Cour de cassation, Chambre civile 1, 6 avril 2016, 15-14.253, Inédit

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REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X…, atteint d'un cancer de la prostate, diagnostiqué en 2007, a assigné en responsabilité et indemnisation M. Y…, son médecin traitant, et l'assureur de celui-ci, la société Axa France IARD, en invoquant un retard fautif de diagnostic de sa pathologie et une absence de diligences du praticien à la suite de la transmission à celui-ci d'un compte rendu d'examen médical réalisé en 2002, au sein d'un centre de santé de la caisse …

 

Revue Générale du Droit

Contexte : Dans un arrêt rendu le 6 avril 2016, la Cour de cassation retient une erreur de diagnostic fautive dans l'hypothèse d'un diagnostic tardif du cancer de prostate. Litige : Un patient se plaint de persistance de troubles urinaires entre 2003 et 2007. Son médecin traitant lui indique que ces troubles proviennent de son traitement anti-tenseur. En réalité, le patient est atteint d'un cancer de la prostate qui ne sera diagnostiqué qu'en 2007. Il exerce une action en responsabilité à l'encontre du médecin qui est rejetée en première instance comme en appel. Le patient forme un …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. civ., 6 avr. 2016, n° 15-14.253
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 15-14.253
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Reims, 5 janvier 2015, N° 13/01202
Textes appliqués :
Articles L. 1142-1, I, R. 4127-32 et R. 4127-33 du code de la santé publique.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000032388988
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:C100355
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 6 avril 2016

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 355 F-D

Pourvoi n° C 15-14.253

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. [S] [U], domicilié [Adresse 7],

contre l’arrêt rendu le 6 janvier 2015 par la cour d’appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [O] [G], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

3°/ à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aube et de la Haute-Marne, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société Pro BTP, caisse d’assurance, dont le siège est [Adresse 5],

5°/ à la mutuelle de l’Est, dont le siège est [Adresse 2],

6°/ à l’Association nationale des maladies du cancer de la prostate (Anamacap), dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 8 mars 2016, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. [U], de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de M. [G] et de la société Axa France IARD, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. [U], atteint d’un cancer de la prostate, diagnostiqué en 2007, a assigné en responsabilité et indemnisation M. [G], son médecin traitant, et l’assureur de celui-ci, la société Axa France IARD, en invoquant un retard fautif de diagnostic de sa pathologie et une absence de diligences du praticien à la suite de la transmission à celui-ci d’un compte rendu d’examen médical réalisé en 2002, au sein d’un centre de santé de la caisse primaire d’assurance maladie, faisant état des difficultés de miction ainsi que d’une prostate légèrement augmentée au toucher rectal ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. [U] fait grief à l’arrêt d’écarter ses dernières conclusions ainsi que deux nouvelles pièces au soutien de ces écritures ;

Attendu qu’il résulte des appréciations souveraines de la cour d’appel que ces conclusions et pièces n’ont pas été déposées et communiquées en temps utile au sens de l’article 15 du code de procédure civile ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 1142-1, I, R. 4127-32 et R. 4127-33 du code de la santé publique ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de M. [U] à l’égard de M. [G], l’arrêt retient que, si l’intéressé affirme s’être, de manière régulière, plaint de la persistance de troubles urinaires de 2003 à 2007, ce qui aurait dû, selon lui, conduire son médecin à des investigations complémentaires consistant à doser l’antigène prostatique et à pratiquer un nouveau toucher rectal, la preuve de doléances et de symptômes antérieurs à 2007 n’est pas rapportée ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’il le lui était demandé, si, au regard des résultats de l’examen de santé pratiqué en 2002, mentionnant des signes cliniques susceptibles d’évoluer vers un cancer de la prostate, M. [G] avait satisfait à son obligation de surveillance, indépendamment d’éventuelles doléances du patient, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes de M. [U] à l’encontre de M. [G] et de la société Axa France IARD, l’arrêt rendu le 6 janvier 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

Condamne M. [G] et la société Axa France IARD aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande, les condamne à payer à M. [U] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille seize.MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. [U].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir écarté des débats les conclusions signifiées par M. [S] [U] le 23 octobre 2014 ainsi que les pièces n° 65 et 66 de ce dernier et, en conséquence, débouté M. [S] [U] de ses demandes à l’encontre de M. [O] [G] et de la compagnie AXA France Iard ;

AUX MOTIFS QUE: Sur la recevabilité des conclusions notifiées par M. [S] [U] le 23 octobre 2014 ainsi que des nouvelles pièces annexées: en application de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Alors que la clôture des débats était fixée au 27 octobre 2014, M. [S] [U] a signifié des conclusions qui, si elles reprennent les mêmes prétentions que celles contenues dans les conclusions signifiées en août 2013, sont accompagnées de deux nouvelles pièces, numérotées 65 et 66, qui constituent deux avis juridiques émis, respectivement en août 2013 et le 26 septembre 2013, soit près d’un an avant la clôture de l’instruction du présent dossier, par un professeur de droit, sur les responsabilités encourues, selon lui, dans le présent dossier. Ces avis qui, en plus d’un retard de diagnostic fautif, reprochent au Dr [O] [G] d’avoir méconnu son devoir d’information de son patient, exigeaient de pouvoir faire l’objet d’une analyse détaillée par le Dr [O] [G] et son conseil dans des délais acceptables et non seulement dans les trois jours précédant la clôture de l’instruction. Il apparaît de plus que les conclusions, signifiées tardivement, n’ont pas eu d’autre objet que celui de produire ces deux nouvelles pièces puisque M. [S] [U] y affirme que «l’association nationale des malades du cancer de la prostate a sollicité le professeur [Z] [L], professeur des facultés de droit pour établir une consultation sur l’état du droit positif sur les obligations d’un médecin de famille- pièce n° 65 – suivie d’un avis sur les responsabilités pouvant être envisagées dans le cas d’espèce – pièce n°66». Cette communication tardive injustifiée constitue une déloyauté procédurale caractérisée de sorte qu’il conviendra d’écarter des débats tant les conclusions signifiées le 23 octobre 2014 que les pièces n° 65 et 66 qui y étaient annexées pour violation du principe de la contradiction ;

1°) ALORS QUE le dépôt de conclusions à une date très rapprochée, voire le jour même de la clôture des débats, n’emporte pas leur irrecevabilité dès lors qu’elles ne contiennent aucune prétention ni moyen nouveau ; qu’en considérant que la communication de conclusions par M. [U] le 23 octobre 2014 aurait été tardive et aurait constitué une déloyauté procédurale après avoir constaté que ces conclusions ne comportaient aucune prétention nouvelle, la cour d’appel a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le dépôt de conclusions à une date très rapprochée, voire le jour même de la clôture des débats, n’emporte pas leur irrecevabilité dès lors qu’elles ne contiennent aucune prétention ni moyen nouveau ; qu’en considérant que la communication de conclusions par M. [U] le 23 octobre 2014 aurait été tardive et aurait constitué une déloyauté procédurale, motif pris que les avis du professeur [L] qui y étaient annexés auraient reproché au docteur [G] d’avoir méconnu son devoir d’information, quand ces conclusions n’invoquaient aucun moyen nouveau tiré d’un manquement du docteur [G] à son devoir d’information, la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du code de procédure civile;

3°) ALORS QUE le dépôt de conclusions à une date très rapprochée, voire le jour même de la clôture des débats, n’emporte pas leur irrecevabilité dès lors qu’elles font suite au dépôt lui-même tardif des conclusions de la partie adverse ; qu’en considérant que la communication de conclusions par M. [U] le 23 octobre 2014 aurait été tardive et aurait constitué une déloyauté procédurale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce dépôt prétendument tardif n’était pas induit par le dépôt, lui-même tardif, des conclusions du docteur [G], la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté M. [S] [U] de ses demandes à l’encontre de M. [O] [G] et de la compagnie AXA France Iard;

AUX MOTIFS QUE: Sur le retard de diagnostic fautif imputé au Dr [O] [G]: si le tribunal a examiné la faute, dans un premier temps, à l’aune de l’absence de prescription de dosage de l’antigène de la prostate dans le cadre d’un dépistage systématique, la faute, contrairement à ce que prétend l’appelant, a également été examinée dans un second temps au regard de l’absence de prescription de dosage de l’antigène de la prostate lorsque le patient présente des signes cliniques évocateurs d’un cancer de la prostate. Peu importe en effet à cet égard que le tribunal ait utilisé le terme de dépistage, inapproprié dans le cadre d’un diagnostic, puisqu’il résulte des termes du jugement que, répondant sur les symptômes évoqués, c’est bien sur une faute de diagnostic que le premier juge a porté son analyse. Au terme de celle-ci, le premier juge a conclu à l’absence de faute commise par le Dr [O] [G]. En application de l’article 1147 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. De plus, selon l’article L.1142-1 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. Enfin, les articles R 4127-32 et R 4127-33 du code de la santé publique disposent, d’une part, que dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents et, d’autre part, que le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, de concours appropriés. La cour rappelle que le compte rendu du centre de santé de la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Yonne, adressé au Dr [O] [G], médecin traitant de M. [S] [U], conseille de joindre rapidement un médecin afin que soient prises en compte des anomalies concernant : tension artérielle élevée, facteurs de risque familial colique, de sorte qu’une coloscopie doit être pratiquée. Ce rapport note ensuite des apnées du sommeil et des troubles urinaires. L’attention du patient et du médecin traitant est également attirée sur le fait que les éléments ci-après sont des anomalies à surveiller, ou bien, ils peuvent constituer des facteurs de risque, ces éléments constituant précisément en un déficit auditif.

Par ailleurs, s’agissant de l’examen clinique (page 2 du document), celui-ci relève, au niveau des signes fonctionnels, notamment des difficultés mictionnelles et des mictions nocturnes, l’examen clinique proprement dit constatant une prostate légèrement augmentée au toucher rectal. Pour autant, aucune recommandation n’est portée relativement à ces constatations. D’ailleurs, à fin de l’année 2007, M. [S] [U] a informé le centre d’examen de santé de la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Yonne du cancer particulièrement agressif dont il était victime. Celui-ci lui a répondu par courrier du 29 novembre 2007 (pièce n°17 de l’appelant). Le médecin responsable indique en premier lieu qu’il a pris le temps de revoir le dossier de 2002 avec le médecin ayant réalisé l’examen puis, qu’après avoir réexaminé le bilan de 2002, le docteur [B] et lui-même ne retrouvent aucun élément permettant d’évoquer la possibilité d’une évolution de ce type. Ce qui confirme que les constatations de 2002 ne constituaient pas des signes évocateurs d’un cancer de la prostate ainsi que le rappelait d’ailleurs, sur le plan général, l’autorité de santé en 1998. En effet, comme le rappelle le jugement déféré, l’autorité de santé indique en 1998 que les troubles mictionnels ainsi que l’augmentation de la taille de la prostate pouvaient être évocateurs aussi bien d’une hypertrophie bénigne de la prostate, que d’un cancer de la prostate, la première n’étant nullement un facteur de risque du second. Dès lors, le constat de ces deux seuls éléments ne justifierait pas, selon l’autorité de santé, la prescription d’un dosage de l’antigène de la prostate, en l’absence de tous signes cliniques spécifiques du cancer, notamment une modification de la consistance de la prostate au toucher rectal ou encore une manifestation générale extra urinaire, une métastase, osseuse par exemple. Il résulte de ces recommandations de l’autorité sanitaire que la seule augmentation du volume de la prostate, sans modification de sa consistance, associée à des troubles mictionnels, n’imposait pas, dans les suites de l’examen de 2002, de prescrire un dosage de l’antigène de la prostate. Contrairement à ce que prétend M. [S] [U], cette absence de prescription ne peut donc être imputée à faute au Dr [O] [G] pas plus que l’absence de toucher rectal dès lors que celui-ci venait d’être réalisé par le centre de santé de la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Yonne. Reste à déterminer, si postérieurement à la fin de l’année 2002, M. [S] [U] a effectivement ou non présenté des symptômes qui auraient justifié tant un dosage de l’antigène de la prostate qu’un nouveau toucher rectal. En effet, M. [S] [U] maintient, à hauteur de cour, s’être, de manière régulière, plaint de la persistance de ces troubles urinaires de 2003 à 2007, ce qui aurait dû, selon lui, conduire son médecin à des investigations complémentaires consistant certes à doser l’antigène de la prostate mais aussi à pratiquer un nouveau toucher rectal. Le Dr [O] [G] conteste la réalité de ces plaintes. La cour note que M. [S] [U] a versé au débat en pièce n° 3 son dossier médical tenu par le Dr [O] [G], qu’il a commencé à consulter dans les suites de coliques néphrétiques puis de l’examen de 2002. Le dossier intègre le suivi des coliques néphrétiques et l’ensemble du compte rendu de l’examen et les suites qui lui ont été données: la coloscopie de dépistage, le suivi cardiaque en raison de la haute tension artérielle, les examens sanguins et les diverses consultations du 11 mars 2004 au 3 septembre 2007, consultation au cours de laquelle le patient a signalé « une douleur il y a deux mois au niveau du sacrum, qui a disparu, puis il y a 15 jours, s’est relevé trois fois pour uriner, et il y a deux jours dans la nuit, a de nouveau souffert sans fièvre, et l’examen retrouve une douleur à l’émergence des racines sacrées ; en raison de la symptomatologie urinaire, et devant l’absence de fièvre, il est réalisé un bilan qui révèle des PSA à 26 et mérite donc quelques investigations complémentaires». La cour constate qu’un dossier aussi précisément renseigné rend difficilement plausible que M. [S] [U], qui n’en conteste pas l’exhaustivité, à tout le moins quant au nombre de consultations relatées, ait pu se plaindre de troubles urinaires antérieurs sans que le Dr [O] [G] les ait consignés. En effet, tout, du suivi visuel, des vaccinations, du rhume des foins et du suivi dermatologique (prise en compte le 22 septembre 2007 d’un naevus qui requiert l’avis d’un dermatologue) est mentionné dans le dossier. De plus, dès lors que les troubles urinaires associés à des douleurs du sacrum et qui devaient, malheureusement, conduire à la révélation du cancer de M. [S] [U], ont bien été consignés le 3 septembre 2007, il est difficilement envisageable que le patient ait pu se plaindre de troubles urinaires antérieurs sans que ceux-ci aient été mentionnés par le Dr [O] [G] dans son dossier ni fait l’objet d’un suivi adéquat. La cour constate donc, comme le tribunal, qu’outre les déclarations contradictoires des parties sur ce point, la preuve des doléances antérieures à 2007 de M. [S] [U] quant à ses troubles urinaires n’est pas rapportée, les rapports d’expertise, bien qu’écartés des débats, prenant également pour acquis la réalité des plaintes de M. [S] [U] sur la période de 2003 à 2007 sans apporter d’autres faits objectifs de nature à établir la faute du Dr [O] [G]. Cette preuve ne saurait davantage résulter de l’avis émis par le professeur [R] (pièce n°2 de l’ANAMACAP). En effet, sans qu’il soit possible de citer l’intégralité de cet avis dans le cadre du présent arrêt, celui-ci indique que le Dr [O] [G] «n’a pas tenu compte des symptômes dans la mise en route à temps des examens complémentaires à réaliser pour faire le diagnostic d’un cancer de la prostate à un stade plus précoce que celui auquel il a été découvert (…) Il a pensé à tort que le traitement diurétique était la cause des troubles mictionnels et n’a pas révisé son attitude quand le malade lui a reparlé de ces troubles mictionnels lors des diverses consultations de contrôle de son hypertension» Puis, « l’argument que défend le médecin traitant selon lequel le malade ne lui avait pas parlé de troubles mictionnels postérieurs au traitement anti-hyper tenseur, éléments cliniques qui ne sont effectivement pas décrits dans son propre dossier médical, n’est pas recevable puisque le Dr [O] [G] a lui-même expliqué au malade que ces mêmes troubles urinaires provenaient du traitement et non pas de sa prostate, preuve de leur signification à son médecin par le patient». Puis, citant M. [S] [U] de toute évidence « j’étais toujours obligé de me lever durant la nuit pour aller aux toilettes. J’étais pris d’envies d’uriner irrépressibles dans le cours de la matinée». Ces remarques prennent pour postulat la réalité des plaintes du patient et ne se fondent que sur des propos rapportés par celui-ci de sorte qu’elles ressortent davantage d’affirmations péremptoires que d’une démarche scientifique basée sur des hypothèses vérifiées. Dès lors, la réalité de symptômes antérieurs à l’année 2007 n’étant pas établie, et comme l’a justement rappelé le tribunal, l’asthénie du patient consignée à partir de 2005 n’étant pas, en soi, constitutive d’un symptôme évocateur de cancer de la prostate, il ne peut être imputé à faute au Dr [O] [G] de ne pas avoir prescrit de dosage de l’antigène de la prostate ni pratiqué de toucher rectal;

1°) ALORS QUE le médecin, par principe indépendant, doit élaborer lui-même son diagnostic et ne peut se dispenser des examens nécessaires au prétexte qu’un de ses confrères les auraient pratiqués ; qu’en jugeant que l’absence de toucher rectal ne pourrait être imputé à faute au docteur [G], après avoir constaté que M. [U] présentait, selon les données acquises de la science, des signes cliniques susceptibles de révéler un cancer de la prostate et d’être confirmés ou infirmés par un toucher rectal, au prétexte qu’un toucher rectal venait d’être réalisé par le centre de santé de la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Yonne, la cour d’appel a violé les articles L. 1142-1, R. 4127-32, R. 4127-33 et R. 4127-5 du code de la santé publique ;

2°) ALORS QUE le médecin, tenu de prodiguer des soins et d’élaborer un diagnostic consciencieux, doit surveiller son patient et l’évolution de l’état de santé de ce dernier dans la durée indépendamment de plaintes éventuelles ; qu’en considérant, pour écarter toute responsabilité du docteur [G], que la preuve des doléances antérieures à 2007 de M. [U] quant à ses troubles urinaires ne serait pas rapportée, sans vérifier que, compte tenu des résultats de l’examen de santé pratiqué en 2002, mentionnant des signes cliniques susceptibles de révéler un cancer de la prostate, le docteur [G] avait satisfait à son obligation de surveillance en procédant ou faisant procéder à des examens ultérieurs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, L.1142-1, R.4127-32 et R.4127-33 du code de la santé publique.

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