Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 18 juin 2019, n° 18/02791
Chronologie de l’affaire
Commentaires • 5
Le dénigrement est le fait de jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié afin de bénéficier d'un avantage concurrentiel sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier. Il constitue un comportement déloyale prohibé au même titre que la désorganisation, le parasitisme et la confusion. Il résulte d'un abus à la liberté d'expression et vise à détruire l'avantage économique d'un concurrent. Ce comportement abusif est sanctionné sur le fondement de l'article 1240 du code civil et impose dès lors de démontrer une faute, un préjudice et un lien de …
Le dénigrement est le fait de jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié afin de bénéficier d'un avantage concurrentiel sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier. Il constitue un comportement déloyale prohibé au même titre que la désorganisation, le parasitisme et la confusion. Il résulte d'un abus à la liberté d'expression et vise à détruire l'avantage économique d'un concurrent. Ce comportement abusif est sanctionné sur le fondement de l'article 1240 du code civil et impose dès lors de démontrer une faute, un préjudice et un lien de …
Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 12e ch., 18 juin 2019, n° 18/02791 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 18/02791 |
Décision précédente : | Tribunal de commerce de Pontoise, 6 mars 2018, N° 2017F00013 |
Dispositif : | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée |
Sur les parties
- Président : Thérèse ANDRIEU, président
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties :
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
DP
Code nac : 39H
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 JUIN 2019
N° RG 18/02791 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SKT5
AFFAIRE :
E X G
C/
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 07 Mars 2018 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2017F00013
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me C LANGLET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame E X G
née le […] à […]
de nationalité Française
[…]
[…]
Représentant : Me Chantal ALANOU-FERNANDEZ de la SCP SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : T.9 – N° du dossier 1725436 par Me GONZALEZ
APPELANTE
****************
N° SIRET : 499 819 613
[…]
[…]
Représentant : Me C LANGLET de la SELARL LANGLET ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 54 – N° du dossier 18080 – Représentant : Me Igall MARCIANO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R076
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Mai 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur A B, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,
Monsieur A B, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Olympe Fenêtres est spécialisée dans la vente et l’installation de fenêtres PVC, fenêtres bois,
fenêtres aluminium, volets roulants, volets battants, portes de garage.
La société Menuiserie Confort Plus exerce des activités de commerce en bois et matériaux de construction. M.
C Y en est le gérant.
Mme X, concubine de M. Y, exerce des activités de couture et de retouche sous le nom
commercial « De fil en aiguille ».
La société Olympe Fenêtres est référencée sur le site internet Pages Jaunes.fr. Cet annuaire dispose d’une
fonctionnalité permettant aux utilisateurs d’émettre des avis sur toute entreprise référencée.
La société Olympe Fenêtres a constaté qu’un avis négatif avait été rendu le 15 mai 2013 à son sujet dans les
termes suivants « Gérant assez désagréable, fournitures et prestations chères pour le résultat ».
Un procès-verbal de constat du 26 juillet 2016 a permis d’identifier Mme X comme étant l’auteur de cet
avis considéré comme fictif par la société Olympe Fenêtres qui a assigné par actes des 12 et 20 décembre
2016, Mme X et la société Menuiserie Confort Plus devant le tribunal de commerce de Pontoise pour
en demander réparation.
Par jugement du 7 mars 2018, le tribunal de commerce de Pontoise a :
— condamné Mme X à payer la société Olympe Fenêtres la somme de 15'000 € à titre de
dommages-intérêts ;
— débouté la société Olympe Fenêtres de ses autres demandes ;
— débouté Mme X et la société Menuiserie Confort Plus de toutes leurs demandes ;
— condamné Mme X à payer à la société Olympe Fenêtres la somme de 1500 € au titre de l’article 700
du code de procédure civile ;
— déclaré Mme X et la société Menuiserie Confort Plus mal fondées en leur demande de paiement sur le
fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamné Mme X aux dépens de l’instance ;
— ordonné l’exécution provisoire du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel limité interjeté le 20 avril 2018 par Mme X du jugement en ce qu’il a :
— considéré qu’elle a commis une faute en lien direct avec le préjudice invoqué par la société Olympe Fenêtres
à savoir la baisse de son chiffre d’affaires;
— fixé le préjudice à la somme de 15'000 € et l’a condamnée à cette somme;
— en ce qu’il n’a pas constaté l’absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice ;
— condamné Mme X à payer la société Olympe Fenêtres la somme de 15'000 € à titre de
dommages-intérêts ;
— débouté la société Olympe Fenêtres de ses autres demandes ;
— débouté Mme X de toutes ses demandes ;
— condamné Mme X à payer à la société Olympe la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code
de procédure civile ;
— déclaré Mme X mal fondée en sa demande de paiement sur le fondement de l’article 700 du code de
procédure civile ;
— condamné Mme X aux dépens de l’instance ;
— ordonné l’exécution provisoire
Vu les dernières conclusions notifiées le 3 avril 2019 par lesquelles Mme X demande à la cour :
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
— d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 7 mars 2018 en toutes ses dispositions lui
faisant grief ,
Statuant à nouveau,
— dire et juger que la société Olympe Fenêtres ne rapporte pas la preuve que l’avis publié par Mme X
serait constitutif d’un acte de dénigrement fautif susceptible d’engager sa responsabilité civile délictuelle et qui
soit pour elle à l’origine d’un préjudice indemnisable,
— débouter la société Olympe Fenêtres de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de
Mme X,
— condamner la société Olympe Fenêtres à payer à Mme X la somme de 3.000 € au titre de l’article 700
du Code de Procédure Civile,
— condamner la société Olympe Fenêtres aux entiers dépens, au profit de Maître Chantal Alanou-Fernandez,
avocat, qui pourra les recouvrer directement en application de l’article 698 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 29 mars 2019 au terme desquelles la société Olympe Fenêtres
demande à la cour de :
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil
— confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise en date du 7
mars 2018;
— débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
— condamner Mme X à payer à la société Olympe Fenêtres la somme de 5.000 euros sur le fondement
de l’article 700 du code de procédure civile;
— condamner Mme X aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 avril 2019.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du
code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la faute de Mme de X
Mme X critique le jugement entrepris en ce qu’il a retenu l’intention de nuire sans caractériser un
dénigrement manifeste. Elle fait valoir que des commentaires négatifs particulièrement virulents et dénigrants
ont été émis par d’autres utilisateurs sans entraîner de poursuite par la société intimée. Elle soutient que les
faux avis de consommateurs ne peuvent constituer de fautes que s’ils présentent un caractère excessif,
disproportionné ou s’ils sont injurieux, diffamants ou dénigrants. Elle expose qu’elle n’ a fait que rapporter des
propos, ce dont elle justifie, de sorte qu’il ne peut y avoir faute de sa part.
Au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, la société Olympe Fenêtres rappelle que l’action en
concurrence déloyale peut être mise en oeuvre quel que soit le statut juridique de l’auteur de la faute alléguée.
Elle fait valoir que le dénigrement engage la responsabilité de son auteur, que tel est le cas en l’espèce
s’agissant d’un avis fictif donné sur une société qu’elle n’a jamais sollicitée.
****
Si l’acte commis par Mme Z ne peut caractériser un acte de concurrence déloyale contrairement à ce
que soutient la société Olympe Fenêtres, Mme X n’étant pas en situation de concurrence avec la société
Olympe, il n’en demeure pas moins que la responsabilité délictuelle personnelle de celle-ci peut être
recherchée pour avoir émis un avis dénigrant sur la société Olympe Fenêtres.
Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits ou servicesfournis par un tiers dans
le but de nuire.
Si le commentaire critique de services ou de prestations publié sur un site internet n’est pas en soi constitutif
d’une faute, il devient fautif lorsque son auteur n’a pas bénéficié des services et prestations critiqués
caractérisant ainsi le dénigrement.
Mme X ne conteste pas avoir émis l’avis litigieux le 15 mai 2013 rédigé en ces termes : "Gérant assez
désagréable, fournitures et prestations chères pour le résultat".
Elle ne rapporte pas la preuve d’avoir directement approché la société Olympe Fenêtres soit pour obtenir des
informations soit pour en obtenir des prestations de sorte que cet avis doit être considéré comme fictif. Il est
constitutif d’un dénigrement en ce qu’il a pour but de dissuader un client potentiel d’entrer en relation d’affaire
avec la société Olympe Fenêtres. Il importe peu que des commentaires négatifs aient été émis par des tiers ou
qu’il s’agisse de propos rapportés.
Mme X a ainsi commis une faute, susceptible d’entraîner un préjudice qu’il lui appartient de réparer.
La cour confirmera le jugement sur ce point.
Sur le préjudice
Mme X fait valoir que la société Olympe Fenêtre ne rapporte pas la preuve d’un préjudice certain, réel
et actuel ayant un lien de causalité avec le manquement reproché. Elle soutient que la baisse alléguée du
chiffres d’affaires de la société Olympe Fenêtres a d’autres causes pour origine.
La société Olympe Fenêtres expose avoir subi une baisse de son chiffre d’affaires ainsi qu’un trouble
commercial consécutifs à la publication de l’avis. Elle sollicite la confirmation du jugement qui a fixé à 15.000
euros le préjudice.
Il appartient à la société Oympe Fenêtres de rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice directement
causé par la faute de Mme X.
Sur la baisse du chiffre d’affaires et le trouble commercial
L’avis litigieux a été publié le 15 mai 2013. Il n’est pas contesté qu’il est resté en ligne sur le site PagesJaunes
pendant 3 ans.
La société Olympe Fenêtres justifie de la baisse de son chiffre d’affaires sur la période ( 619 488,11 euros en
2012 ; 441 801,24 euros en 2013 ; 379 193,36 euros en 2014; 334 296,14 euros en 2015).
Toutefois, elle ne verse pas les comptes clos et ses annexes le 31 décembre 2012 ce qui aurait permis à la cour
de s’assurer que la société Olympe Fenêtre avait exercé son activité à périmètre constant entre 2012 et 2015,
permettant une comparaison pertinente.
Elle ne verse aucun élément relatif au nombre et à la qualité des avis la concernant publié sur le site
PagesJaunes avant et après la publication litigieuse. Elle ne communique aucun chiffre sur la fréquentation de
ce site, ni sur celle de son propre site. Elle ne justifie pas d’une éventuelle corrélation entre l’émission des ces
avis et l’évolution du chiffre d’affaires. Elle n’établit pas de lien direct entre l’avis négatif et la baisse du chiffre
d’affaires .
Toutefois, le dénigrement commis par Mme X a nui à la réputation et l’image de la société Olympe
Fenêtres. La cour dispose des éléments suffisants pour fixer ce préjudice à la somme de 2 000 euros,
Le jugement sera infirmé sur le quantum du préjudice accordé.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l’indemnité de procédure et aux dépens.
Mme X sera, en cause d’appel, condamnée à verser une indemnité de procédure de 1000 euros à la
société Olympe Fenêtres ainsi qu’aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme partiellement le jugement rendu le 7 mars 2018 par le tribunal de commerce de Pontoise en ce qui
concerne la condamnation de Mme E X le montant des dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme E X à verser à la société Olympe Fenêtres la somme de 2'000 € à titre de
dommages-intérêts ;
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne Mme E X aux dépens d’appel,
Condamne Mme E X à payer à la société Olympe Fenêtres la somme de 1000 euros sur le
fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure
civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de
la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
Textes cités dans la décision
Le 22 juin 2022, le Tribunal judiciaire de Paris[1] a condamné l'émettrice de faux avis publiés sur la page Google de la société Raimondi Immobilier à verser la somme totale de 7.000€ à titre de dommages et intérêts et pour les frais de procédure en raison de propos dénigrants. Les juges rappellent à cette occasion […] Le 22 juin 2022, le Tribunal judiciaire de Paris[1] a condamné l'émettrice de faux avis publiés sur la page Google de la société Raimondi Immobilier à verser la somme totale de 7.000€ à titre de dommages et intérêts et pour les frais de procédure en raison de propos …