Cour de cassation, Chambre commerciale, 1 décembre 2021, 18-26.572, Inédit

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Gouache Avocats · 13 mai 2022

Reconnaissance du dol du franchiseur qui a remis à son franchisé un DIP lapidaire de 6 pages contenant des prévisionnels « grossièrement erronés » avec un écart de 78,15% entre le chiffre d'affaires réalisé par le franchisé et le prévisionnel de la première année Dans un arrêt du 1er décembre 2021, la Cour de cassation confirme le dol du franchiseur qui a fourni un DIP lapidaire contenant des prévisionnels grossièrement erronés à son franchisé. En l'espèce, un contrat de franchise conclu entre deux sociétés pour l'exploitation d'un point de vente spécialisé dans la conception, la …

 

www.taylorwessing.com · 10 mai 2022

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 1er déc. 2021, n° 18-26.572
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-26.572
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 23 octobre 2018, N° 16/10932
Textes appliqués :
Article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000044440991
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CO00834
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 1er décembre 2021

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 834 F-D

Pourvoi n° E 18-26.572

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021

La société Fournier, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 18-26.572 contre l’arrêt rendu le 24 octobre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [O] [S], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la société C2A cuisines, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Fournier, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [S] et de la société C2A cuisines, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 12 octobre 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2018), la société Fournier, spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de meubles de cuisines, salles de bain et rangements, notamment, sous la marque « SoCoo’c », a, le 10 décembre 2009, conclu avec la société C2A cuisines un contrat de franchise SoCoo’c.

2. À la suite de la résiliation du contrat par la société Fournier, le 25 mars 2015, avec date d’effet au 31 décembre 2015, la société C2A cuisines et M. [S], son gérant, l’ont assignée en demandant la poursuite du contrat et la réparation du préjudice subi.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, ci-après annexés

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Fournier fait grief à l’arrêt de dire que les manquements précontractuels ne sont pas couverts par la prescription, alors :

« 1°/ que lorsqu’un franchisé invoque un dol à l’origine d’une erreur sur la rentabilité de sa franchise, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date à laquelle il a constaté ou aurait dû constater un écart significatif entre la rentabilité réelle et la rentabilité exposée à titre prévisionnel par le franchiseur ; qu’il revient au demandeur à l’action en réparation pour dol de prouver qu’à la date à laquelle il a pu constater un écart entre la rentabilité escomptée et la rentabilité réelle, il pouvait légitimement ignorer que cet écart était imputable à un dol de son cocontractant ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a affirmé que la comparaison entre les chiffres réalisés par la société C2A cuisines avec les chiffres prévus dans les prévisionnels mettait en évidence « un écart substantiel de 78,15 % en année 1 » qui dépassait « la marge d’erreur inhérente à toute donnée de nature prévisionnelle » et retenu que cet écart avait provoqué dans l’esprit du franchisé « une erreur sur la rentabilité de son activité » imputable à des manœuvres dolosives du franchiseur ; que pour refuser de faire courir le délai de prescription à la date où les faits avaient été portés à la connaissance du franchisé, la cour d’appel a relevé le doute que pouvait avoir le franchisé sur l’existence d’un dol à la réception de comptes en fin d’exercice de la première année, « qui en général ne sont pas suffisamment significatifs », car les mauvais résultats de la première année « peuvent avoir des causes variées » ; qu’en se déterminant en fonction d’un doute que pouvait avoir le franchisé, débiteur de la preuve, quant à l’existence d’un dol au jour où l’insuffisance alléguée de rentabilité avait été portée à sa connaissance, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 devenu l’article 1353 du code civil ;

2°/ qu’en outre les juges ne peuvent se déterminer par des motifs d’ordre général ; qu’en se fondant sur des motifs d’ordre général relatifs aux causes probables de « mauvais résultats » pour affirmer que les franchisé ne pouvait véritablement connaître le caractère erroné des chiffres qu’à la fin de la deuxième année d’exploitation, sans relever aucune circonstance concrète propre au franchisé établissant qu’il n’aurait pas pu constater dès la fin de la première année que les chiffres transmis étaient « exagérément irréalistes », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 2224 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l’article L. 330-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir relevé que les mauvais résultats réalisés la première année d’exploitation d’une société nouvelle peuvent avoir des causes variées sans lien avec les manquements précontractuels du franchiseur, l’arrêt constate que la société C2A cuisines et M. [S], qui fondent leur demande sur le dol du franchiseur, ne pouvaient véritablement connaître le caractère erroné des chiffres présentés avant la conclusion du contrat qu’à la fin de la deuxième année d’exploitation.

6. En déduisant de ces constatations souveraines que la prescription ne pouvait courir qu’à compter de la deuxième année d’exploitation, soit à la fin de l’année 2011, la cour d’appel qui, sans inverser la charge de la preuve, a procédé à un examen concret des éléments invoqués par les parties pour rechercher à quelle date la société C2A cuisines et M. [S] avaient pu connaître les faits leur permettant d’exercer leur droit d’agir, a légalement justifié sa décision.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. La société Fournier fait grief à l’arrêt de dire qu’elle s’est rendue responsable d’un dol en communiquant au franchisé des prévisionnels grossièrement erronés et en communiquant un document d’information précontratuelle (DIP) très lacunaire et de la condamner en conséquence à payer à la société C2A cuisines la somme de 190 118 euros en réparation, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2016, lesdits intérêts capitalisés, ainsi qu’une somme de 47 600 euros au profit de M. [S], outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2016, lesdits intérêts capitalisés, alors « que l’incidence d’une information précontractuelle insuffisante ou erronée sur le consentement du franchisé doit être mesurée compte tenu des compétences, de l’expérience de ce dernier et de son éventuelle connaissance du marché ; qu’en l’espèce, la société Fournier faisait valoir que les demandeurs ne démontraient pas qu’ils n’auraient pas contracté, s’ils avaient eu connaissance des éléments d’information complémentaires à ceux fournis ou d’autres évaluations provisionnelles, d’autant que M. [S], qui avait assuré des fonctions de direction commerciale pendant plus de dix-huit ans sur un segment de marché identique à celui de l’enseigne SoCoo’c n’était pas un profane ; qu’en affirmant que les chiffres prévisionnels « exagérément optimistes » avaient vicié le consentement du franchisé en l’état d’un dossier d’information précontractuelle « excessivement succinct » au regard de l’article [W] 330-1 du code de commerce, l’expérience « éprouvée » du franchiseur dans le secteur "ne dispensant pas le franchiseur (…) de lui dispenser des informations sincères" ; sans à aucun moment s’interroger sur le point de savoir si le consentement du franchisé avait été réellement vicié compte tenu de son expérience professionnelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article L. 330-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

9. Après avoir rappelé que si le franchiseur communique au candidat franchisé un compte d’exploitation, celui-ci doit être sincère et vérifiable, l’arrêt relève que le DIP de six pages remis à la société C2A cuisines est succinct, qu’il ne comporte, au titre de la description du marché local, que l’indication des parts des départements du Nord et du [Localité 3] de l’indice national de la consommation calculé par l’organisme de crédit Cetelem, et ne contient aucune mention relative aux autres magasins implantés dans la zone géographique. Il retient également que la société Fournier a adressé à la société C2A cuisines un compte prévisionnel pour les trois premières années d’exploitation, dont les données se sont révélées grossièrement irréalistes et dont l’écart avec les chiffres d’affaires réalisés, tandis qu’il n’est reproché aucune faute de gestion au franchisé, dépassent la marge d’erreur inhérente à toutes données de nature prévisionnelle. L’arrêt en déduit que la communication de ces informations erronées sur un élément substantiel de l’engagement de la société C2A cuisines, dans ces circonstances d’informations lacunaires sur la concurrence locale et l’état du réseau, est constitutif d’un dol ayant conduit à vicier le consentement de cette société, ainsi que celui de son gérant, malgré l’expérience professionnelle de ce dernier dans le secteur concerné.

10. En l’état de ces énonciations et appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui n’a pas méconnu l’incidence de la qualification du gérant, a légalement justifié sa décision.

11. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

12. La société Fournier fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir condamner la société C2A cuisines et M. [S], in solidum, à lui payer une somme au titre de l’astreinte due en application de l’article 23.3 du contrat de franchise, alors « que les juges ne peuvent modifier les termes du litige ; qu’en l’espèce, la société C2A cuisines soutenait qu’elle avait demandé la poursuite judiciaire du contrat jusqu’au 30 novembre 2016 et qu’elle ne pouvait en conséquence rationnellement cesser d’utiliser l’enseigne SoCoo’c avant que le tribunal ne se soit prononcé sur la question ; qu’elle ne soutenait à aucun moment qu’elle aurait utilisé la marque au titre d’une poursuite du contrat décidée d’un commun accord avec la société Fournier, cette dernière contestant justement avoir donné un quelconque accord à la poursuite du contrat ; qu’en affirmant que les commandes et les livraisons effectuées en 2016 démontrent que la société Fournier avait accepté de vendre et livrer ses meubles à la société C2A cuisines sans qu’il soit démontré que les livraisons correspondaient à des commandes antérieures à décembre 2015, lorsque la société C2A cuisines ne se prévalait nullement d’un accord tacite de la société Fournier à la poursuite de la relation contractuelle, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

13. Les juges peuvent prendre en considération des faits résultant des pièces régulièrement versées aux débats, même s’ils n’ont pas été spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions. La cour d’appel qui, après avoir relevé qu’il résulte des pièces produites que le contrat de franchise, en principe résilié en décembre 2015, a continué avec l’accord des deux parties l’année suivante, retient que les commandes et les livraisons effectuées en 2016 démontrent que la société Fournier a accepté de vendre et livrer ses meubles SoCoo’c à la société C2A cuisines au delà de la date de résiliation, a pu déduire de ces constatations et appréciations souveraines qu’il ne pouvait être reproché à la société C2A cuisines d’avoir usé des signes distinctifs sans autorisation pendant cette période.

14. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

15. La société Fournier fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir condamner la société C2A cuisines à lui payer une somme de 31 164,59 euros au titre de redevances impayées, outre les pénalités de retard, ainsi qu’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dues par la société C2A cuisines, alors « qu’un contrat de franchise peut autoriser le franchiseur à augmenter unilatéralement le taux de redevance dû par le franchisé, sauf éventuel abus sanctionné par le juge ; qu’en se bornant à retenir que la preuve n’était pas rapportée d’un accord des parties sur l’augmentation du taux de redevance dû par le franchisé de 3 % à 4,5 %, sans rechercher comme l’y invitaient les écritures de la société Fournier, si le contrat de franchise n’autorisait pas une augmentation unilatérale du taux de redevance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 :

16. Aux termes de ce texte, les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.

17. Pour rejeter la demande de la société Fournier de condamnation de la société C2A cuisines à lui verser plusieurs sommes en paiement des redevances, des pénalités de retard, ainsi que d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, l’arrêt retient que la société Fournier verse aux débats les factures afférentes à des redevances, impropres à démontrer en soi, en premier lieu, que le nouveau taux aurait été accepté et, en second lieu, que les redevances seraient demeurées impayées.

18. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contrat de franchise n’autorisait pas une augmentation unilatérale du taux de redevance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il rejette les demandes de la société Fournier tendant à la condamnation de la société C2A cuisines à payer la facture de 31 154,59 euros au titre de redevances impayées, outre les pénalités de retard, ainsi qu’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, l’arrêt rendu le 24 octobre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société C2A cuisines aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société C2A cuisines et M. [S] et condamne la société C2A cuisines à payer à la société Fournier la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Fournier.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR dit que les manquements précontractuels ne sont pas couverts par la prescription et D’AVOIR en conséquence dit que la société Fournier s’était rendue responsable d’un dol en communiquant au franchisé des prévisionnels grossièrement erronés et en communiquant un DIP très lacunaire et D’AVOIR condamné en conséquence la société Fournier à payer à la société C2A Cuisines la somme de 190.118 euros en réparation, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2016, lesdits intérêts capitalisés, ainsi qu’une somme de 47.600 euros au profit de M. [S], outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2016, lesdits intérêts capitalisés,

AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l’article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » ; que les appelants qui fondent leurs demandes sur le dol ayant résulté de la remise, par le franchiseur, de prévisionnels excessifs, qui les a conduits à contracter, ne pouvaient véritablement connaître le caractère erroné de ces chiffres qu’à la fin de la deuxième année d’exploitation, le premier exercice d’une nouvelle société n’étant, en général, pas suffisamment significatif pour établir que les comptes d’exploitation prévisionnels établis sur trois années étaient irréalistes ; qu’en effet, les mauvais résultats réalisés la première année d’exploitation peuvent avoir des causes variées qui ne découlent pas nécessairement de manquements pré contractuels du franchiseur ; que dès lors, le dol invoqué n’ayant pu être découvert avant la clôture du deuxième exercice de la société C2A Cuisines, soit avant le 31 décembre 2011, ou lors de l’établissement des comptes sociaux 2011 par l’expert comptable de la société C2A Cuisines au cours du premier semestre 2012, l’action intentée le 4 février 2016 devant le tribunal de commerce n’est pas prescrite ; qu’il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré prescrite l’action des appelants ;

(…) Par message électronique du 21 juillet 2009, Monsieur [E] [W], directeur d’enseigne SoCoo’c a adressé à Monsieur [I] un « business plan » comportant les comptes d’exploitation prévisionnels des années 1, 2 et 3 : – Année 1 : 958.639 euros de CA (facturé) et une perte de 28.353 euros ; – Année 2 : 1.211.865 euros de CA (facturé) et un bénéfice de 46.557 euros ; – Année 3 : 1.447.003 euros de CA (facturé) et un bénéfice de 72.358 euros ; qu’or, ces comptes prévisionnels 2010, 2011 et 2012 se sont révélés grossièrement irréalistes ; que les chiffres réellement réalisés par le point de vente ont en effet été les suivants (pièces 11 à 13 et 126) : – année 1 : 209'435 euros de chiffre d’affaires sur 6 mois et une perte de 169.225 euros, – année 2 : 825.266 euros de chiffre d’affaires et une perte 9'561 euros, – année 3 : 761.406 euros de chiffre d’affaires et une perte de 19'798 euros, – année 4 : 740'086 euros de chiffre d’affaires et une perte de 39'064 euros, – année 5 : 756.731 euros de chiffre d’affaires et un bénéfice de 13.112 euros, – année 6 : 702.035 euros de chiffre d’affaires ; que la comparaison avec les chiffres prévus dans les prévisionnels met en évidence un écart substantiel de 78,15 % en année 1, et un écart moyen de 49 % pour les années 3 à 5, par rapport aux prévisions pour l’année 3 ; que la société Fournier ne tente même pas de démontrer la vraisemblance des chiffres des prévisionnels en produisant les chiffres de ses autres franchisés ; qu’elle n’explique pas que 41 % des points de vente aient fermé, selon la société C2A Cuisines ; que l’écart entre les prévisionnels et les chiffres réalisés par le franchisé dépasse la marge d’erreur inhérente à toute donnée de nature prévisionnelle ; que le franchiseur ne démontre pas par ailleurs que le franchisé aurait été responsable de ces mauvais chiffres, l’expérience éprouvée du franchisé dans le secteur ne dispensant pas le franchiseur, sous peine de vider la loi de tout contenu, de lui dispenser des informations sincères ; qu’enfin, si le franchisé a l’obligation de se renseigner sur l’état du réseau, il ne peut lui être reproché d’avoir omis de procéder à l’étude des chiffres d’affaires des franchisés, alors qu’il disposait de chiffres prévisionnels ; que la société Fournier a donc engagé sa responsabilité en fournissant à la société C2A Cuisines des données erronées et non significatives ; que celles-ci ont provoqué dans l’esprit du franchisé une erreur sur la rentabilité de son activité ; que les chiffres prévisionnels transmis à la société C2A Cuisines par le franchiseur, étant exagérément optimistes au regard de l’écart très important qu’ils présentent avec les chiffres d’affaires effectivement réalisés par la société C2C Cuisines, à laquelle il n’est reproché aucune faute de gestion, étaient déterminants pour le consentement éclairé du franchisé et portaient sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l’espérance de gain est déterminante ; que ce dol a été amplifié par le caractère excessivement succinct du DIP de six pages, muet sur la concurrence locale et l’état du réseau ; que le consentement des appelants a donc été trompé par l’absence des informations précontractuelles exigées par la loi et, dans ce contexte de renseignements trop lacunaires sur l’état du marché, par la communication de chiffres exagérément optimistes ; que si le franchisé a le devoir de se renseigner lui-même sur l’état du marché et de réaliser ses propres calculs de rentabilité, il ne peut pour autant suppléer à toutes les carences du franchiseur, dont les obligations particulières sont de garantir la réitération de son propre succès, ce qui implique à tout le moins la délivrance d’un DIP aussi complet que possible et de chiffres vraisemblables (arrêt attaqué p. 10) ;

1°) ALORS QUE lorsqu’un franchisé invoque un dol à l’origine d’une erreur sur la rentabilité de sa franchise, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date à laquelle il a constaté ou aurait dû constater un écart significatif entre la rentabilité réelle et la rentabilité exposée à titre prévisionnel par le franchiseur ; qu’il revient au demandeur à l’action en réparation pour dol de prouver qu’à la date à laquelle il a pu constater un écart entre la rentabilité escomptée et la rentabilité réelle, il pouvait légitimement ignorer que cet écart était imputable à un dol de son cocontractant ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a affirmé que la comparaison entre les chiffres réalisés par la société C2A Cuisines avec les chiffres prévus dans les prévisionnels mettait en évidence « un écart substantiel de 78,15 % en année 1 » qui dépassait « la marge d’erreur inhérente à toute donnée de nature prévisionnelle » (arrêt attaqué p. 7) et retenu que cet écart avait provoqué dans l’esprit du franchisé « une erreur sur la rentabilité de son activité » imputable à des manoeuvres dolosives du franchiseur (arrêt attaqué p. 10) ; que pour refuser de faire courir le délai de prescription à la date où les faits avaient été portés à la connaissance du franchisé, la cour d’appel a relevé le doute que pouvait avoir le franchisé sur l’existence d’un dol à la réception de comptes en fin d’exercice de la première année, « qui en général ne sont pas suffisamment significatifs », car les mauvais résultats de la première année « peuvent avoir des causes variées » ; qu’en se déterminant en fonction d’un doute que pouvait avoir le franchisé, débiteur de la preuve, quant à l’existence d’un dol au jour où l’insuffisance alléguée de rentabilité avait été portée à sa connaissance, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 devenu l’article 1353 du code civil ;

2°) ALORS en outre QUE les juges ne peuvent se déterminer par des motifs d’ordre général ; qu’en se fondant sur des motifs d’ordre général relatifs aux causes probables de « mauvais résultats » pour affirmer que les franchisé ne pouvait véritablement connaître le caractère erroné des chiffres qu’à la fin de la deuxième année d’exploitation, sans relever aucune circonstance concrète propre au franchisé établissant qu’il n’aurait pas pu constater dès la fin de la première année que les chiffres transmis étaient « exagérément irréalistes », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 2224 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l’article L. 330-3 du code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR dit que M. [S] et la société C2A Cuisines n’avaient pas renoncé à invoquer la nullité du contrat et D’AVOIR en conséquence dit que la société Fournier s’était rendue responsable d’un dol en communiquant au franchisé des prévisionnels grossièrement erronés et en communiquant un DIP très lacunaire et D’AVOIR condamné en conséquence la société Fournier à payer à la société C2A Cuisines la somme de 190.118 euros en réparation, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2016, lesdits intérêts capitalisés, ainsi qu’une somme de 47.600 euros au profit de M. [S], outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2016, lesdits intérêts capitalisés,

AUX MOTIFS QUE les appelants qui fondent leurs demandes sur le dol ayant résulté de la remise, par le franchiseur, de prévisionnels excessifs, qui les a conduits à contracter, ne pouvaient véritablement connaître le caractère erroné de ces chiffres qu’à la fin de la deuxième année d’exploitation, le premier exercice d’une nouvelle société n’étant, en général, pas suffisamment significatif pour établir que les comptes d’exploitation prévisionnels établis sur trois années étaient irréalistes ; qu’en effet, les mauvais résultats réalisés la première année d’exploitation peuvent avoir des causes variées qui ne découlent pas nécessairement de manquements pré contractuels du franchiseur ; que dès lors, le dol invoqué n’ayant pu être découvert avant la clôture du deuxième exercice de la société C2A Cuisines, soit avant le 31 décembre 2011, ou lors de l’établissement des comptes sociaux 2011 par l’expert comptable de la société C2A Cuisines au cours du premier semestre 2012, l’action intentée le 4 février 2016 devant le tribunal de commerce n’est pas prescrite ; (…)

Que la société Fournier soutient que les demandes de Monsieur [S] et de la société C2A Cuisines sont irrecevables au motif que le contrat ayant été « confirmé » par son exécution volontaire et par la demande de sa poursuite jusqu’au 30 novembre 2016, ils auraient renoncé à invoquer la nullité du contrat, conformément à l’article 1338 du code civil ; mais que la société C2A Cuisines et M. [O] [S] répliquent à juste raison qu’il est nécessaire que l’auteur de la confirmation de l’acte ait manifesté sa volonté non équivoque de purger le contrat de ses vices ; qu’or, lorsque la société C2A Cuisines a sollicité la poursuite de contractuelle pendant 9 mois supplémentaires, c’était dans le but unique d’être en mesure d’assurer sa reconversion, et elle n’a pas manifesté, ce faisant, sa volonté non équivoque de purger le contrat de ses vices, ni renoncé à invoquer les manquements précontractuels dénoncés au même moment ; que ce moyen doit donc être aussi rejeté ;

ALORS QUE la partie qui exécute volontairement le contrat postérieurement à la date à laquelle elle a découvert le prétendu vice affectant son consentement, et qui sollicite de surcroît la poursuite du contrat pendant une période déterminée après sa rupture, renonce à invoquer cette cause de nullité ; qu’en l’espèce, l’exposante faisait valoir (conclusions p. 21) que M. [S] et la société C2A Cuisines avaient volontairement exécuté le contrat, ceci bien après la prétendue découverte du vice, et avaient plus encore demandé au juge en première instance d’ordonner la poursuite du contrat jusqu’au 30 novembre 2016 (cf. jugement entrepris p. 2) ; qu’elle en déduisait que les appelants avaient volontairement renoncé à invoquer la nullité du contrat pour dol ; qu’en affirmant que la société C2A Cuisines n’avait sollicité la poursuite de la relation contractuelle que dans le but d’assurer sa reconversion et n’avait donc pas renoncé à invoquer les manquements précontractuels dénoncés au même moment, lorsqu’il résultait de ses propres constatations que la société C2A avait volontairement poursuivi l’exécution du contrat pendant près de quatre années après la découverte du vice qu’elle fixait à la date d’établissement des comptes sociaux au cours du premier semestre 2012, la cour d’appel a violé l’article 1138 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR dit que la société Fournier s’était rendue responsable d’un dol en communiquant au franchisé des prévisionnels grossièrement erronés et en communiquant un DIP très lacunaire et D’AVOIR condamné en conséquence la société Fournier à payer à la société C2A Cuisines la somme de 190.118 euros en réparation, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2016, lesdits intérêts capitalisés, ainsi qu’une somme de 47.600 euros au profit de M. [S], outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2016, lesdits intérêts capitalisés,

AUX MOTIFS QU’en application des dispositions des articles 1108 et 1109 du code civil dans leur rédaction applicable, le consentement de la partie qui s’oblige est une condition essentielle de la validité d’une convention et il n’y a point de consentement valable si ce consentement n’a été donné que par erreur ou surpris par dol. L’article 1110 ancien du même code dispose que l’erreur n’est une cause de nullité que si elle porte sur la substance même de la chose qui en est l’objet et l’article 1116 ancien précise que le dol est une cause de nullité lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté, qu’il ne se présume pas et qu’il doit être prouvé ; que le dol peut aussi fonder une action en responsabilité, basée sur l’article 1382 ancien du code civil ; que par ailleurs, l’article L. 330-3 du code commerce dispose que « toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause ». Ce document d’information précontractuelle, « dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités » ; que selon l’article [W] 330-1 du code commerce, le DIP doit contenir : ' (….) 4° La date de la création de l’entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d’exploitants, s’il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d’apprécier l’expérience professionnelle acquise par l’exploitant ou par les dirigeants. Les informations mentionnées à l’alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché. Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l’article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ; 5° Une présentation du réseau d’exploitants qui comporte : a) La liste des entreprises qui en font partie avec l’indication pour chacune d’elles du mode d’exploitation convenu ; b) L’adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ; Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l’alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l’exploitation envisagée ; c) Le nombre d’entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s’il a été résilié ou annulé ; d) S’il y a lieu, la présence, dans la zone d’activité de l’implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l’accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l’objet de celui-ci ; 6° L’indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités. Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l’enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l’exploitation’ ; qu’il résulte de la combinaison des articles susvisés qu’un manquement à l’obligation d’information précontractuelle prévue à l’article L. 330-3 du code de commerce n’entraîne la nullité du contrat de franchise, que s’il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé ; que si le franchiseur n’est pas tenu de remettre un compte d’exploitation prévisionnel au candidat à la franchise, aux termes du 6° de l’article [W] 330-1 du code de commerce, le document d’information précontractuelle doit contenir « la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l’enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l’exploitation » ; qu’il appartient ensuite à chaque franchisé d’établir son compte prévisionnel à partir de ces données ; qu’en revanche, si le franchiseur remet un compte d’exploitation, il doit donner des informations sincères et vérifiables ; qu’or, le document d’information pré contractuelle (pièce 101 des appelants) remis à la société C2A Cuisines, est extrêmement succinct (6 pages) et ne mentionne, au titre de la description du marché local, que la mention suivante : « d’après le Cetelem les indices de disparité de la consommation (IDC) calculés par cet organisme, la part du département 59 est estimée à 3,92 % et celle du département 62 à 2,18 % du marché français » ; qu’aucune mention relative aux autres magasins du réseau implantés dans la zone géographique n’y figure ; que par message électronique du 21 juillet 2009, Monsieur [E] [W], directeur d’enseigne SoCoo’c a adressé à Monsieur [I] un « business plan » comportant les comptes d’exploitation prévisionnels des années 1, 2 et 3 : – Année 1 : 958.639 euros de CA (facturé) et une perte de 28.353 euros ; – Année 2 : 1.211.865 euros de CA (facturé) et un bénéfice de 46.557 euros ; – Année 3 : 1.447.003 euros de CA (facturé) et un bénéfice de 72'358 euros ; qu’or, ces comptes prévisionnels 2010, 2011 et 2012 se sont révélés grossièrement irréalistes ; que les chiffres réellement réalisés par le point de vente ont en effet été les suivants (pièces 11 à 13 et 126) : – année 1 : 209'435 euros de chiffre d’affaires sur 6 mois et une perte de 169.225 euros, – année 2 : 825.266 euros de chiffre d’affaires et une perte 9'561 euros, – année 3 : 761.406 euros de chiffre d’affaires et une perte de 19'798 euros, – année 4 : 740'086 euros de chiffre d’affaires et une perte de 39'064 euros, – année 5 : 756.731 euros de chiffre d’affaires et un bénéfice de 13.112 euros, – année 6 : 702.035 euros de chiffre d’affaires ; que la comparaison avec les chiffres prévus dans les prévisionnels met en évidence un écart substantiel de 78,15 % en année 1, et un écart moyen de 49 % pour les années 3 à 5, par rapport aux prévisions pour l’année 3 ; que la société Fournier ne tente même pas de démontrer la vraisemblance des chiffres des prévisionnels en produisant les chiffres de ses autres franchisés ; qu’elle n’explique pas que 41 % des points de vente aient fermé, selon la société C2A Cuisines ; que l’écart entre les prévisionnels et les chiffres réalisés par le franchisé dépasse la marge d’erreur inhérente à toute donnée de nature prévisionnelle ; que le franchiseur ne démontre pas par ailleurs que le franchisé aurait été responsable de ces mauvais chiffres, l’expérience éprouvée du franchisé dans le secteur ne dispensant pas le franchiseur, sous peine de vider la loi de tout contenu, de lui dispenser des informations sincères ; qu’enfin, si le franchisé a l’obligation de se renseigner sur l’état du réseau, il ne peut lui être reproché d’avoir omis de procéder à l’étude des chiffres d’affaires des franchisés, alors qu’il disposait de chiffres prévisionnels ; que la société Fournier a donc engagé sa responsabilité en fournissant à la société C2A Cuisines des données erronées et non significatives ; que celles-ci ont provoqué dans l’esprit du franchisé une erreur sur la rentabilité de son activité ; que les chiffres prévisionnels transmis à la société C2A Cuisines par le franchiseur, étant exagérément optimistes au regard de l’écart très important qu’ils présentent avec les chiffres d’affaires effectivement réalisés par la société C2C Cuisines, à laquelle il n’est reproché aucune faute de gestion, étaient déterminants pour le consentement éclairé du franchisé et portaient sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l’espérance de gain est déterminante ; que ce dol a été amplifié par le caractère excessivement succinct du DIP de six pages, muet sur la concurrence locale et l’état du réseau ; que le consentement des appelants a donc été trompé par l’absence des informations précontractuelles exigées par la loi et, dans ce contexte de renseignements trop lacunaires sur l’état du marché, par la communication de chiffres exagérément optimistes ; que si le franchisé a le devoir de se renseigner lui-même sur l’état du marché et de réaliser ses propres calculs de rentabilité, il ne peut pour autant suppléer à toutes les carences du franchiseur, dont les obligations particulières sont de garantir la réitération de son propre succès, ce qui implique à tout le moins la délivrance d’un DIP aussi complet que possible et de chiffres vraisemblables (arrêt attaqué p. 10) ; que les chiffres transmis, par leur caractère erroné, et la rétention d’informations essentielles pour apprécier la rentabilité du réseau sont révélateurs de la volonté délibérée du franchiseur de tromper le consentement du franchisé ;

1°) ALORS QU’il appartient au franchisé, qui invoque un dol à l’origine d’une erreur sur la rentabilité de l’opération, d’établir l’existence de faits ou d’omissions imputables au franchiseur lui ayant donné une fausse représentation de la rentabilité objectivement réalisable ; que lorsque le franchiseur communique des chiffres prévisionnels, sans s’engager sur une rentabilité déterminée, il appartient donc au franchisé de démontrer que le franchiseur lui a communiqué une prévision objectivement irréaliste indépendamment de sa propre gestion de la franchise ; qu’en l’espèce, la société Fournier faisait valoir qu’elle n’avait transmis au franchisé qu’un chiffrage prévisionnel sous la forme d’un dossier intitulé « non contractuel » qui précisait, d’une part, qu’il correspondait « à une préconisation », que le résultat et le retour sur investissement étaient « bien évidemment à pondérer en fonction des choix de l’entreprise cliente », « qu’en l’absence d’informations sur la situation financière spécifique de chaque distributeur, ce document ne peut engager l’enseigne SoCoo’c » et, d’autre part, « qu’il appartient donc à chaque distributeur, pour finaliser le projet d’établir un prévisionnel à partir des éléments remis en tenant compte de sa propre situation » (conclusions p. 27) ; qu’en affirmant que la société Fournier ne tentait pas de démontrer la vraisemblance des chiffres prévisionnels ni que le franchisé aurait été responsable de ces mauvais chiffres, pour en déduire que les chiffres transmis auraient « été exagérément optimistes », lorsqu’il incombait au contraire à la société franchisée d’établir que les chiffres prévisionnels étaient objectivement irréalistes, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil, ensemble l’article 1116 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, et de l’article 330-3 du code de commerce ;

2°) ALORS en outre QUE les articles L. 330-3 et [W] 330-1 du code de commerce imposent seulement au franchiseur de remettre au franchisé un document d’information précontractuelle contenant, notamment, une présentation de l’état général et local du marché des produits et des perspectives de développement du marché ; que le franchiseur n’est en revanche pas tenu de mettre en place une étude chiffrée du marché local ni de faire état des résultats des franchisés du réseau ; qu’en l’espèce, le document d’information précontractuelle relatait les principales étapes de l’historique de l’entreprise, détaillait l’évolution du marché de meuble de cuisine, spécifiait les indices de disparité de la consommation sur le marché local au regard du marché national, donnait une liste des franchisés et faisait état des caractéristiques du contrat ; que la cour d’appel a en outre constaté que la société Fournier avait transmis un « business plan » comportant les comptes d’exploitation prévisionnels des années 1, 2 et 3 ; qu’en affirmant que le document d’information précontractuelle qui ne mentionnait pas d’information relative aux autres magasins du réseau dans la zone géographique ni à l’état du réseau avait trompé la société franchisée sur la réelle rentabilité du réseau, lorsque de telles informations n’étaient nullement requises, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 330-3 et [W] 330-1 du code de commerce ;

3°) ALORS en tout état de cause QUE l’incidence d’une information précontractuelle insuffisante ou erronée sur le consentement du franchisé doit être mesurée compte tenu des compétences, de l’expérience de ce dernier et de son éventuelle connaissance du marché ; qu’en l’espèce, la société Fournier faisait valoir que les demandeurs ne démontraient pas qu’ils n’auraient pas contracté, s’ils avaient eu connaissance des éléments d’information complémentaires à ceux fournis ou d’autres évaluations provisionnelles, d’autant que M. [S], qui avait assuré des fonctions de direction commerciale pendant plus de 18 ans sur un segment de marché identique à celui de l’enseigne SoCoo’c n’était pas un profane (conclusions p. 25 et 26 ; cf. contrat de travail de M. [S]) ; qu’en affirmant que les chiffres prévisionnels « exagérément optimistes » avaient vicié le consentement du franchisé en l’état d’un dossier d’information précontractuelle « excessivement succinct » au regard de l’article [W] 330-1 du code de commerce, l’expérience « éprouvée » du franchiseur dans le secteur « ne dispensant pas le franchiseur (…) de lui dispenser des informations sincères », sans à aucun moment s’interroger sur le point de savoir si le consentement du franchisé avait été réellement vicié compte tenu de son expérience professionnelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article L. 330-3 du code de commerce ;

4°) ALORS en tout état de cause QUE la faute précontractuelle du franchiseur résultant de la communication d’un chiffrage prévisionnel de résultat erroné n’est pas à l’origine d’une perte de chance du dirigeant franchisé de ne pas percevoir le chiffrage communiqué ; qu’en affirmant que M. [S], dirigeant de la société franchisée, avait subi le préjudice de gagner chaque année en moyenne la somme mensuelle de 33.000 euros mentionnée dans le prévisionnel, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article L. 330-3 du code de commerce.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR rejeté la demande de la société Fournier tendant à voir condamner la société C2A Cuisines à lui payer une somme de 31.164,59 euros au titre de redevances impayées, outre les pénalités de retard, ainsi qu’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dues par la société C2A Cuisines,

AUX MOTIFS QUE selon la société Fournier, la société C2A Cuisines doit être condamnée, au titre de redevances demeurées impayées, au règlement de la somme en principal de 31.164,59 euros, outre les pénalités de retard dues au taux de 3 fois le taux d’intérêt légal, ainsi que l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros due par facture impayée, soit 680 euros. Le tribunal n’avait pas fait droit à cette demande estimant que l’évolution du taux de redevance n’aurait pas été contractuellement justifiée. Or selon la société Fournier, Monsieur [I] et la société C2A Cuisines ont profité des « contreparties », comme l’ensemble des autres franchisés, qui, eux (contrairement à ce qui est prétendu), n’ont pas tenté de contester sans raison une évolution du taux de redevance parfaitement justifiée, et contractuellement prévue ; que la société C2A Cuisines et M. [I] soutient, en revanche, que la différence entre le taux de redevance convenu entre les parties à hauteur de 3 % et le taux à 4,5 % réclamée par la société Fournier n’a jamais donné lieu à leur accord. En outre, ils opposent une exception d’inexécution fondée sur les divers manquements contractuels de la société Fournier ; que la société Fournier verse aux débats les factures afférentes à ces redevances (pièce 12) impropres à démontrer en soi en premier lieu que le nouveau taux ait été accepté et en deuxième lieu que les redevances seraient demeurées impayées.

1°) ALORS QU’un contrat de franchise peut autoriser le franchiseur à augmenter unilatéralement le taux de redevance dû par le franchisé, sauf éventuel abus sanctionné par le juge ; qu’en se bornant à retenir que la preuve n’était pas rapportée d’un accord des parties sur l’augmentation du taux de redevance dû par le franchisé de 3 % à 4,5 %, sans rechercher comme l’y invitaient les écritures de la société Fournier, si le contrat de franchise n’autorisait pas une augmentation unilatérale du taux de redevance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QU’il appartient à celui qui se dit acquitté de sa dette de prouver le fait du paiement ; qu’en affirmant que les factures afférentes étaient impropres à établir que les redevances seraient demeurées impayées, lorsqu’il appartenait au contraire au franchisé d’établir qu’il s’était libéré de sa dette, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR rejeté la demande de la société Fournier tendant à voir condamner la société C2A Cuisines et M. [S], in solidum, à lui payer une somme au titre de l’astreinte due en application en application de l’article 23.3 du contrat de franchise,

AUX MOTIFS QUE l’article 23 du contrat, relatif aux conséquences de la rupture, stipule notamment : « 23.3 Cessation d’exploitation de l’enseigne et des signes distinctifs. En cas de rupture du contrat, quelle qu’en soit la cause et quelle que soit l’origine de la rupture, le Franchisé devra cesser, immédiatement et sans mise en demeure préalable, d’utiliser la marque et tous les signes distinctifs de celle ci sur ses documents et papiers commerciaux, il devra cesser de se prévaloir de la dénomination SoCoo’c, supprimer à ses frais toutes PLV ou enseignes faisant référence à la marque. (…) À défaut de respect immédiat de cette obligation au terme du préavis de rupture du contrat, le Franchisé devra régler une astreinte 305 euros par jour de retard, acquise quotidiennement et définitivement au Franchiseur sans préjudice de tous autres dommages et intérêts qui pourraient être réclamés en la matière et de toute action faire cesser cette utilisation abusive » ; que la société C2A Cuisines ne conteste pas avoir utilisé les signes distinctifs SoCoo’c jusqu’au jugement entrepris et elle expose avoir mis un terme à ces pratiques à compter de celui ci. Elle en justifie par la production d’un certain nombre de pièces (pièces 107 et 108) ; qu’il résulte des pièces versées aux débats (attestations de salariés de C2A et bons de commandes de C2A Cuisines de janvier et février 2016, complétés par des bons de livraison) que le contrat de franchise, en principe résilié en décembre 2015, a continué avec l’accord des deux parties en 2016. Les commandes et les livraisons effectuées en 2016 démontrent en effet que la société Fournier a accepté de vendre et livrer ses meubles SoCoo’c à la société C2A Cuisines début 2016, sans qu’il soit démontré que les livraisons correspondent à des commandes d’avant décembre 2015, de sorte qu’il ne peut être reproché au franchisé d’avoir usé des signes distinctifs sans autorisation pendant cette période ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société Fournier de sa demande d’astreintes.

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE vu la note en délibéré du 8 mars 2016 de la société Fournier qui démontre depuis le 1er janvier 2016 , la société C2A Cuisines offre à la vente des produits de la marque SoCoo’c qui ne figurent plus au catalogue, touchent des acomptes, force le système informatique (mode déconnecté) pour générer des devis ; vu la note en délibéré de la société C2A Cuisines en date du 21 mars, en réponse à la note en délibéré du 8 mars 2016, qui prouve que la société Fournier, à partir de janvier 2016, a vendu son catalogue SoCoo’c mis à jour les taris et a fourni la commande pour six cuisines ; que le contrat de franchise a été exécuté par les deux parties de 2010 à 2015, que son acceptation par les parties est tacite, qu’il est applicable ; qu’à ce jour, la société C2A Cuisines continue l’exploitation de son commerce en se référant toujours à l’enseigne Socoo’c ; que c’est contraire aux stipulations de l’article23 du contrat, que M. [S] ne pouvait l’ignorer puisque la lettre de résiliation en faisait précisément état ; mais que la société Fournier a continué d’exécuter le contrat comme s’il n’avait pas été dénoncé jusqu’au 1er mars 2016 ; qu’en conséquence, le tribunal déboutera la société Fournier de sa demande de condamnation de 18.300 euros au titre de l’astreinte jusqu’au 1er mars 2016 et condamnera la société C2A Cuisines sous astreinte provisoire de 305 euros par jour de retard, à cesser immédiatement d’utiliser l’enseigne Socoo’c, à se prévaloir de la dénomination Socoo’c, à supprimer toutes références à l’enseigne Socoo’c, et à utiliser toutes références, directes ou indirectes, à l’enseigne Socoo’c ;

ALORS QUE les juges ne peuvent modifier les termes du litige ; qu’en l’espèce, la société C2A Cuisines soutenait qu’elle avait demandé la poursuite judiciaire du contrat jusqu’à 30 novembre 2016 et qu’elle ne pouvait en conséquence rationnellement cesser d’utiliser l’enseigne SoCoo’c avant que le tribunal ne se soit prononcé sur la question (p. 56) ; qu’elle ne soutenait à aucun moment qu’elle aurait utilisé la marque au titre d’une poursuite du contrat décidée d’un commun accord avec la société Fournier, cette dernière contestant justement avoir donné un quelconque accord à la poursuite du contrat ; qu’en affirmant que les commandes et les livraisons effectuées en 2016 démontrent que la société Fournier avait accepté de vendre et livrer ses meubles à la société C2A Cuisines sans qu’il soit démontré que les livraisons correspondaient à des commandes antérieures à décembre 2015, lorsque la société C2A Cuisines ne se prévalait nullement d’un accord tacite de la société Fournier à la poursuite de la relation contractuelle, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 1 décembre 2021, 18-26.572, Inédit