Cour d'appel de Versailles, 28 janvier 2016, n° 14/00924

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 28 janv. 2016, n° 14/00924
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/00924
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 6 novembre 2013, N° 12/05374

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50A

3e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 28 JANVIER 2016

R.G. N° 14/00924

AFFAIRE :

F X

C/

SCP CHOIX GALLOT LAVALLEE ET LAPEZE KERMARREC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Novembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 02

N° RG : 12/05374

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Pierre GUTTIN

Me Barthélemy LACAN

Me Pascale REGRETTIER-

GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-

FLICHY-MAIGNE-

DASTE & ASSOCIÉS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

1/Monsieur F X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20140052

Représentant : Me Jérôme PERON, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

APPELANT

2/ Monsieur A, K, L B

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 – N° du dossier 14000052

Représentant : Me Nicolas FILIPOWICZ de la SELARL Cabinet FILIPOWICZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1042

APPELANT ET INTIME


1/ SCP CHOIX GALLOT LAVALLEE ET LAPEZE KERMARREC, titulaire d’un office notarial

N° SIRET : D 441 087 566

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Barthélemy LACAN, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435

INTIMEE

2/ Madame H-I J épouse Y

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 408 – N° du dossier 1400425

Représentant : Me Philippe HÉRAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0174

XXX

3/ SARL AGENCE DE NEUILLY

N° SIRET : 480 036 482

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

4/ SCP CLERC-BEURIOT-JUBAULT- CHAUSSE, titulaire d’un office notarial

N° SIRET : 785 424 292

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 017237

Représentant : Me Barthélemy LACAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435

XXX

5/ Monsieur D Y

né le XXX à FONTAINEBLEAU

XXX

XXX

Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 408 – N° du dossier 1400425

XXX

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Décembre 2015 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller, et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Julie-Valérie FAURE


FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 8 novembre 2010, reçu par Me Choix, notaire, M. B a acquis de M. X le lot 180 situé au premier sous-sol d’un bâtiment sis à Neuilly sur Seine, pour un prix de 169.000 euros.

Se plaignant de ce que le local ainsi acheté devait être considéré comme un cellier ne pouvant être transformé en local d’habitation, M. B a fait assigner, en avril et mai 2012, son vendeur et le notaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre en annulation de la vente pour dol et paiement de dommages-intérêts.

M. X n’a pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 7 novembre 2013, le tribunal a :

déclaré recevable la demande en nullité,

constaté que le local vendu le 8 novembre 2010 à M. B est considéré réglementairement comme un cellier ne pouvant être transformé en local d’habitation,

annulé, pour manoeuvres dolosives de M. X, la vente du 8 novembre 2010,

condamné M. X à restituer à M. B la somme de 169.000 euros au titre du prix de vente,

condamner la SCP Choix à restituer à M. B la somme de 8.206 euros au titre des frais de mutation outre les frais de la vente et ceux qui en sont la suite et conséquence,

condamné 'M. X à payer à M. B la somme de 10.000 euros à titre de préjudice moral en réparation de son manquement au devoir de conseil du notaire',

condamné la SCP Choix à garantir dans la limite d’un tiers les condamnations prononcées à l’encontre de M. X,

condamné in solidum M. X et la SCP Choix à régler à M. B la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,

ordonné l’exécution provisoire.

M. X a interjeté appel de cette décision à l’encontre de M. B et de l’office notarial. Puis, M. X, qui avait lui-même acquis le bien en cause le 16 mai 2008 des époux Y, par l’intermédiaire de l’Agence de Neuilly, suivant acte authentique dressé par la SCP Clerc Beuriot Leroy Jubault les a tous fait assigner en intervention forcée le 29 avril 2014, en sollicitant l’annulation de la vente du 16 mai 2008, la condamnation des époux Y à le garantir de toute condamnation et celle de l’agence immobilière et de la SCP Z à lui verser 15.000 euros en réparation de son préjudice moral.

Aux termes de conclusions du 4 juillet 2014, il demande à la cour de :

In limine litis :

constater la nullité de l’assignation qui lui a été délivrée à la demande de M. B et, en conséquence, de débouter purement et simplement M. B de l’ensemble de ses demandes,

ordonner la jonction des instances enrôlées sous les n° RG 14/00924 et 14/01015,

juger recevable l’appel en garantie dirigé contre M et Mme Y, la société Clerc-Beuriot-Leroy-Jubault et la société Agence de Neuilly,

A titre principal':

juger qu’il n’a procédé à aucune man’uvre ayant vocation à tromper M. B, et, en conséquence, débouter purement et simplement ce dernier de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour retenait l’erreur de M. B sur les qualités substantielles du lot n° 180 acquis :

prononcer la nullité de son propre acte d’acquisition pour vice de son propre consentement,

condamner les consorts Y à lui restituer le prix versé et les frais d’acquisition afférents, soit la somme de 104.836 euros,

condamner les consorts Y à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de M. B au-delà de 104.836 euros.

A titre infiniment subsidiaire':

condamner solidairement la société Agence de Neuilly et les SCP Clerc-Beuriot-Leroy-Jubault et la SCP Choix-Gallot-Lavallee-Lapeze-Kermarrec à lui verser les sommes de :

64.164 euros en cas de nullité des deux actes de vente des 16 mai 2008 et 8 novembre 2010,

169.000 euros en cas de nullité du seul acte de vente du 8 novembre 2010.

Et ce, en réparation du préjudice matériel qu’il va subir de leur fait.

En toute hypothèse':

débouter Mme Y et la SCP Choix de leurs demandes formulées à son encontre,

condamner solidairement la société Agence de Neuilly et les SCP Clerc-Beuriot-Leroy-Jubault et la SCP Choix-Gallot-Lavallee-Lapeze-Kermarrec à lui verser la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice moral, la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec recouvrement direct.

M. B a interjeté appel à l’encontre de la SCP Choix Gallot Lavallée et Lapeze Kermarrec.

Les instances ont été jointes.

Par conclusions du 3 juillet 2014, M. B demande à la cour de :

débouter M. X et la SCP Choix et Associés de leurs demandes,

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a’ annulé pour vice du consentement de M. X la vente reçue le 8 novembre 2010 par Me Choix, notaire associé, condamné M. X à lui restituer la somme de 169.000 euros, condamné la SCP Choix et Associés à lui restituer la somme de 8.206 euros au titre des frais de mutation outre les frais de la vente et ceux qui en sont la suite et conséquence que la SCP Choix et Associés a perçus,

l’infirmer pour le surplus, et, statuant à nouveau':

condamner la SCP Choix et Associés à supporter toutes les condamnations prononcées à l’encontre de M. X,

condamner in solidum M. X et la SCP Choix et Associés à lui payer la somme de 83.000 euros à titre de dommages et intérêts,

condamner in solidum M. X et la SCP Choix et Associés à lui payer la somme de 6.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement la SCP Choix et Associés et M. X aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions du 23 juin 2014, la SCP Choix et Associés prie la cour, infirmant le jugement, de :

constater que les divers préjudices allégués par Monsieur B ne sont pas réels,

débouter M. B de ses demandes indemnitaires dirigées contre la concluante,

dire que l’indemnisation de M. B à laquelle viendrait à être condamné M. X doit rester entièrement et définitivement à sa charge en raison du dol qui serait retenu contre lui,

débouter M. X de sa demande en garantie, avancée sur le fondement de sa responsabilité prétendue, dirigée contre la concluante,

y ajoutant, condamner M. X à payer à la concluante la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner M. X, ou à défaut tout succombant, aux entiers dépens, de première instance et d’appel, avec recouvrement direct.

Dans des conclusions du 30 juin 2014, Mme Y, précise que son mari est décédé le XXX, et demande à la cour de :

juger M. X irrecevable en la présente action en intervention forcée et garantie en cause d’appel,

subsidiairement : juger M. X mal fondé en ses demandes, l’en débouter purement et simplement,

plus subsidiairement : l’accueillir en son appel en garantie dirigé à l’encontre de l’Agence de Neuilly et de la SCP Clerc-Beuriot-Leroy-Jubault pour le cas où, par impossible, seraient caractérisés par la cour des manquements de l’une ou de l’autre, et les condamner, dans cette hypothèse, selon les manquements qui leur auront été imputés, à la relever et garantir de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre au profit de M. X, les condamner pareillement dans les mêmes conditions à l’intégralité des conséquences financières pour elle d’une éventuelle annulation de la vente du 16 mai 2008,

condamner M. X à lui payer une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens avec recouvrement direct.

Aux termes de conclusions du 24 juin 2014, la SCP Clerc Beuriot Jubault Chausse demande à la cour de :

constater qu’aucune évolution du litige ne légitime son appel en intervention forcée devant la cour,

le dire irrecevable et la mettre hors de cause,

subsidiairement sur le fond, constater que M. X n’établit pas le manquement des notaires à leur devoir de conseil à l’occasion de l’acquisition du bien litigieux le 16 mai 2008, le dire mal fondé en sa prétention à son encontre et l’en débouter,

dans tous les cas, condamner M. X à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec recouvrement direct.

La société Agence de Neuilly, assignée à personne, n’a pas constitué avocat.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé détaillé de leur argumentaire, dont l’essentiel sera repris à l’occasion de l’examen des moyens et prétentions qui y sont articulés.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 novembre 2015

SUR CE,

— Sur la nullité alléguée de l’assignation de M. X devant le tribunal de grande instance

M. X soutient que M. B est dans l’incapacité de démontrer que l’huissier de justice qui a délivré l’assignation devant le tribunal de grande instance à son ancienne adresse (XXX à Courbevoie) selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile a accompli les diligences suffisantes pour tenter de le rechercher, alors qu’il n’était manifestement pas difficile de trouver sa nouvelle adresse puisque la décision du tribunal lui a été signifiée à son véritable domicile, 8 place Charles de Gaulles à Courbevoie.

Dans l’acte de vente du bien en cause, M. X s’est domicilié à l’adresse du bien vendu soit XXX à Neuilly sur Seine, adresse à laquelle M. B était certain de ne pas le trouver.

Ainsi qu’il l’explique, il a choisi de faire assigner son vendeur à la seule adresse qu’il avait trouvée le concernant, sur infogreffe, M. X étant le gérant d’une société de conseil en immobilier, Immopulse, (ce que ne conteste pas l’appelant), soit XXX à Courbevoie.

A cette adresse, l’huissier, le 3 mai 2012, a dressé un procès-verbal de recherches infructueuses, après avoir indiqué :

que le gardien lui avait indiqué que M. X était parti sans laisser d’adresse,

que ses recherches dans les pages blanches de l’annuaire électronique à l’adresse indiquée, puis dans les Hauts de Seine étaient restées vaines,

que l’adresse à laquelle il s’était rendu correspondait bien à celle de F X, telle qu’elle figurait sur un extrait kbis du 17 avril 2012.

Dans ces conditions, il apparaît que l’huissier a effectué toutes les diligences possibles pour trouver le destinataire de l’acte.

Il n’y a pas lieu de s’étonner que sa véritable adresse ait été retrouvée une fois le jugement rendu, dès lors que l’huissier de justice chargé de l’exécution, porteur d’un titre exécutoire, peut s’adresser directement au tiers susceptible de lui communiquer l’adresse du débiteur, l’identité et l’adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles.

Dans ces conditions, aucun élément ne permet de remettre en cause la régularité de la signification de l’assignation de M. X le 3 mai 2012 devant le tribunal de grande instance de Nanterre et il sera débouté de sa demande d’annulation dudit acte.

— Sur la vente du bien à M. B

Aux termes de l’article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ; le dol ne se présume pas, il doit être prouvé.

Il est de principe que le dol peut-être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter.

Le dol est sanctionné de deux manières qui reflètent son double aspect :

par l’annulation du contrat, s’agissant d’un vice du consentement,

par la réparation du préjudice, s’agissant d’un délit civil.

M. X conteste avoir fait usage de la moindre manoeuvre dolosive à l’égard de M. B en lui vendant le bien en cause dès lors que :

— il a utilisé ce bien comme un studio, équipé comme tel,

— il s’est contenté de reprendre la description de son affectation telle qu’elle apparaissait au jour de sa propre acquisition, et telle qu’elle lui avait été présentée par ses propres vendeurs, M. et Mme Y, et telle qu’elle avait été confirmée par le rédacteur de l’acte de vente, la SCP Clerc Bleuriot Leroy Jubault, les vendeurs ayant en outre donné des diagnostics, mesurage et informations tels que ceux requis en matière de bien à usage d’habitation, une taxe d’habitation étant d’ailleurs payée.

Il souligne donc que dans ce contexte, il n’avait aucune raison de douter de l’affectation légale du local.

Il indique qu’en tout état de cause, vu l’ancienneté du changement de destination de ce bien initialement à usage de cellier, le syndicat des copropriétaires ne peut contraindre M. B à rendre au bien son usage initial et qu’il ne subit donc aucun préjudice.

Dans la promesse de vente du bien en cause, établie par Me Lapeze-Kermarrec, notaire au sein de la SCP Bernard Choix, le 30 août 2010, sous le titre 'affectation’ il est indiqué : les biens sont actuellement affectés à usage d’habitation. Il est précisé par le promettant que cette affectation n’est pas en contravention avec les dispositions du règlement de copropriété sur la destination des locaux. Le bénéficiaire déclare qu’il entend les affecter à usage d’habitation.

Dans l’acte de vente du 8 novembre 2010, le bien vendu, lot n°180, était ainsi décrit : Dans le bâtiment C, au premier sous-sol, un local éclairé par un soupirail. Suivait notamment, en page 7, une mention relative à l’exonération des plus-values, la vente portant sur la 'résidence principale’ du cédant, en page 9 il était fait référence au fait que le bien était destiné à l’habitation, en page 12 à ce que le vendeur 'n’a pas modifié la destination des biens en contravention tant des dispositions du règlement de copropriété que des dispositions légales, que la consistance des biens vendus n’a pas été modifiée de son fait tant par une annexion ou une utilisation irrégulière privative de parties communes que par une modification de leur destination', puis en page 24, il était indiqué que le bien est 'actuellement à usage d’habitation'.

Dans l’acte de vente entre les époux Y et M. X, le bien était décrit de la même manière, mais il n’était nul part fait état d’un usage d’habitation, puisqu’en page 13, sous le titre 'concernant la destination du bien', il était indiqué : l’acquéreur déclare qu’il destine les biens et droits immobiliers objet des présentes à un usage principal de local.

Il avait d’ailleurs été précisé dès la promesse de vente qui avait précédé cette vente que le droit de rétractation de l’acquéreur prévu par l’article L 271-1 du code de la construction et de l’habitation ne s’appliquait pas, 'le bien n’étant pas destiné à usage d’habitation', et que les dispositions du code de la consommation sur le recours à un prêt ne l’étaient pas non plus, la vente portant sur un bien 'non destiné à un usage d’habitation'.

Il n’est pas neutre de rappeler que ce local avait été acquis en avril 2005 par les époux Y au prix de 72.500 euros, qu’ils l’ont revendu en mai 2008 à M. X au prix de 95.000 euros et que M. X l’a lui-même revendu à M. B au prix de 169.000 euros, qui correspond au prix d’un bien à usage d’habitation et non au prix d’un cellier.

Par courrier du 27 décembre 2010 du syndic de la copropriété, il a été rappelé à tous les copropriétaires que 'les locaux situés au 1er sous-sol de l’immeuble ne peuvent recevoir d’autres affectations que celles prévues au permis (cave et celliers)'.

Le 21 novembre 2011, le syndic répondant à M. B qui sollicitait l’installation d’un interphone, lui a indiqué que les locaux en sous-sol étaient considérés comme des celliers et ne pouvaient être transformés en locaux d’habitation.

Le 21 janvier 2013, l’Agence Régionale de Santé Ile de France a écrit à M. B : l’inspection des locaux situés au 1er sous-sol du bâtiment C de la résidence le Velasquez a permis de constater que plusieurs de ces locaux étaient mis à disposition à des fins d’habitation à titre gratuit ou onéreux par leurs propriétaires. Comme l’indique le réglement de copropriété ainsi que les plans de construction de l’immeuble, ces locaux sont des resserres situés en sous-sol et qui relèvent de l’application de l’article L 1331-22 du code de la santé publique qui interdit la mise à disposition à des fins d’habitation des locaux impropres par nature à l’habitation. Je vous informe donc qu’il vous est interdit de mettre à disposition, que ce soit à titre gratuit ou onéreux, le local que vous possédez dans ce sous-sol sous peine de faire l’objet d’une procédure administrative d’interdiction d’habiter'.

Il résulte de ce courrier que seul M. B peut habiter dans le bien en cause.

M. X n’est pas tout à fait un novice dans le domaine de l’immobilier puisqu’il était encore, le 17 avril 2012, le gérant d’une société Immopulse, immatriculée le 6 mars 2006, dont l’activité était 'la prospection, le conseil et l’aide à l’investissement dans le domaine de l’immobilier, consulting ou marketing de l’immobilier, transactions'. Titulaire par ailleurs d’un master II en droit immobilier, il enseigne en MBA.

La circonstance que les époux Y aient fait procéder à un mesurage du bien selon la loi Carrez, et à certains diagnostics ne signifie nullement qu’ils vendaient un bien à usage d’habitation, pas plus que le fait qu’ils aient réglé une taxe d’habitation pour ce lot, ce type de bien (cellier, garage …) étant systématiquement taxé de ce chef dès lors qu’il est situé à moins d’un kilomètre de l’habitation de son propriétaire, ce qui était le cas pour les époux Y qui habitaient un appartement dans le même immeuble.

Le 23 mars 2011, l’administration fiscale a d’ailleurs écrit à M. B que 'la description du local transcrite dans l’acte ne correspond pas aux éléments retenus par notre service jusqu’à ce jour pour le calcul de la valeur locative cadastrale', et il a vu passer la taxe foncière à 350 euros.

M. X ne saurait donc sérieusement prétendre avoir ignoré qu’il avait acquis un bien qui n’était pas destiné à l’habitation qu’il a revendu comme un bien à usage d’habitation, au mépris de l’affectation définie par le règlement de copropriété, en réalisant une plus-value extraordinaire, précisément rendue possible par la dissimulation de l’usage juridiquement prévu de ce bien.

C’est donc à raison que le tribunal a retenu à son encontre la commission d’un dol et a prononcé l’annulation de la vente.

— Sur la responsabilité de la SCP Choix & Associés

La SCP Choix & Associés ne discute pas le principe de sa responsabilité mais le montant des sommes mises à sa charge.

La cour adopte donc les motifs des premiers juges qui ont parfaitement caractérisé la faute du notaire qui n’a pas effectué les vérifications d’usage et n’a pas attiré l’attention de l’acquéreur sur la nature et l’affectation réelle du bien vendu qu’un simple examen du règlement de copropriété révélait.

— Sur les dommages-intérêts sollicités par M. B

La restitution du prix de vente conséquence de l’annulation de celle-ci et de la restitution du bien ne saurait être mise à la charge du notaire, sauf insolvabilité avérée du vendeur, qui n’est ni alléguée ni démontrée en l’espèce.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Le notaire sera seulement condamné à supporter in solidum avec M. X les dommages-intérêts mis à sa charge, dès lors que le dol a été rendu possible par son propre manquement.

S’agissant des 'frais de mutation outre les frais de vente et ceux qui en sont la suite', alloués par le tribunal à hauteur de la somme de 8.206 euros, cette somme (qui est en fait de 8.602 euros) correspond en réalité aux seuls droits de mutation tels qu’ils sont récapitulés en page 8 de l’acte de vente.

Or, il est de principe que ces droits de mutation sont remboursés à l’acquéreur en cas d’annulation de la vente.

M. B prétendant avoir versé en tout une somme de 11.856 euros au titre de 'frais d’acte', il apparaît que le notaire sera condamné à lui payer la seule somme de 3.254 euros.

M. B sollicite en outre à titre de dommages-intérêts l’allocation des sommes suivantes :

remboursement des travaux d’aménagement : 4.065,62 euros (3.065,62 euros de travaux et 1.000 euros au titre de l’amélioration du bien),

frais bancaires : 9.020,62 euros,

taxes foncières : 1.076 euros,

charges de copropriété : 4.688,91 euros,

assurance de l’emprunt : 823,31 euros,

perte du bénéfice de l’avantage fiscal lié à la déduction des intérêts d’emprunt de l’impôt sur le revenu : 3.879,30 euros,

perte de chance de pouvoir acquérir un autre bien à un prix et dans des conditions de prêt équivalents : 35.000 euros,

perte du droit au 1 % logement : 4.500 euros,

préjudice moral : 20.000 euros.

La demande au titre du coût modeste des frais d’aménagement (3.000 euros) n’est pas suffisamment justifiée par les tickets de caisse versés aux débats lesquels ne permettent pas de déterminer la nature exacte des achats, ainsi que l’a justement retenu le tribunal, étant observé que si M. B a exposé quelques frais pour améliorer le bien, il a profité de cette situation pendant les années au cours desquelles il l’a occupé, de sorte que ces dépenses ne peuvent être considérées comme ayant été exposées à perte. Quant à la valorisation du bien, alors qu’il ne peut être affecté à l’habitation, il ne saurait en être tenu compte.

Au titre des frais bancaires, M. B persiste à solliciter la prise en charge des échéances de son prêt, ainsi que celles de l’assurance afférente, déduction faite de la valeur locative du bien, alors que les premiers juges ont à raison exposé que cette demande ne pouvait prospérer puisque l’annulation de la vente allait entraîner celle du prêt, de l’assurance et par suite la restitution à l’emprunteur de toutes les sommes qu’il a versées en exécution du contrat de financement. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté ces prétentions.

L’annulation de la vente a un caractère rétroactif.

M. B étant donc supposé ne jamais avoir été propriétaire du bien en cause, il est justifié de lui restituer le montant des taxes foncières (1.076 euros) ainsi que les charges de copropriété (4.688,91 euros). Le jugement sera infirmé de ces chefs.

La perte de l’avantage fiscal lié à la déduction des intérêts d’emprunt de l’impôt sur le revenu ne saurait constituer un préjudice puisqu’elle est la conséquence de l’annulation du prêt et que l’avantage fiscal n’est bien sûr pas supérieur aux échéances mensuelles réglées et qui vont donner lieu à remboursement. M. B ne produit d’ailleurs pas la moindre pièce attestant de cette prétendue perte qu’il a chiffrée à 3.879,30 euros.

Le préjudice allégué relativement à la perte du 1 % patronal fait l’objet d’une présentation plutôt confuse et n’est pas corroboré par la moindre pièce. La demande à ce titre a été à raison rejetée par les premiers juges.

Enfin, c’est aux termes de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a rejeté la demande formée au titre de la perte de chance d’acquérir un bien dans des conditions comparables.

Il n’est pas justifié par M. B d’un préjudice moral, distinct de ceux d’ores et déjà réparés par l’annulation de la vente, l’allocation de dommages-intérêts et d’une indemnité au titre des frais de procédure exposés.

Le dol dont a été victime M. B est à l’origine d’un préjudice moral caractérisé par la nécessité de devoir se retrouver un logement, sans pour autant pouvoir à nouveau solliciter un crédit dès lors qu’il n’aura pas récupéré le prix de vente du bien en cause, en sorte qu’il se trouve dans une situation inconfortable et source de tracas. Il est justifié de lui allouer une somme de 5.000 euros de ce chef.

Au total c’est donc une somme de 10.764,91 euros qui doit être allouée à M. B en réparation du préjudice résultant du dol dont il a été victime.

Cette somme sera mise à la charge in solidum de M. X et de la SCP Choix et Associés.

Ni M. X, ni la SCP Choix et Associés n’ont demandé à la cour de statuer sur la répartition des responsabilités entre eux.

— Sur les demandes formées par M. X à l’encontre de Mme Y, de la SCP de notaires et de l’agence immobilière

M. X a cru pouvoir appeler en intervention forcée en cause d’appel Mme Y, la SCP Clerc Beuriot Jubault Chausse et la société Agence de Neuilly et former à leur encontre un certain nombre de demandes. Il soutient que ces mises en cause étaient justifiées par des éléments nouveaux qui se sont révélés postérieurement au prononcé du jugement, à savoir les arguments développés à son encontre par M. B et dont il n’a eu connaissance qu’en cause d’appel puisqu’il n’avait pas comparu en première instance.

Aux termes de l’article 555 du code de procédure civile les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause. Il est de principe que l’évolution du litige impliquant la mise en cause d’un tiers en cause d’appel n’est caractérisée que par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige. Cette évolution implique un changement de la situation des parties et une transformation des données du procès résultant de la révélation d’un fait ancien ou de l’apparition d’un fait nouveau, directement et étroitement lié à l’instance, susceptible de donner du litige une vision différente et déterminante pour la solution du procès.

Les arguments développés par M. B en appel, qui avaient déjà été développés devant les premiers juges, ne constituent nullement une évolution du litige, et il convient de rappeler que la non-comparution en première instance de l’auteur de l’appel en cause ne constitue pas non plus une évolution du litige, en sorte que les demandes formées à l’encontre des parties qui n’avaient pas été appelées en première instance sont irrecevables.

— Sur les autres demandes

M. X, coupable de dol, ne saurait voir la SCP Choix et Associés condamnée à lui verser le montant du prix de vente qu’il doit restituer en raison de l’annulation de la vente du bien à M. B, cette condamnation ne constituant pas un préjudice. Il ne justifie par ailleurs pas du préjudice moral qu’il invoque et sera débouté de la demande formée de ce chef à l’encontre de la SCP Choix et Associés.

Mme Y ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui résultant de l’obligation de se défendre dans la présente instance. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

— Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

M. X et la SCP Choix et Associés seront condamnés in solidum aux dépens d’appel.

Ils verseront en outre à M. B une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X versera quant à lui la somme de 3.000 euros à Mme Y et la somme de 2.000 euros à la SCP Clerc Beuriot Jubault Chausse.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Déclare irrecevables les demandes formées par M. X en cause d’appel à l’encontre de Mme Y, de la SCP Clerc Beuriot Jubault Chausse et de la société Agence de Neuilly,

Déboute M. X de sa demande d’annulation de l’assignation délivrée le 3 mai 2012 devant le tribunal de grande instance de Nanterre,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a annulé la vente du 8 novembre 2010, condamné M. X à restituer à M. B le prix de vente, soit la somme de 169.000 euros, et condamné in solidum M. X et la SCP Choix et Associés aux dépens et au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que le présent arrêt, confirmant l’annulation d’une vente immobilière, doit être publié par la partie la plus diligente au bureau de la publicité foncière,

L’infirme pour le surplus, statuant à nouveau, le complétant et y ajoutant :

Dit qu’en conséquence de l’annulation de la vente du 8 novembre 2010, M. B devra restituer le bien vendu à M. X contre le paiement du prix de vente,

Condamne in solidum M. X et la SCP Choix et Associés et à payer à M. B la somme de 10.764,91 euros à titre de dommages-intérêts,

Déboute M. B du surplus de ses demandes indemnitaires,

Déboute M. X de toutes ses demandes,

Déboute Mme Y de sa demande de dommages-intérêts,

Condamne in solidum M. X et la SCP Choix et Associés aux dépens d’appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. X et la SCP Choix et Associés à payer à M. B la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. X à payer à Mme Y la somme de 3.000 euros et à la SCP Clerc Beuriot Jubault Chausse la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Versailles, 28 janvier 2016, n° 14/00924