Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 15 juin 2017, n° 15/04857

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57B

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 JUIN 2017

R.G. N° 15/04857

AFFAIRE :

SARL OPIMMO

C/

D, E-B X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mai 2015 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 02

N° RG : 13/08243

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Gabriel RIMOUX de la SCP NAUDEIX & RIMOUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SARL OPIMMO

XXX

XXX

XXX

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 15271

Représentant : Me Laurence GUEGAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur D, E-B X

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

XXX

VIETNAM

Représentant : Me Gabriel RIMOUX de la SCP NAUDEIX & RIMOUX, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 198

Représentant : Me Sylvie KEDINGER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Avril 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET

FAITS ET PROCÉDURE

Le 8 septembre 2010, M. X a conclu avec la société Opimmo un mandat de gestion immobilière de type « privilège » portant sur un appartement situé XXX, ainsi qu’un contrat « garantie locative » destiné à lui garantir, notamment, le paiement des loyers impayés par l’adhésion au contrat de groupe souscrit par le mandataire.

En exécution du contrat de gestion, l’appartement a été donné en location à M. Y et Mme Z par contrat en date du 8 octobre 2010 à effet du 20 novembre 2010, moyennant un loyer mensuel de 1.390 euros, charges comprises.

Les trois chèques remis par les locataires lors de la conclusion du bail en règlement du prorata de loyer pour le mois de novembre 2010, du dépôt de garantie et des honoraires de l’agence sont revenus impayés suite à opposition des consorts Y Z. Les loyers postérieurs sont également restés impayés.

La compagnie d’assurance a refusé la prise en charge de ces différents impayés.

M. X a assigné ses locataires en résiliation judiciaire du bail pour défaut de paiement des loyers.

Par jugement en date du 16 avril 2012, le tribunal d’instance de Saint Maur des Fossés a condamné M. Y et Mme Z à payer à M. X la somme de 17.476,52 euros correspondant aux loyers impayés, suivant décompte au 18 novembre 2011, a fixé l’indemnité mensuelle d’occupation, a constaté la résiliation du contrat de bail et a ordonné leur expulsion.

M. Y et Mme Z ont été expulsés le 31 octobre 2012.

Le 30 septembre 2013, M. X a assigné la société Opimmo en indemnisation de son préjudice devant le tribunal de grande instance de Versailles.

Par jugement du 19 mai 2015, le tribunal a :

• dit que la SARL Opimmo a commis des fautes dans l’exécution du mandat de gestion que lui a confié M. X,

• condamné la SARL Opimmo à payer à M. X la somme de 42.885,17 euros outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2013,

• condamné la SARL Opimmo à payer à M. X la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

• condamné la SARL Opimmo aux dépens,

• ordonné l’exécution provisoire,

• débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Opimmo a interjeté appel de cette décision, et, aux termes de conclusions du 15 janvier 2016, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts au titre du temps passé à la réalisation des travaux, en conséquence :

• juger qu’elle n’a commis aucune faute,

• juger que M. X ne justifie d’aucun préjudice indemnisable par la société Opimmo,

• débouter M. X de ses demandes, fins et conclusions formées à son encontre,

• condamner M. X à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile tant au titre de la première instance qu’en cause d’appel et aux entiers dépens avec recouvrement direct.

Par conclusions du 22 février 2017, M. X demande à la cour de confirmer la décision entreprise sauf en ce qu’elle l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 5.000 euros pour l’indemniser du temps passé à la réfection de l’appartement, et condamner la société Opimmo à lui payer ladite somme et à lui verser en outre une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice subi du fait des agissements de la société Opimmo postérieurement à l’introduction de la présente instance, ainsi que la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec recouvrement direct.

Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 mars 2017.

SUR CE,

La société Opimmo soutient qu’il est faux de prétendre qu’elle ne s’est pas réellement assurée de la solvabilité des candidats à la location alors qu’elle s’est fait remettre la copie de leurs CNI, la copie de leur livret de famille, un RIB, la copie de la dernière quittance de loyer, la copie des trois derniers bulletins de salaire de M. A-Y, la copie de l’avis d’imposition 2009 de ce dernier et la copie des trois derniers bulletins de salaire de Mme Z, autant d’éléments démontrant qu’ils avaient la capacité financière de louer l’appartement puisque leurs revenus représentaient plus de trois fois le loyer. Elle conteste que les bulletins de paie de M. A-Y soient des faux et observe qu’il n’est nullement prouvé par M. X que tel soit le cas, le seul fait que ces feuilles de paie ne comportent que le nom de Y et non celui de A n’étant pas suffisant à démontrer une fraude. Elle en déduit que les pièces susdites avaient parfaitement l’apparence de documents authentiques et que dans un tel cas, elle n’a pas à poursuivre ses investigations.

Sur la garantie des loyers impayés, elle indique que le refus de prise en charge par la compagnie d’assurance ne résulte pas du défaut de souscription de l’assurance mais du fait que les locataires étaient en situation d’impayés suite à leur opposition sur leurs chèques pour vol. Elle considère donc que là non plus, aucune faute ne peut lui être reprochée.

En tout état de cause, elle conteste tout lien de causalité entre les prétendues fautes et les préjudices allégués, les loyers comme les frais de réfection de l’appartement étant dus par les locataires et non par elle, l’intimé ne démontrant pas avoir tenté sans succès de recouvrer les loyers impayés auprès des débiteurs. S’agissant des dégradations du bien, elle fait valoir que M. X ne démontre pas que la dépense exposée de 795,69 euros ait servi à la remise en état de son appartement.

Enfin, l’appelante soutient que les préjudices invoqués par l’intimé ne peuvent être qualifiés que comme une perte de chance d’obtenir le paiement des loyers et des conséquences dommageables de la location, et qu’en l’espèce, la réalité de la perte n’est pas établie.

***

L’agent immobilier, négociateur d’une opération locative, est tenu, quelle que soit l’étendue de sa mission, de s’assurer de la solvabilité des candidats à la location à l’aide de vérifications sérieuses, réalisées dans les limites prévues par l’article 22-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dans sa rédaction applicable à la date du mandat en cause.

L’intermédiaire chargé de négocier les baux doit donc faire preuve de diligence en s’informant sur la situation personnelle, professionnelle et financière des candidats à la location, en contrôlant la pertinence des informations recueillies, en appréciant la nécessité d’exiger des garanties complémentaires (notamment une caution), faute de quoi il engage sa responsabilité.

En pratique, les justificatifs généralement exigés sont les suivants : derniers bulletins de salaires et contrat de travail (à défaut attestation d’emploi), avis d’imposition, quittances de loyers et quittances EDF, relevé d’identité bancaire.

Il convient d’observer que l’appelante ne dit pas un mot de la quittance de loyer que les candidats à la location lui ont communiquée, alors qu’il est manifeste qu’il s’agit d’un faux puisqu’elle est datée du 12 octobre 2010 alors qu’elle a été remise à l’agence le 8 octobre précédent.

De même, la communication de l’avis d’imposition sur les revenus de 2008 était insuffisante à faire la preuve de la solvabilité contemporaine des locataires puisque c’est l’avis d’imposition sur les revenus de l’année 2009 qui aurait dû leur être demandé par la société Opimmo, document qui était forcément en leur possession en octobre 2010.

S’agissant des bulletins de paie de M. A dont le nom d’usage était Y, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur le doute qui devait naître ou non du fait qu’ils étaient établis sous son seul nom d’usage, il appartenait en tout état de cause à la société Opimmo qui de surcroît ne disposait pas du contrat de travail, ni d’un avis d’imposition récent, de solliciter une attestation d’emploi, laquelle aurait permis d’apprendre que M. A n’avait été employé dans la société dont il prétendait être toujours le salarié que du 6 mai au 30 juin 2010, pour un poste et un salaire sans rapport avec ceux figurant sur les faux documents qu’il a produits.

La société Opimmo ne peut donc pas sérieusement prétendre avoir effectué toutes les diligences requises afin de s’assurer de la solvabilité des locataires dans le cadre de l’obligation de moyens à laquelle elle est soumise.

Par ailleurs, il est manifeste qu’elle a également commis une faute en ne vérifiant pas que le chèque correspondant au dépôt de garantie était effectivement encaissé, ce qui était parfaitement possible sachant que le bail a été signé le 8 octobre 2010 à effet du 20 novembre 2010, et que le versement du dépôt de garantie est exigible à la signature du contrat de location et non à l’entrée dans les lieux.

C’est la société Opimmo qui a elle-même informé M. X des raisons pour lesquelles l’assurance garantissant les impayés de loyers avait refusé sa prise en charge, et ce dans un mail du 6 avril 2011 : 'le refus est motivé par 2 points : les locataires n’étaient pas à jour au moment de leur entrée (puisque nous n’avons jamais eu de règlement de leur part du fait que les chèques ont été rejetés immédiatement pour 'perte'), c’est le point n° 2 du paragraphe 'exclusion’ de la notice jointe, et il manque une pièce dans le dossier que nous avons (une attestation employeur, mais nous avons néanmoins toutes les fiches de paie)'.

La notice de la police Locapolis+ mentionne en effet au titre des exclusions de garantie 'les locataires en impayés à la date d’effet de l’adhésion du propriétaire-bailleur'.

Il est ainsi acquis que le refus de garantie de l’assureur est exclusivement imputable aux carences de la société Opimmo.

En conséquence, l’appelante est mal fondée à soutenir que le préjudice de M. X n’est constitué que d’une perte de chance puisque l’assurance avait vocation à le garantir :

• contre tous risques de loyers impayés, sans limitation de durée à compter du 1er mois où il était constaté une défaillance dans le paiement, de non-paiement des indemnités d’occupation fixées par un jugement, de non-paiement des charges et taxes et des réparations locatives,

• dans la limite de 6.000 euros, des frais de contentieux engagés pour tout litige né de l’application du bail.

Par ailleurs, la condamnation de l’agent immobilier à réparer le préjudice financier du bailleur n’est pas subordonnée à la mise en oeuvre de poursuites infructueuses contre le locataire. En l’espèce, M. X a toutefois justifié que l’huissier qu’il avait saisi pour recouvrer la dette de loyers n’avait pu obtenir aucun paiement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Opimmo à réparer l’intégralité du préjudice subi par M. X.

Le montant des loyers et indemnités d’occupation impayés jusqu’à l’expulsion des locataires n’est pas discuté, il s’élève à la somme de 35.929,02 euros.

S’agissant des dégradations locatives, au regard des photographies et du constat d’huissier versés aux débats, il est avéré que le logement (qui a été loué neuf aux consorts Y-Z) a subi des dégradations imputables aux locataires.

Outre que l’agence immobilière a commis une faute à l’origine de la non-garantie des réparations locatives par l’assureur, il convient de rappeler qu’elle a laissé entrer dans les lieux des locataires qui n’avaient pas réglé le dépôt de garantie lequel sert, précisément, à indemniser le propriétaire des éventuelles dégradations.

Il est donc légitime d’allouer à M. X la somme de 795,69 euros correspondant au coût justifié des matériaux qu’il a acquis pour les réparations.

S’il est exact que M. X ne produit pas un décompte précis du temps qu’il a passé pour remettre son bien en état, il n’est cependant pas discutable qu’il a procédé lui-même aux travaux, dans un souci d’économie, ce qui justifie une indemnisation à hauteur de 1.000 euros.

S’agissant des frais du contentieux avec les locataires, l’appelante soutient que M. X ne justifie pas les avoir réglés, sans en discuter le montant. Il résulte cependant suffisamment des pièces produites (factures de l’avocat et état de frais de l’huissier), que M. X a exposé les dépenses suivantes : 2.204,64 euros d’honoraires d’avocat, 3.105,26 euros de frais d’huissier et 850,56 euros de frais de serrurier, soit une somme totale de 6.160,46 euros.

Le jugement sera donc infirmé s’agissant du montant de la condamnation de la société Opimmo qui s’élève non pas à 42.885,17, mais à 43.885,17 euros, en raison de l’ajout d’une somme de 1.000 euros en indemnisation du temps consacré par M. X à la remise en état des lieux.

M. X sollicite en cause d’appel une indemnisation complémentaire au motif que la société Opimmo se serait particulièrement mal comportée avec lui par mesure de rétorsion après l’introduction de la présente instance.

Si le ton utilisé par le directeur de la société Opimmo dans le mail qu’il a adressé le 17 mai 2013 à

M. X, après avoir appris que ce dernier envisageait d’engager sa responsabilité, est pour le moins discourtois, voire menaçant, l’intimé ne démontre pas pour autant qu’il en est résulté pour lui un préjudice.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à sa demande complémentaire de dommages-intérêts.

Le jugement sera confirmé s’agissant du sort des dépens et frais irrépétibles.

Succombant en appel, la société Opimmo supportera les dépens y afférents et versera à M. X une somme complémentaire de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception de celle fixant à la somme de 42.885,17 euros le montant des dommages-intérêts alloués à M. X,

Statuant à nouveau de ce seul chef :

Condamne la société Opimmo à payer à M. X la somme de 43.885,17 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2013,

Y ajoutant :

Déboute M. X de sa demande de dommages-intérêts complémentaires,

Condamne la société Opimmo aux dépens d’appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Opimmo à payer à M. X la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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