Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 8 juillet 2004, 03-13.260, Publié au bulletin
Chronologie de l’affaire
Résumé de la juridiction
Le droit d’agir pour le respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit, et n’est pas transmis à ses héritiers. Justifie légalement sa décision, une cour d’appel qui rejette la demande des descendants d’une famille, en réparation du préjudice que leur aurait causé la publication d’un article consacré à leur famille, en relevant que le texte litigieux, à vocation historique, s’appuyait sur des documents dont la consultation est libre et ne concernait que des personnes décédées, sans que soient cités les demandeurs, de sorte qu’aucune atteinte à la vie privée dans sa dimension familiale n’était établie.
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Sur la décision
Référence : | Cass. 2e civ., 8 juill. 2004, n° 03-13.260, Bull. 2004 II N° 390 p. 329 |
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Juridiction : | Cour de cassation |
Numéro(s) de pourvoi : | 03-13260 |
Importance : | Publié au bulletin |
Publication : | Bulletin 2004 II N° 390 p. 329 |
Décision précédente : | Cour d'appel de Chambéry, 13 janvier 2003 |
Dispositif : | Rejet. |
Date de dernière mise à jour : | 4 novembre 2021 |
Identifiant Légifrance : | JURITEXT000007048780 |
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Sur les parties
- Président : M. Ancel.
- Rapporteur : Mme Crédeville.
- Avocat général : M. Kessous.
- Cabinet(s) :
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 14 janvier 2003), qu’en juin 1988 est paru un numéro du bulletin municipal de la commune de Lovagny comportant outre un éditorial du maire M. X…, un article de M. Y… intitulé « Histoires des vieilles familles de Lovagny », consacré en partie aux membres de la famille Z… ayant vécu entre 1725 et la première moitié du siècle suivant où il était fait référence à « deux époux ayant connu une longue vie d’errance et de misère et traversé une période assez agitée » et allusion à « des séparations, des mariages consanguins, des naissances hors mariage » au cours de la même période ; qu’ estimant que cet article portait atteinte à leur vie privée comme comportant des appréciations sur la vie de leurs ancêtres, les consorts Z… ont assigné la commune de Lovagny, son maire, ainsi que M. Y… en réparation de leur préjudice moral sur le fondement des articles 9, 1382 du Code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que les consorts Z… reprochent à l’arrêt de les avoir déboutés de leur demande contre M. Y… en réparation du préjudice causé par la publication d’un article écrit par ce dernier et consacré à leur famille, alors, selon le moyen, que les renseignements relatifs aux ascendants d’une personne relèvent de la propre vie privée de cette dernière et qu’en statuant comme elle l’a fait la cour d’appel a violé les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du Code civil ;
Mais attendu que l’arrêt retient à bon droit que le droit d’agir pour le respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit, et n’est pas transmis à ses héritiers ; qu’ayant relevé que le texte litigieux, à vocation historique et s’appuyant sur des documents dont la consultation est libre, ne concernait que des personnes décédées, sans que soit cité aucun des consorts Z… présents dans la procédure, de sorte qu’aucune atteinte à la vie privée dans sa dimension familiale n’était établie, la cour d’appel a légalement justifié sa décision au regard des textes cités par le moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Z… aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives des consorts Z… et de M. X… ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatre.
Textes cités dans la décision
Par Charlotte Paillet et Rebecca Käppner Le droit d'agir pour le respect de la vie privée s'éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit. Elle n'est donc pas transmissible aux héritiers. C'est ce que vient rappeler la Cour dans un récent arrêt en date du 11 mai 2022 [1] alors que les héritiers de la propriétaire d'une villa cherchaient à reprendre l'instance de la défunte à l'encontre d'un auteur de pages web ayant publié des photos de la propriété sur des sites internet. La reprise de l'instance leur a cependant été refusée par deux fois, en Cour d'appel et …