Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 15 novembre 2011, n° 11/01827

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Chronologie de l’affaire

Commentaires9

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Me Timo Rainio · consultation.avocat.fr · 24 avril 2020

L'e-réputation pour une entreprise ou un chef d'entreprise correspond à la perception de son image et de ses activités par les internautes via les informations et actualités diffusées sur les internet. Une multitude de lois peuvent s'appliquer en fonction du contexte et des circonstances : LCEN, loi de la presse, responsabilité civile, RGPD...etc.. La jurisprudence concernant l'e-réputation en ligne évolue régulièrement, favorisée, notamment par les innovations permanentes des entreprises du net à travers les services Google Suggest ou les sites internet de mise en relation. …

 

www.pechenard.com · 23 février 2018

Le contenu de conversations échangées via la messagerie du réseau social Facebook entre une salariée et une ancienne collègue n'est plus nécessairement privé, de sorte que l'employeur peut produire loyalement ces messages en justice pour fonder un licenciement sous certaines conditions. En effet, par un arrêt du 2 février 2018, la cour d'appel de Toulouse a été amenée à se prononcer sur la problématique suivante : le contenu de la messagerie Facebook d'un salarié utilisant l'ordinateur mis à sa disposition par l'entreprise est-il public lorsque le salarié laisse délibérément sa session …

 

dsf.hypotheses.org · 19 décembre 2013

Note sous Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, n° 11-19.530 réalisée par Charline MOULIN sous la direction de Céline Leborgne-Ingelaere, Maître de conférences à l'Université de Lille 2, CRDP-LEREDS. Tenir des propos insultants sur des réseaux sociaux ne constitue pas un acte d'injure publique dès lors qu'ils sont publiés au sein d'une communauté d'intérêt. Il convient toutefois de déterminer si ceux-ci peuvent être qualifiés d'injure non publique. Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 10 avril 2013 (Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, n° …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 15 nov. 2011, n° 11/01827
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 11/01827
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Le Havre, 14 mars 2011
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G. : 11/01827

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 15 NOVEMBRE 2011

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE du 15 Mars 2011

APPELANTE :

Mademoiselle A Y

XXX

XXX

représentée par Me Hugues LENORMAND, avocat au barreau du HAVRE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/007372 du 01/09/2011 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMEE :

Société VAUBADIS

Centre E. Z

XXX

XXX

représentée par Me Amélina RENAULD, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Constance CHALLE-LEMARESCHAL, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 06 Octobre 2011 sans opposition des parties devant Monsieur SAMUEL, Conseiller, magistrat chargé d’instruire l’affaire, en présence de Monsieur HAQUET, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PAMS-TATU, Président

Monsieur SAMUEL, Conseiller

Monsieur HAQUET, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme VION-ACAR, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 06 Octobre 2011, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2011

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 15 Novembre 2011, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame PAMS-TATU, Président et par M. GEFFROY, Greffier présent à cette audience.

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par contrat à durée déterminée, Melle Y a été embauchée, à compter du 7 octobre 2009, par la société VAUBADIS (à l’enseigne Z), en tant qu’hôtesse de caisse – employée commerciale, à temps partiel. A compter du 1er janvier 2010, le contrat est devenu à durée indéterminée, toujours à temps partiel (27,50 heures, correspondant à 26,19 heures de travail effectif par semaine).

Par lettre recommandée avec avis de réception du 15 mars 2010, elle a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 20 mars 2010, avec mise à pied conservatoire. Aux termes d’une deuxième convocation, l’entretien a été reporté au 22 mars 2010.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 8 avril 2010, elle a été licenciée pour faute grave, au motif que dans la semaine du 8 au 13 mars 2010, la société avait eu connaissance, après vérification, de propos injurieux et calomnieux qu’elle avait tenus ou soutenus sur le site Facebook vis à vis de la société et de ses supérieurs hiérarchiques.

La lettre de licenciement est annexée au présent arrêt.

Mlle Y a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes du HAVRE, qui, dans un jugement du 15 mars 2011, a statué de la manière suivante :

— dit que la faute grave est constituée et que le licenciement est fondé,

— déboute Mlle A Y de l’intégralité de ses demandes,

— déboute également la SAS VAUBADIS de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en raison de la situation économique de Mlle Y,

— condamne Mlle Y aux éventuels dépens et frais d’exécution du présent jugement.

Mlle Y a interjeté appel et, faisant développer à l’audience ses conclusions du 15 septembre 2011 auxquelles il est renvoyé pour exposé exhaustif, demande à la Cour de :

— dire recevable et bien fondé l’appel de Mlle Y ;

— réformant le jugement entrepris ;

— dire que le licenciement de Mlle Y ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et est abusif ;

— en conséquence,

— condamner la société VAUBADIS à payer à Mlle Y :

5.728,35 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

2.111,34 € à titre de préjudice moral distinct,

1.055,67 € à titre d’indemnité de préavis,

105,56 € à titre de congés payés sur préavis,

541,40 € à titre de remboursement de la mise à pied conservatoire ;

— condamner la société VAUBADIS aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir, pour l’essentiel, au soutien de ses prétentions :

— que les propos ont été tenus en dehors des heures de travail, alors qu’elle se trouvait à son domicile personnel ;

— que les propos tenus s’inscrivent dans ce qui est admissible au regard de la liberté d’expression, même vis à vis de son employeur ;

— qu’ils n’ont pas été portés à la connaissance de clients ou de fournisseurs ;

— qu’il convient de prendre en compte l’équilibre entre le domaine de la vie privée du salarié et l’intérêt légitime de l’entreprise ; que l’article L. 2281-1 du code du travail autorise les salariés à s’exprimer sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail ; que l’employeur ne peut fonder un licenciement sur le contenu d’une correspondance privée ; que les écrits diffusés sur un réseau communautaire virtuel doivent relever de la même protection ; que si Facebook est un espace mi-public, mi-privé, comme l’a relevé le conseil de prud’hommes, le caractère privé doit l’emporter ;

— qu’il n’est pas prouvé qu’un trouble objectif caractérisé aurait été apporté à l’entreprise.

La société VAUBADIS, faisant également développer à l’audience ses conclusions du 5 septembre 2011auxquelles il est renvoyé pour exposé exhaustif, demande, pour sa part, à la Cour de :

— confirmer le jugement ;

— juger que le licenciement pour faute grave est fondé ;

— débouter Mme Y de l’intégralité de ses demandes ;

— la condamner à verser à la société VAUBADIS la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient, en particulier, à cet effet :

— qu’un fait tiré de la vie privée peut constituer un motif de licenciement ; que la correspondance n’est plus privée dès lors qu’elle est diffusée, le principe de confidentialité des correspondances ne jouant plus ; que le salarié est tenu à une obligation de loyauté et de discrétion ; que la liberté d’expression reconnue au salarié n’est pas sans limite ; qu’il doit s’abstenir de tout propos diffamatoire, injurieux ou excessif ;

— que la jurisprudence a tiré les conséquences de ces principes sur les nouvelles technologies de l’information et des communications, notamment dans un cas où des propos avaient été tenus par un salarié sur la page d’un réseau social qui avait été paramétré par son auteur pour en permettre le partage avec ses amis et leurs amis ;

— que la jurisprudence dénie à Facebook le caractère d’un espace privé ; que les propos échangés sur Facebook doivent être considérés comme des propos publics qui peuvent être invoqués à l’appui d’une sanction disciplinaire ; que les propos tenus sont en l’espèce injurieux et calomnieux tant pour l’entreprise que pour la responsable des salariées en cause ; que le dénigrement de la société en donne une image préjudiciable ; que la responsable est présentée comme incompétente et fainéante ; que ces propos causent un trouble au sein de l’entreprise et à l’une de ses collaboratrices.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mlle Y a échangé sur le réseau Facebook, avec Mlle X et quatre autres salariées de la société VAUBADIS, des propos relatifs à leur entreprise et leur hiérarchie, en dehors du temps et du lieu de travail et en usant de moyens techniques dont il n’est pas allégué qu’ils auraient été mis à leur disposition par l’employeur.

Mlle X ayant invité ces collègues à 'cracher (leur) haine sur certaine pouf de Z et contre Z tout court', Mlle Y s’est ainsi exprimée : '(…)Marre de cette ambiance merde des pétasses qui parlent sur notre gueule sans cesse de tout le temps faire les fermetures et d’être traités comme des chiens fais chier Z (…)'.

L’employeur ayant licencié Mlle Y en invoquant une faute grave, c’est sur lui que pèse la charge de la preuve.

Or, contrairement à ce qu’il soutient, il ne peut être affirmé de manière absolue que la jurisprudence actuelle nie à Facebook le caractère d’espace privé, alors que ce réseau peut constituer soit un espace privé, soit un espace public, en fonction des paramétrages effectués par son utilisateur.

A cet égard, aucun élément ne permet de dire que le compte FACEBOOK tel que paramétré par Mlle Y ou par les autres personnes ayant participé aux échanges autorisait le partage avec les 'amis’ de ses 'amis’ ou tout autre forme partage à des personnes indéterminées, de nature à faire perdre aux échanges litigieux leur caractère de correspondance privée.

L’existence d’un tel paramétrage ne résulte ni des mentions figurant sur la copie de la page Facebook litigieuse, ni de la seule circonstance que cinq autres salariées ont participé aux échanges. Elle ne peut davantage être déduite de la manière dont l’employeur a pris connaissance des propos échangés, ce dernier n’ayant pas précisé les conditions dans lesquelles il s’en était procuré la reproduction, de telle sorte qu’il ne peut être exclu qu’elle provienne de l’une des personnes ayant seules participé aux échanges.

Le jugement sera donc infirmé et le licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse.

La société VAUBADIS sera condamnée à payer à Mlle Y les sommes de :

1.200 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1.151,80 € à titre d’indemnité de préavis, outre 115,18 € au titre des congés payés y afférents,

970,38 € au titre de la mise à pied conservatoire.

En revanche, faute de justifier d’un préjudice moral distinct, Mlle Y sera déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

La salariée bénéficiant de l’aide juridictionnelle totale, l’équité ne commande pas de lui allouer une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Aucune demande en application de l’article 37 alinéas 2 et suivants de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens n’a par ailleurs été formulée par son avocat.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté la société VAUBADIS de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société VAUBADIS à payer à Mlle Y les sommes de :

1.200 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1. 055,67 € à titre d’indemnité de préavis, outre 105,56 € au titre des congés payés y afférents,

541,40 € au titre de la mise à pied conservatoire,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société VAUBADIS aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 15 novembre 2011, n° 11/01827