX

représentée par Me Pascale RAYROUX-LOPEZ, avocat au barreau de PARIS

FAITS ET PROCEDURE

M. X Y a été engagé à compter du 1er janvier 1991 en qualité de
Représentant
Exclusif (V.R.P.) sur le secteur ouest de la France, par la
Société SILKOLENE, depuis reprise par la SA FUCHS LUBRIFIANT France (la société), qui commercialise des lubrifiants.

Le contrat de travail précise qu’il devait s’attacher à :

«Effectuer une prospection personnelle et active des motocistes susceptibles d’utiliser les produits existants ou à créer de la société
SILKOLENE,

Développer de la clientèle, en fonction des objectifs fixés par l’entreprise, comporte notamment la négociation et la préparation de contrats et la prise de commandes.
Effectuer des études de marchés sur son secteur d’activité,

Maintenir un contact actif avec divers prescripteurs,

Avoir une présence effective, à la demande expresse de la Direction SILKOLENE, dans les diverses manifestations sportives,

La prise de commandes qui s’ajouteront à celles passées directement au siège
SILKOLENE, par téléphone, fax ou courrier.
»

Le 21 octobre 2011, la société a procédé au licenciement de M. Y pour faute grave dans les termes suivants :« Monsieur,

Par lettre recommandée, nous vous avons adressé le 26 septembre 2011 une convocation à entretien préalable de licenciement le vendredi 7 octobre 2011 à 14h00.

Vous vous êtes présenté à cet entretien accompagné de Monsieur B C, représentant du personnel. Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs de cette éventuelle mesure.

De notre côté, nous avons pris note de vos observations.

Par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour le motif suivant:

« Faute grave: fausses notes de frais – la majoration frauduleuse de vos frais professionnels est préjudiciable aux intérêts de l’entreprise. »

En effet, en votre qualité de commercial – VRP, vous êtes amené à vous déplacer quotidiennement pour visiter les clients de votre secteur Ouest et les frais occasionnés par ces visites et par l’utilisation de votre véhicule de service, vont sont remboursés sur présentation de notes de frais justifiées. Le gas-oil, les péages, les déjeuners et les nuits d’hôtel sont les principaux frais remboursés par l’entreprise pour les besoins de votre activité.

Or, un contrôle de vos notes de frais opéré courant septembre par les services du siège sur la période de janvier à août 2011, a mis en évidence de multiples irrégularités.

En effet, mis à part le fait que vos notes de frais ne correspondent pas globalement à votre planning de visites de votre clientèle puisque vous avez explicitement affirmé au cours de l’entretien du 7 octobre 2011 que vous établissiez de fausses fiches de visites, il demeure que les irrégularités relevées sont nombreuses:

1) Notes de frais pendant le week-end et les jours non travaillés:

Fiches de gas-oil le samedi: 19 mars à 00h12 du matin, 9 avril/16 avril/ 23 avril/ 21 mai /9 juillet et 23 juillet

Fiches de gas-oil le dimanche: le 20 février et le 31 juillet à 1 h41 du matin

Fiches de gas-oil les jours non travaillés: le 2 juin (ascension, 2 fiches) / 9 août (en congés)/26 août (en congés)

Fiches de déjeuner le samedi: 7 mai et 25 juin
Fiches d’hôtel le dimanche: 19 juin à
Bayonne

Fiches de péage: dimanche 6 mars sur le trajet
Montpellier Toulouse et samedi 5 mars à Montpellier.

2) Notes de frais en dehors de votre secteur géographique:

4, 5 et 6 mars: fiches de frais sur Montauban, Toulouse et Montpellier ; 1 er Avril
Fiche de frais sur Montauban

8 avril: fiche de frais à l’aéroport de Roissy
Charles-De-Gaulle ; 27 et 28 mai: fiches de frais à Montauban et à Pamiers

19 juin: fiche d’hôtel à
Bayonne

3)Incohérence de fiches de gas-oil avec votre véhicule de service: au mois d’août, vous avez présenté une fiche de gas-oil de 67,80 litres et une autre de 69,61 litres alors que la contenance du réservoir de votre véhicule société n’est que de 52 litres;
tout porte à croire que ces fiches de gas-oil sont étrangères à votre véhicule de service.

4)Incohérence des fiches de frais avec vos déplacements: parmi les exemples les plus

flagrants, nous pouvons citer:

La journée du 8 mars 2011 : vous faites un premier plein à 16h21 dans le département 85 puis un deuxième dans le département 22 à 17h07:
271 km et 46 minutes séparent ces deux arrêts ! et vous refaites même un troisième plein à 18h57 dans le 22,

La journée du 30 mars 2011 : vous faites un premier plein à 14h17 dans le département 72 et un second à 14h51 dans le département 22 : 180 km et 34 minutes séparent ces deux arrêts.

Le 5 mai: de la même manière, deux fiches de gas-oil attestent que vous auriez parcouru 280 km en 1 h28 mn pour un trajet estimé par le site internet MAPPY à 3h00 de route.

Le 18 mai: une fiche atteste d’un plein de gas-oil à 12h06 dans le département 22 et d’un déjeuner à Pornic à 13h55, vous auriez parcouru 200 km en 1h49 mn, déjeuner du midi compris.

Le 26 juillet vous avez présenté deux fiches de repas à deux endroits différents.

5) Incohérence kilométrage/litrage : parmi les exemples les plus significatifs:

Le 25 janvier: vous faites un premier plein à 8h10 de 27,77 litres et un second à 15h30 de 36,91 litres soit au total 64,68 litres en restant dans le seul département 22

Le 8 mars: de la même manière, pour cette journée, vous avez présenté 4 fiches de gas- oil totalisant 77 litres de gas-oil

Le 11 mai: vous avez présenté 3 fiches de gas-oil totalisant 96,11 litres de gas-oil

Le 30 juin: vous avez présenté 3 fiches de gas-oil totalisant 105,01 litres de gas-oil.

Entre décembre 2010 et août 2011, vous avez déclaré avoir parcouru 165 999 kms et demandé le remboursement de 15 921 litres de gas-oil. Sur cette base, la voiture mise à votre disposition serait loin de consommer 4,5 L/km assurés par les normes des constructeurs puisqu’elle consommerait effectivement 9,5
L/km.

6)Pour la même note de frais, vous présentez à la fois le ticket de gas-oil et le ticket de la carte bancaire (notamment les 28 avril, 3 mai, 12 mai) et parfois même le récépissé de carte bancaire non initialisée à l’instar du 27 avril;
ces faits entrainant un double remboursement.

7)Vous allez même jusqu’à présenter des fiches d’essence sans plomb (notamment les 14 mars, 23 mai) alors que le véhicule société fonctionne au gas-oil.

En tout état cause, au-delà de l’utilisation avérée du véhicule de service à des fins personnelles sur votre temps libre, ces faits attestent d’une majoration frauduleuse de vos frais professionnels,

Ces faits frauduleux ne sont pas tolérables, Ils le sont d’autant moins que Monsieur Jean-Luc D, Directeur de la Division
Auto-Moto, a déjà attiré votre attention sur certaines de ces irrégularités. En effet, le 29 octobre 2010, il vous a adressé un message de recadrage pour vous rappeler les missions et les obligations inscrites dans votre contrat de travail mais surtout pour vous signifier que seuls les frais relatifs à la

visite de votre clientèle seraient à l’avenir remboursés par la société.

En dépit de ce message de recadrage, par lequel Monsieur D vous a pourtant prévenu qu’il porterait désormais une attention toute particulière sur l’utilisation de votre véhicule société (et sur les frais afférents), vous avez continué à présenter des fausses notes de frais pour majorer le remboursement de vos frais professionnels.

La falsification de vos notes de frais n’est pas acceptable et une telle infraction aux usages de la profession a rompu la confiance que nous pouvions vous accorder.

Au regard de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible: le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 21 octobre 2011, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

A réception de la présente, nous vous prions de prendre contact avec votre
Responsable, Monsieur E F, afin de convenir d’une date, courant semaine 43, pour la restitution du véhicule de la société, le PC portable et accessoires, carte 3G, la puce du téléphone mobile ainsi que les marchandises, matériels, articles publicitaires ainsi que toute documentation en votre possession relatifs à la société (listes clients, fichiers, documentation, . .. ). (…) »

Le 30 novembre 2011, M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Dinan en contestation de son licenciement.

Après radiation puis réenrôlement de l’affaire, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a par jugement du 05 juin 2015 :

— dit que le licenciement de M. Y est bien fondé sur une faute grave,

— débouté en conséquence M. Y de ses demandes d’indemnités fondées sur le licenciement abusif,

— débouté M. Y de l’ensemble de ses autres demandes,

— reçu la société en sa demande reconventionnelle et condamné M. Y à rembourser à celle-ci la somme totale de 12 314,12 ,

— condamné M. Y, outre aux dépens, à verser à la société une somme de 600 au titre des frais irrépétibles.

Pour se déterminer ainsi, le conseil a essentiellement retenu que :

— les faits qui ont alerté l’employeur sont du 9 et 26 août 2011 mais s’inscrivent dans un phénomène répétitif sur une période antérieure, qui n’a pu être porté à la connaissance exacte de l’employeur qu’après la réalisation d’un contrôle approfondi, de telle sorte que les faits reprochés au salarié ne sont pas couverts par la prescription.

— l’examen des notes de frais et justificatifs versés au dossier permet de constater que durant la période de janvier 2011 à août 2011, M. Y a effectué plusieurs déplacements sur des manifestations sportives sans l’accord préalable de sa direction, a réalisé des activités « prospection » et de visite des concessionnaires et agents, hors de son secteur géographique, a émis des notes de frais pendant des week-end et des jours non travaillés notamment en facturant les frais d’accompagnement de sa fille à l’aéroport de Roissy ainsi que des frais de restauration, a émis des fiches de frais non

compatibles avec les déplacements déclarés à son employeur, s’est fait rembourser à plusieurs reprises des pleins d’essence ne correspondant pas aux déplacements déclarés, a produit des justificatifs occasionnant des doubles remboursements, a facturé des frais d’essence au lieu de frais de gas-oil à des périodes où le véhicule professionnel n’était pas indisponible, et ce malgré un mail de re-cadrage de sa mission du 29 octobre 2010 par lequel son employeur lui indiquait que les frais occasionnés par ses déplacements professionnels sur des manifestations sportives ne seront remboursés que lorsque sa présence effective aura été sollicitée expressément par la
Direction et que les frais autres que ceux relatifs à la visite de sa clientèle, seront soumis à son accord préalable ou à celui de
E Bretonne.

— les explications et pièces de M. Y ne permettent pas de justifier du bien fondé des frais exposés, au regard des incohérences constatées entre les fiches de frais, les déplacements déclarés et le carburant consommé et en l’absence de démonstration par le salarié d’une autorisation expresse de sa direction pour sa participation aux manifestations sportives ainsi que pour les activités de démarchage hors de son secteur géographique.

— la majoration des frais professionnels établie justifie son licenciement pour faute grave, en raison du montant des frais concernés, du caractère répétitif des faits et de l’absence de prise en compte de la mise en garde du 29 octobre 2010.

— M. Y ne peut s’exonérer de sa faute en arguant de la tolérance de son employeur, dans la mesure où le contrôle de cohérence pratiqué, mensuellement, par l’employeur lors de la mise en paiement des frais ne permettait pas de détecter des irrégularités qui n’ont pu être révélées que lors de la mise en oeuvre d’un contrôle approfondi.

— le caractère non intentionnel de certaines déclarations de frais effectuées en doublon ne fait pas perdre aux faits leur caractère de faute grave dans la mesure où lesdites déclarations constituent des négligences grossières, eu égard aux compétences et capacités intellectuelles du salarié.

— si M. Y a pu être à l’initiative de référencements auprès de la société MOTO
EXPERT en 1998, ainsi qu’en 2003 et 2004, cette activité n’était pas prévue expressément dans sa mission et aucun accord n’est intervenu entre l’employeur et le salarié sur la fixation d’une prime basée sur cette activité, de telle sorte que sa demande de commissions au titre des référencements doit être rejetée.

— M. Y a effectivement indûment perçu des sommes au titre de facturation de frais d’essence, double remboursement de mêmes tickets, plein de carburant supérieur à la capacité du réservoir du véhicule de service, cartes bleues « étrangères », frais non justifiés, surfacturation de carburant et rémunération indue, sommes qu’il est tenu de restituer en application de 1'article 1376 du code civil.

M. Y a interjeté appel de ce jugement le 26 juin 2016.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par ses écritures auxquelles s’est référé et qu’a développées son avocat à l’audience, M. Y, appelant, demande à la cour, par voie d’infirmation du jugement déféré et au visa de « l’article L 1332-4 et suivant du code du travail et de l’accord national interprofessionnel des VRP du 3 Octobre 1975 », de :

— juger que les motifs de la rupture « sont prescrits ou encore mal fondés. »

— juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

— condamner en conséquence la société à lui payer les sommes de :

.indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 5.366,27 x 18 mois soit 96.592,86

.indemnité compensatrice de préavis: 3 mois x 5.366,27 soit 16.098,81

.congés payés y afférents : 10% ……………………………………..1.609,88

.indemnité de clientèle 130.000,00

ou à défaut l’indemnité conventionnelle de licenciement 31.407,39

.arriéré de commissions au titre des référencements………. 60.000,00

.congés payés y afférents : 10 %…………………………………….
6.000,00

·arriéré de rémunération au titre de la prime annuelle 2011 : 1.900

avec capitalisation des intérêts,

— débouter la société de sa demande reconventionnelle.

— condamner la société, outre aux dépens, à lui payer la somme de 3.000 au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure
Civile.

M. Y fait valoir en substance que :

— toutes les notes de frais reprochées sont antérieures de plus de 2 mois au déclenchement de la procédure de licenciement.

— il n’a jamais rien dissimulé quant à la réalité des frais exposés ; ses dépenses liées à l’activité en dehors du territoire de prospection étaient pleinement justifiées puisque représentant des frais de déplacement à des manifestations et compétitions sportives ;
il travaillait bien le week-end et parfois pendant ses congés payés, ce qui expliquait qu’il ait exposé des frais concernant les dépenses « hors secteur ».

— au moment de leur présentation à l’employeur, toutes les dépenses litigieuses remboursées comportaient les renseignements nécessaires comme la date de leur engagement, les circonstances de temps et de lieu, leur nature , alors que son employeur, par sa « mise en garde » du 29 novembre 2010 ne pouvait qu’être vigilant dans l’examen des frais ; une enquête était inutile, sauf à réparer la défaillance des agents de contrôle.

— en tout état de cause, tous ces frais ont été au surplus réglés sans aucune réserve ;
l’employeur les a tolérés sans y trouver un motif de licenciement ;la «tolérance» de l’employeur qui a remboursé les dépenses en pleine connaissance de cause ne lui permettait plus d’invoquer la faute grave (et encore moins la cause réelle et sérieuse).

— sa présence en dehors de son secteur était parfaitement connue et admise par son employeur qui bénéficiait des répercussions commerciales.

— son ancienneté et le fait qu’il n’ait pas été écarté de son poste au moment de la découverte des prétendus faits fautifs exclut la faute grave.

— il n’a jamais été dans son intention de tromper son employeur, certaines doubles imputations ayant pu survenir par erreur.

— il justifie pour chaque frais contesté de leur réalité et de leur cause professionnelle.

— l’origine du licenciement trouve sa cause réelle dans un différend relatif aux conditions d’approvisionnement de la clientèle dont il s’est plaint en septembre 2010 auprès de l’employeur, la procédure étant préméditée depuis le début 2011, où il n’a pas fait l’objet d’un entretien annuel d’évaluation, contrairement à ses collègues.

— sur les reliquats salariaux, il a obtenu le référencement des produits commercialisés par la société auprès de Centrales d’achats ; bien qu’à l’origine d’accords nationaux, il n’a été commissionné que sur les seules ventes réalisées par les magasins situés sur son secteur et il est donc en droit de revendiquer le bénéfice d’une rémunération variable à ce titre alors qu’il lui avait été promis de le rémunérer sur la « base d’une prime fixe ». De plus, une prime d’intéressement aurait dû lui revenir au titre de l’exercice 2011.

— seule la faute lourde du salarié peut engager la responsabilité pécuniaire du salarié alors que la société a fait le choix de la faute grave ;ce sont pourtant les mêmes faits qui fondent tant la demande de restitution que la qualification de fautes graves dans la lettre de licenciement. De plus, pour pouvoir obtenir la restitution des sommes, encore faudrait-il que la société ne les ait pas réglées en pleine connaissance de cause.

Par ses écritures auxquelles s’est référé et qu’a développées son avocat à l’audience, la société intimée demande à la cour :

— au principal, de confirmer le jugement déféré,

— au subsidiaire, de juger que le licenciement procède d’une cause réelle et sérieuse,

— en tout état de cause, de confirmer le jugement en ce qu’il a accueilli sa demande reconventionnelle, d’ordonner éventuellement la compensation légale et de condamner l’appelant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,

faisant valoir pour l’essentiel que :

— le licenciement de M. Y est exclusivement lié à des fausses notes de frais que le salarié s’est fait rembourser par son employeur ; c’est à l’occasion de la remise des frais du mois d’août 2011 alors que le salarié était en congés payés, qu’elle a effectué un contrôle inopiné et découvert mi-septembre 2011, que M. Y avait sollicité et obtenu le remboursement de notes de frais personnelles en dehors de son temps de travail, l’enquête permettant de découvrir le caractère permanent et réitéré des fraudes sur plusieurs mois, sur un grand nombre de jours non travaillés, M. Y n’ayant pas tenu compte de la mise en garde qu’elle lui avait notifié le 29 novembre 2010 quant à son refus de prendre en charge des frais pour des manifestations non autorisées préalablement. De plus, les fausses notes de frais concernaient également toute une série de faits, repris à la lettre de licenciement.

— la dernière fraude date du 28 août 2011.

— elle n’a jamais eu connaissance avant le contrôle, et notamment lors de leur règlement, du caractère frauduleux des notes de frais litigieuses, et n’a donc pas pu les tolérer, la sophistication de la fraude ne permettant pas de la déceler par un simple contrôle de cohérence.

— l’existence d’une faute grave n’est pas subordonnée à la mise à pied préalable à titre conservatoire.

— elle justifie de manière détaillée par ses pièces et écritures des fausses notes de frais reprochées au salarié.

— M. Y ne peut pas prétendre au paiement de commissions non convenues sur un chiffre d’affaires qui n’a pas été réalisé sur son secteur.

— c’est au titre de la répétition de l’indu, laquelle est indépendante de la faute lourde du salarié, qu’elle sollicite la restitution des sommes détournées à son détriment et encaissées par le salarié, sommes dont elle justifie du détail et du montant.

SUR QUOI, LA COUR

Sur le licenciement

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu que les faits reprochés au salarié ne sont pas couverts par la prescription, la lettre de licenciement visant notamment des faits postérieurs au 26 juillet 2011 (entre autres du 26 août 2011 pour une note de frais pendant un jour non travaillé), survenus en tout état de cause moins de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires du 26 septembre 2011. Que par ailleurs, les faits antérieurs reprochés, s’agissant toujours de fausses notes de frais, sont de même nature que les derniers faits, s’inscrivant dans un phénomène répétitif. Qu’enfin, il apparaît à l’examen des pièces produites que l’employeur, au regard des modalités de présentation des notes de frais et de leur justificatifs par M. Y, ne pouvait déceler, et n’a effectivement découvert que mi-septembre 2011, l’ensemble des faits que dans le cadre d’un contrôle approfondi diligenté à partir de début septembre 2011.

Considérant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise; qu’il appartient à l’employeur d’établir la réalité de la faute grave qu’il invoque comme cause de licenciement.

Que par ailleurs, le licenciement pour faute grave n’implique pas nécessairement la mise en 'uvre préalable d’une mise à pied conservatoire.

Considérant que par des motifs clairs et précis adoptés par la cour, les premiers juges ont retenu à XXXXXXXXXXXXXXX. Qu’il sera simplement précisé que :

— par mail du 29 octobre 2010 ayant pour objet les « frais de déplacements », M. G, directeur de la société indiquait à M. Y que : «
Ce mail a pour but de vous informer du recadrage de votre mission au sein de la
Société suite à votre étonnement quant à la correction que j’ai apportée à votre dernière note de frais.(…)

Je vous rappelle l’article IV de votre contrat de travail concernant vos missions et obligations: Avoir une présence effective, à la demande expresse de la direction de

Silkolène, dans les diverses manifestations sportives.

Or je ne vous ai jamais demandé d’assister à un grand prix à l’étranger ou de vous rendre sur un salon hormis les JPMS ou le grand prix de
France.

Dorénavant vous ne serez remboursé que des frais relatifs à la visite de votre clientèle. les autres seront soumis à mon accord préalable ou à celui de Pascal
Brotonne.

Je serais aussi extrêmement vigilant quant à l’utilisation de votre véhicule de société pour ce type de déplacements. Je n’ai évidemment ni l’intention ni le droit d’intervenir sur la façon dont vous occupez vos loisirs à la condition que cela ne se fasse pas au détriment de la Société, financièrement ou en temps de travail.

Sincères salutations.(…) », M. Y n’ayant fait valoir aucune observation ou remarque suite à ce mail.

— si M. Y avance que ses présences en dehors de son secteur, ainsi qu’à l’occasion de manifestations sportives lors des week-end étaient parfaitement autorisées par son employeur, ou qu’à tout le moins elles étaient, par les mentions portées sur les notes de frais, connues de celui-ci qui les a ainsi tolérées et ne peut lui les reprocher à faute après coup, il résulte au contraire des productions qu’aucun accord préalable n’a été donné au regard des notes de frais visées à la lettre de licenciement et que l’employeur ne pouvait déceler par un simple contrôle de cohérence la réalité recouverte par celles-ci au regard des modalités de présentation des notes de frais et de leur justificatifs par M. Y (absence de présentation chronologique des notes et justificatifs, et établissement par M . Y de fiches de visites ne mentionnant pas les déplacements réellement effectués).

— l’un des cas les plus patents de « fausses notes de frais » correspond à la journée du 08 avril 2011 au titre de laquelle le salarié, demeurant
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX, déplacement privé dissimulé à l’employeur puisque M. Y a volontairement et uniquement indiqué sur sa feuille de route correspondant à la note de frais avoir travaillé toute la journée sur Rennes au titre de visites auprès de six clients pour un total de 260 km (pièce n°80 de l’appelante).

— la fiche de frais du 18 mai 2011 liée au déplacement à Pornic-44- est irrégulière du fait des incohérences (visées comme telles à la lettre de licenciement) établies entre les distances et les temps de trajet (et non en raison d’un déplacement hors secteur).

— ces « fausses notes de frais » avérées constituent la cause réelle du licenciement de M. Y, indépendamment et sans lien avec les dysfonctionnements de livraisons et d’approvisionnement de la clientèle dont le salarié s’était plaint en septembre 2010 à sa

direction, dont il ne résulte nullement des productions qu’elle avait suite à ce fait « prémédité » une rupture à partir de début 2011, le fait que la société n’ait pas procédé jusqu’alors à l’entretien annuel d’évaluation 2011 de M. Y étant insuffisant à y pourvoir, alors qu’au surplus il n’apparait pas des productions (pièce n°46 de M. Y) que l’appelant ait été le seul VRP à n’avoir pas fait l’objet d’un tel entretien jusqu’alors.

— compte tenu d’une part de leur multiplicité et de leur montant, d’autre part de leurs modalités de présentation par M. Y ayant sciemment et de façon généralisée rédigé des fiches de visites et feuilles de route inexactes, les irrégularités répétées volontairement par M. Y, établies sur la période allant du 25 janvier au 26 août 2011, à l’effet d’obtenir le remboursement de notes de frais injustifiées caractérisent, et ce quelque soit son ancienneté de plus de 20 ans dans l’entreprise, à l’encontre de M. Y une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, peu important qu’il n’ait pas été immédiatement « écarté de son poste » au moment de la découverte des faits fautifs, lesquels ont entrainé l’engagement des poursuites disciplinaires dans un court délai suivant leur exacte connaissance.

Que dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit le licenciement de M. Y fondé sur une faute grave et débouté en conséquence celui-ci de ses demandes d’indemnités fondées sur un licenciement abusif.

Sur les commissions dues au titre des référencements

Considérant que si il n’est pas contesté que Monsieur Y a été à l’initiative de référencements au niveau national auprès de centrales d’achats, cette activité n’était pas prévue au contrat de travail; qu’il n’a donc été à ce titre commissionné que sur les seules ventes réalisées par les magasins situés sur son secteur ; que par ailleurs, et malgré des échanges passés entre M. Y et son employeur entre 2004 et 2009, aucun accord n’est intervenu entre eux sur la fixation d’une prime basée sur cette activité, l’employeur rappelant d’ailleurs en 2009 à M. Y qu’il n’avait pas mission de procéder à de tels référencements dont il a cependant bénéficié « par le biais de nouveaux clients ». Que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. Y à ce titre.

Sur la prime d’intéressement 2011

Considérant que si M. Y sollicite une somme de 1 900 au titre d’une prime d’intéressement 2011, il n’articule nullement à ses écritures une telle demande, ni même ne l’étaye par ses pièces, la pièce n°17 visée à ses écritures correspondant d’ailleurs à un « carnet d’entretien et de garantie
Opel ». Que sa demande à ce titre sera, par voie de confirmation, rejetée.

Sur la demande reconventionnelle en remboursement des sommes indûment perçues par M. Y

Considérant que la société sollicite le remboursement par le salarié des sommes indûment perçues par celui-ci au titre des fausses notes de frais ; qu’en demandant un tel remboursement sur le fondement de la répétition de l’indu, la société n’exerce pas une action engageant la responsabilité pécuniaire du salarié. Que dès lors, alors même que le salarié n’aurait pas commis de faute lourde ou que celle ci n’aurait pas été invoquée par l’employeur, la société est recevable à solliciter le remboursement par M. Y de toute somme indûment perçue par ce dernier même en conséquence d’un comportement fautif fondant le licenciement.

Que les fausses notes de frais sont établies en leur principe au titre des surfacturations de carburant (au regard du kilométrage parcouru), du double remboursement de mêmes tickets, de pleins de carburant supérieurs à la capacité du réservoir du véhicule de service (ou du véhicule de location de remplacement mis à disposition du salarié qui n’avait dès lors pas à recourir à d’autres véhicules pour ses déplacements professionnels), cartes bleues « étrangères » (justificatifs de paiement CB

correspondant à 19 cartes bancaires différentes) et frais non justifiés (à l’occasion des déplacements hors secteur ou hors temps de travail).

Que la société justifie poste par poste ( pièce n°235 de ses productions) du montant des sommes ainsi indûment perçues pour un montant total de 11 501,88.

Que cependant, si la société sollicite également le « remboursement du salaire fixe indûment perçu pendant les jours non travaillés » (à hauteur de 812,24 ), il apparaît que le contrat de travail prévoit un « traitement fixe mensuel brut » « en rémunération des services et des responsabilités qui y sont attachées », sans référence à un quelconque horaire à respecter ou à réaliser, et ce même si le salarié devait informer la société de son programme de tournée et de son emploi du temps, seul en définitive la réalisation d’un chiffre d’affaires annuel minimum étant imposée au salarié ; qu’au surplus, l’employeur reconnaissait à M. Y, par le contenu du mail de son directeur régional du 07 janvier 2009 (pièce n°47 du salarié) « une quasi liberté d’emploi du temps ». Que dans ces conditions, la société ne saurait obtenir, sous couvert de répétition de l’indu et alors que le traitement fixe du salarié lui a été réglé, le remboursement de journées ou demi-journées non travaillées ; que le jugement sera infirmé sur ce point, la condamnation à remboursement au titre de la répétition de l’indu devant être limitée à un montant total de 11 501,88.

Sur les autres demandes

Qu’il n’apparait pas inéquitable de laisser à la société la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel

Que succombant pour l’essentiel en son appel, M. Y est tenu comme tel aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition du greffe,

INFIRME le jugement déféré sur le montant de la condamnation de M. Y en remboursement de l’indu.

ET statuant à nouveau de ce chef :

— Condamne M. Y à payer à la SA FUCHS LUBRIFIANT France la somme totale de 11 501,88.

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus.

Y ADDITANT

— Déboute la SA FUCHS LUBRIFIANT France de sa demande de frais irrépétibles en cause d’appel.

— Déboute M. Y de sa demande en frais irrépétibles.

— Condamne M. Y aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Rennes, 30 novembre 2016, n° 15/05052