Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mai 2018, 17-81.376, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 23 mai 2018, n° 17-81.376
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-81.376
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 14 décembre 2016
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036980352
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:CR01118
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Sur les parties

Texte intégral

N° D 17-81.376 F-D

N° 1118

VD1

23 MAI 2018

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— 

Le centre hospitalier Gabriel Martin,

contre l’arrêt de la cour d’appel de SAINT-DENIS de la REUNION, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 2016, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 30 mars 2016, n° 14-88.390), pour harcèlement moral, l’a condamné à 20 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 10 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général QUINTARD ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris des articles 121-1, 121-2, 222-33-2 du code pénal, du principe de l’autorité de la chose jugée par la juridiction administrative, et des articles 388, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, a déclaré le CHGM coupable de harcèlement moral et l’a condamné au paiement d’une amende de 20 000 euros ;

« aux motifs que la responsabilité pénale d’une personne morale ne peut être mise en cause que pour les infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants, en application de l’article 121-2 du code pénal ; que les faits de la cause et les résultats des investigations réalisées ont été très exactement rapportés dans le jugement au contenu duquel la cour renvoie expressément pour leur exposé et duquel il résulte que la décision de réintégration notait que M. Z…, médecin, était réintégré dans ses fonctions le 25 avril 2005, cette décision devenant effective sous réserve de l’avis du médecin du travail ; que les conclusions du comité médical qui avait le 27 juillet 2004 régularisé le congé longue maladie du 24 novembre 2003 au 24 mai 2004 et l’avait prolongé au 24 octobre 2004, proposant après cette date une reprise de travail aménagé dans un autre établissement de santé de la Réunion ; que le comité avait prolongé cet arrêt de six mois à compter du 25 octobre 2004 et le 22 avril, ce comité avait indiqué qu’il était apte et pouvait réintégrer son poste ; qu’un aménagement de ce poste était souhaitable ; que cette notion d’aménagement avait été interprétée comme un stage de remise à niveau et en confiance ; que ce type de stage n’est en rien prévu dans le statut des praticiens hospitaliers, qu’il n’est ni réglementaire, ni statutaire ; que deux mises en demeure d’avoir à reprendre son activité étaient notifiées à M. Z… l’une en date du 11 mai 2005 lui demandant de reprendre son poste de travail au sein du service de chirurgie émanant du directeur par intérim et l’autre de M. A… le 16 juin 2005, le priant de reprendre son activité de praticien hospitalier à temps plein ; que ces deux courriers lui rappelaient la nécessité de respecter la compétence du chef de service, ce dernier courrier mentionnant une prise de contact avec le CHU […] pour qu’il y fasse un stage de remise à niveau ; qu’entre-temps, il lui était demandé de solliciter des congés acceptés par le directeur ; que le comportement du directeur, au vu de ces éléments est ambigu sollicitant une reprise de travail puis une demande de congé, un stage à Lille, puis à[…] ; que le directeur, suite à la réunion du 20 juin 2005 faite en présence des médecins n’inscrivait pas M. Z… sur le tableau de service pendant toute la durée de la prévention ; que sa volonté et sa responsabilité de ne pas avoir permis le retour effectif de M. Z… ont été clairement admises par M. A…, qui a déclaré dans la confrontation du 12 septembre 2008 que dans son établissement, la reprise devait se faire aux conditions qu’il avait définies, il précisait notamment que le stage fait à Lille n’était pas le stage décidé ; que le stage devait se réaliser sous certaines conditions et dans le cadre d’une convention fixant des objectifs ; que suite au refus de M. Z… d’effectuer le stage non obligatoire, ne reposant sur aucun fondement textuel, à[…], M. A… prenait une décision de suspension du traitement ; que bien que M. Z… ait effectué ce stage à Lille et non à[…], le directeur persistait à ne pas le réintégrer dans le tableau de service, sans démontrer que le stage au CHU […] serait de moindre qualité que celui effectué au CHU de[…] ; qu’en outre, aucun élément du dossier ne mettait en exergue une défaillance professionnelle de M. Z…, ce qui était mis en avant était la rigidité de sa personnalité et les rapports conflictuels de celui-ci avec le personnel hospitalier ; qu’il sera rappelé que ce dernier se retrouvait sans travail, sans bureau, sans ordinateur, sans traitement et dans une situation administrative non prévue statutairement ; qu’il est ainsi établi que le directeur de l’hôpital a commis des actes caractérisant un harcèlement moral ; qu’il est évident qu’un tel ostracisme a porté atteinte à la dignité de M. Z…, désavoué au vu et au su du personnel de l’hôpital, à ses droits, puisque celui-ci s’est retrouvé sans rémunération et, a dû travailler dans un cadre irrégulier, dans une clinique ayant accepté de l’embaucher ; qu’il a vu en outre ses promotions être retardées pour finalement être régularisées rétroactivement à compter du 1er février 2006 ; que le délit de harcèlement moral prévu à l’article 222-33-2 du code pénal est caractérisé en tous ses éléments à la charge du CHGM ; que M. A… a justifié son comportement par un impératif de sécurité des malades, élément qui est au coeur même de la mission de l’hôpital ; qu’ainsi, pour permettre le bon fonctionnement de l’institution, M. A… a empêché le docteur Z… de reprendre son poste de chirurgien ; qu’en conséquence, ce harcèlement a bien été fait pour le compte de l’hôpital ; qu’en conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré quant à la déclaration de culpabilité ;

« et aux motifs éventuellement adoptés que l’article 222-33-2 du code pénal dispose que le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ; que l’article susvisé ne distingue pas entre les auteurs potentiels des actes de harcèlement, en sorte que le délit peut être imputé tant à l’employeur ou à une personne qui lui est substituée qu’à un collègue de travail ; qu’en conséquence, nul ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que nul ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; qu’il appartient au représentant légal de l’établissement de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ; que ce dernier est tenu envers le personnel de l’établissement d’une obligation de résultat, en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ; que l’absence de faute de sa part, ou le comportement fautif d’un autre membre du personnel de l’établissement ne peuvent l’exonérer de sa responsabilité à ce titre ; que M. Z… relate plusieurs faits dont il considère qu’ils constituent un harcèlement moral, ce qui est contesté par le prévenu ; que le tribunal doit apprécier si M. Z… justifie d’un ensemble de faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral ; qu’il doit, également, examiner tous les faits considérés, alors que les parties s’opposent sur la pertinence, voire sur l’existence, de chacun des faits invoqués ; qu’il sera donc procédé à l’examen de chacun des faits invoqués, au regard du harcèlement moral ; qu’il ressort des pièces du dossier et des débats à l’audience :

— qu’à la suite du congé de maladie de M. Z…, le comité médical du CHGM avait autorisé en avril 2005 M. Z… à reprendre ses activités chirurgicales, sous réserve d’un « aménagement de poste », interprété par le CHGM comme la nécessité pour lui d’effectuer « un stage de remise en confiance », non prévu par les textes mais néanmoins accepté par lui ;

— qu’il a effectué ce stage dans un hôpital de son choix, en l’espèce Lille, et non à[…] comme l’avait souhaité M. A…, qui ne justifiait pas ce choix, hors l’absence de convention de stage ;

— que M. A… n’apporte aucun élément permettant d’affirmer qu’un stage à Lille soit moins efficace qu’un stage à[…], qu’en conséquence, sa décision de ne pas réintégrer M. Z… ne pouvait être fondée sur ce simple motif ;

— que les investigations effectuées par les enquêteurs n’apportent aucun élément sur une éventuelle dangerosité professionnelle de M. Z… ;

— qu’il apparaît au contraire que M. Z… avait dénoncé des dysfonctionnements à la suite du décès d’une patiente, dysfonctionnements confirmés par les inspections de la DRASS et de l’IGAS, ce qui atteste de sa particulière vigilance à la sécurité des malades ;

— que c’est après s’être inquiété des conditions suspectes du décès d’un malade et avoir mis en cause les pratiques professionnelles de l’un de ses collègues qu’il a fait l’objet de représailles ;

— que les seuls éléments négatifs réunis par l’information le concernant sont relatifs à ses mauvaises relations avec le personnel paramédical et ses collègues, notamment anesthésistes, suite à la dénonciation par lui de ces dysfonctionnements ;

— que l’information n’apporte aucun élément permettant d’écarter que les mauvaises relations de M. Z… avec ses collègues soient la conséquence de cette dénonciation ;

— que mis en demeure le 11 mai 2005 d’exercer ses fonctions sur son poste par courrier signé par le directeur de l’hôpital, M. s’était présenté le lendemain pour se voir notifier de prendre des congés auxquels il ne pouvait statutairement plus prétendre ;

— que tout en restant rattaché statutairement au CHGM, M. Z… a été contraint de travailler à l’extérieur hors de tout cadre légal ;

— que par ailleurs, M. Z… a continué d’opérer de nombreux patients dans un autre établissement sans qu’un quelconque danger soit signalé du fait de ses interventions ; qu’il convient donc de retenir ces faits, en tenant compte des conséquences morales et financières pour la victime des décisions prises ainsi que les conséquences sur son état de santé ; qu’il convient de souligner à cet égard qu’aucune faute ne peut être reprochée à M. Z… et que la situation conflictuelle et stressante vécue par lui a été renforcée par une activité professionnelle intense ; que éléments revêtent, outre leur aspect matériel, une forte charge symbolique qui doit être prise en compte pour évaluer l’impact du harcèlement sur la personne de M. Z…, notamment en ce qu’ils constituent une atteinte à sa dignité en raison de la mesure d’exclusion prise à son encontre ; que ces faits caractérisent une stratégie d’isolement de la part de l’employeur, une dégradation manifeste des conditions de travail du salarié et ont eu pour effet l’altération de sa santé physique et mentale comme en attestent les certificats médicaux et les arrêts de travail ; que la dégradation de l’état physique de M. Z… et l’installation d’un état dépressif résultent des certificats médicaux ; que les arrêts de travail sont consécutifs aux actes d’exclusion et de harcèlement et ne peuvent être invoqués par l’employeur pour justifier le traitement infligé à M. Z…, à savoir son isolement et la privation de son travail ; qu’alors que le code de la santé publique prévoit une liste exhaustive de positions (activité à temps plein, détachement, détachement temporaire, disponibilité, congés), M. Z…, n’a pas été réintégré ; qu’en 2009, toujours inscrit sur le tableau du personne médical, M. Z… y figure en position « hors activité » suivant tableau du personnel médical du CHGM arrêté au 15 août 2009, suite à une décision prise par M. A… qui n’avait pas compétence pour exclure sans motif un chirurgien de son service : « il est aujourd’hui statutairement au CHGM mais il n’exerce pas. Je lui ai interdit de pratiquer par une décision prise dans l’intérêt des patients » ; qu’ainsi que le reconnaît M. A…, cette notion n’est pas une notion statutaire ou réglementaire ; que ce dernier ignore si la décision prise par lui a été formalisée ; qu’il admet que, s’agissant d’une décision faisant grief, elle aurait dû être notifiée ; qu’il admet n’avoir été destinataire d’aucune décision excluant M. Z… du corps médical de l’établissement et que celui-ci faisait donc toujours partie de l’établissement mais sans être rémunéré ; que si le directeur de l’établissement a le pouvoir de prendre des mesures conservatoires, il ne peut suspendre l’activité d’un praticien que si celui-ci présente un danger pour les patients, ce qui n’est nullement établi en l’espèce, et non en raison de mauvaises relations avec des confrères ; qu’à la question de Maître B…, à savoir s’il n’avait pas l’impression « qu’on nage en plein arbitraire », M. A… a répondu « on nage en plein non décisionnel » ; qu’il convient à cet égard de rappeler que la fourniture de travail, qui est la contrepartie du salaire, est une obligation pour l’employeur, qui ne saurait s’en affranchir sans porter atteinte à la dignité du salarié ; qu’en ne réintégrant pas M. Z… conformément à l’avis du comité médical, en le privant de son bureau, et en l’obligeant sans motif ni logique, ni légitime, à travailler dans un autre établissement, en prétextant seulement une dangerosité non avérée, en entérinant l’hostilité déclenchée par sa dénonciation faite dans l’intérêt des malades, le CHGM s’est bien rendu coupable de harcèlement moral à son égard qui a eu pour conséquence de porter atteinte à sa santé, à ses conditions de travail, à sa carrière et plus généralement à une vie normale ; qu’il résulte de ces éléments que M. Z… a bien fait l’objet d’un véritable harcèlement moral en vue d’obtenir son départ volontaire ou forcé ;

« 1°) alors que les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, ne sont responsables pénalement que des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants ; que pour déclarer le CHGM coupable des faits de harcèlement moral qui lui étaient reprochés, l’arrêt attaqué désigne M. A…, directeur du CHGM comme étant à l’origine des faits de non inscription du Docteur Z… sur le tableau de service et de suspension de son traitement ; qu’il résulte pourtant des propres constatations des juges du fond que M. Z… avait affirmé être victime d’un « abus de pouvoir et d’un complot » auquel « participaient son chef de service, le Docteur C…, le chef de service des anesthésistes le Docteur D…, et le Docteur E…, gynécologue » ; qu’ils énonçaient encore qu’un courrier du mois d’août 2004 émanant de « l’ensemble des praticiens de l’hôpital » avait émis un « avis défavorable à la reprise de M. Z… » en le fondant sur la sécurité des malades, et que c’est le comité médical, qui, réuni le 25 juin 2005 à l’initiative de M. A… pour envisager les modalités de reprise de M. Z…, avait émis un avis défavorable à la reprise des fonctions de M. Z… dans l’intérêt de la sécurité des malades dû notamment au fait que M. Z… avait fait son stage à Lille et non à[…] ; qu’en imputant ainsi le défaut de réintégration de M. Z… et ses conséquences au directeur du CHGM après avoir pourtant expressément relevé que cette décision résultait du corps médical, lequel, selon les propres constatations du tribunal correctionnel auxquelles l’arrêt attaqué avait expressément renvoyé, n’était placé ni sous l’autorité, ni sous la hiérarchie du directeur, de sorte que ce dernier ne pouvait en aucun cas s’y opposer, la cour d’appel n’a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s’imposaient et privé sa décision de condamnation de toute base légale ;

« 2°) alors que la juridiction correctionnelle ne peut légalement statuer que sur les faits relevés par l’ordonnance de renvoi qui l’a saisie ; qu’il résulte en l’espèce des termes de l’ordonnance de renvoi que le CHGM avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de harcèlement moral pour avoir, courant 2004 et jusqu’au 6 février 2007, harcelé M. Z… en refusant sans motif valable de le réintégrer dans le service de chirurgie, et en lui supprimant son bureau et son matériel informatique ; que la suspension du traitement de M. Z…, jugée parfaitement légale par les juridictions administratives, ne faisait pas partie des faits objets de la prévention ; qu’en retenant néanmoins au titre des actes caractérisant un harcèlement moral commis par le directeur de l’hôpital, la décision de M. A… de suspension du traitement de M. Z…, la cour d’appel a méconnu l’étendue de sa saisine et violé les textes visés au moyen ;

« 3°) alors que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ; qu’en reprochant au titre des faits caractérisant un harcèlement imputable au CHGM celui d’avoir laissé M. Z… dans une situation administrative non prévue statutairement en ne le réintégrant pas pleinement dans ses fonctions, quand cette situation résultait non seulement de l’avis défavorable du comité médical à la reprise de son activité de chirurgien pris par le corps médical dans l’intérêt de la sécurité des patients, mais encore de l’absence de toute décision des autorités de tutelles, nonobstant les différentes alertes du directeur du CHGM en ce sens, seules susceptibles de permettre un déblocage de la situation, la cour d’appel a condamné le CHGM pour des faits qui ne pouvaient lui être directement et personnellement imputables dès lors qu’il ne disposait d’aucun moyen juridique pour y mettre fin, en violation du principe de la responsabilité personnelle et des textes visés au moyen ;

« 4°) alors que ne peut s’analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, le simple fait de ne pas réintégrer un praticien hospitalier dans le service de chirurgie à la suite de l’avis défavorable émis par le corps médical à son encontre dans l’intérêt des patients en application du principe de précaution, et de prolonger dans le temps ce défaut de réintégration en l’absence de toute décision des autorités de tutelles, seules susceptibles de permettre un déblocage de la situation ; qu’en condamnant ainsi le CHGM du chef de harcèlement moral du seul fait du maintien dans le temps d’une décision de non réintégration de M. Z… au service de chirurgie, la cour d’appel n’a pas caractérisé de faits répétés, seuls constitutifs d’un harcèlement moral et violé les textes visés au moyen ;

« 5°) alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que dans ses conclusions régulièrement déposées, le CHGM invoquait la nécessité de ne pas méconnaître l’autorité de la chose jugée par le juge administratif, en rappelant les décisions du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, de la cour administrative d’appel de Bordeaux, et du Conseil d’état, ayant systématiquement rejeté les requêtes formulées par M. Z… sur les mêmes faits, à l’exception de son éviction irrégulière du tableau de garde ; que les juridictions administratives avaient ainsi écarté toute faute du CHGM et toute illégalité résultant du maintien en congé maladie de M. Z…, de la suspension de son traitement, du refus de réaffectation, ou encore du fait d’avoir subordonné sa reprise de service à la condition d’effectuer un stage de remise à niveau dans un établissement déterminé ; qu’en se bornant à déclarer le CHGM coupable de harcèlement moral sans même rechercher à répondre à ces arguments déterminants de nature à exclure tout comportement fautif imputable au CHGM, la cour d’appel a indubitablement privé sa décision de condamnation de toute base légale" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme que le centre hospitalier Gabriel Martin (le CHGM) situé à Saint-Paul (La Réunion) a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de harcèlement moral sur la personne de M. Hubert Z…, chirurgien dans l’établissement, pour avoir refusé, sans motif valable, de le réintégrer dans son service à l’issue d’un congé de maladie et lui avoir supprimé son bureau ainsi que son matériel informatique ; que le tribunal étant entré en voie de condamnation, le centre hospitalier, le ministère public puis la partie civile, ont relevé appel du jugement ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l’arrêt énonce qu’à l’issue d’un congé maladie, M. Z…, praticien hospitalier en chirurgie viscérale au sein du CHGM, a été réintégré dans ses fonctions dans cet établissement à compter du 25 avril 2005, sous la réserve, spécifiée par le comité médical, d’un aménagement de poste, prenant la forme d’un stage de remise à niveau dans un hôpital de[…] en accord avec l’intéressé ; que les juges relèvent que le directeur du centre hospitalier, M. Gérald A…, adoptant un comportement « ambigu », a demandé à ce médecin, d’une part, le 16 juin 2005, de reprendre son activité, d’autre part, dans le même temps, de solliciter des congés, tout en ne l’inscrivant pas sur le tableau de service ; qu’ils ajoutent qu’à l’issue, M. Z…, qui n’avait pas effectué ledit stage, comme prévu, à[…], mais dans un hôpital […], n’a pu reprendre ses fonctions au CHGM au motif, selon le directeur de l’établissement, d’un impératif de sécurité et du bon fonctionnement de l’institution ; que cette décision a été suivie d’une autre le suspendant de son traitement, mais également le privant de son bureau et faisant reformater son ordinateur ; que les juges en déduisent que le directeur de l’hôpital a commis des actes caractérisant un harcèlement moral de l’intéressé de nature à porter atteinte à sa dignité, lui faisant perdre sa rémunération et retardant ses promotions ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, fondés sur son appréciation

souveraine des faits et éléments de preuve contradictoirement débattus, la

cour d’appel, qui n’a pas excédé sa saisine et n’était pas tenue de suivre la personne morale prévenue dans le détail de son argumentation a, sans insuffisance, caractérisé le délit retenu en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, dès lors qu’elle a mis en évidence, à la charge du demandeur, des agissements répétés dans un contexte professionnel, consistant à refuser la réintégration dans ses fonctions d’un praticien hospitalier, à le priver de bureau et de matériel informatique au motif qu’à son retour d’une période de congé maladie, il avait effectué un stage de remise à niveau dans un hôpital distinct de celui qui avait été initialement désigné, tous actes ayant excédé par leur nature le pouvoir de direction du directeur de l’hôpital et qui ont porté atteinte à la dignité et à l’avenir professionnel de la partie civile, dès lors qu’il se déduit de ces énonciations que les juges ont relevé une faute d’un organe du centre hospitalier en la personne de son directeur, agissant pour le compte de celui-ci, ayant engagé la responsabilité pénale de la personne morale au sens de l’article 121-2 du code pénal ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que le centre hospitalier Gabriel Martin devra payer à M. Z… au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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