CJUE, n° C-808/18, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Hongrie, 17 décembre 2020

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Chronologie de l’affaire

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CJUE · 17 décembre 2020

Cour de justice de l'Union européenne COMMUNIQUE DE PRESSE n° 161/20 Luxembourg, le 17 décembre 2020 Arrêt dans l'affaire C-808/18 Presse et Information Commission/Hongrie La Hongrie a manqué à ses obligations découlant du droit de l'Union en matière de procédures relatives à l'octroi de la protection internationale et de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier En particulier, la limitation de l'accès à la procédure de protection internationale, la rétention irrégulière des demandeurs de cette protection dans des zones de transit ainsi que la reconduite dans une …

 

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La Hongrie, en mettant en place des zones de transit pour effectuer une demande de protection internationale, a manqué à ses obligations en vertu des directives 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, et 2013/33/UE établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale (17 décembre) Arrêt Commission c. Hongrie (Grande chambre) (Accueil …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 17 déc. 2020, C-808/18
Numéro(s) : C-808/18
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 17 décembre 2020.#Commission européenne contre Hongrie.#Manquement d’État – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration – Directives 2008/115/CE, 2013/32/UE et 2013/33/UE – Procédure d’octroi d’une protection internationale – Accès effectif – Procédure à la frontière – Garanties procédurales – Placement obligatoire dans des zones de transit – Rétention – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Recours introduits contre les décisions administratives rejetant la demande de protection internationale – Droit de demeurer sur le territoire.#Affaire C-808/18.
Date de dépôt : 21 décembre 2018
Précédents jurisprudentiels : 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367
14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság ( C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367
14 mars 2006, Commission/France, C-177/04, EU:C:2006:173
14 septembre 2017, K., C-18/16, EU:C:2017:680
15 février 2016, N., C-601/15 PPU, EU:C:2016:84
25 janvier 2018, Hasan, C-360/16, EU:C:2018:35
28 janvier 2020, Commission/Italie ( Directive lutte contre le retard de paiement ), C-122/18, EU:C:2020:41
Affum, C-47/15, EU:C:2016:408
Arib e.a., C-444/17, EU:C:2019:220
arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida, C-249/13, EU:C:2014:2431
arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367
arrêt du 2 juillet 2020, Stadt Frankfurt am Main, C-18/19, EU:C:2020:511
arrêt du 5 novembre 2014, Mukarubega, C-166/13, EU:C:2014:2336, point 40
arrêt du 7 juin 2016, Affum, C-47/15, EU:C:2016:408
arrêts du 27 avril 2006, Commission/Allemagne, C-441/02, EU:C:2006:253
arrêts du 8 juillet 1999, Commission/France, C-354/98, EU:C:1999:386
Bilali, C-720/17, EU:C:2019:448
C-36/20 PPU, EU:C:2020:495
C-715/17, C-718/17 et C-719/17, EU:C:2020:257
Commission/Allemagne, C-441/02, EU:C:2006:253
Commission/Espagne, C-599/17, non publié, EU:C:2018:813
Commission/France, 21/84, EU:C:1985:184
Commission/Irlande, C-494/01, EU:C:2005:250
Commission/Irlande, C-87/14, EU:C:2015:449
Commission/Italie ( Bactérie Xylella fastidiosa ), C-443/18, EU:C:2019:676
Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367
Solution : Recours en constatation de manquement : rejet sur le fond, Recours en constatation de manquement : obtention
Identifiant CELEX : 62018CJ0808
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2020:1029
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

17 décembre 2020 ( *1 )

Table des matières

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2008/115

La directive 2013/32

La directive 2013/33

Le droit hongrois

La loi relative au droit d’asile

La loi sur les frontières de l’État

Le code de procédure administrative contentieuse

Le décret gouvernemental 301/2007

La procédure précontentieuse

Sur le recours

Observations liminaires

Sur le premier grief, relatif à l’accès à la procédure de protection internationale

Argumentation des parties

Appréciation de la Cour

Sur les deuxième et troisième griefs, relatifs à la rétention des demandeurs de protection internationale

Argumentation des parties

Sur le deuxième grief

– Sur le troisième grief

Appréciation de la Cour

Sur l’existence d’une rétention dans les zones de transit de Röszke et de Tompa

Sur la compatibilité de la rétention dans les zones de transit de Röszke et de Tompa avec les exigences prévues par les directives 2013/32 et 2013/33

Sur l’article 72 TFUE

Sur le quatrième grief, relatif à l’éloignement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier

Argumentation des parties

Appréciation de la Cour

Sur le cinquième grief, relatif au droit de rester sur le territoire de l’État membre concerné

Argumentation des parties

Appréciation de la Cour

Sur la première branche du cinquième grief, relative à l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32

Sur la deuxième branche du cinquième grief, relative à l’article 46, paragraphe 6, de la directive 2013/32

Sur la troisième branche du cinquième grief, relative à l’article 46, paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2013/32

Sur les dépens

« Manquement d’État – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration – Directives 2008/115/CE, 2013/32/UE et 2013/33/UE – Procédure d’octroi d’une protection internationale – Accès effectif – Procédure à la frontière – Garanties procédurales – Placement obligatoire dans des zones de transit – Rétention – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Recours introduits contre les décisions administratives rejetant la demande de protection internationale – Droit de demeurer sur le territoire »

Dans l’affaire C-808/18,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 21 décembre 2018,

Commission européenne, représentée par Mme M. Condou-Durande ainsi que par MM. A. Tokár et J. Tomkin, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Hongrie, représentée par M. M. Z. Fehér ainsi que par Mme M. M. Tátrai, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, MM. J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev, E. Regan, M. Ilešič et N. Wahl, présidents de chambre, MM. E. Juhász, D. Šváby, S. Rodin, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos (rapporteur), P. G. Xuereb et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 février 2020,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 juin 2020,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 6, de l’article 24, paragraphe 3, de l’article 43 et de l’article 46, paragraphes 5 et 6, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60), de l’article 2, sous h), et des articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 96), ainsi que de l’article 5, de l’article 6, paragraphe 1, de l’article 12, paragraphe 1, et de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98), lus en combinaison avec les articles 6, 18 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») :

en prescrivant que la demande d’asile doit être introduite en personne devant l’autorité compétente, et exclusivement dans les zones de transit, dans lesquelles elle n’autorise qu’un petit nombre de personnes à pénétrer ;

en appliquant une procédure particulière à titre de règle générale, durant laquelle les garanties inscrites dans la directive 2013/32 ne sont pas assurées ;

en disposant qu’il convient d’appliquer à tous les demandeurs d’asile, à l’exception des mineurs non accompagnés de moins de 14 ans, une procédure dont le résultat est qu’ils doivent rester en rétention pendant toute la durée de la procédure d’asile dans les installations de zones de transit qu’ils ne peuvent quitter qu’en direction de la Serbie, et en n’assortissant pas cette rétention des garanties prévues par la directive 2013/33 ;

en reconduisant, de l’autre côté de la clôture frontalière, les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire hongrois sans respecter les procédures et les garanties définies à l’article 5, à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 12, paragraphe 1, et à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 ;

en ne transposant pas, dans son droit national, l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32 et en adoptant des dispositions qui dérogent à la règle générale de l’effet suspensif automatique du recours des demandeurs de protection internationale dans des situations qui ne relèvent pas de l’article 46, paragraphe 6, de cette directive.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2008/115

2

L’article 2 de la directive 2008/115 prévoit :

« 1. La présente directive s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre.

2. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive aux ressortissants de pays tiers :

a)

faisant l’objet d’une décision de refus d’entrée conformément à l’article 13 du [règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2006, L 105, p. 1)], ou arrêtés ou interceptés par les autorités compétentes à l’occasion du franchissement irrégulier par voie terrestre, maritime ou aérienne de la frontière extérieure d’un État membre et qui n’ont pas obtenu par la suite l’autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre ;

[…] »

3

Selon l’article 3 de cette directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

2.

“séjour irrégulier” : la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du code frontières Schengen, ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ;

[…] »

4

L’article 5 de ladite directive dispose :

« Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte :

a)

de l’intérêt supérieur de l’enfant,

b)

de la vie familiale,

c)

de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers,

et respectent le principe de non-refoulement. »

5

L’article 6, paragraphes 1 et 2, de la même directive prévoit :

« 1. Les État[s] membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5.

2. Les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre et titulaires d’un titre de séjour valable ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour délivrés par un autre État membre sont tenus de se rendre immédiatement sur le territoire de cet autre État membre. En cas de non-respect de cette obligation par le ressortissant concerné d’un pays tiers ou lorsque le départ immédiat du ressortissant d’un pays tiers est requis pour des motifs relevant de l’ordre public ou de la sécurité nationale, le paragraphe 1 s’applique. »

6

L’article 12, paragraphe 1, de la directive 2008/115 énonce :

« Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d’interdiction d’entrée ainsi que les décisions d’éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles.

Les informations relatives aux motifs de fait peuvent être limitées lorsque le droit national permet de restreindre le droit à l’information, en particulier pour sauvegarder la sécurité nationale, la défense et la sécurité publique, ou à des fins de prévention et de détection des infractions pénales et d’enquêtes et de poursuites en la matière. »

7

Selon l’article 13, paragraphe 1, de cette directive :

« Le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance. »

8

Aux termes de l’article 18 de ladite directive :

« 1. Lorsqu’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers soumis à une obligation de retour fait peser une charge lourde et imprévue sur la capacité des centres de rétention d’un État membre ou sur son personnel administratif et judiciaire, l’État membre en question peut, aussi longtemps que cette situation exceptionnelle persiste, décider d’accorder pour le contrôle juridictionnel des délais plus longs que ceux prévus à l’article 15, paragraphe 2, troisième alinéa, et de prendre des mesures d’urgence concernant les conditions de rétention dérogeant à celles énoncées à l’article 16, paragraphe 1, et à l’article 17, paragraphe 2.

2. Lorsqu’il recourt à ce type de mesures exceptionnelles, l’État membre concerné en informe la Commission. Il informe également la Commission dès que les motifs justifiant l’application de ces mesures ont cessé d’exister.

3. Aucune disposition du présent article ne saurait être interprétée comme autorisant les États membres à déroger à l’obligation générale qui leur incombe de prendre toutes les mesures appropriées, qu’elles soient générales ou particulières, pour veiller au respect de leurs obligations découlant de la présente directive. »

La directive 2013/32

9

Le considérant 29 de la directive 2013/32 est libellé comme suit :

« Des garanties procédurales spéciales peuvent s’avérer nécessaires pour certains demandeurs du fait notamment de leur âge, de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, d’un handicap, d’une maladie grave, de troubles mentaux, ou de conséquences de tortures, de viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle. Les États membres devraient s’efforcer d’identifier les demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales avant qu’une décision ne soit prise en première instance. Ces demandeurs devraient se voir accorder un soutien adéquat, et notamment disposer de temps suffisant, afin de créer les conditions requises pour qu’ils aient effectivement accès aux procédures et pour qu’ils puissent présenter les éléments nécessaires pour étayer leur demande de protection internationale. »

10

L’article 2 de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

c)

“demandeur”, le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle aucune décision finale n’a encore été prise ;

d)

“demandeur nécessitant des garanties procédurales spéciales”, un demandeur dont l’aptitude à bénéficier des droits et à se conformer aux obligations prévus par la présente directive est limitée en raison de circonstances individuelles ;

e)

“décision finale”, toute décision établissant si le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride se voit accorder le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire en vertu de la directive 2011/95/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9),] et qui n’est plus susceptible d’un recours formé dans le cadre du chapitre V de la présente directive, que ce recours ait ou n’ait pas pour effet de permettre à un demandeur de demeurer sur le territoire des État[s] membres concernés en attendant son aboutissement ;

[…]

p)

“rester dans l’État membre”, le fait de rester sur le territoire, y compris à la frontière ou dans une zone de transit de l’État membre dans lequel la demande de protection internationale a été présentée ou est examinée ;

[…] »

11

L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« La présente directive s’applique à toutes les demandes de protection internationale présentées sur le territoire des États membres, y compris à la frontière, dans les eaux territoriales ou dans une zone de transit, ainsi qu’au retrait de la protection internationale. »

12

L’article 6 de la même directive dispose :

« 1. Lorsqu’une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l’enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande.

Si la demande de protection internationale est présentée à d’autres autorités qui sont susceptibles de recevoir de telles demandes, mais qui ne sont pas, en vertu du droit national, compétentes pour les enregistrer, les États membres veillent à ce que l’enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande.

Les États membres veillent à ce que ces autres autorités qui sont susceptibles de recevoir des demandes de protection internationale, par exemple les services de police, des gardes-frontières, les autorités chargées de l’immigration et les agents des centres de rétention, disposent des informations pertinentes et à ce que leur personnel reçoive le niveau de formation nécessaire à l’accomplissement de leurs tâches et responsabilités, ainsi que des instructions, pour qu’ils puissent fournir aux demandeurs des informations permettant de savoir où et comment la demande de protection internationale peut être introduite.

2. Les États membres veillent à ce que les personnes qui ont présenté une demande de protection internationale aient la possibilité concrète de l’introduire dans les meilleurs délais. Si les demandeurs n’introduisent pas leur demande, les États membres peuvent appliquer l’article 28 en conséquence.

3. Sans préjudice du paragraphe 2, les États membres peuvent exiger que les demandes de protection internationale soient introduites en personne et/ou en un lieu désigné.

4. Nonobstant le paragraphe 3, une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire est présenté par le demandeur ou, si le droit national le prévoit, un rapport officiel est parvenu aux autorités compétentes de l’État membre concerné.

5. Lorsque, en raison du nombre élevé de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui demandent simultanément une protection internationale, il est dans la pratique très difficile de respecter le délai prévu au paragraphe 1, les États membres peuvent prévoir de porter ce délai à dix jours ouvrables. »

13

Selon l’article 7 de la directive 2013/32 :

« 1. Les États membres font en sorte que toute personne majeure jouissant de la capacité juridique ait le droit de présenter une demande de protection internationale en son nom.

[…]

3. Les États membres font en sorte que les mineurs aient le droit de présenter une demande de protection internationale soit en leur nom si, conformément au droit de l’État membre concerné, ils ont la capacité juridique d’agir dans les procédures, soit par l’intermédiaire de leurs parents ou de tout autre membre adulte de leur famille, ou d’une personne adulte responsable d’eux, de par le droit ou la pratique de l’État membre concerné, ou par l’intermédiaire d’un représentant. »

14

L’article 8, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« S’il existe des éléments donnant à penser que des ressortissants de pays tiers ou des apatrides placés en rétention dans des centres de rétention ou présents à des points de passage frontaliers, y compris les zones de transit aux frontières extérieures, peuvent souhaiter présenter une demande de protection internationale, les États membres leur fournissent des informations sur la possibilité de le faire. Dans ces centres de rétention et points de passage, les États membres prennent des dispositions en matière d’interprétation dans la mesure nécessaire pour faciliter l’accès à la procédure d’asile. »

15

L’article 24, paragraphe 3, de ladite directive énonce :

« Lorsque des demandeurs ont été identifiés comme étant des demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales, les États membres veillent à ce qu’un soutien adéquat leur soit accordé pour qu’ils puissent, tout au long de la procédure d’asile, bénéficier des droits et se conformer aux obligations prévus par la présente directive.

Lorsqu’un tel soutien adéquat ne peut être fourni dans le cadre des procédures visées à l’article 31, paragraphe 8, et à l’article 43, notamment lorsque les États membres estiment qu’un demandeur nécessite des garanties procédurales spéciales parce qu’il a été victime de torture, de viol ou d’une autre forme grave de violence psychologique, physique ou sexuelle, les États membres n’appliquent pas, ou cessent d’appliquer, l’article 31, paragraphe 8, et l’article 43. Si les États membres appliquent l’article 46, paragraphe 6, à un demandeur à l’égard duquel l’article 31, paragraphe 8, et l’article 43 ne peuvent être appliqués en vertu du présent alinéa, les États membres prévoient au moins les garanties prévues à l’article 46, paragraphe 7. »

16

Selon l’article 26 de la même directive :

« 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur. Les motifs et les conditions de la rétention, ainsi que les garanties données aux demandeurs placés en rétention sont conformes à la directive [2013/33].

2. Lorsqu’un demandeur est placé en rétention, les États membres veillent à prévoir la possibilité d’un contrôle juridictionnel rapide conformément à la directive [2013/33]. »

17

Conformément à l’article 28, paragraphe 1, de la directive 2013/32 :

« Lorsqu’il existe un motif sérieux de penser qu’un demandeur a retiré implicitement sa demande ou y a renoncé implicitement, les États membres veillent à ce que l’autorité responsable de la détermination prenne la décision soit de clore l’examen de la demande, soit, pour autant que l’autorité responsable de la détermination considère la demande comme infondée sur la base d’un examen approprié de celle-ci quant au fond, conformément à l’article 4 de la directive [2011/95], de rejeter celle-ci. »

18

Selon l’article 31, paragraphe 8, de cette directive :

« Les États membres peuvent décider, dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales visés au chapitre II, d’accélérer une procédure d’examen et/ou de mener cette procédure à la frontière ou dans les zones de transit conformément à l’article 43 lorsque :

a)

le demandeur n’a soulevé, en soumettant sa demande et en exposant les faits, que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour obtenir le statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95] ; ou

b)

le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de la présente directive ; ou

c)

le demandeur a induit les autorités en erreur en ce qui concerne son identité et/ou sa nationalité, en présentant de fausses indications ou de faux documents ou en dissimulant des informations ou des documents pertinents qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable ; ou

d)

il est probable que, de mauvaise foi, le demandeur a procédé à la destruction ou s’est défait d’un document d’identité ou de voyage qui aurait aidé à établir son identité ou sa nationalité ; ou

e)

le demandeur a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations suffisamment vérifiées du pays d’origine, ce qui rend sa demande visiblement peu convaincante quant à sa qualité de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95] ; ou

f)

le demandeur a présenté une demande ultérieure de protection internationale qui n’est pas irrecevable conformément à l’article 40, paragraphe 5 ; ou

g)

le demandeur ne présente une demande qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision antérieure ou imminente qui entraînerait son éloignement ; ou

h)

le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire de l’État membre et, sans motif valable, ne s’est pas présenté aux autorités ou n’a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée ; ou

i)

le demandeur refuse de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales […] ; ou

j)

il existe de sérieuses raisons de considérer que le demandeur représente un danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public de l’État membre, ou le demandeur a fait l’objet d’une décision d’éloignement forcé pour des motifs graves de sécurité nationale ou d’ordre public au regard du droit national. »

19

L’article 33, paragraphe 2, de ladite directive dispose :

« Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

a)

une protection internationale a été accordée par un autre État membre ;

b)

un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme le premier pays d’asile du demandeur en vertu de l’article 35 ;

c)

un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 38 ;

d)

la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95] ; ou

e)

une personne à charge du demandeur introduit une demande après avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 2, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande introduite en son nom, et que rien dans la situation de la personne à charge ne justifie une demande distincte. »

20

Aux termes de l’article 39, paragraphe 1, de la même directive :

« Les États membres peuvent prévoir qu’aucun examen, ou aucun examen complet, de la demande de protection internationale et de la sécurité du demandeur dans son cas particulier, tel que décrit au chapitre II, n’a lieu dans les cas où une autorité compétente a établi, en se fondant sur les faits, que le demandeur cherche à entrer, ou est entré, illégalement sur son territoire depuis un pays tiers sûr conformément au paragraphe 2. »

21

Selon l’article 41, paragraphe 1, de la directive 2013/32 :

« Les États membres peuvent déroger au droit de rester sur le territoire lorsqu’une personne :

a)

n’a introduit une première demande ultérieure, dont l’examen n’est pas poursuivi en vertu de l’article 40, paragraphe 5, qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision qui entraînerait son éloignement imminent de l’État membre concerné ; ou

b)

présente une autre demande ultérieure de protection internationale dans le même État membre à la suite de l’adoption d’une décision finale déclarant une première demande ultérieure irrecevable en vertu de l’article 40, paragraphe 5, ou à la suite d’une décision finale rejetant cette demande comme infondée.

Les États membres ne peuvent faire usage de cette dérogation que si l’autorité responsable de la détermination estime qu’une décision de retour n’entraînera pas de refoulement direct ou indirect en violation des obligations internationales et à l’égard de l’Union incombant à cet État membre. »

22

L’article 43 de cette directive, intitulé « Procédures à la frontière », prévoit :

« 1. Les États membres peuvent prévoir des procédures conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à leur frontière ou dans leurs zones de transit, sur :

a)

la recevabilité d’une demande, en vertu de l’article 33, présentée en de tels lieux ; et/ou

b)

le fond d’une demande dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 31, paragraphe 8.

2. Les États membres veillent à ce que toute décision dans le cadre des procédures prévues au paragraphe 1 soit prise dans un délai raisonnable. Si aucune décision n’a été prise dans un délai de quatre semaines, le demandeur se voit accorder le droit d’entrer sur le territoire de l’État membre afin que sa demande soit traitée conformément aux autres dispositions de la présente directive.

3. Lorsque l’afflux d’un grand nombre de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides introduisant une demande de protection internationale à la frontière ou dans une zone de transit rend impossible, en pratique, l’application des dispositions du paragraphe 1, ces procédures peuvent également être appliquées dès lors et aussi longtemps que ces ressortissants de pays tiers ou apatrides sont hébergés normalement dans des endroits situés à proximité de la frontière ou de la zone de transit. »

23

L’article 46 de ladite directive dispose :

« […]

5. Sans préjudice du paragraphe 6, les États membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l’attente de l’issue du recours.

6. En cas de décision :

a)

considérant une demande comme manifestement infondée conformément à l’article 32, paragraphe 2, ou infondée après examen conformément à l’article 31, paragraphe 8, à l’exception des cas où les décisions sont fondées sur les circonstances visées à l’article 31, paragraphe 8, [sous] h) ;

b)

considérant une demande comme irrecevable en vertu de l’article 33, paragraphe 2, [sous] a), b, ou d) ;

c)

rejetant la réouverture du dossier du demandeur après qu’il a été clos conformément à l’article 28 ; ou

d)

de ne pas procéder à l’examen, ou de ne pas procéder à l’examen complet de la demande en vertu de l’article 39,

une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l’État membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l’État membre et lorsque, dans ces cas, le droit de rester dans l’État membre dans l’attente de l’issue du recours n’est pas prévu par le droit national.

[…]

8. Les États membres autorisent le demandeur à rester sur leur territoire dans l’attente de l’issue de la procédure visant à décider si le demandeur peut rester sur le territoire, visée aux paragraphes 6 et 7.

[…] »

La directive 2013/33

24

Le considérant 17 de la directive 2013/33 énonce :

« Les motifs du placement en rétention établis dans la présente directive sont sans préjudice d’autres motifs de détention, notamment les motifs de détention dans le cadre de procédures pénales, qui sont applicables en vertu du droit national, indépendamment de la demande de protection internationale introduite par le ressortissant de pays tiers ou l’apatride. »

25

L’article 2 de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

b)

“demandeur”, tout ressortissant de pays tiers ou tout apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement ;

[…]

h)

“rétention”, toute mesure d’isolement d’un demandeur par un État membre dans un lieu déterminé, où le demandeur est privé de sa liberté de mouvement ;

[…] »

26

L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« La présente directive s’applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui présentent une demande de protection internationale sur le territoire d’un État membre, y compris à la frontière, dans les eaux territoriales ou les zones de transit, tant qu’ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs, ainsi qu’aux membres de leur famille, s’ils sont couverts par cette demande de protection internationale conformément au droit national. »

27

L’article 7 de la même directive prévoit :

« 1. Les demandeurs peuvent circuler librement sur le territoire de l’État membre d’accueil ou à l’intérieur d’une zone qui leur est attribuée par cet État membre. La zone attribuée ne porte pas atteinte à la sphère inaliénable de la vie privée et donne suffisamment de latitude pour garantir l’accès à tous les avantages prévus par la présente directive.

2. Les États membres peuvent décider du lieu de résidence du demandeur pour des raisons d’intérêt public ou d’ordre public ou, le cas échéant, aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de sa demande de protection internationale.

3. Les États membres peuvent prévoir que, pour bénéficier des conditions matérielles d’accueil, les demandeurs doivent effectivement résider dans un lieu déterminé fixé par les États membres. Ces décisions, qui peuvent être à caractère général, sont prises au cas par cas et fondées sur le droit national.

[…] »

28

Aux termes de l’article 8 de la directive 2013/33 :

« 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur conformément à la directive [2013/32].

2. Lorsque cela s’avère nécessaire et sur la base d’une appréciation au cas par cas, les États membres peuvent placer un demandeur en rétention, si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.

3. Un demandeur ne peut être placé en rétention que :

a)

pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité ;

b)

pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a risque de fuite du demandeur ;

c)

pour statuer, dans le cadre d’une procédure, sur le droit du demandeur d’entrer sur le territoire ;

d)

lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d’une procédure de retour au titre de la [directive 2008/115], pour préparer le retour et/ou procéder à l’éloignement, et lorsque l’État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile, qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour ;

e)

lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige ;

f)

conformément à l’article 28 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil[,] du 26 juin 2013[,] établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride [(JO 2013, L 180, p. 31)].

Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national.

4. Les États membres veillent à ce que leur droit national fixe les règles relatives aux alternatives au placement en rétention, telles que l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités, le dépôt d’une garantie financière ou l’obligation de demeurer dans un lieu déterminé. »

29

Selon l’article 9, paragraphe 2, de cette directive :

« Le placement en rétention des demandeurs est ordonné par écrit par les autorités judiciaires ou administratives. La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée. »

30

Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, de ladite directive :

« Le placement de demandeurs en rétention s’effectue en règle générale dans des centres de rétention spécialisés. Lorsqu’un État membre n’est pas en mesure de fournir un hébergement dans un centre de rétention spécialisé et doit recourir à un établissement pénitentiaire, le demandeur placé en rétention est séparé des détenus de droit commun et les conditions du placement en rétention prévues par la présente directive s’appliquent.

[…] »

31

L’article 11 de la même directive prévoit :

« 1. L’état de santé, y compris l’état de santé mentale, des demandeurs placés en rétention qui sont des personnes vulnérables est pour les autorités nationales une préoccupation primordiale.

Lorsque des personnes vulnérables sont placées en rétention, les États membres veillent à assurer un suivi régulier de ces personnes et à leur apporter un soutien adéquat, compte tenu de leur situation particulière, y compris leur état de santé.

2. Les mineurs ne peuvent être placés en rétention qu’à titre de mesure de dernier ressort et après qu’il a été établi que d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées efficacement. Ce placement en rétention doit être d’une durée la plus brève possible et tout doit être mis en œuvre pour libérer les mineurs placés en rétention et les placer dans des lieux d’hébergement appropriés pour mineurs.

L’intérêt supérieur du mineur, comme l’exige l’article 23, paragraphe 2, est une considération primordiale pour les États membres.

Lorsque des mineurs sont placés en rétention, ils ont la possibilité de pratiquer des activités de loisirs, y compris des jeux et des activités récréatives adaptés à leur âge.

3. Les mineurs non accompagnés ne peuvent être placés en rétention que dans des circonstances exceptionnelles. Tout doit être mis en œuvre pour libérer le plus rapidement possible le mineur non accompagné placé en rétention.

Les mineurs non accompagnés ne sont jamais placés en rétention dans des établissements pénitentiaires.

Dans la mesure du possible, les mineurs non accompagnés sont hébergés dans des centres disposant de personnel et d’installations qui tiennent compte des besoins des personnes de leur âge.

Lorsque des mineurs non accompagnés sont placés en rétention, les États membres veillent à ce qu’ils soient hébergés séparément des adultes.

[…] »

32

Selon l’article 18, paragraphe 9, de la directive 2013/33 :

« Pour les conditions matérielles d’accueil, les États membres peuvent, à titre exceptionnel et dans des cas dûment justifiés, fixer des modalités différentes de celles qui sont prévues dans le présent article, pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque :

a)

une évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise, conformément à l’article 22 ;

b)

les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées

Ces différentes conditions couvrent, en tout état de cause, les besoins fondamentaux. »

33

Aux termes de l’article 21 de cette directive :

« Dans leur droit national transposant la présente directive, les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine. »

34

L’article 22, paragraphe 1, troisième alinéa, de ladite directive dispose :

« Les États membres font en sorte que l’aide fournie aux demandeurs ayant des besoins particuliers en matière d’accueil conformément à la présente directive, tienne compte de leurs besoins particuliers en matière d’accueil pendant toute la durée de la procédure d’asile et que leur situation fasse l’objet d’un suivi approprié. »

Le droit hongrois

La loi relative au droit d’asile

35

L’article 4, paragraphe 3, de la menedékjogról szóló 2007. évi LXXX. törvény (loi no LXXX de 2007 relative au droit d’asile) (Magyar Közlöny 2007/83, ci-après la « loi relative au droit d’asile ») dispose :

« Il convient, en ce qui concerne les personnes nécessitant un traitement spécial, d’appliquer les dispositions de la présente loi en tenant compte des besoins spécifiques qui résultent de leur situation. »

36

L’article 5, paragraphe 1, de la loi relative au droit d’asile prévoit :

« Le demandeur d’asile a le droit :

a)

conformément aux conditions prévues par la présente loi, de séjourner sur le territoire hongrois et, conformément à la réglementation spécifique, d’obtenir un permis de séjour sur le territoire hongrois ;

b)

conformément aux conditions prévues par la présente loi et à la réglementation spécifique, de recevoir des prestations, une aide et un hébergement ;

c)

d’occuper un emploi sur le lieu où se situe le centre d’accueil ou sur un lieu de travail déterminé par l’employeur public dans les neuf mois suivant l’introduction de la demande d’asile ou, après l’expiration de ce délai, conformément aux règles générales applicables aux ressortissants étrangers. »

37

L’article 29 de cette loi dispose :

« Il convient d’assurer les conditions d’accueil en tenant compte des besoins spécifiques des personnes nécessitant un traitement spécial. »

38

Selon l’article 30, paragraphe 3, de ladite loi :

« Lors de l’adoption d’une décision restreignant ou retirant le bénéfice des conditions matérielles d’accueil

a)

l’autorité compétente en matière d’asile doit prendre en considération la situation individuelle du demandeur d’asile, compte tenu notamment des personnes qui nécessitent un traitement spécial, et

b)

la restriction ou le retrait doivent être proportionnés à l’infraction commise. »

39

L’article 31/A de la même loi énonce :

« 1. L’autorité compétente en matière d’asile peut, afin de mener la procédure en matière d’asile, ou d’assurer un transfert au titre du règlement [no 604/2013] – tout en tenant compte des limites prévues à l’article 31/B – placer en rétention les demandeurs d’asile dont le titre de séjour repose exclusivement sur l’introduction d’une demande

a)

lorsque cela permet d’établir l’identité ou la nationalité de l’intéressé quand celle-ci est incertaine,

b)

lorsque l’intéressé fait l’objet d’une procédure de retour et qu’il existe des éléments objectifs – tels que le fait que celui-ci a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure de protection internationale – permettant de démontrer, ou d’autres bonnes raisons permettant de supposer que celui-ci a présenté sa demande de protection internationale à la seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour,

c)

pour établir les faits et circonstances sur lesquels se fonde la demande d’asile lorsque ceux-ci ne peuvent pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a un risque de fuite de l’intéressé,

d)

lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige,

e)

lorsque la demande a été introduite dans la zone internationale d’un aéroport,

f)

ou que le placement en rétention est nécessaire pour assurer les procédures de transfert au titre du règlement [no 604/2013], et qu’il y a un risque sérieux de fuite de l’intéressé.

[…]

2. Le placement en rétention d’un demandeur d’asile peut être ordonné à l’issue d’une appréciation individuelle du cas d’espèce et uniquement dans le cas où l’objectif ainsi poursuivi ne peut être atteint par une mesure garantissant que celui-ci reste à la disposition des autorités.

[…]

5. Le placement en rétention d’un demandeur d’asile est ordonné par une décision qui est exécutoire dès sa notification.

[…] »

40

L’article 31/B de la loi relative au droit d’asile énonce :

« 1. Aucun placement en rétention ne saurait être ordonné au seul motif qu’une demande d’asile a été introduite.

2. Aucun placement en rétention ne saurait être ordonné à l’encontre d’un demandeur d’asile mineur non accompagné.

3. Le placement en rétention ne peut être ordonné à l’encontre de familles avec des enfants mineurs qu’à titre de mesure de dernier ressort en tenant compte avant tout de l’intérêt supérieur des enfants.

[…] »

41

L’article 32/D, paragraphe 1, de cette loi prévoit :

« La demande est une déclaration, présentée par une partie, sur la base de laquelle l’autorité compétente en matière d’asile enclenche une procédure administrative. »

42

Selon l’article 35 de ladite loi :

« 1. La procédure d’asile commence avec l’introduction de la demande d’asile auprès de l’autorité compétente en matière d’asile. Le demandeur d’asile est soumis à la procédure d’asile

a) à compter de la date d’introduction, en personne, de sa demande de protection internationale auprès de l’autorité compétente en matière d’asile, ou

b) lorsqu’il a introduit sa demande de protection internationale auprès d’une autre autorité, à compter de la date d’enregistrement de cette demande par l’autorité compétente en matière d’asile

jusqu’à la notification de la décision rendue à l’issue de la procédure quand elle n’est plus susceptible de recours.

[…] »

43

L’article 51 de la même loi prévoit :

« 1. Si les conditions d’application des règlements [no 604/2013 et no 118/2014] ne sont pas réunies, l’autorité compétente en matière d’asile statue sur la question de la recevabilité de la demande, ainsi que sur la présence des conditions d’une décision sur l’objet de la demande dans le cadre d’une procédure accélérée.

2. La demande est irrecevable

[…]

e)

s’il existe, en ce qui concerne le demandeur, un pays tiers qui peut être considéré comme étant un pays tiers sûr à son égard,

[…]

7. Il peut être statué sur la demande dans le cadre d’une procédure accélérée si le demandeur

[…]

h) est entré illégalement sur le territoire hongrois, ou a prolongé illégalement son séjour et n’a pas présenté de demande d’asile dans un délai raisonnable, bien qu’il ait eu la possibilité de l’introduire auparavant, et n’a pu fournir aucune raison valable pour justifier ce retard ;

[…] »

44

Aux termes de l’article 53 de la loi relative au droit d’asile :

« 1. L’autorité compétente en matière d’asile rejette la demande par une ordonnance lorsqu’elle conclut à l’existence d’une des conditions énoncées prévues à l’article 51, paragraphe 2.

2. Une décision de rejet qui est motivée par l’irrecevabilité de la demande, ou qui a été rendue dans le cadre d’une procédure accélérée, peut être contestée dans le cadre d’une procédure administrative contentieuse.

[…]

6. Dans le cadre de la procédure administrative contentieuse, le dépôt d’une requête n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de la décision, à l’exception des décisions en matière d’asile prises en application de l’article 51, paragraphe 2, sous e), et paragraphe 7, sous h). »

45

Le 15 septembre 2015, la egyes törvényeknek a tömeges bevándorlás kezelésével összefüggő módosításáról szóló 2015. évi CXL. törvény (loi no CXL de 2015 modifiant certaines lois dans un contexte de gestion de l’immigration massive) (Magyar Közlöny 2015/124, ci-après la « loi relative à la gestion de l’immigration massive ») est entrée en vigueur. La loi relative à la gestion de l’immigration massive, qui a modifié, notamment, la loi relative au droit d’asile, introduit les notions de « situation de crise engendrée par une immigration massive » et de « procédure à la frontière ». Elle prévoit en outre la création de zones de transit à l’intérieur desquelles les procédures d’asile sont appliquées.

46

En vertu de la loi relative à la gestion de l’immigration massive, dans une « situation de crise engendrée par une immigration massive », les demandes introduites dans les zones de transit établies à la frontière sont examinées conformément aux règles de procédure à la frontière.

47

À cet égard, l’article 71/A de la loi relative au droit d’asile, qui a été introduit par la loi relative à la gestion de l’immigration massive, dispose :

« 1) Si le ressortissant étranger introduit sa demande dans la zone de transit :

a)

avant d’entrer sur le territoire hongrois ; ou

b)

après avoir été intercepté sur le territoire hongrois à l’intérieur d’une bande de 8 km à compter du tracé de la frontière extérieure, au sens de l’article 2, deuxième alinéa, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil[,] du 9 mars 2016[,] concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) [(JO 2016, L 77, p. 1),] ou des signes de démarcation de la frontière, et avoir été escorté au-delà du portail d’une installation destinée à protéger l’ordre à la frontière, telle que prévue par l’az államhatárról szóló 2007. évi LXXXIX. törvény (loi no LXXXIX de 2007 sur les frontières de l’État) ;

il convient d’appliquer les dispositions du présent chapitre avec les dérogations prévues au présent article.

2) Pendant la durée de la procédure à la frontière, les demandeurs d’asile ne bénéficient pas des droits visés à l’article 5, paragraphe 1, sous a) et c).

3) L’autorité compétente en matière d’asile statue en priorité sur la recevabilité de la demande d’asile, au plus tard dans les 8 jours qui suivent la date d’introduction de la demande. Elle notifie sans délai sa décision.

4) Si quatre semaines se sont écoulées à compter de la date d’introduction de la demande, la police des étrangers autorise l’entrée sur le territoire hongrois conformément à la loi.

5) Si la demande n’est pas irrecevable, la police des étrangers autorise l’entrée sur le territoire hongrois conformément à la loi.

6) Si l’entrée sur le territoire hongrois est autorisée, l’autorité compétente en matière d’asile mène la procédure d’asile conformément aux règles générales.

7) Les règles de la procédure à la frontière ne s’appliquent pas aux personnes nécessitant un traitement spécial.

[…] »

48

La határőrizeti területen lefolytatott eljárás szigorításával kapcsolatos egyes törvények módosításáról szóló 2017. évi XX. törvény (loi no XX de 2017 modifiant certaines lois relatives au renforcement de la procédure appliquée dans la zone frontalière surveillée) (Magyar Közlöny 2017/39, ci-après la « loi no XX de 2017 ») a élargi les cas dans lesquels le gouvernement peut déclarer une « situation de crise engendrée par une immigration massive », au sens de la loi relative au droit d’asile, et a modifié les dispositions permettant de déroger aux dispositions générales de cette loi dans une telle situation.

49

Depuis l’entrée en vigueur de la loi no XX de 2017, l’article 80/A de la loi relative au droit d’asile prévoit :

« 1. Une situation de crise engendrée par une immigration massive peut être déclarée :

a)

si le nombre de demandeurs d’asile arrivant en Hongrie dépasse en moyenne :

aa) 500 personnes par jour pendant un mois ;

ab) 750 personnes par jour pendant deux semaines consécutives ; ou

ac) 800 personnes par jour pendant une semaine ;

b)

si le nombre de personnes se trouvant dans les zones de transit en Hongrie – à l’exception de celles prêtant assistance aux ressortissants étrangers – dépasse en moyenne :

ba) 1000 personnes par jour pendant un mois ;

bb) 1500 personnes par jour pendant deux semaines consécutives ; ou

bc) 1600 personnes par jour pendant une semaine ;

c)

si, outre les cas visés aux points a) et b), survient une circonstance en rapport avec une telle situation migratoire qui :

ca) menace directement la sécurité de la frontière extérieure hongroise, telle que définie à l’article 2, paragraphe 2, du code frontières Schengen ;

cb) menace directement la sécurité publique, l’ordre public ou la santé publique à l’intérieur d’une bande de territoire hongrois de 60 mètres à compter du tracé de la frontière extérieure hongroise, telle que définie à l’article 2, paragraphe 2, du code frontières Schengen, ou des signes de démarcation de la frontière, ou dans toute localité située sur le territoire hongrois, en particulier si des conflits éclatent ou des actes de violence sont commis dans un centre d’accueil ou un établissement d’hébergement pour étrangers se trouvant dans la zone ainsi délimitée ou dans ladite localité et ses alentours.

2. À l’initiative du chef de la police nationale et du chef de l’autorité compétente en matière d’asile et sur proposition du ministre compétent, le gouvernement peut déclarer par décret une situation de crise engendrée par une immigration massive. Celle-ci peut couvrir l’ensemble ou une partie déterminée du territoire hongrois.

[…]

4. Le décret gouvernemental visé au paragraphe 2 reste en vigueur pendant une période maximale de six mois, sauf si le gouvernement prolonge sa validité. Le gouvernement peut prolonger la validité du décret visé au paragraphe 2 si les conditions applicables à la déclaration d’une situation de crise engendrée par une immigration massive sont réunies au moment de la prolongation.

[…]

6. Dans une situation de crise engendrée par une immigration massive, il convient d’appliquer les dispositions des articles 80/B à 80/G uniquement sur le territoire défini dans le décret gouvernemental visé au paragraphe 2, et uniquement dans la mesure nécessaire pour traiter les causes profondes d’une telle situation et gérer celle-ci. »

50

Aux termes de l’article 80/H de la loi relative au droit d’asile :

« En cas de situation de crise engendrée par une immigration massive, les dispositions des chapitres I à IV et V/A à VIII doivent être appliquées avec les dérogations prévues aux articles 80/I à 80/K. »

51

L’article 80/I de cette loi prévoit :

« Les dispositions suivantes ne doivent pas être appliquées :

[…]

b) l’article 35, paragraphes 1 et 6 ;

[…]

i) les articles 71/A à 72. »

52

Selon l’article 80/J de ladite loi :

« 1. La demande d’asile doit être introduite en personne auprès de l’autorité compétente et exclusivement dans la zone de transit, sauf si le demandeur d’asile :

a)

fait l’objet d’une mesure coercitive, d’une mesure ou d’une condamnation restreignant la liberté individuelle ;

b)

fait l’objet d’une mesure de rétention ordonnée par l’autorité compétente en matière d’asile ;

c)

séjourne légalement sur le territoire hongrois et ne demande pas à être hébergé dans un centre d’accueil.

2. Le demandeur d’asile est soumis à la procédure d’asile à compter de la date d’introduction de sa demande de protection internationale auprès de l’autorité compétente, jusqu’à la notification de la décision adoptée à l’issue de la procédure quand elle n’est plus susceptible de recours.

3. La police escorte le ressortissant étranger en séjour irrégulier sur le territoire hongrois qui déclare son intention d’introduire une demande d’asile au-delà du portail d’une installation destinée à protéger l’ordre à la frontière, telle que prévue par l’az államhatárról szóló 2007. évi LXXXIX. törvény (loi no LXXXIX de 2007 sur les frontières de l’État). L’intéressé peut introduire sa demande d’asile conformément aux dispositions du paragraphe 1.

4. Pendant la durée de la procédure, les demandeurs d’asile séjournant dans la zone de transit ne bénéficient pas des droits visés à l’article 5, paragraphe 1, sous a) et c).

5. L’autorité compétente en matière d’asile assigne au demandeur d’asile la zone de transit comme étant son lieu de séjour, jusqu’à ce que soit devenue exécutoire l’ordonnance de transfert au titre du règlement [no 604/2013] ou la décision qui n’est plus susceptible de recours. Le demandeur d’asile peut quitter la zone de transit en franchissant le portail de sortie.

6. Si le demandeur d’asile est un mineur non accompagné de moins de 14 ans, l’autorité compétente en matière d’asile mène la procédure d’asile conformément aux règles générales, après l’entrée du mineur sur le territoire hongrois. Elle lui trouve sans délai un hébergement temporaire et demande simultanément à l’autorité compétente en matière de tutelles de désigner un tuteur chargé de protéger et de représenter le mineur. Le tuteur doit être désigné dans les huit jours suivant la réception de la demande de l’autorité compétente en matière d’asile. L’autorité compétente en matière de tutelles communique sans délai le nom du tuteur désigné au mineur non accompagné et à l’autorité compétente en matière d’asile. »

53

Aux termes de l’article 80/K de la même loi :

« 1. Une décision de rejet qui est motivée par l’irrecevabilité de la demande, ou qui a été rendue dans le cadre d’une procédure accélérée, peut être contestée dans un délai de trois jours. L’autorité compétente en matière d’asile, dans les trois jours, transmet au juge la requête, accompagnée des documents relatifs à l’affaire et du mémoire en défense.

2. L’autorité compétente en matière d’asile prend une décision sur la base des informations dont elle dispose, ou clôt la procédure, si le demandeur d’asile :

[…]

d) quitte la zone de transit.

[…]

4. La décision mettant fin à la procédure en application du paragraphe 2 ne peut être contestée dans le cadre d’une procédure administrative contentieuse.

[…]

7. Les décisions adressées à des demandeurs d’asile ayant quitté la zone de transit leur sont notifiées par voie d’avis. […]

[…]

10. Après notification d’une décision qui n’est plus susceptible de recours, le demandeur d’asile quitte la zone de transit.

11. Si le demandeur d’asile introduit de nouveau une demande alors qu’une décision définitive de clôture ou de rejet a été rendue sur sa demande précédente, il perd le bénéfice des droits prévus à l’article 5, paragraphe 1), sous a) à c). »

La loi sur les frontières de l’État

54

L’article 5 de l’az államhatárról szóló 2007. évi LXXXIX. törvény (loi no LXXXIX de 2007 sur les frontières de l’État) (Magyar Közlöny 2007/88, ci-après la « loi sur les frontières de l’État ») dispose :

« 1. Conformément à la présente loi, il est possible d’utiliser, sur le territoire hongrois, une bande de 60 mètres à compter du tracé de la frontière extérieure telle que définie à l’article 2, paragraphe 2, du code frontières Schengen, ou des signes de démarcation de la frontière, afin de construire, d’implanter et d’exploiter des installations destinées à protéger l’ordre à la frontière – y compris celles visées à l’article 15/A –, et d’exécuter les tâches concernant la défense et la sécurité nationales, la gestion des catastrophes, la surveillance des frontières, l’asile et la police migratoire.

1 bis. La police peut, sur le territoire hongrois, interpeller les ressortissants étrangers en séjour irrégulier sur le territoire hongrois, à l’intérieur d’une bande de 8 km à compter du tracé de la frontière extérieure telle que définie à l’article 2, paragraphe 2, du code frontières Schengen ou des signes de démarcation de la frontière, et les escorter au-delà du portail de l’installation la plus proche visée au paragraphe 1, sauf en cas de soupçon d’infraction.

1 ter. Dans une situation de crise engendrée par une immigration massive, la police peut, sur le territoire hongrois, interpeller les ressortissants étrangers en séjour irrégulier sur le territoire hongrois et les escorter au-delà du portail de l’installation la plus proche visée au paragraphe 1, sauf en cas de soupçon d’infraction.

[…] »

55

L’article 15/A de cette loi énonce :

« 1. Une zone de transit peut être créée dans la zone visée à l’article 5, paragraphe 1, afin de servir de lieu de séjour temporaire aux personnes demandant à bénéficier de l’asile ou de la protection subsidiaire […] et de lieu où se déroulent les procédures en matière d’asile et de police migratoire et qui abrite les installations nécessaires à cette fin.

2. Le demandeur de protection internationale se trouvant dans la zone de transit peut entrer sur le territoire hongrois :

a)

si l’autorité compétente en matière d’asile prend une décision octroyant la protection internationale ;

b)

si les conditions d’application des règles générales concernant la procédure d’asile sont réunies, ou

c)

s’il est nécessaire d’appliquer les dispositions de l’article 71/A, paragraphes 4 et 5, de la loi relative au droit d’asile.

2 bis. Dans une situation de crise engendrée par une immigration massive, l’entrée sur le territoire hongrois d’un demandeur de protection internationale se trouvant dans la zone de transit peut être autorisée dans les cas visés au paragraphe 2, sous a) et b).

3. Dans la zone de transit, les organismes publics s’acquittent de leurs fonctions et exercent leur pouvoir conformément aux dispositions législatives qui leur sont applicables.

4. Contrairement aux dispositions visées au paragraphe 1, dans une situation de crise engendrée par une immigration massive, une installation située dans un lieu autre que celui indiqué à l’article 5, paragraphe 1, peut aussi être désignée comme zone de transit. »

Le code de procédure administrative contentieuse

56

L’article 39, paragraphe 6, de la közigazgatási perrendtartásról szóló 2017. évi I. törvény (loi no I de 2017 portant code de procédure administrative contentieuse) (Magyar Közlöny 2017/30, ci-après le « code de procédure administrative contentieuse ») énonce :

« Sauf dispositions contraires prévues par la présente loi, la requête n’a pas pour effet de suspendre l’entrée en vigueur de l’acte administratif. »

57

L’article 50 du code de procédure administrative contentieuse prévoit :

« 1. Toute personne dont le droit ou l’intérêt légitime a été violé par une action de l’administration ou par le maintien d’une situation résultant de cette action peut introduire, à n’importe quel stade de la procédure, une demande de protection juridictionnelle immédiate auprès de la juridiction compétente saisie, afin de prévenir la survenance d’un risque imminent de préjudice, d’obtenir une décision provisoire relative à la relation juridique contestée ou le maintien de la situation ayant donné lieu au litige.

2. Dans le cadre d’une demande de protection immédiate, il est possible de demander :

a)

l’effet suspensif,

[…] »

Le décret gouvernemental 301/2007

58

L’article 33 de l’a menedékjogról szóló 2007. évi LXXX. törvény végrehajtásáról szóló, 301/2007. (XI. 9.) Korm. rendelet [décret gouvernemental 301/2007. (XI. 9.), relatif à la mise en œuvre de la loi relative au droit d’asile] (Magyar Közlöny 2007/151) prévoit :

« 1. Si cela est justifié compte tenu de la situation individuelle du demandeur d’asile nécessitant un traitement spécial, l’autorité compétente en matière d’asile est tenue de faire en sorte que celui-ci bénéficie d’un hébergement à part dans le centre d’accueil.

2. Il convient – dans la mesure du possible – de faire en sorte que l’unité familiale soit préservée également dans le cas où une personne nécessitant un traitement spécial bénéficie d’un hébergement à part. »

59

L’article 34, paragraphe 1, de ce décret prévoit :

« Outre les dispositions des articles 26 et 27, les demandeurs d’asile nécessitant un traitement spécial – dans la mesure où cela est nécessaire, au vu de leur situation individuelle et sur la base, également, d’une expertise médicale – ont le droit d’accéder gratuitement à des prestations de santé justifiées compte tenu de leur état de santé, à des mesures de réadaptation, à une prise en charge psychologique, y compris à des soins de psychologie clinique, ainsi qu’à un traitement psychothérapeutique. »

La procédure précontentieuse

60

Le 11 décembre 2015, la Commission a envoyé à la Hongrie une lettre de mise en demeure reprochant à cet État membre d’avoir méconnu, notamment, l’article 46, paragraphes 1, 3, 5 et 6, de la directive 2013/32.

61

La Hongrie a répondu à cette lettre de mise en demeure en faisant valoir que sa réglementation était compatible avec le droit de l’Union.

62

Le 7 mars 2017, la Hongrie a adopté la loi no XX de 2017. La Commission a estimé que cette loi était de nature à faire naître des préoccupations supplémentaires par rapport à celles qui avaient déjà été exposées dans ladite lettre de mise en demeure.

63

Le 18 mai 2017, la Commission a dès lors envoyé à la Hongrie une lettre de mise en demeure complémentaire par laquelle elle reprochait à cet État membre de ne pas respecter les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, de l’article 6, paragraphe 1, de l’article 12, paragraphe 1, et de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115, des articles 3, 6 et 7, de l’article 24, paragraphe 3, de l’article 31, paragraphe 8, des articles 33, 38, 43 et de l’article 46, paragraphes 1, 3, 5 et 6, de la directive 2013/32, ainsi que des articles 2, 8, 9, 11 et de l’article 17, paragraphe 2, de la directive 2013/33, lus en combinaison avec l’article 2, sous g), ainsi qu’avec l’article 17, paragraphes 3 et 4, de cette directive, et, enfin, des articles 6, 18 et 47 de la Charte.

64

Par un courrier du 18 juillet 2017, la Hongrie a répondu à cette lettre de mise en demeure complémentaire, avant de compléter sa réponse les 2 octobre et 20 novembre 2017. Tout en déclarant que sa réglementation était compatible avec le droit de l’Union, cet État membre l’a cependant modifiée sur certains points particuliers.

65

Le 8 décembre 2017, la Commission a envoyé à la Hongrie un avis motivé, qui lui a été notifié le même jour, dans lequel elle a déclaré que cet État membre n’avait pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, de l’article 6, paragraphe 1, de l’article 12, paragraphe 1, et de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115, des articles 3 et 6, de l’article 24, paragraphe 3, de l’article 43 et de l’article 46, paragraphes 3, 5 et 6, de la directive 2013/32, ainsi que de l’article 2, sous h), et des articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33, lus en combinaison avec les articles 6, 18 et 47 de la Charte :

en limitant, dans le cadre de la procédure de recours contre une décision rejetant une demande de protection internationale, l’examen visé à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 aux faits et aux points d’ordre juridique examinés dans le cadre de l’adoption de la décision,

en ne transposant pas dans son droit national l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32 et en adoptant des dispositions qui dérogent à la règle générale de l’« effet suspensif automatique » du recours des demandeurs de protection internationale dans des situations qui ne relèvent pas de l’article 46, paragraphe 6, de cette directive ;

en reconduisant, de force, au-delà de la clôture frontalière, les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire hongrois sans respecter les procédures et les garanties définies à l’article 5, à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 12, paragraphe 1, et à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 ;

en disposant que la demande d’asile doit être introduite en personne auprès de l’autorité compétente et exclusivement dans la zone de transit ;

en disposant qu’il convient d’appliquer à tous les demandeurs d’asile, à l’exception des mineurs non accompagnés de moins de 14 ans, une procédure dont le résultat est qu’ils doivent rester en rétention pendant toute la durée de la procédure d’asile dans les installations d’une zone de transit qu’ils ne peuvent quitter qu’en direction de la Serbie et en n’assortissant pas cette rétention des garanties appropriées ;

en réduisant de huit à trois jours le délai imparti pour introduire une demande de contrôle des décisions de premier niveau rejetant une demande d’asile.

66

Le 8 février 2018, la Hongrie a répondu à l’avis motivé de la Commission, en réaffirmant que, selon elle, sa réglementation était conforme au droit de l’Union.

67

Le 21 décembre 2018, n’étant pas convaincue par les observations formulées par la Hongrie, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

Observations liminaires

68

Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé [arrêt du 28 janvier 2020, Commission/Italie (Directive lutte contre le retard de paiement),C-122/18, EU:C:2020:41, point 58 et jurisprudence citée]. C’est par conséquent au vu de l’état de la législation interne en vigueur à cette date qu’il convient d’apprécier l’existence ou non du manquement allégué [voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2019, Commission/Belgique (Article 260, paragraphe 3, TFUE – Réseaux à haut débit), C-543/17, EU:C:2019:573, points 23 et 24].

69

Lors de l’audience, la Hongrie a confirmé que, au terme du délai fixé dans l’avis motivé qui lui avait été adressé par la Commission, à savoir le 8 février 2018, les dispositions de la loi no XX de 2017 étaient applicables sur l’ensemble du territoire hongrois, l’application du décret gouvernemental qui avait déclaré, sur l’ensemble de son territoire, une « situation de crise engendrée par une immigration massive », au sens de la loi relative au droit d’asile, ayant été prolongée à tout le moins jusqu’à cette date.

70

Il s’ensuit que, dans le cadre de l’examen de la compatibilité de la réglementation hongroise avec les dispositions du droit de l’Union dont la Commission estime qu’elles ont été enfreintes par la Hongrie, la Cour doit prendre en considération les modifications qui ont été apportées à cette réglementation par la loi no XX de 2017.

Sur le premier grief, relatif à l’accès à la procédure de protection internationale

Argumentation des parties

71

La Commission considère que la Hongrie a violé les articles 3 et 6 de la directive 2013/32 en exigeant que la demande d’asile soit introduite en personne et exclusivement dans les zones de transit de Röszke (Hongrie) et de Tompa (Hongrie), auxquelles l’accès a été fortement limité par les autorités hongroises.

72

À cet égard, en premier lieu, la Commission fait observer que, lorsqu’une situation de crise provoquée par une immigration massive a été déclarée, l’article 80/J, paragraphe 1, de la loi relative au droit d’asile, introduit par la loi no XX de 2017, impose, en principe, que toute demande d’asile soit introduite, en personne, dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, à la frontière serbo-hongroise.

73

La Commission soutient, de surcroît, que les autorités hongroises n’autorisent qu’un nombre très limité d’entrées quotidiennes dans chacune de ces zones de transit. Il serait ainsi établi que, depuis le 23 janvier 2018, une seule personne par jour peut entrer dans chacune desdites zones de transit, ce qui créerait un délai d’attente de plusieurs mois avant de pouvoir pénétrer dans l’une d’elles pour y présenter une demande de protection internationale.

74

L’admission dans chacune des zones de transit de Röszke et de Tompa s’effectuerait sur la base d’une liste d’attente informelle, qui serait transmise par des « chefs de communauté » aux autorités hongroises. Aucune infrastructure n’existant sur la bande de terre séparant la frontière serbo-hongroise de ces zones de transit, peu de personnes patienteraient devant l’entrée de ces dernières, la majorité d’entre elles séjournant dans les villages serbes des environs.

75

En second lieu, la Commission fait observer qu’il résulte des articles 3 et 6 de la directive 2013/32 que les États membres sont tenus de veiller à ce que toute personne souhaitant obtenir une protection internationale puisse présenter une demande en ce sens sur leur territoire et ait accès, après son arrivée sur leur territoire, à la procédure d’octroi de cette protection. Cette exigence vaudrait quel que soit le pays tiers par le territoire duquel le demandeur parvient à la frontière d’un État membre.

76

Or, en n’autorisant que les personnes se trouvant dans les zones de transit de Röszke et de Tompa à présenter et à faire enregistrer une demande de protection internationale ainsi qu’en limitant de manière extrêmement restrictive l’accès à ces zones, la Hongrie ne donnerait pas aux personnes se trouvant à ses frontières la possibilité de présenter une demande de protection internationale et de faire enregistrer une telle demande dans le délai prévu par la directive 2013/32.

77

Selon la Commission, indépendamment du nombre exact de personnes en attente, un système qui subordonne le droit à l’enregistrement, conféré à l’article 6 de la directive 2013/32, à une condition de présentation de la demande en un lieu précis, auquel l’accès est limité sur une longue période, n’est pas conforme à l’exigence, prévue à cet article, selon laquelle l’accès à la procédure doit être garanti en temps utile.

78

La Hongrie répond, en premier lieu, que les demandeurs de protection internationale n’ont pas le droit de choisir leur pays d’asile et qu’une partie des personnes se présentant à ses frontières ne fuient pas des persécutions qui les menacent directement.

79

Il conviendrait, en outre, de prendre en considération, non seulement l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2013/32, mais aussi les paragraphes 2 et 3 de cet article, lesquels feraient apparaître que le législateur de l’Union autorise les États membres à exiger que le demandeur de protection internationale introduise sa demande en personne dans un lieu désigné, ce qui impliquerait nécessairement qu’il peut être impossible d’introduire, dans le même temps, un nombre très important de demandes.

80

De surcroît, la directive 2013/32 ne déterminerait pas le nombre de lieux dans lesquels chaque État membre doit assurer la possibilité d’introduire des demandes d’asile. Selon la Hongrie, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, il existait, sur son territoire, deux zones de transit, respectivement situées à Röszke et à Tompa, sur l’itinéraire des demandeurs de protection internationale et dans lesquelles il était possible d’introduire de telles demandes. En outre, la plupart des personnes entrant illégalement en Hongrie tenteraient de franchir la frontière serbo-hongroise à proximité de ces zones de transit, de telle sorte qu’il pouvait être raisonnablement attendu de ces personnes qu’elles introduisent leur demande dans lesdites zones de transit.

81

Le droit de l’Union ne s’opposerait dès lors pas à l’article 80/J, paragraphe 1, de la loi relative au droit d’asile, lequel ne s’appliquerait, d’ailleurs, qu’en cas de déclaration de « situation de crise engendrée par une immigration massive ».

82

La Hongrie fait observer, par ailleurs, qu’une telle situation de crise peut être déclarée, notamment, parce que des exigences nationales en matière d’ordre public et de sécurité intérieure le justifient. Or, en l’espèce, plus de 17000 infractions liées à l’immigration illégale auraient été commises en Hongrie en 2018. L’obligation d’introduire une demande de protection internationale dans les zones de transit renforcerait ainsi l’efficacité de la lutte contre le trafic d’êtres humains et satisferait à l’exigence de protection des frontières de l’espace Schengen.

83

En outre, l’article 80/J, paragraphe 1, de la loi relative au droit d’asile prévoirait des exceptions à l’obligation d’introduire la demande d’asile dans ces zones de transit. Les personnes qui séjournent légalement sur le territoire hongrois pourraient ainsi introduire leur demande en n’importe quel lieu sur ce territoire.

84

Par ailleurs, une fois la demande introduite dans la zone de transit concernée, la procédure serait entamée conformément aux règles générales. L’article 32/D de la loi relative au droit d’asile garantirait ainsi que, après la présentation de la demande, l’autorité compétente en matière d’asile ouvre immédiatement cette procédure. L’enregistrement de ladite demande aurait par conséquent lieu immédiatement après qu’elle a été présentée dans la zone de transit concernée, ou en tout cas, au plus tard, dans les 24 heures, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2013/32.

85

La Hongrie conteste, en second lieu, le fait que l’accès aux zones de transit ait été restreint. Par ailleurs, si les autorités hongroises ont connaissance de la pratique qui consiste à ce que les demandeurs d’asile qui accèdent à la procédure d’asile en Serbie ou qui bénéficient d’une assistance dans cet État tiers se présentent devant ces zones de transit dans un ordre déterminé, selon des listes élaborées par eux-mêmes, par les autorités serbes et par certaines organisations, les autorités hongroises n’auraient aucune influence sur l’ordre ainsi établi et ne participeraient pas à l’élaboration de telles listes, pas plus qu’elles n’utiliseraient celles-ci.

86

Enfin, contrairement à ce que la Commission soutient, l’absence de longues files d’attente devant l’entrée des zones de transit de Röszke et de Tompa s’expliquerait par le fait que les personnes concernées font ou faisaient déjà l’objet d’une procédure d’asile en cours en Serbie et bénéficieraient d’une assistance dans cet État tiers.

Appréciation de la Cour

87

Par son premier grief, la Commission reproche, en substance, à la Hongrie d’avoir méconnu les articles 3 et 6 de la directive 2013/32, en n’autorisant qu’un très faible nombre de personnes à accéder quotidiennement, à partir de la Serbie, aux zones de transit de Röszke et de Tompa, situées à proximité immédiate de la frontière serbo-hongroise, alors même que les demandes de protection internationale ne peuvent être présentées qu’en personne et que dans ces zones de transit.

88

En premier lieu, il convient de relever que, premièrement, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/32, cette directive s’applique à toutes les demandes de protection internationale présentées sur le territoire des États membres, y compris à la frontière, dans les eaux territoriales ou dans une zone de transit de ceux-ci.

89

Deuxièmement, l’article 6 de ladite directive, intitulé « Accès à la procédure », prévoit, à son paragraphe 1, premier alinéa, que, lorsqu’une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l’enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande. L’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la même directive précise que, si la demande de protection internationale est présentée à d’autres autorités qui sont susceptibles de recevoir de telles demandes, mais qui ne sont pas, en vertu du droit national, compétentes pour les enregistrer, les États membres veillent à ce que l’enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande.

90

Ce faisant, le législateur de l’Union a retenu une conception large des autorités qui, sans être compétentes pour enregistrer des demandes de protection internationale, sont néanmoins susceptibles de recevoir de telles demandes, au sens de l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/32. Ainsi, une autorité nationale doit, en principe, être considérée comme telle, s’il est plausible qu’une demande de protection internationale lui soit présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride [voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Ministerio Fiscal (Autorité susceptible de recevoir une demande de protection internationale), C-36/20 PPU, EU:C:2020:495, points 57 à 59]. Au demeurant, l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de cette directive mentionne, expressément, comme constituant de telles autorités, les services de police, les gardes-frontières, les autorités chargées de l’immigration et les agents des centres de rétention.

91

Troisièmement, lorsque, en raison du nombre élevé de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui demandent simultanément une protection internationale, il est en pratique très difficile de respecter les délais fixés à l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, l’article 6, paragraphe 5, de la même directive permet, à titre dérogatoire, aux États membres d’enregistrer les demandes de protection internationale dans un délai de dix jours ouvrables après leur présentation.

92

Quatrièmement, il convient d’ajouter que, conformément à l’article 6, paragraphes 2 et 3, de la directive 2013/32, les personnes ayant présenté une demande de protection internationale doivent avoir la possibilité concrète de l’introduire dans les meilleurs délais, étant entendu que, sans préjudice d’un tel droit, les États membres peuvent exiger qu’une telle demande soit introduite en personne et/ou en un lieu désigné à cet effet.

93

Il résulte de ce qui précède que les États membres sont, de manière générale, tenus d’enregistrer, dans un délai fixé à l’article 6 de la directive 2013/32, toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride aux autorités nationales entrant dans le champ d’application de cette directive et qu’ils doivent par la suite veiller à ce que les personnes concernées bénéficient de la possibilité concrète d’introduire leur demande dans les meilleurs délais (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2018, Hasan, C-360/16, EU:C:2018:35, point 76).

94

Cela étant, il convient de souligner, en second lieu, que, ainsi que la Commission l’a confirmé lors de l’audience, son premier grief porte non pas sur la procédure d’enregistrement ou d’introduction de la demande de protection internationale en tant que telle, mais sur les modalités selon lesquelles une telle demande doit, au préalable, pouvoir être présentée auprès des autorités hongroises.

95

À cet égard, il importe de relever que, premièrement, il ressort de l’article 7 de la directive 2013/32 que les États membres sont tenus de garantir le droit, pour tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride, de présenter, en son nom propre ou par l’intermédiaire d’un tiers, une demande de protection internationale.

96

Cet article 7, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, confère, dès lors, à tout ressortissant de pays tiers ou apatride le droit de présenter une demande de protection internationale, y compris aux frontières d’un État membre ou dans les zones de transit de celui-ci. À cet égard, s’il est vrai que, ainsi que la Hongrie le fait observer, l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive autorise les États membres à imposer que les demandes de protection internationale soient introduites en un lieu désigné, il y a lieu de relever qu’aucune disposition de la même directive n’instaure une règle similaire quant à la présentation des demandes de protection internationale.

97

Une telle demande est, par ailleurs, réputée avoir été présentée dès que la personne concernée a manifesté, auprès d’une des autorités visées à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2013/32, sa volonté de bénéficier de la protection internationale, sans que la manifestation de cette volonté puisse être soumise à une quelconque formalité administrative [voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Ministerio Fiscal (Autorité susceptible de recevoir une demande de protection internationale), C-36/20 PPU, EU:C:2020:495, points 93 et 94].

98

Il découle dès lors de l’article 6 de la directive 2013/32 que tout ressortissant de pays tiers ou apatride a le droit de présenter une demande de protection internationale à l’une des autorités visées à cet article, en manifestant, auprès d’une d’entre elles, sa volonté de bénéficier d’une protection internationale.

99

Deuxièmement, il y a lieu de souligner que la présentation de la demande de protection internationale à l’une des autorités visées à l’article 6 de la directive 2013/33 constitue une étape essentielle dans la procédure d’octroi de la protection internationale.

100

En effet, le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride acquiert la qualité de demandeur de protection internationale, au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2013/32, dès qu’il présente une telle demande [arrêt du 25 juin 2020, Ministerio Fiscal (Autorité susceptible de recevoir une demande de protection internationale), C-36/20 PPU, EU:C:2020:495, point 92].

101

En outre, c’est à compter de la date de présentation de la demande de protection internationale que commence à courir le délai dans lequel cette demande doit être enregistrée, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, et que le demandeur doit être mis en mesure d’introduire sa demande de protection internationale dans les meilleurs délais, comme l’exige l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive. Il convient encore de souligner que l’introduction de cette demande fait courir le délai dans lequel, conformément à l’article 31 de la même directive, l’autorité responsable de la détermination doit, en principe, statuer sur la demande de protection internationale.

102

Le droit de présenter une telle demande conditionne dès lors le respect effectif des droits à ce que cette demande soit enregistrée et puisse être introduite et examinée dans les délais fixés par la directive 2013/32 et, en définitive, l’effectivité du droit d’asile, tel qu’il est garanti par l’article 18 de la Charte.

103

Partant, un État membre ne saurait, sauf à méconnaître l’effet utile de l’article 6 de cette directive, retarder, de manière injustifiée, le moment auquel la personne concernée est mise en mesure de présenter sa demande de protection internationale.

104

Troisièmement, il convient de rappeler que l’objectif même de ladite directive, en particulier celui de son article 6, paragraphe 1, consiste à garantir un accès effectif, aisé et rapide à la procédure de protection internationale [arrêt du 25 juin 2020, Ministerio Fiscal (Autorité susceptible de recevoir une demande de protection internationale), C-36/20 PPU, EU:C:2020:495, point 82].

105

L’article 8, paragraphe 1, de la même directive confirme, du reste, un tel objectif. En effet, cette disposition a pour objet de faciliter la présentation des demandes de protection internationale en imposant notamment aux États membres de fournir des informations quant à la possibilité de présenter une telle demande à tout ressortissant de pays tiers ou apatride présent à un point de passage frontalier, y compris une zone de transit aux frontières extérieures, lorsqu’il existe des éléments donnant à penser que cette personne pourrait souhaiter présenter une pareille demande.

106

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 6 de la directive 2013/32 impose aux États membres de garantir que les personnes concernées puissent être en mesure d’exercer de manière effective le droit de présenter une demande de protection internationale, y compris à leurs frontières, dès qu’elles en manifestent la volonté, afin que cette demande soit enregistrée et puisse être introduite et examinée dans le respect effectif des délais fixés par cette directive.

107

Il convient d’examiner si, en l’espèce, la Hongrie s’est conformée à une telle exigence.

108

À cet égard, cet État membre confirme que l’article 80/J de la loi relative au droit d’asile impose aux ressortissants de pays tiers ou aux apatrides qui, arrivant de Serbie, souhaitent accéder, en Hongrie, à la procédure de protection internationale, non seulement d’introduire, mais aussi de présenter leurs demandes de protection internationale dans l’une des deux zones de transit de Röszke et de Tompa.

109

Ainsi, dans ses observations, la Hongrie a précisé que le délai fixé à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2013/32 pour l’enregistrement d’une demande de protection internationale ne peut commencer à courir tant que les demandeurs de protection internationale n’ont pas rejoint l’une de ces zones de transit. Il s’ensuit que la présentation de leurs demandes ne peut avoir lieu que dans lesdites zones, ce que la Hongrie a du reste confirmé lors de l’audience.

110

Sous le bénéfice de cette précision liminaire, il convient d’examiner si, comme la Commission le soutient, les autorités hongroises ont procédé à une limitation drastique du nombre de personnes qui, dans les faits, sont autorisées à pénétrer quotidiennement dans chacune des mêmes zones de transit afin d’y présenter une demande de protection internationale.

111

À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, qu’une pratique administrative peut faire l’objet d’un recours en manquement lorsqu’elle présente un certain degré de constance et de généralité [voir, notamment, arrêts du 9 mai 1985, Commission/France, 21/84, EU:C:1985:184, point 13, et du 5 septembre 2019, Commission/Italie (Bactérie Xylella fastidiosa), C-443/18, EU:C:2019:676, point 74].

112

En outre, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque [voir, notamment, arrêts du 27 avril 2006, Commission/Allemagne, C-441/02, EU:C:2006:253, point 48, et du 2 mai 2019, Commission/Croatie (Décharge de Biljane Donje), C-250/18, non publié, EU:C:2019:343, point 33]. C’est seulement lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître certains faits situés sur le territoire de l’État membre défendeur qu’il incombe à celui-ci de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent [voir, notamment, arrêts du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C-494/01, EU:C:2005:250, point 44, et du 28 mars 2019, Commission/Irlande (Système de collecte et de traitement des eaux usées), C-427/17, non publié, EU:C:2019:269, point 39].

113

S’agissant, en particulier, d’un grief concernant la mise en œuvre d’une disposition nationale, la Cour a jugé que la démonstration d’un manquement d’État nécessite la production d’éléments de preuve d’une nature particulière par rapport à ceux habituellement pris en compte dans le cadre d’un recours en manquement visant uniquement le contenu d’une disposition nationale et que, dans ces conditions, le manquement ne peut être établi que grâce à une démonstration suffisamment documentée et circonstanciée de la pratique reprochée à l’administration et/ou aux juridictions nationales et imputable à l’État membre concerné (arrêts du 27 avril 2006, Commission/Allemagne, C-441/02, EU:C:2006:253, point 49, et du 9 juillet 2015, Commission/Irlande, C-87/14, EU:C:2015:449, point 23).

114

En l’espèce, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 59 de ses conclusions, la Commission a annexé à sa requête plusieurs rapports étayant son affirmation selon laquelle les ressortissants de pays tiers ou les apatrides désireux de présenter une demande de protection internationale auprès des autorités officiant dans les zones de transit de Röszke et de Tompa subissaient un délai d’attente de plusieurs mois, causé par une pratique constante et généralisée des autorités hongroises, laquelle était encore d’application au terme du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le 8 février 2018, et consistait à limiter l’entrée autorisée dans ces deux zones de transit à un nombre significativement réduit de personnes par jour.

115

Ainsi, selon l’un des trois rapports du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), annexés à la requête de la Commission, dès le mois d’octobre 2015, les autorités hongroises ont décidé de limiter le nombre d’entrées quotidiennes autorisées dans chacune des zones de transit de Röszke et de Tompa. Il ressort également de ces trois rapports que le nombre d’entrées quotidiennes autorisées dans ces zones de transit a diminué de manière progressive et constante, de telle sorte que, au cours de l’année 2018, seules deux personnes par jour étaient autorisées à pénétrer dans chacune de ces zones de transit. Il importe d’ajouter, à cet égard, que lesdits rapports bénéficient d’une pertinence particulière au regard du rôle confié au HCR par la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 137, no 2545 (1954)], dans le respect de laquelle les règles du droit de l’Union régissant l’asile doivent être interprétées (voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2019, Bilali, C-720/17, EU:C:2019:448, point 57 et jurisprudence citée).

116

Par ailleurs, les données contenues dans les mêmes rapports recoupent, dans une large mesure, les observations relevées dans deux rapports de 2017 émanant, d’une part, du représentant spécial du Secrétaire général du Conseil de l’Europe sur les migrations et les réfugiés et, d’autre part, du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, annexés à la requête et sur lesquelles la Commission se fonde également.

117

Il ressort, en outre, des rapports du HCR, annexés à la requête, que la fixation, par les autorités hongroises, d’un nombre maximal d’entrées quotidiennes autorisées dans chacune des zones de transit de Röszke et de Tompa a eu pour conséquence que les ressortissants de pays tiers ou les apatrides, se trouvant en Serbie à proximité immédiate de la frontière serbo-hongroise et désireux de présenter une demande de protection internationale en Hongrie, ont été confrontés à un délai d’attente qui n’a cessé d’augmenter et qui, en février 2018, équivalait à plus de 11 mois.

118

Il s’ensuit que la Commission a démontré, de manière suffisamment documentée et circonstanciée, l’existence, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le 8 février 2018, d’une pratique administrative constante et généralisée des autorités hongroises ayant pour objet de limiter l’accès aux zones de transit de Röszke et de Tompa d’une manière systématique et à ce point drastique que les ressortissants de pays tiers ou les apatrides qui, arrivant de Serbie, souhaitaient accéder, en Hongrie, à la procédure de protection internationale, ont fait face à une quasi-impossibilité en pratique de présenter une demande de protection internationale en Hongrie.

119

Or, une telle pratique administrative est incompatible avec les exigences découlant de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2013/32.

120

Aucun des arguments invoqués par la Hongrie n’est susceptible de remettre en cause une telle conclusion.

121

À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que cet État membre conteste, certes, le fait que des instructions administratives ont eu pour objet de limiter le nombre quotidien de demandes de protection internationale susceptibles d’être présentées dans chacune des zones de transit de Röszke et de Tompa.

122

Cependant, outre que cette assertion est formellement contredite par les rapports mentionnés aux points 115 et 116 du présent arrêt, la Hongrie n’a pas expliqué, à suffisance de droit, la raison pour laquelle, en l’absence supposée de telles instructions, des listes d’attente, dont elle a admis l’existence, avaient été élaborées afin de fixer l’ordre dans lequel les personnes se trouvant en Serbie, à proximité immédiate des zones de transit de Röszke et de Tompa, et désireuses de présenter une demande de protection internationale dans l’une de ces zones de transit, pourraient y pénétrer.

123

À cet égard, et quand bien même, comme la Hongrie le fait valoir, les autorités hongroises n’auraient pas participé à l’élaboration de ces listes ni influé sur l’ordre d’accès aux zones de transit ainsi établi par lesdites listes, il n’en demeure pas moins que l’existence même de ces dernières doit être regardée comme la conséquence inéluctable de la pratique constatée au point 118 du présent arrêt.

124

Par ailleurs, l’argumentation de la Hongrie selon laquelle la disparition progressive des importantes files d’attente devant l’entrée de ces zones de transit démontrerait qu’il n’existe aucune restriction d’entrée dans lesdites zones de transit, ne saurait davantage prospérer.

125

En effet, il n’est pas contesté qu’aucune infrastructure n’est disponible sur la bande de terre séparant la frontière serbo-hongroise du portail d’entrée des zones de transit de Röszke et de Tompa, de telle sorte qu’il est extrêmement difficile d’y demeurer durant une longue période. En outre, ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre, il peut être déduit des rapports déposés en annexe de sa requête que l’importance des files d’attente devant l’entrée de chacune des zones de transit a diminué à partir de la date à laquelle les listes d’attente, mentionnées au point 122 du présent arrêt, sont apparues, seules les personnes placées en ordre utile sur ces listes étant amenées, par les autorités serbes, sur la bande de terre séparant la frontière serbo-hongroise du portail d’entrée de la zone de transit concernée, la veille de la date à laquelle il est prévu que ces personnes puissent pénétrer dans cette zone de transit.

126

Il s’ensuit que la disparition des importantes files d’attente devant l’entrée des zones de transit de Röszke et de Tompa ne saurait remettre en cause le constat selon lequel les autorités hongroises ont décidé de limiter drastiquement l’accès à ces zones.

127

Enfin, si, ainsi que la Hongrie le rappelle, il appartient, certes, aux États membres de s’assurer, notamment, du franchissement régulier des frontières extérieures, conformément au règlement 2016/399, le respect d’une telle obligation ne saurait toutefois justifier que les États membres méconnaissent l’article 6 de la directive 2013/32.

128

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6 de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 3 de celle-ci, en prévoyant que les demandes de protection internationale émanant de ressortissants de pays tiers qui, arrivant de Serbie, souhaitent accéder, sur son territoire, à la procédure de protection internationale, ne peuvent être présentées que dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, tout en adoptant une pratique administrative constante et généralisée limitant drastiquement le nombre de demandeurs autorisés à pénétrer quotidiennement dans ces zones de transit.

Sur les deuxième et troisième griefs, relatifs à la rétention des demandeurs de protection internationale

Argumentation des parties

Sur le deuxième grief

129

Par son deuxième grief, la Commission reproche à la Hongrie d’avoir méconnu l’article 24, paragraphe 3, et l’article 43 de la directive 2013/32.

130

En premier lieu, la Commission souligne, premièrement, que l’article 26 de la directive 2013/32 énonce la règle de principe selon laquelle un demandeur de protection internationale ne peut être placé en rétention au seul motif qu’il a présenté une demande de protection internationale. S’il est vrai que l’article 43 de cette directive autorise les États membres à appliquer des règles particulières à cet égard, lorsqu’ils instaurent des procédures à la frontière, ceux-ci seraient toutefois tenus, dans un tel cas, de respecter les exigences prévues à cet article 43. Or, la loi no XX de 2017 aurait introduit de nouvelles dispositions incompatibles avec ledit article 43.

131

Ainsi, selon l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile, l’intégralité de la procédure d’examen de la demande de protection internationale devrait se dérouler dans la zone de transit, contrairement à ce que le même article 43 prévoirait.

132

En outre, cet article 80/J, paragraphe 5, ne limiterait pas la durée de la procédure à la frontière à quatre semaines, comme l’article 43 de la directive 2013/32 l’exigerait.

133

La Commission estime, deuxièmement, que les garanties procédurales spéciales figurant au chapitre II de la directive 2013/32 ne sont pas davantage respectées. Ainsi, le « soutien adéquat » dont les personnes nécessitant ces garanties procédurales spéciales doivent bénéficier, conformément à l’article 24, paragraphe 3, de cette directive, ne serait pas assuré au cours de la procédure prévue à l’article 80/J de la loi relative au droit d’asile, la loi no XX de 2017 ayant suspendu, en cas de situation de crise engendrée par une immigration massive, l’application des dispositions de la loi relative au droit d’asile en vertu desquelles les procédures à la frontière ne sont pas applicables aux demandeurs nécessitant de telles garanties procédurales spéciales.

134

Selon la Commission, l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile oblige dès lors, en violation de l’article 24, paragraphe 3, et de l’article 43 de la directive 2013/32, les demandeurs à rester dans la zone de transit concernée au-delà d’un délai de quatre semaines, afin que leur demande soit pleinement examinée, sans que cet examen soit limité aux cas d’irrecevabilité prévus à l’article 33 de cette directive ou à un examen au fond dans les cas prévus à l’article 31, paragraphe 8, de celle-ci, et sans qu’un « soutien adéquat » soit accordé aux personnes nécessitant des garanties procédurales spéciales figurant au chapitre II de la directive 2013/32.

135

En second lieu, la Commission estime que l’article 72 TFUE ne permet pas aux États membres de refuser l’application du droit de l’Union en invoquant, de manière générale, le maintien de l’ordre public et de la sécurité intérieure.

136

À cet égard, la Commission fait remarquer que la situation de crise engendrée par une immigration massive ne semble pas avoir été déclarée sur le territoire hongrois pour une période transitoire.

137

Par ailleurs, l’hypothèse dans laquelle un nombre élevé de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides demandent simultanément une protection internationale aurait été envisagée par le législateur de l’Union, notamment à l’article 6, paragraphe 5, à l’article 14, paragraphe 1, à l’article 31, paragraphe 3, sous b), et à l’article 43, paragraphe 3, de la directive 2013/32, à l’article 10, paragraphe 1, et à l’article 18, paragraphe 9, de la directive 2013/33 ainsi qu’à l’article 18 de la directive 2008/115. Ces règles viseraient à permettre aux États membres d’opter pour des solutions souples en cas d’urgence et de s’écarter, dans une certaine mesure, des règles généralement applicables. Par conséquent, la situation de crise engendrée par une immigration massive dont la Hongrie se prévaut pourrait et devrait être résolue dans le cadre du droit de l’Union.

138

La Hongrie répond, en premier lieu, que les procédures menées dans les zones de transit le sont en application des règles générales prévues par la directive 2013/32, de telle sorte que ces procédures n’ont pas à être conformes à l’article 43 de cette directive, concernant les procédures à la frontière.

139

Sur le fondement de la réglementation en vigueur à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, les zones de transit de Röszke et de Tompa seraient, en substance, des centres d’accueil ouverts, situés à proximité de la frontière serbo-hongroise, où l’intégralité de la procédure d’examen des demandes d’asile serait menée.

140

S’agissant, en deuxième lieu, du respect de l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2013/32, la Hongrie fait valoir que l’article 4, paragraphe 3, de la loi relative au droit d’asile pose le principe selon lequel les dispositions de cette loi doivent être appliquées en tenant compte des besoins spécifiques des demandeurs nécessitant un traitement procédural spécial. Par conséquent, l’autorité compétente en matière d’asile serait constamment attentive aux besoins particuliers de ces demandeurs, tout au long de la procédure. Les besoins particuliers desdits demandeurs seraient également pris en considération, de manière plus spécifique, dans d’autres dispositions.

141

En troisième lieu, l’article 72 TFUE autoriserait, en tout état de cause, la Hongrie à déclarer une situation de crise engendrée par une immigration massive et à appliquer, dans une telle situation, des règles de procédure dérogatoires. À cet égard, cet État membre estime que les dispositions de droit dérivé invoquées par la Commission se sont révélées insuffisantes pour permettre de gérer de manière adéquate la situation prévalant à compter de la crise de l’année 2015.

Sur le troisième grief

142

La Commission reproche à la Hongrie d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2, sous h), ainsi que des articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33, en plaçant en rétention tous les demandeurs de protection internationale, à l’exception des mineurs non accompagnés de moins de 14 ans, pendant toute la durée de la procédure d’examen de leur demande, sans respecter les garanties prévues à cet égard.

143

La Commission fait observer, en premier lieu, que le séjour obligatoire des demandeurs dans l’une des zones de transit de Röszke ou de Tompa se traduit par une restriction de leur liberté individuelle d’une telle ampleur qu’elle doit être assimilée à une rétention, au sens de l’article 2, sous h), de la directive 2013/33.

144

En effet, ces zones de transit seraient des lieux fermés que les demandeurs ne pourraient quitter qu’en direction de la Serbie. En outre, conformément à l’article 80/K, paragraphe 2, sous d), de la loi relative au droit d’asile, l’autorité compétente en matière d’asile pourrait clore la procédure si le demandeur quittait la zone de transit concernée. Ce demandeur ne serait dès lors pas réellement libre de quitter cette zone, car il s’exposerait, ce faisant, au risque de voir l’examen de sa demande clos et de perdre ainsi la possibilité d’obtenir une protection internationale.

145

La Commission fait observer également que le temps passé par le demandeur de protection internationale dans les zones de transit constitue un facteur important pour déterminer si le séjour dans ces zones peut être considéré comme une rétention. Or, les représentants de la Commission auraient constaté, sur place, que certains demandeurs y séjournaient depuis plus de quatorze mois.

146

En second lieu, la Commission soutient que pareille rétention est incompatible avec l’article 26 de la directive 2013/32 ainsi qu’avec l’article 8, paragraphes 2 et 3, l’article 9 et l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2013/33, puisque celle-ci est appliquée à titre de règle générale, de manière systématique, sans évaluation individuelle, ni délivrance d’une décision écrite et motivée, et qu’elle concernerait également des mineurs, à l’exception des mineurs non accompagnés de moins de 14 ans.

147

Bien que l’article 80/I de la loi relative au droit d’asile n’exclue pas, en cas de situation de crise engendrée par l’immigration massive, l’application des dispositions nationales transposant les dispositions du droit de l’Union relatives à la rétention des demandeurs de protection internationale, la Commission considère toutefois que ces dispositions nationales ne sont pas pertinentes en pareille situation dans la mesure où, dans cette situation, tous les demandeurs seraient tenus de séjourner dans l’une des deux zones de transit, conformément à l’article 80/J, paragraphe 5, de cette loi.

148

La Hongrie répond que ces zones de transit ne sont pas des lieux de rétention, mais, en substance, des centres d’accueil, situés sur son territoire à la frontière extérieure de l’espace Schengen, qui sont désignés comme constituant le lieu où la procédure d’asile est menée conformément au droit de l’Union.

149

Cet État membre fait valoir qu’une personne désireuse de se rendre sur son territoire peut utiliser un point de passage frontalier, sans entrer dans une desdites zones de transit, si elle est en possession de documents en cours de validité. Par ailleurs, les mêmes zones de transit seraient uniquement fermées en direction de la Hongrie, afin de protéger la frontière extérieure de l’espace Schengen, leurs occupants étant toutefois libres de les quitter pour la Serbie. En outre, ni la durée du séjour dans un centre d’accueil ni la qualité des conditions qui y prévalent ne devraient être prises en considération afin de déterminer si le séjour dans celui-ci peut être assimilé à une rétention.

150

De surcroît, le demandeur qui quitte une zone de transit ne s’exposerait pas nécessairement à des conséquences défavorables. En effet, l’article 80/K, paragraphe 2, sous d), de la loi relative au droit d’asile prévoirait que, dans un tel cas, l’autorité compétente en matière d’asile prend une décision sur la base des informations dont elle dispose ou clôt la procédure. Par conséquent, même en l’absence du demandeur, cette autorité pourrait statuer sur la demande de protection internationale et, le cas échéant, y faire droit.

151

Du reste, l’introduction d’une demande d’asile ne conduirait pas automatiquement à une privation systématique de liberté, puisque, en vertu de l’article 80/J, paragraphe 1, sous c), de la loi relative au droit d’asile, la personne qui séjourne légalement sur le territoire hongrois pourrait introduire sa demande sans avoir à se rendre, ni à demeurer, dans une des zones de transit.

152

Il conviendrait encore de prendre en considération l’article 80/J, paragraphe 1, sous b), de la loi relative au droit d’asile, qui concernerait de manière spécifique l’introduction des demandes d’asile introduites par des personnes placées en rétention. Les règles spécifiques concernant le placement en rétention et le maintien de celui-ci seraient, quant à elles, prévues aux articles 31/A à 31/I de cette loi et garantiraient pleinement le respect des dispositions de la directive 2013/33 relatives à la rétention.

153

S’agissant de la visite effectuée par des représentants de la Commission, la Hongrie souligne, en outre, que celle-ci ne concernait que la zone de transit de Röszke et qu’il ne peut être exclu que les personnes interrogées par les représentants de la Commission à cette occasion n’aient pas été des demandeurs de protection internationale, mais des personnes faisant l’objet d’une procédure relevant de la police des étrangers.

154

La Hongrie allègue, enfin, que l’autorité compétente en matière d’asile rend, dans tous les cas, une décision relative à l’hébergement dans la zone de transit concernée, en tant que lieu de séjour attribué à l’intéressé au cours de la procédure d’asile, au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2013/33, cette décision étant susceptible de recours. Par ailleurs, le caractère personnalisé de l’hébergement et de la prise en charge de l’intéressé se traduirait, notamment, par le regroupement des demandeurs par nationalité dans les logements, par la proposition d’un régime alimentaire spécifique, de même que par la fourniture de mobilier et de soins de santé, en particulier de soins psychologiques.

Appréciation de la Cour

155

Par ses deuxième et troisième griefs, qu’il convient d’examiner ensemble, la Commission reproche, en substance, à la Hongrie d’avoir méconnu l’article 24, paragraphe 3, et l’article 43 de la directive 2013/32 ainsi que l’article 2, sous h), et les articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33, en instaurant un système de rétention généralisée des demandeurs de protection internationale, dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, sans respecter les conditions et les garanties qui découlent de ces dispositions.

156

Il convient d’observer, à titre liminaire, que, contrairement à ce que la Hongrie soutient, la fermeture de ces deux zones de transit à la suite de l’arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság (C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367), est sans pertinence dans le cadre de l’examen du présent recours. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 68 du présent arrêt, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé adressé par la Commission, à savoir, en l’espèce, le 8 février 2018.

Sur l’existence d’une rétention dans les zones de transit de Röszke et de Tompa

157

Il résulte de l’article 80/J, paragraphes 1, 5 et 6, de la loi relative au droit d’asile que tout demandeur de protection internationale ne disposant pas déjà d’un titre de séjour sur le territoire hongrois doit demeurer dans l’une des deux zones de transit de Röszke et de Tompa tout au long de l’examen de sa demande, voire, le cas échéant, au cours de la procédure juridictionnelle ayant pour objet l’examen du recours visant à contester une éventuelle décision de rejet de celle-ci, à moins que l’intéressé ne soit un mineur non accompagné de moins de 14 ans ou qu’il ne fasse déjà l’objet d’une mesure de rétention ou de restriction de sa liberté individuelle, au sens de l’article 80/J, paragraphe 1, de cette loi.

158

La Hongrie conteste toutefois l’allégation de la Commission selon laquelle une telle obligation de demeurer dans l’une de ces deux zones de transit constitue une rétention, au sens de l’article 2, sous h), de la directive 2013/33.

159

À cet égard, il convient de relever que la rétention d’un demandeur de protection internationale, au sens de cette disposition, est une notion autonome du droit de l’Union qui s’entend de toute mesure coercitive qui prive ce demandeur de sa liberté de mouvement et l’isole du reste de la population, en lui imposant de demeurer en permanence dans un périmètre restreint et clos (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 223).

160

En l’espèce, il ressort de la requête ainsi que des documents qui y sont annexés que les demandeurs de protection internationale dont le lieu de séjour est la zone de transit de Röszke ou celle de Tompa sont tenus de demeurer en permanence dans la zone de transit concernée, laquelle est clôturée et surmontée de fils de fer barbelés. Ces demandeurs sont logés dans des conteneurs dont la surface n’est pas supérieure à 13 m2. Ils ne peuvent entrer en contact avec des personnes extérieures à la zone de transit concernée, à l’exception de leur représentant légal, et leurs mouvements à l’intérieur de celle-ci sont limités et surveillés par les membres des services de l’ordre présents en permanence dans cette zone de transit et aux abords immédiats de celle-ci.

161

La Hongrie ne conteste pas ces éléments.

162

Il s’ensuit que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé en substance au point 134 de ses conclusions, le placement des demandeurs de protection internationale dans les zones de transit de Röszke et de Tompa ne se distingue pas d’un régime de rétention.

163

L’argumentation invoquée par la Hongrie, selon laquelle ces demandeurs sont libres de quitter la zone de transit concernée en direction de la Serbie, ne saurait remettre en cause une telle appréciation.

164

En effet, d’une part, et sans qu’il appartienne à la Cour, dans le cadre de la présente affaire, de se prononcer sur la conformité du comportement des autorités serbes à l’accord entre la Communauté européenne et la République de Serbie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, annexé à la décision 2007/819/CE du Conseil, du 8 novembre 2007 (JO 2007, L 334, p. 45), il y a lieu de relever qu’une éventuelle entrée de ces demandeurs de protection internationale en Serbie serait, selon toute vraisemblance, considérée comme illégale par cet État tiers et que, par conséquent, ceux-ci s’y exposeraient à des sanctions. Partant, les demandeurs de protection internationale placés dans les zones de transit de Röszke et de Tompa ne sauraient, notamment pour cette raison, être regardés comme ayant une possibilité effective de quitter ces zones de transit (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 229).

165

D’autre part, en quittant le territoire hongrois, ces demandeurs risquent de perdre toute chance d’obtenir le statut de réfugié en Hongrie. En effet, selon l’article 80/J, paragraphe 1, de la loi relative au droit d’asile, ceux-ci ne peuvent déposer une nouvelle demande d’asile que dans l’une de ces deux zones de transit. En outre, il découle de l’article 80/K, paragraphes 2 et 4, de cette loi que l’autorité compétente en matière d’asile peut décider de clore la procédure de protection internationale si le demandeur quitte une de ces deux zones, sans que cette décision puisse être contestée dans le cadre d’une procédure administrative contentieuse (arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 230).

166

Il s’ensuit que l’obligation pour les demandeurs de protection internationale de séjourner dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, telle qu’elle découle de l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile, doit être considérée comme une rétention, au sens de l’article 2, sous h), de la directive 2013/33.

Sur la compatibilité de la rétention dans les zones de transit de Röszke et de Tompa avec les exigences prévues par les directives 2013/32 et 2013/33

167

En premier lieu, la Commission fait grief à la Hongrie d’avoir instauré un système de rétention des demandeurs de protection internationale dans les zones de transit de Röszke et de Tompa qui ne respecte pas les conditions prévues à l’article 43 de la directive 2013/32 et qui n’est justifié par aucun des motifs mentionnés à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2013/33.

168

Selon une jurisprudence constante, l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2013/33 énumère de manière exhaustive les différents motifs susceptibles de justifier le placement en rétention d’un demandeur de protection internationale. Chacun de ces motifs répond à un besoin spécifique et revêt un caractère autonome (arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 250 et jurisprudence citée).

169

S’il est vrai que, ainsi que le considérant 17 de cette directive l’énonce, cette dernière ne s’oppose pas à ce que les États membres établissent d’autres motifs de détention, notamment dans le cadre de procédures pénales, dès lors qu’ils sont indépendants du statut de demandeur de protection internationale, il y a lieu de relever, en l’espèce, que le système de rétention des demandeurs de protection internationale, instauré à l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile, ne repose pas sur un motif indépendant du statut de ces derniers.

170

Il convient, dès lors, d’examiner si la rétention des demandeurs de protection internationale visés au point 157 du présent arrêt dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, dès leur arrivée sur le territoire hongrois, relève d’au moins un des cas de figure énumérés à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2013/33.

171

À cet égard, premièrement, il y a lieu d’exclure qu’une telle rétention puisse être justifiée par l’un des motifs visés aux points d) à f) de cet article 8, paragraphe 3, premier alinéa.

172

En effet, s’agissant, d’une part, du motif de rétention mentionné à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33, il n’est pas contesté que les demandeurs de protection internationale visés au point 157 du présent arrêt sont placés en rétention dans les zones de transit de Röszke et de Tompa sans qu’il ait été, au préalable, établi que leur comportement individuel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société ou la sécurité intérieure ou extérieure de la Hongrie (voir, à cet égard, arrêt du 15 février 2016, N., C-601/15 PPU, EU:C:2016:84, point 67).

173

S’agissant, d’autre part, des motifs de rétention énumérés à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous d) et f), de la directive 2013/33, il est tout aussi constant que ces demandeurs sont tenus de demeurer dans les zones de transit de Röszke ou de Tompa, quand bien même ils ne feraient pas déjà l’objet d’une mesure de rétention dans le cadre d’une procédure de retour, au titre de l’article 15 de la directive 2008/115, et nonobstant l’absence de décision prise au titre de l’article 28 du règlement no 604/2013.

174

Deuxièmement, un demandeur de protection internationale peut certes, en vertu de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) et b), de la directive 2013/33, être retenu, notamment, à proximité immédiate des frontières d’un État membre, afin d’établir ou de vérifier son identité ou sa nationalité ou afin de déterminer les éléments sur lesquels sa demande de protection internationale est fondée et qui ne pourraient être obtenus sans un placement en rétention.

175

Cela étant, si le bon fonctionnement du système d’asile européen commun exige que les autorités nationales compétentes disposent d’informations fiables se rapportant à l’identité ou à la nationalité du demandeur de protection internationale et aux éléments sur lesquels sa demande est fondée, un tel objectif ne saurait toutefois justifier que des mesures de rétention soient décidées sans que ces autorités nationales aient préalablement vérifié, au cas par cas, si celles-ci sont proportionnées aux fins poursuivies, une telle vérification requérant de s’assurer, notamment, que le recours à la rétention n’est utilisé qu’en dernier ressort (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, K., C-18/16, EU:C:2017:680, point 48).

176

Or, la Hongrie ne conteste pas que le système de rétention des demandeurs de protection internationale, instauré à l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile, ne prévoit aucun examen individualisé de la proportionnalité du placement en rétention de ces demandeurs au regard de l’objectif poursuivi, consistant à vérifier l’identité ou la nationalité de ceux-ci ou les éléments sur lesquels leur demande est fondée.

177

Il reste, dès lors, à examiner, troisièmement, si le régime de rétention, instauré à l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile est susceptible d’être justifié au titre de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous c), de la directive 2013/33, en vertu duquel un État membre peut placer un demandeur de protection internationale en rétention afin de statuer, dans le cadre d’une procédure, sur le droit de ce demandeur d’entrer sur son territoire.

178

À cet égard, il importe, tout d’abord, de relever que la situation ainsi visée audit article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous c), inclut le régime de rétention susceptible d’être instauré par les États membres lorsque ceux-ci décident de mettre en œuvre des procédures à la frontière, au sens de l’article 43 de la directive 2013/32 (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367, points 237 et 238).

179

En vertu de cet article 43, les États membres sont, en effet, autorisés à placer en « rétention », au sens de l’article 2, sous h), de la directive 2013/33, les demandeurs de protection internationale se présentant à leurs frontières, avant de leur accorder un droit d’entrée sur leur territoire, dans les conditions que ledit article 43 énonce et afin de garantir l’effectivité des procédures que le même article 43 prévoit (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367, points 237 et 239).

180

Dès lors, bien que la Hongrie conteste formellement que les procédures d’examen des demandes de protection internationale menées dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, conformément à l’article 80/J de la loi relative au droit d’asile, soient des procédures à la frontière, au sens de l’article 43 de la directive 2013/32, cette circonstance ne saurait dispenser la Cour de prendre en compte le respect de ce dernier article dans le cadre de son examen de la conformité de la réglementation hongroise à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous c), de la directive 2013/33, aucun autre motif énuméré dans cette disposition n’étant susceptible de justifier le système de rétention instauré à l’article 80/J, paragraphe 5, de cette loi.

181

Il convient, ensuite, de souligner que l’article 43, paragraphe 2, de la directive 2013/32 impose que la durée de la rétention d’un demandeur de protection internationale, au titre de cet article, ne puisse jamais dépasser quatre semaines à compter de la date d’introduction de la demande de protection internationale, au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2013/32, le paragraphe 3 de cet article 43 se limitant à autoriser les États membres, dans les circonstances qu’il prévoit, à poursuivre les procédures à la frontière, au-delà de ce délai de quatre semaines, pour autant que les demandeurs soient, au terme de ce délai, hébergés normalement dans des lieux situés à proximité de la frontière ou de la zone de transit concernée, ce qui exclut qu’ils puissent demeurer en rétention (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367, points 241 à 245).

182

Or, il ne ressort d’aucune disposition de la réglementation hongroise pertinente que le placement en rétention des demandeurs de protection internationale dans les zones de transit de Röszke et de Tompa soit limité à une durée de quatre semaines à compter de la date d’introduction de leur demande.

183

En outre, il résulte de l’article 43, paragraphe 1, de la directive 2013/32 qu’une rétention fondée sur cette disposition n’est justifiée qu’afin de permettre à l’État membre concerné d’examiner, avant de reconnaître au demandeur de protection internationale le droit d’entrer sur son territoire, si sa demande n’est pas irrecevable, en vertu de l’article 33 de la directive 2013/32, ou si celle-ci ne doit pas être rejetée comme étant non fondée pour un des motifs énumérés à l’article 31, paragraphe 8, de cette directive.

184

Or, ainsi qu’il a été relevé au point 157 du présent arrêt, les demandeurs de protection internationale sont tenus de demeurer dans les zones de transit de Röszke et de Tompa durant l’intégralité de l’examen de leur demande, voire au cours de la procédure juridictionnelle ayant pour objet l’examen du recours visant à contester une éventuelle décision de rejet de celle-ci, et non uniquement afin que soit vérifié si leurs demandes peuvent être rejetées pour l’un des motifs visés au point précédent.

185

Il s’ensuit que le système de rétention des demandeurs de protection internationale, instauré à l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile, ne respecte pas les conditions prévues à l’article 43 de la directive 2013/32 et n’est dès lors pas susceptible, en l’espèce, d’être justifié sur le fondement de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous c), de la directive 2013/33.

186

Il résulte de ce qui précède que l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile prévoit de placer en rétention des demandeurs de protection internationale en dehors des conditions prévues à l’article 43 de la directive 2013/32 et des cas, limitativement énumérés, dans lesquels une telle rétention est autorisée en vertu de l’article 8 de la directive 2013/33.

187

En deuxième lieu, la Commission reproche à la Hongrie d’avoir méconnu l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2013/32, au motif que le « soutien adéquat », au sens de cette disposition, dont doivent bénéficier les demandeurs de protection internationale nécessitant des garanties procédurales spéciales n’est pas assuré au cours de la procédure menée dans les zones de transit de Röszke et de Tompa.

188

À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 2, sous d), de la directive 2013/32, un « demandeur nécessitant des garanties procédurales spéciales » est un demandeur dont l’aptitude à bénéficier des droits et à se conformer aux obligations prévus par cette directive est limitée en raison de circonstances individuelles. Il ressort du considérant 29 de ladite directive que figurent parmi ces circonstances l’âge de l’intéressé, son sexe, son orientation sexuelle, son identité de genre, l’existence d’un handicap, d’une maladie grave, de troubles mentaux, ou les conséquences de tortures, de viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle.

189

Ainsi qu’il découle des articles 21 et 22 de la directive 2013/33, compte tenu de leur vulnérabilité, ces demandeurs doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part des États membres, pendant toute la procédure d’asile, notamment en ce qui concerne les conditions dans lesquelles ceux-ci sont accueillis sur le territoire de l’État membre concerné au cours de cette procédure.

190

Il ressort, plus particulièrement, de l’article 11 de cette directive que, si la rétention des demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales n’est pas exclue par principe, leur état de santé, y compris leur état de santé mentale, doit, lorsqu’ils sont placés en rétention, être une préoccupation primordiale pour les États membres, lesquels doivent veiller à assurer un suivi régulier de ces personnes et à leur apporter un « soutien adéquat », compte tenu de leur situation particulière.

191

Dans cette perspective, l’article 24, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la directive 2013/32 prévoit que, lorsque le soutien adéquat dont doivent bénéficier les demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales ne peut leur être fourni dans le cadre d’une procédure à la frontière, au sens de l’article 43 de cette directive, les États membres n’appliquent pas ou cessent d’appliquer cette procédure.

192

Partant, les autorités nationales sont tenues de veiller, au terme d’un examen individualisé, à ce qu’un placement en rétention, sur le fondement de l’article 43 de la directive 2013/32, d’un demandeur de protection internationale nécessitant des garanties procédurales spéciales ne le prive pas du « soutien adéquat » dont il peut se prévaloir dans le cadre de l’examen de sa demande.

193

En l’espèce, il convient de relever que, ainsi que la Hongrie le soutient, plusieurs dispositions de la réglementation hongroise pertinente ont pour objet de tenir compte des besoins spécifiques de l’ensemble des demandeurs de protection internationale nécessitant des garanties procédurales spéciales, au sens de l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2013/32.

194

Ainsi, l’article 4, paragraphe 3, de la loi relative au droit d’asile dispose que les autorités sont tenues d’appliquer les dispositions de cette loi aux demandeurs nécessitant un traitement spécial en tenant compte de leurs besoins spécifiques. De même, les articles 29 et 30 de ladite loi prévoient que les conditions d’accueil de ces demandeurs doivent être assurées en prenant en considération les besoins spécifiques de ceux-ci, de tels besoins devant également être pris en compte lorsque l’autorité compétente restreint ou retire le bénéfice des conditions matérielles d’accueil.

195

Il ressort encore de l’article 33, paragraphes 1 et 2, du décret gouvernemental 301/2007 que l’autorité compétente en matière d’asile doit veiller à ce que le demandeur nécessitant des garanties procédurales spéciales bénéficie d’un hébergement séparé dans le centre d’accueil qui maintienne, dans la mesure du possible, son unité familiale. Il découle également de l’article 34 de ce décret que ce demandeur a le droit de recourir gratuitement à des prestations de santé, y compris des soins psychologiques, lorsque cela est nécessaire.

196

Cela étant, il n’en demeure pas moins que la Hongrie reconnaît que, depuis l’entrée en vigueur de l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile, l’intégralité des demandeurs de protection internationale nécessitant des garanties procédurales spéciales, hormis les mineurs non accompagnés de moins de 14 ans et ceux qui soit disposent déjà d’un titre de séjour sur le territoire hongrois soit font l’objet d’une autre mesure de rétention ou de restriction de leur liberté individuelle, sont tenus de séjourner dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, durant toute la procédure d’examen de leur demande de protection internationale, voire, le cas échéant, au cours de la procédure juridictionnelle ayant pour objet l’examen du recours visant à contester une décision de rejet de cette demande.

197

En outre, il ne ressort d’aucune des dispositions nationales invoquées par cet État membre que les autorités hongroises compétentes doivent examiner si une telle rétention est compatible avec la nécessité d’accorder un « soutien adéquat », au sens de l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2013/32, à ces demandeurs vulnérables au cours de cette période.

198

Un tel régime de rétention est incompatible avec l’exigence de prise en compte des besoins spécifiques de ces catégories de demandeurs, telle qu’elle résulte de l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2013/32.

199

En effet, ainsi qu’il a été souligné aux points 191 et 192 du présent arrêt, l’article 24, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la directive 2013/32 s’oppose à ce qu’un demandeur de protection internationale nécessitant des garanties procédurales spéciales soit placé en rétention, en vertu de l’article 43 de la directive 2013/32, de manière automatique, sans qu’il ait été vérifié, au préalable, si cette rétention ne le prive pas du « soutien adéquat » auquel il a droit. Dans ces conditions, dès lors que, ainsi qu’il a été relevé aux points 181 à 185 du présent arrêt, le régime de rétention instauré à l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile excède les limites dans lesquelles l’article 43 de la directive 2013/32 autorise la rétention des demandeurs de protection internationale, il en résulte, à plus forte raison, que l’application d’un tel régime de rétention à l’ensemble des demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales, à l’exception des mineurs non accompagnés de moins de 14 ans et des demandeurs qui soit disposent déjà d’un titre de séjour sur le territoire hongrois soit font l’objet d’une autre mesure de rétention ou de restriction de leur liberté individuelle, sans qu’il soit vérifié si le placement en rétention de ces demandeurs est compatible avec leurs besoins spécifiques, ne saurait être jugée comme étant conforme à l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2013/32.

200

En troisième lieu, la Commission reproche à la Hongrie d’avoir méconnu l’article 11 de la directive 2013/33 en imposant que tous les demandeurs de protection internationale mineurs, autres que les mineurs non accompagnés de moins de 14 ans, soient placés en rétention dans les zones de transit de Röszke et de Tompa pendant toute la durée de la procédure d’examen de leur demande.

201

L’article 11, paragraphe 2, de la directive 2013/33 dispose notamment que les mineurs ne peuvent être placés en rétention qu’à titre de mesure de dernier ressort et après qu’il a été établi que d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées efficacement.

202

La protection qui est ainsi accordée spécifiquement aux mineurs complète les garanties plus généralement reconnues par cet article 11 à l’ensemble des demandeurs nécessitant des conditions d’accueil particulières.

203

Or, la Hongrie ne conteste pas que tous les demandeurs de protection internationale mineurs, à l’exception des mineurs non accompagnés de moins de 14 ans, sont contraints de demeurer dans l’une des deux zones de transit de Röszke ou de Tompa jusqu’à l’issue de la procédure d’examen de leur demande, voire, le cas échéant, jusqu’à l’issue de la procédure juridictionnelle ayant pour objet l’examen du recours visant à contester une décision de rejet de cette demande, sauf si ces personnes font l’objet d’une autre mesure de rétention ou de restriction de leur liberté individuelle ou disposent déjà d’un titre de séjour sur le territoire hongrois, ce qui est incompatible avec les garanties spécifiques découlant de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2013/33.

204

En quatrième lieu, la Commission fait grief à la Hongrie d’avoir méconnu l’article 9 de la directive 2013/33 au motif que le placement en rétention des demandeurs de protection internationale dans les zones de transit de Röszke et de Tompa ne serait pas ordonné par écrit et ne permettrait pas au demandeur de connaître les motifs de fait et de droit sur lesquels cette rétention est fondée.

205

Conformément à l’article 9, paragraphe 2, de la directive 2013/33, le placement en rétention d’un demandeur de protection internationale est ordonné au moyen d’un écrit, par une autorité judiciaire ou administrative, la décision de placement en rétention devant, par ailleurs, indiquer les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est fondée.

206

La Hongrie fait valoir que l’autorité compétente en matière d’asile adopte, dans tous les cas, une décision relative à l’hébergement dans la zone de transit concernée, en tant que lieu de séjour attribué au demandeur de protection internationale au cours de la procédure d’examen de sa demande.

207

Cette affirmation n’est toutefois étayée par aucun renvoi à une disposition de la réglementation nationale pertinente. Au demeurant, s’il est vrai que, aux termes de l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile, l’autorité compétente en matière d’asile assigne au demandeur la zone de transit concernée comme étant son lieu de séjour, il ne ressort toutefois pas de cette disposition qu’un tel ordre doive revêtir la forme d’un écrit dont la motivation satisfait aux exigences énoncées à l’article 9, paragraphe 2, de la directive 2013/33.

208

Il s’ensuit que la Commission a démontré, à suffisance de droit, que la Hongrie ne s’était pas conformée aux exigences de l’article 9 de la directive 2013/33.

209

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Hongrie n’a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 24, paragraphe 3, et de l’article 43 de la directive 2013/32, ainsi que des articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33.

210

En revanche, la Commission n’a pas exposé les raisons pour lesquelles la Hongrie aurait méconnu l’article 2, sous h), de la directive 2013/33, cette disposition se limitant à définir la notion de « rétention », au sens de cette directive.

211

À cet égard, il convient de préciser que la circonstance que la Hongrie a instauré un système de rétention, dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, en dehors des cas dans lesquels le droit de l’Union autorise le placement en rétention d’un demandeur de protection internationale et sans respecter les garanties qui, en vertu de ce droit, doivent encadrer une telle rétention, ne saurait suffire à démontrer un défaut de transposition ou une mauvaise transposition, par cet État membre, de la définition même de la notion de « rétention » figurant à l’article 2, sous h), de la directive 2013/33.

Sur l’article 72 TFUE

212

En vertu de l’article 72 TFUE, les dispositions qui figurent sous le titre V du traité FUE, relatif à l’espace de sécurité, de liberté et de justice, ne portent pas atteinte à l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure.

213

Ainsi qu’il a été exposé au point 141 du présent arrêt, la Hongrie soutient que cet article 72 autorise les États membres à déroger aux règles de l’Union adoptées, conformément à l’article 78 TFUE, en matière d’asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire, lorsque le respect de ces règles s’opposerait à une gestion adéquate par les États membres d’une situation d’urgence caractérisée par un afflux massif de demandeurs de protection internationale. Il s’ensuivrait, plus particulièrement, en l’espèce, que les règles nationales régissant les procédures menées dans les zones de transit de Röszke et de Tompa pourraient déroger à l’article 24, paragraphe 3, et à l’article 43 de la directive 2013/32.

214

À cet égard, il convient de rappeler que, bien qu’il appartienne aux États membres d’arrêter les mesures propres à assurer l’ordre public sur leur territoire ainsi que leur sécurité intérieure et extérieure, il n’en résulte pas pour autant que de telles mesures échappent totalement à l’application du droit de l’Union. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé, le traité FUE ne prévoit des dérogations expresses applicables en cas de situations susceptibles de mettre en cause l’ordre public ou la sécurité publique que dans ses articles 36, 45, 52, 65, 72, 346 et 347, qui concernent des hypothèses exceptionnelles bien délimitées. Il ne saurait en être déduit qu’il existerait une réserve générale, inhérente au traité FUE, excluant du champ d’application du droit de l’Union toute mesure prise au titre de l’ordre public ou de la sécurité publique. Reconnaître l’existence d’une telle réserve, en dehors des conditions spécifiques des dispositions de ce traité, risquerait de porter atteinte au caractère contraignant et à l’application uniforme du droit de l’Union [arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale), C-715/17, C-718/17 et C-719/17, EU:C:2020:257, point 143 ainsi que jurisprudence citée].

215

En outre, la dérogation prévue à l’article 72 TFUE doit, comme il est de jurisprudence constante, notamment pour les dérogations prévues aux articles 346 et 347 TFUE, faire l’objet d’une interprétation stricte. Il s’ensuit que cet article 72 ne saurait être interprété de manière à conférer aux États membres le pouvoir de déroger aux dispositions du droit de l’Union par la seule invocation des responsabilités qui leur incombent pour le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure [voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale), C-715/17, C-718/17 et C-719/17, EU:C:2020:257, points 144 et 145 ainsi que jurisprudence citée].

216

La portée des exigences tenant au maintien de l’ordre public ou de la sécurité nationale ne saurait ainsi être déterminée unilatéralement par chaque État membre, sans contrôle des institutions de l’Union. Il incombe, par conséquent, à l’État membre qui invoque le bénéfice de l’article 72 TFUE de prouver la nécessité de recourir à la dérogation prévue à cet article aux fins d’exercer ses responsabilités en matière de maintien de l’ordre public et de sauvegarde de la sécurité intérieure [arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale), C-715/17, C-718/17 et C-719/17, EU:C:2020:257, points 146 et 147].

217

Or, il convient de relever, en premier lieu, que, dans le cadre du présent recours, la Hongrie s’est contentée d’invoquer, de manière générale, les risques de troubles à l’ordre public et à la sécurité intérieure que pourrait causer un afflux massif de demandeurs de protection internationale, sans démontrer, à suffisance de droit, la nécessité qu’il y avait pour elle de déroger spécifiquement à l’article 24, paragraphe 3, et à l’article 43 de la directive 2013/32, compte tenu de la situation prévalant sur son territoire à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, à savoir le 8 février 2018.

218

Ainsi, s’il est vrai que cet État membre fait état, à l’appui de sa défense relative au premier grief, d’un nombre important d’infractions, commises au cours de l’année 2018, qu’il a considérées comme étant liées à l’immigration illégale, il n’en demeure pas moins qu’il ne précise pas l’impact que celles-ci ont pu avoir sur le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure sur son territoire jusqu’à la date du 8 février 2018. La Hongrie ne précise pas davantage en quoi une dérogation à l’article 24, paragraphe 3, et à l’article 43 de la directive 2013/32 s’imposait, compte tenu d’un tel nombre d’infractions, afin d’assurer le maintien de l’ordre public et de la sécurité intérieure.

219

Bien au contraire, il y a lieu de relever que, selon les propres affirmations de cet État membre, la majorité des infractions invoquées par celui-ci était liée à l’entrée et au séjour irréguliers sur son territoire. Or, l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile impose le placement en rétention de demandeurs de protection internationale qui n’ont pas cherché à entrer illégalement en Hongrie et qui, eu égard à cette qualité de demandeur de protection internationale, ne peuvent être considérés comme en séjour irrégulier sur le territoire de cet État membre.

220

Il s’ensuit que la Hongrie ne démontre pas en quoi les infractions qu’elle invoque nécessitaient, afin de garantir le maintien de l’ordre public et de la sécurité intérieure, de déroger, de la manière prévue à cet article 80/J, paragraphe 5, aux garanties encadrant la rétention des demandeurs de protection internationale qui sont imposées à l’article 24, paragraphe 3, et à l’article 43 de la directive 2013/32.

221

En second lieu, il convient de souligner que le législateur de l’Union a dûment tenu compte de l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres en vertu de l’article 72 TFUE en permettant à ceux-ci, conformément à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33, de placer en rétention tout demandeur de protection internationale lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige, ce qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 172 du présent arrêt, suppose toutefois d’établir que le comportement individuel du demandeur de protection internationale représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société ou de la sécurité intérieure ou extérieure de l’État membre concerné.

222

Par ailleurs, ainsi que la Commission le souligne, en adoptant les directives 2013/32 et 2013/33, le législateur de l’Union a également veillé à prendre en compte la situation dans laquelle un État membre devrait faire face à une augmentation très significative du nombre de demandes de protection internationale.

223

Ainsi, notamment, l’article 10, paragraphe 1, et l’article 18, paragraphe 9, de la directive 2013/33 permettent de déroger partiellement aux dispositions de cette directive lorsque les capacités de placement en centres de rétention ou les capacités d’hébergement en centres d’accueil sont épuisées.

224

Il convient encore de relever que l’article 43, paragraphe 3, de la directive 2013/32 permet, en cas d’afflux massif de demandeurs de protection internationale aux frontières d’un État membre ou dans les zones de transit de ce dernier, de poursuivre les procédures à la frontière prévues à cet article 43, au-delà du délai de quatre semaines prévu au paragraphe 2 de celui-ci, tout en limitant la liberté de mouvement de ces demandeurs à une zone située à proximité des frontières ou des zones de transit de cet État membre, conformément à l’article 7 de la directive 2013/33 (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C-924/19 PPU et C-925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 247).

225

Il s’ensuit que, dans le cadre du présent recours, la Hongrie n’est pas fondée à invoquer l’article 72 TFUE afin de justifier la méconnaissance des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 24, paragraphe 3, et de l’article 43 de la directive 2013/32.

226

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 24, paragraphe 3, et de l’article 43 de la directive 2013/32 ainsi que des articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33 en instaurant un système de rétention généralisée des demandeurs de protection internationale dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, sans respecter les garanties prévues par ces dispositions.

Sur le quatrième grief, relatif à l’éloignement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier

Argumentation des parties

227

La Commission reproche à la Hongrie d’avoir permis, en vertu de l’article 5, paragraphe 1 ter, de la loi sur les frontières de l’État, que, dans une situation de crise engendrée par une immigration massive, les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur son territoire soient reconduits, de force, sur une bande de terre dépourvue de toute infrastructure, entre une clôture frontalière, établie sur le territoire hongrois, et la frontière serbo-hongroise proprement dite, sans que les procédures et les garanties définies à l’article 5, à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 12, paragraphe 1, et à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 soient respectées.

228

En premier lieu, la Commission relève que l’article 5, paragraphe 1 ter, de la loi sur les frontières de l’État se substitue à l’article 5, paragraphe 1 bis, de cette loi, lorsqu’une situation de crise engendrée par une immigration massive est déclarée, et concerne tous les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire hongrois. La Hongrie ne pourrait dès lors se fonder sur l’exception au champ d’application de la directive 2008/115, prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de celle-ci.

229

En deuxième lieu, même s’il n’est pas reconduit jusqu’à la frontière proprement dite, le ressortissant d’un pays tiers, escorté jusqu’à une bande frontalière étroite du territoire hongrois, où aucune infrastructure n’est disponible et d’où il n’y a aucun moyen de se rendre sur le reste du territoire hongrois, hormis dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, n’aurait, en pratique, pas d’autre choix que de quitter ce territoire, compte tenu de la longue attente existant pour pénétrer dans l’une de ces zones de transit.

230

La mesure prévue à l’article 5, paragraphe 1 ter, de la loi sur les frontières de l’État correspondrait dès lors à la notion d’« éloignement » telle qu’elle est définie à l’article 3, point 5, de la directive 2008/115, même si l’opération de transfert physique pourrait ne pas se terminer en dehors du territoire de l’État membre concerné.

231

L’éloignement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier s’effectuerait toutefois sans que soit rendue une décision de retour à leur égard, sans discernement, sans tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, de la vie familiale et de l’état de santé de l’intéressé et sans que le principe de non-refoulement soit respecté. Aucune justification écrite ne serait fournie et, en l’absence de décision de retour, l’intéressé ne disposerait d’aucune voie de recours.

232

En troisième lieu, la Commission estime qu’une telle dérogation substantielle, générale et prolongée aux dispositions de la directive 2008/115 ne peut être justifiée en vertu de l’article 72 TFUE. Le législateur de l’Union aurait, au demeurant, respecté cette disposition de droit primaire en prévoyant, à l’article 18 de la directive 2008/115, des règles spécifiques destinées à être appliquées aux situations d’urgence causées par le nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers soumis à une obligation de retour.

233

En premier lieu, la Hongrie fait valoir que l’article 5, paragraphe 1 bis, de la loi sur les frontières de l’État relève de la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115. Quant à l’article 5, paragraphe 1 ter, de cette loi, cet État membre soutient qu’il ne peut être appliqué qu’en cas de situation de crise engendrée par une immigration massive, et ce afin de préserver l’ordre public et la sécurité intérieure.

234

Or, l’article 72 TFUE, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, TUE, permettrait aux États membres d’adopter et d’appliquer des règles relatives au maintien de l’ordre public et à la sauvegarde de la sécurité intérieure qui dérogeraient aux dispositions du droit de l’Union. À cet égard, le cadre juridique, prévu par le droit dérivé aux fins de la gestion des situations de crise engendrées par une immigration massive, se serait révélé insuffisant de l’avis même de la Commission, qui en aurait tiré les conséquences en présentant, en 2016, une réforme importante en ce qui concerne les directives 2013/32 et 2008/115.

235

Dans une situation de crise telle que celle existant en Hongrie, l’article 5, paragraphe 1 ter, de la loi sur les frontières de l’État pourrait dès lors déroger aux dispositions de la directive 2008/115 dont la Commission estime qu’elles ont été enfreintes par cet État membre.

236

En deuxième lieu, la Hongrie soutient que, en tout état de cause, en vertu de cet article 5, paragraphe 1 ter, les services de police sont habilités à faire franchir aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier arrêtés sur le territoire hongrois non pas la frontière serbo-hongroise, mais uniquement la clôture frontalière, laquelle serait située en Hongrie, en léger retrait de cette frontière, même s’il n’existe aucune infrastructure sur la bande de terre séparant cette clôture de ladite frontière proprement dite. Les ressortissants de pays tiers ne seraient pas par conséquent éloignés vers la Serbie. En l’absence de retour effectif, l’application des règles de la directive 2008/115 serait par définition exclue, un État membre ne pouvant exécuter une mesure d’éloignement sur son propre territoire.

237

Le transfert effectué en vertu de l’article 5, paragraphe 1 ter, de la loi sur les frontières de l’État aurait, en réalité, pour objectif de permettre à ces ressortissants d’introduire, dans les meilleurs délais, une demande de protection internationale dans les zones de transit de Röszke et de Tompa.

238

Le droit de l’Union n’indiquerait pas, du reste, l’endroit où il conviendrait d’acheminer les personnes en séjour irrégulier, ni n’imposerait d’offrir à ces derniers une quelconque prise en charge.

239

En troisième lieu, la Hongrie souligne que, lors de l’application pratique des mesures de police adoptées sur le fondement de l’article 5, paragraphe 1 ter, de la loi sur les frontières de l’État, la manière dont sont traités les ressortissants de pays tiers serait conforme aux exigences prévues à l’article 3, point 5, de la directive 2008/115.

240

Les garanties générales concernant les mesures de police, notamment l’exigence de proportionnalité, seraient fixées dans la Rendőrségről szóló 1994. évi XXXIV. törvény (loi no XXXIV de 1994 relative à la police) (Magyar Közlöny 1994/41). En outre, la personne qui a fait l’objet de mesures coercitives disposerait de la faculté de former un recours en vertu de l’article 92 de cette loi. Enfin, l’article 33 de ladite loi définirait, dans le détail, les exigences qui doivent être respectées dans le cadre d’une mesure de police menée en vertu de l’article 5, paragraphe 1 ter, de la loi sur les frontières de l’État.

Appréciation de la Cour

241

Par son quatrième grief, la Commission reproche, en substance, à la Hongrie d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, de l’article 6, paragraphe 1, de l’article 12, paragraphe 1, et de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115, en permettant que les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qui sont interpellés sur le territoire hongrois soient reconduits, de force, au-delà d’une clôture frontalière érigée sur ce territoire, à quelques mètres de la frontière serbo-hongroise, sans que soient respectées les procédures et les garanties prévues par ces dispositions.

242

À cet égard, premièrement, il convient de souligner que, selon l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/115, cette dernière s’applique, en principe, à tous les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre.

243

La notion de « séjour irrégulier » est définie à l’article 3, point 2, de cette directive comme étant la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 6 du code frontières Schengen, ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre. Il résulte de cette définition que tout ressortissant d’un pays tiers qui est présent sur le territoire d’un État membre sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans celui-ci se trouve, de ce seul fait, en séjour irrégulier sans que cette présence soit soumise à une condition de durée minimale ou d’intention de rester sur ce territoire (arrêt du 7 juin 2016, Affum, C-47/15, EU:C:2016:408, point 48).

244

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’article 5, paragraphe 1 ter, de la loi sur les frontières de l’État permet d’adopter une mesure de reconduite forcée au-delà de la clôture frontalière à l’encontre des ressortissants de pays tiers qui se trouvent en séjour irrégulier sur le territoire hongrois, au sens de l’article 3, point 2, de la directive 2008/115, sauf si ces ressortissants sont suspectés d’avoir commis une infraction.

245

Deuxièmement, il convient de relever que l’article 2, paragraphe 2, de cette directive énumère les motifs pour lesquels les États membres peuvent décider de soustraire du champ d’application de ladite directive un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier, au sens de cet article 3, point 2.

246

Cela étant, il n’est pas contesté que l’article 5, paragraphe 1 ter, de la loi relative aux frontières de l’État ne limite pas son champ d’application aux catégories de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier à l’égard desquels l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2008/115 autorise les États membres à déroger à cette directive. Du reste, la Hongrie ne soutient pas que cet article 5, paragraphe 1 ter, relève d’une des dérogations prévues à cet article 2, paragraphe 2.

247

Troisièmement, dès lors qu’un ressortissant d’un pays tiers relève du champ d’application de la directive 2008/115, il doit, en principe, être soumis aux normes et aux procédures communes prévues par celle-ci en vue de son éloignement et cela tant que le séjour n’a pas été, le cas échéant, régularisé (voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2016, Affum, C-47/15, EU:C:2016:408, point 61, ainsi que du 19 mars 2019, Arib e.a., C-444/17, EU:C:2019:220, point 39).

248

En vertu de ces normes et procédures, le ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier doit faire l’objet d’une procédure de retour, dont l’ordre de déroulement des étapes correspond à une gradation des mesures à prendre en vue de l’exécution de la décision de retour qui doit, en principe, avoir été adoptée à son égard, afin qu’il soit rapatrié d’une façon humaine et dans le respect intégral de ses droits fondamentaux ainsi que de sa dignité [voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2016, Affum, C-47/15, EU:C:2016:408, point 62, ainsi que du 8 mai 2018, K. A. e.a. (Regroupement familial en Belgique), C-82/16, EU:C:2018:308, point 100 et jurisprudence citée].

249

Ainsi, une fois constatée l’irrégularité du séjour, les autorités nationales compétentes doivent, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/115 et sans préjudice des exceptions prévues à l’article 6, paragraphes 2 à 5, de celle-ci, adopter une décision de retour (arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida, C-249/13, EU:C:2014:2431, point 46 et jurisprudence citée).

250

Il découle encore du considérant 6 de la directive 2008/115 que cette décision de retour doit être prise au terme d’une procédure équitable et transparente. Plus particulièrement, en application de l’article 5 de cette directive, lorsque l’autorité nationale compétente envisage d’adopter une décision de retour, elle doit, d’une part, respecter le principe de non-refoulement et tenir dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, de la vie familiale et de l’état de santé du ressortissant d’un pays tiers concerné et, d’autre part, entendre l’intéressé à ce sujet [voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2018, K. A. e.a. (Regroupement familial en Belgique), C-82/16, EU:C:2018:308, points 101 à 103].

251

La directive 2008/115 fixe en outre les conditions de forme auxquelles sont soumises les décisions de retour. Conformément à son article 12, paragraphe 1, ces décisions doivent être rendues par écrit et être motivées. Son article 13, paragraphe 1, oblige par ailleurs les États membres à mettre en place des voies de recours effectives contre ces décisions (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Mukarubega, C-166/13, EU:C:2014:2336, point 40).

252

Une fois que la décision de retour a été adoptée, le ressortissant de pays tiers qui en fait l’objet doit encore, en principe, bénéficier, en vertu de l’article 7 de ladite directive, d’un certain délai pour quitter volontairement le territoire de l’État membre concerné. L’éloignement forcé n’intervient qu’en dernier recours, conformément à l’article 8 de la même directive, et sous réserve de l’article 9 de celle-ci, qui impose aux États membres de reporter l’éloignement dans les cas qu’il énonce.

253

Il s’ensuit que, sans préjudice des exceptions prévues à l’article 6, paragraphes 2 à 5, de la directive 2008/115, les États membres doivent adopter une décision de retour à l’encontre des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire et relevant du champ d’application de cette directive, dans le respect des garanties matérielles et procédurales que celle-ci instaure, avant de procéder, le cas échéant, à leur éloignement.

254

En l’espèce, premièrement, il importe de relever que la Hongrie ne conteste pas que, en vertu de l’article 5, paragraphe 1 ter, de la loi sur les frontières de l’État, les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur son territoire peuvent faire l’objet d’une reconduite forcée au-delà de la clôture frontalière, sans respecter, au préalable, les procédures et les garanties prévues à l’article 5, à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 12, paragraphe 1, et à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115. À cet égard, il convient de souligner que les garanties entourant l’intervention des services de police, mises en avant par la Hongrie et résumées au point 240 du présent arrêt, ne sauraient, de toute évidence, être regardées comme correspondant aux garanties prévues par la directive 2008/115.

255

Deuxièmement, contrairement à ce que la Hongrie soutient, il y a lieu d’assimiler la reconduite forcée d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier au-delà de la clôture frontalière érigée sur son territoire à un éloignement de ce territoire.

256

En effet, s’il est vrai que, selon l’article 3, point 5, de la directive 2008/115, l’éloignement s’entend du transfert physique hors de l’État membre en exécution d’une obligation de retour, il n’en demeure pas moins que les garanties entourant les procédures de retour et d’éloignement prévues par cette directive seraient privées de leur effet utile si un État membre pouvait s’en dispenser, alors même qu’il procède à un déplacement forcé d’un ressortissant d’un pays tiers, qui équivaut, en pratique, à son transfert physique en dehors de son territoire.

257

Or, la Hongrie admet que l’espace se situant entre la clôture frontalière, au-delà de laquelle les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier peuvent être reconduits de force, et la frontière serbo-hongroise se limite à une étroite bande de terre dépourvue de toute infrastructure. Après avoir été reconduit de force par les autorités de police hongroises sur cette étroite bande de terre, le ressortissant d’un pays tiers n’a, dès lors, pas d’autre choix que de quitter le territoire hongrois et de se rendre en Serbie afin de pouvoir se loger et se nourrir.

258

À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que la Hongrie soutient, ce ressortissant ne dispose pas de la possibilité effective de pénétrer, à partir de cette bande de terre, dans l’une des deux zones de transit de Röszke et de Tompa pour y présenter une demande de protection internationale.

259

Ainsi qu’il a été relevé au point 128 du présent arrêt, il existait en effet, à tout le moins jusqu’au terme du délai fixé dans l’avis motivé adressé par la Commission à la Hongrie, une pratique constante et généralisée des autorités hongroises consistant à réduire drastiquement l’accès à ces zones de transit qui rendait totalement illusoire la possibilité, pour un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier reconduit de force au-delà de la clôture frontalière, d’entrer, à bref délai, dans une desdites zones de transit.

260

Du reste, le représentant spécial du Secrétaire général du Conseil de l’Europe sur les migrations et les réfugiés et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants sont parvenus, en substance, à la même conclusion dans leurs rapports annexés à la requête de la Commission.

261

Enfin, il convient d’écarter l’argumentation de la Hongrie selon laquelle l’article 5, paragraphe 1 ter, de la loi sur les frontières de l’État serait justifié en vertu de l’article 72 TFUE, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, TUE, pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 216 et 217 du présent arrêt, dès lors que cet État membre se limite, à cet égard, à invoquer, de manière générale, un risque de trouble à l’ordre public et à la sécurité nationale, sans démontrer, à suffisance de droit, la nécessité qu’il y avait, pour lui, de déroger spécifiquement à la directive 2008/115, compte tenu de la situation prévalant sur son territoire à la date du 8 février 2018 (voir, par analogie, arrêt du 2 juillet 2020, Stadt Frankfurt am Main, C-18/19, EU:C:2020:511, points 27 à 29 et jurisprudence citée).

262

S’agissant, plus spécifiquement, de l’article 4, paragraphe 2, TUE, la Hongrie ne démontre pas que, au regard de cette situation, la préservation effective des fonctions étatiques essentielles visées par cette disposition, telles que celle de protéger la sécurité nationale, ne pouvait être assurée qu’en dérogeant à la directive 2008/115 [voir, par analogie, arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale), C-715/17, C-718/17 et C-719/17, EU:C:2020:257, point 170].

263

Il convient également de relever que, en adoptant, notamment, l’article 6, paragraphe 2, l’article 7, paragraphe 4, l’article 11, paragraphes 2 et 3, ainsi que l’article 12, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2008/115, le législateur de l’Union a dûment tenu compte de l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres en vertu de l’article 72 TFUE. En effet, ces dispositions permettent à ces États de déroger à plusieurs règles imposées par cette directive lorsque la protection de l’ordre public ou de la sécurité publique ou nationale le requiert.

264

En outre, ainsi que la Commission le fait valoir, l’article 18 de la directive 2008/115, dont la Hongrie ne s’est pas prévalue, est expressément consacré aux situations d’urgence auxquelles un État membre peut devoir faire face lorsqu’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers soumis à une obligation de retour fait peser une charge lourde et imprévue sur la capacité des centres de rétention de celui-ci ou sur son personnel administratif et judiciaire. En vertu de cet article 18, les États membres devant faire face à une telle situation peuvent déroger à certaines règles relatives au placement et au maintien en rétention des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, sans pour autant méconnaître leur obligation générale de prendre toutes les mesures appropriées, pour veiller au respect de leurs obligations découlant de la directive 2008/115.

265

Enfin, contrairement à ce que la Hongrie soutient, la simple circonstance qu’une révision de la directive 2008/115 serait envisagée ne suffit pas à démontrer que les dispositions actuellement en vigueur de cette directive n’ont pas dûment pris en compte les responsabilités qui incombent aux États membres dans les matières visées à l’article 72 TFUE.

266

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en permettant l’éloignement de tous les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire national, à l’exception de ceux d’entre eux qui sont soupçonnés d’avoir commis une infraction, sans respecter les procédures et garanties prévues à l’article 5, à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 12, paragraphe 1, et à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115, la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces dispositions.

Sur le cinquième grief, relatif au droit de rester sur le territoire de l’État membre concerné

Argumentation des parties

267

La Commission estime, en premier lieu, que la Hongrie n’a pas correctement transposé l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32, garantissant le droit pour le demandeur de protection internationale de rester sur le territoire de l’État membre concerné dans l’attente de l’issue de la procédure ayant pour objet l’examen du recours juridictionnel dirigé contre la décision ayant rejeté, en premier ressort, sa demande.

268

Elle relève à cet égard que, selon le droit hongrois, l’introduction d’un recours contre une décision administrative n’a pas, en principe, d’effet suspensif, l’article 50 du code de procédure administrative contentieuse prévoyant uniquement la possibilité pour une juridiction d’ordonner un tel effet sous certaines conditions.

269

En tant que lex specialis, la loi relative au droit d’asile fixerait, quant à elle, les règles en matière de contentieux administratif applicables au contrôle des décisions en matière d’asile. Or, la loi relative à la gestion de l’immigration massive, entrée en vigueur le 1er août 2015, aurait abrogé les dispositions de la loi relative au droit d’asile garantissant explicitement l’effet suspensif des recours dirigés contre les décisions de rejet d’une demande de protection internationale. Cette abrogation vaudrait même en l’absence d’une situation de crise engendrée par une immigration massive.

270

L’article 5, paragraphe 1, sous a), de la loi relative au droit d’asile reconnaîtrait, certes, un droit de séjour au demandeur. Néanmoins, cette disposition subordonnerait un tel droit à des conditions supplémentaires qui ne sont pas exposées précisément. Par ailleurs, l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile, applicable dans une situation de crise engendrée par une immigration massive, ne garantirait pas davantage une transposition adéquate de l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32. En effet, le séjour dans la zone de transit, imposé par cet article 80/J, paragraphe 5, devrait être qualifié de rétention et ne correspondrait pas aux exigences de l’article 46 de cette directive.

271

S’agissant, en deuxième lieu, du contrôle juridictionnel des décisions rejetant comme irrecevable une demande d’asile, visé à l’article 46, paragraphe 6, de la directive 2013/32, l’article 53, paragraphe 6, de la loi relative au droit d’asile prévoirait que l’introduction du recours à cette fin n’a pas, en principe, d’effet suspensif, ce qui ne serait pas conforme à cet article 46, paragraphe 6, en vertu duquel les États membres devraient soit garantir l’effet suspensif automatique des recours contre des décisions d’irrecevabilité, soit veiller à ce qu’une juridiction adopte une décision concernant un tel effet suspensif.

272

En outre, la loi relative au droit d’asile ne préciserait pas clairement si l’article 50 du code de procédure administrative contentieuse est applicable aux procédures judiciaires relevant du champ d’application de la loi relative au droit d’asile.

273

En troisième lieu, s’agissant des cas de figure visés à l’article 46, paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2013/32, pour lesquels la règle prévue à l’article 46, paragraphe 5, de cette directive s’applique, la Commission admet qu’ils sont visés à l’article 51, paragraphe 2, sous e), et paragraphe 7, sous h), de la loi relative au droit d’asile et que l’article 53, paragraphe 6, de cette loi prévoit que le dépôt d’une requête n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de la décision attaquée, à l’exception des décisions en matière d’asile prises en application de cet article 51, paragraphe 2, sous e), et paragraphe 7, sous h).

274

Cependant, la loi relative au droit d’asile ne prévoirait pas clairement que le dépôt d’une requête visant à contester les décisions adoptées sur le fondement dudit article 51, paragraphe 2, sous e), et paragraphe 7, sous h), a un effet suspensif. Seul un raisonnement a contrario permettrait de conclure qu’une règle autre que celle de l’absence d’effet suspensif serait applicable. En tout état de cause, le texte de la loi relative au droit d’asile ne préciserait pas si cette règle différente implique un effet suspensif automatique, comme l’article 46, paragraphe 5, et paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2013/32 l’exigerait.

275

La Hongrie répond que sa réglementation assure de manière adéquate la possibilité, pour les demandeurs de protection internationale, de rester sur son territoire, conformément à l’article 46 de la directive 2013/32, même si cet article n’a pas été transposé littéralement dans son droit national.

276

En premier lieu, l’article 5, paragraphe 1, de la loi relative au droit d’asile prévoirait que le demandeur a le droit de séjourner sur le territoire hongrois conformément aux conditions prévues par cette loi. Ce droit devrait être garanti à tout demandeur soumis à une procédure d’asile, ce qui impliquerait, conformément à l’article 35, paragraphe 1, de ladite loi, qu’il en bénéficie jusqu’à la notification de la décision rendue à l’issue de la procédure d’asile, décision qui correspondrait, le cas échéant, à la décision juridictionnelle prononcée à la suite de l’examen du recours visant à contester la décision de rejet de la demande de protection internationale.

277

Le renvoi aux conditions prévues par la loi, opéré par l’article 5, paragraphe 1, de la loi relative au droit d’asile, impliquerait que le ressortissant d’un pays tiers doit se conformer au statut de demandeur défini dans la loi. Une autre condition pourrait être l’obligation, pour le demandeur, de résider dans le lieu désigné par l’autorité compétente en matière d’asile. L’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile instituerait une règle de ce type. Enfin, ces conditions viseraient également à exclure du bénéfice du droit de séjour le demandeur de protection internationale réintroduisant une demande de protection internationale, conformément à l’article 80/K, paragraphe 11, de cette loi.

278

Par ailleurs, en vertu de l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile, lorsqu’une situation de crise engendrée par une immigration massive est déclarée, le demandeur aurait le droit de séjourner dans la zone de transit concernée et, partant, sur le territoire hongrois, jusqu’à la notification de la décision définitive, conformément à l’article 80/J, paragraphe 2, de cette loi.

279

S’agissant, en deuxième lieu, des cas de figure visés à l’article 46, paragraphe 6, de la directive 2013/32, le demandeur serait, en vertu de l’article 50 du code de procédure administrative contentieuse, en mesure de demander une protection juridictionnelle immédiate, laquelle pourrait se traduire par l’octroi d’un effet suspensif et, de ce fait, par la possibilité de rester sur le territoire hongrois.

280

En troisième lieu, les cas de figure visés à l’article 46, paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2013/32, pour lesquels l’article 46, paragraphe 5, s’applique, seraient couverts par l’article 51, paragraphe 2, sous e), et paragraphe 7, sous h), de la loi relative au droit d’asile, le droit de rester sur le territoire hongrois étant garanti, de plein droit, dans ces deux cas.

Appréciation de la Cour

281

Par son cinquième grief, la Commission reproche, en substance, à la Hongrie d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 46, paragraphes 5 et 6, de la directive 2013/32, au motif que cet État membre ne garantit pas, dans les conditions prévues par ces dispositions, le droit des demandeurs de protection internationale de rester sur son territoire, dans l’attente de l’issue de la procédure ayant pour objet l’examen du recours dirigé contre la décision ayant rejeté, en premier ressort, leur demande.

Sur la première branche du cinquième grief, relative à l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32

282

Premièrement, il convient de relever que, en vertu de l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32, les demandeurs de protection internationale sont autorisés, sous réserve des cas prévus à l’article 41, paragraphe 1, et à l’article 46, paragraphe 6, de cette directive, à rester sur le territoire de l’État membre concerné jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice de leur droit à un recours effectif contre les décisions visées au paragraphe 1 de cet article 46 et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l’attente de l’issue de celui-ci.

283

Aux termes de l’article 2, sous p), de la directive 2013/32, l’expression « rester dans l’État membre » renvoie au fait de rester sur le territoire de l’État membre dans lequel la demande de protection internationale a été présentée ou est examinée, y compris à la frontière ou dans l’une des zones de transit de celui-ci.

284

Deuxièmement, il convient de souligner que le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride dont la demande de protection internationale a été rejetée, en premier ressort, par l’autorité responsable de la détermination, continue de bénéficier, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/33, lu en combinaison avec l’article 2, sous b), de celle-ci, des conditions d’accueil, prévues par cette directive, tant qu’il est autorisé à séjourner sur le territoire, en vertu de l’article 46 de la directive 2013/32, afin de contester une telle décision de rejet.

285

En effet, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/33 prévoit que le demandeur de protection internationale bénéficie des conditions d’accueil prévues par cette directive, aussi longtemps que celui-ci est autorisé à rester sur le territoire de l’État membre concerné en sa qualité de demandeur et, selon l’article 2, sous b), de ladite directive, le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride doit être considéré comme un demandeur de protection internationale, au sens de la même directive, tant qu’il n’a pas été statué définitivement sur sa demande.

286

Or, eu égard au lien étroit existant entre le champ d’application de la directive 2013/32 et celui de la directive 2013/33, il convient de retenir, aux fins de l’article 2, sous b), de la directive 2013/33, la même définition de la décision finale que celle que l’article 2, sous e), de la directive 2013/32 retient afin de déterminer le champ d’application de cette dernière directive, à savoir toute décision établissant si la personne concernée se voit accorder le statut de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire et qui n’est plus susceptible d’un recours formé dans le cadre du chapitre V de ladite directive, que ce recours ait ou non pour effet de permettre à un demandeur de protection internationale de demeurer sur le territoire de l’État membre concerné en attendant son issue.

287

Il s’ensuit, d’une part, que, si l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32 se limite à conférer au demandeur de protection internationale qui relève de son champ d’application un droit de demeurer sur le territoire de l’État membre concerné, l’existence de ce droit est néanmoins consacrée de manière inconditionnelle, sous réserve des exceptions prévues à l’article 41, paragraphe 1, et à l’article 46, paragraphe 6, de cette directive, et, d’autre part, qu’un État membre ne peut fixer des modalités d’exercice d’un tel droit que pour autant que ces dernières soient conformes, notamment, aux directives 2013/32 et 2013/33.

288

Troisièmement, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l’exigence de sécurité juridique qui requiert que, au cas où la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits (arrêts du 8 juillet 1999, Commission/France, C-354/98, EU:C:1999:386, point 11 ; du 14 mars 2006, Commission/France, C-177/04, EU:C:2006:173, point 48, et du 4 octobre 2018, Commission/Espagne, C-599/17, non publié, EU:C:2018:813, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

289

Il s’ensuit que, lorsqu’un État membre décide de fixer des modalités d’exercice du droit de rester sur son territoire, tel qu’il est consacré à l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32, ces dernières doivent être définies de manière suffisamment claire et précise afin que le demandeur de protection internationale puisse connaître l’étendue exacte d’un tel droit et qu’il puisse être apprécié si de telles modalités sont compatibles, notamment, avec les directives 2013/32 et 2013/33.

290

Sous le bénéfice de ces observations, il convient, en l’espèce, de relever, en premier lieu, qu’il n’est pas contesté que, lorsqu’une situation de crise engendrée par une immigration massive est déclarée, l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile établit, par dérogation à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de cette loi, que les demandeurs sont tenus de demeurer dans les zones de transit de Röszke et de Tompa jusqu’à l’issue de la procédure ayant pour objet l’examen du recours introduit contre la décision de l’autorité compétente en matière d’asile rejetant leur demande.

291

Cet article 80/J, paragraphe 5, garantit ainsi que les demandeurs ont le droit de demeurer sur le territoire hongrois tant que le recours juridictionnel dirigé contre la décision ayant rejeté leur demande est pendant. Cela étant, ainsi qu’il a été relevé au point 226 du présent arrêt, ceux-ci sont soumis, pendant cette période, à un système de rétention généralisée, dans ces zones de transit, incompatible avec les droits qui leur sont reconnus à l’article 24, paragraphe 3, et à l’article 43 de la directive 2013/32 ainsi qu’aux articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33.

292

À cet égard, il importe de relever, plus particulièrement, compte tenu de la situation en cause dans le cadre de l’examen du présent grief, qu’aucun des motifs de rétention énumérés à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2013/33 ne vise l’hypothèse d’un demandeur de protection internationale dont la demande a été rejetée en premier ressort par l’autorité responsable de la détermination et qui bénéficie encore d’un délai pour introduire un recours contre cette décision ou qui a introduit un tel recours.

293

Or, ainsi qu’il ressort du point 287 du présent arrêt, un État membre ne peut imposer des modalités d’exercice du droit de rester sur son territoire, garanti à l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32, qui méconnaissent les droits garantis aux demandeurs de protection internationale par les directives 2013/32 et 2013/33.

294

Il s’ensuit que, en ne permettant, en cas de déclaration d’une situation de crise engendrée par une immigration massive, aux demandeurs de protection internationale dont la demande a été rejetée en premier ressort par l’autorité responsable de la détermination de rester sur son territoire qu’à la condition que ceux-ci soient placés en rétention d’une manière contraire aux directives 2013/32 et 2013/33, la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32.

295

En second lieu, il n’est pas contesté que, lorsqu’aucune situation de crise engendrée par une immigration massive n’est déclarée, l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la loi relative au droit d’asile, qui n’a pas été abrogé par la loi no XX de 2017, prévoit que le demandeur d’asile a le droit de séjourner sur le territoire hongrois conformément aux conditions prévues par cette loi, étant entendu qu’un tel droit existe, en vertu de l’article 35, paragraphe 1, de la loi relative au droit d’asile, jusqu’à la notification de la décision non susceptible de recours rendue à l’issue de la procédure d’asile.

296

La Commission considère toutefois que cette réglementation ne garantit pas au demandeur de protection internationale un droit de rester sur le territoire hongrois, dans les conditions prévues à l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32, au motif que ce droit est subordonné, à l’article 5, paragraphe 1, de la loi relative au droit d’asile, à des conditions non autrement définies.

297

La Hongrie a souligné, dans ses écrits de procédure et lors de l’audience, que les conditions auxquelles renvoie cet article 5, paragraphe 1, consistent à exiger, d’une part, que l’intéressé se conforme au statut de demandeur défini par la loi et respecte, en outre, l’obligation qui lui est faite, le cas échéant, de résider dans un lieu déterminé, qui peut être, conformément à l’article 80/J, paragraphe 5, de la loi relative au droit d’asile, l’une des deux zones de transit de Röszke et de Tompa, lorsqu’une situation de crise engendrée par une immigration massive a été déclarée. D’autre part, selon cet État membre, ces conditions visent également à priver, conformément à l’article 80/K, paragraphe 11, de cette loi, du droit de rester sur le territoire hongrois le demandeur ayant introduit une nouvelle demande d’asile, alors qu’une décision définitive de clôture ou de rejet a été rendue à propos de sa demande précédente.

298

À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 7 de la directive 2013/33, les États membres peuvent imposer, sous certaines conditions, un lieu de résidence aux demandeurs de protection internationale, y compris après que leur demande a été rejetée, en premier ressort, par l’autorité responsable de la détermination. Dès lors, il ne saurait être jugé comme étant contraire à l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32 que le droit de rester sur le territoire d’un État membre soit subordonné au respect d’une telle condition de résidence pour autant que cette dernière respecte les garanties prévues à l’article 7 de la directive 2013/33. Il y a toutefois lieu de relever que la Hongrie n’identifie pas une disposition de la loi relative au droit d’asile qui contiendrait précisément une telle condition.

299

Deuxièmement, il convient de relever que l’article 80/J, paragraphe 5, et l’article 80/K, paragraphe 11, de la loi relative au droit d’asile ont uniquement vocation à s’appliquer lorsqu’une situation de crise engendrée par une immigration massive a été déclarée et que, ainsi que la Hongrie l’a admis lors de l’audience, dans un tel cas de figure, l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la loi relative au droit d’asile n’est pas applicable. Cet État membre ne peut dès lors, sans se contredire, affirmer que l’article 80/J, paragraphe 5, et l’article 80/K, paragraphe 11, de la loi relative au droit d’asile fixent les conditions dans lesquelles l’article 5, paragraphe 1, de cette loi s’applique.

300

Enfin, troisièmement, il convient de relever que la condition imposant de respecter le statut de demandeur de protection internationale défini par la loi et à laquelle, selon les propres affirmations de la Hongrie, le droit de séjour découlant de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la loi relative au droit d’asile, serait également subordonné, se prête à diverses interprétations et renvoie à d’autres conditions qui n’ont pas été identifiées par cet État membre.

301

Or, ainsi qu’il a été relevé au point 289 du présent arrêt, lorsqu’un État membre prévoit des modalités d’exercice du droit de rester sur son territoire, garanti à l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32, ces modalités doivent être identifiées de manière suffisamment claire et précise afin que le demandeur de protection internationale puisse connaître l’étendue exacte d’un tel droit et qu’il puisse être apprécié si de telles modalités sont compatibles, notamment, avec les directives 2013/32 et 2013/33.

302

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32.

Sur la deuxième branche du cinquième grief, relative à l’article 46, paragraphe 6, de la directive 2013/32

303

Par dérogation à l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32, l’article 46, paragraphe 6, de celle-ci permet aux États membres, dans les cas que cette disposition prévoit, notamment lorsque la décision rejetant la demande de protection internationale est fondée sur certains motifs d’irrecevabilité, de ne pas accorder automatiquement un droit de rester sur le territoire dans l’attente de l’issue du recours introduit par le demandeur, pour autant qu’une juridiction soit compétente pour décider si l’intéressé peut rester sur le territoire de l’État membre concerné, malgré la décision adoptée en premier ressort dont il fait l’objet.

304

Selon la Commission, la Hongrie n’a pas correctement transposé ladite disposition au motif, d’une part, que l’article 53, paragraphe 6, de la loi relative au droit d’asile n’accorde pas un effet suspensif à l’introduction du recours contre une décision rejetant la demande de protection internationale comme irrecevable et, d’autre part, que cette loi ne précise pas clairement si l’article 50 du code de procédure administrative contentieuse, qui permet de solliciter auprès de la juridiction compétente saisie la suspension de la décision administrative attaquée, est applicable aux procédures judiciaires relevant de la loi relative au droit d’asile.

305

Il s’ensuit que la Commission reproche, en substance, à la Hongrie de ne pas avoir transposé, de manière suffisamment claire et précise, l’article 46, paragraphe 6, de la directive 2013/32, au motif que la réglementation hongroise ne précise pas expressément que l’article 50 du code de procédure administrative contentieuse s’applique aux décisions rejetant comme irrecevable une demande de protection internationale.

306

Une telle argumentation n’est toutefois pas fondée.

307

En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a en substance relevé au point 207 de ses conclusions, le simple fait que l’article 50 du code de procédure administrative contentieuse a une portée générale et que l’article 53, paragraphe 6, de la loi relative au droit d’asile ne précise pas que cet article 50 s’applique dans le cadre des procédures régies par cette loi ne suffit pas à considérer que la Hongrie ne se serait pas conformée de manière précise et suffisamment claire à l’article 46, paragraphe 6, de la directive 2013/32. À cet égard, il importe de souligner que l’article 53, paragraphe 6, de la loi relative au droit d’asile n’exclut pas l’application du même article 50, ni n’instaure une règle qui serait incompatible avec ce dernier article. En outre, la Commission n’a apporté aucun élément qui permettrait de faire douter de la possibilité pour les juridictions hongroises d’appliquer l’article 50 du code de procédure administrative contentieuse dans le cadre de l’examen d’un recours juridictionnel dirigé contre une décision rejetant comme irrecevable une demande de protection internationale.

308

Il s’ensuit que la deuxième branche du cinquième grief doit être écartée comme non fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner si l’article 50 du code de procédure administrative contentieuse constitue, pour le surplus, une transposition complète et correcte de l’article 46, paragraphe 6, dernier alinéa, de la directive 2013/32.

Sur la troisième branche du cinquième grief, relative à l’article 46, paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2013/32

309

Par dérogation à la règle établie à l’article 46, paragraphe 6, de la directive 2013/32, il se déduit des points a) et b) de cette disposition que, lorsque la demande de protection internationale est rejetée comme non fondée en raison des circonstances visées à l’article 31, paragraphe 8, sous h), de cette directive ou est déclarée irrecevable en vertu de son article 33, paragraphe 2, sous c) et e), le droit de rester sur le territoire de l’État membre doit être accordé dans les conditions prévues à l’article 46, paragraphe 5, de ladite directive, et non à l’article 46, paragraphe 6, dernier alinéa, de celle-ci.

310

La Commission reproche à la Hongrie de ne pas avoir transposé de façon suffisamment claire et précise cette règle dérogatoire au motif que l’article 53, paragraphe 6, de la loi relative au droit d’asile ne ferait pas clairement apparaître que le dépôt de la requête a un effet suspensif, lorsque celle-ci a pour objet de contester une décision adoptée sur le fondement de l’article 51, paragraphe 2, sous e), et paragraphe 7, sous h), de la loi relative au droit d’asile.

311

Une telle argumentation doit toutefois être écartée comme étant non fondée.

312

En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a en substance relevé au point 211 de ses conclusions, il ressort clairement du libellé même de l’article 53, paragraphe 6, de la loi relative au droit d’asile que les recours formés contre des décisions prises en vertu de l’article 51, paragraphe 2, sous e), et paragraphe 7, sous h), de la loi relative au droit d’asile ont un effet suspensif automatique.

313

Partant, la troisième branche du cinquième grief doit être également écartée comme étant non fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner si l’article 53, paragraphe 6, de la loi relative au droit d’asile constitue, pour le surplus, une transposition complète et correcte de l’article 46, paragraphe 6, sous a) et b), de la directive 2013/32.

314

Il s’ensuit que la Hongrie a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32 en subordonnant à des conditions contraires au droit de l’Union l’exercice, par les demandeurs de protection internationale qui relèvent du champ d’application de cette disposition, de leur droit de rester sur son territoire.

315

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, de l’article 6, paragraphe 1, de l’article 12, paragraphe 1, et de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115, de l’article 6, de l’article 24, paragraphe 3, de l’article 43 et de l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32 et des articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33 :

en prévoyant que les demandes de protection internationale émanant de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui, arrivant de Serbie, souhaitent accéder, sur son territoire, à la procédure de protection internationale, ne peuvent être présentées que dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, tout en adoptant une pratique administrative constante et généralisée limitant drastiquement le nombre de demandeurs autorisés à pénétrer quotidiennement dans ces zones de transit ;

en instaurant un système de rétention généralisée des demandeurs de protection internationale dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, sans respecter les garanties prévues à l’article 24, paragraphe 3, et à l’article 43 de la directive 2013/32 ainsi qu’aux articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33 ;

en permettant l’éloignement de tous les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur son territoire, à l’exception de ceux d’entre eux qui sont soupçonnés d’avoir commis une infraction, sans respecter les procédures et garanties prévues à l’article 5, à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 12, paragraphe 1, et à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 ;

en subordonnant à des conditions contraires au droit de l’Union l’exercice, par les demandeurs de protection internationale qui relèvent du champ d’application de l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32, de leur droit de rester sur son territoire.

316

Le recours est rejeté pour le surplus.

Sur les dépens

317

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Conformément à l’article 138, paragraphe 3, de ce règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie. La Commission ayant conclu à la condamnation de la Hongrie aux dépens et celle-ci ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu, eu égard aux circonstances de l’espèce, de condamner la Hongrie à supporter, outre ses propres dépens, quatre cinquièmes des dépens de la Commission. Cette dernière supportera un cinquième de ses dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1)

La Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, de l’article 6, paragraphe 1, de l’article 12, paragraphe 1, et de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, de l’article 6, de l’article 24, paragraphe 3, de l’article 43 et de l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, et des articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale :

en prévoyant que les demandes de protection internationale émanant de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui, arrivant de Serbie, souhaitent accéder, sur son territoire, à la procédure de protection internationale, ne peuvent être présentées que dans les zones de transit de Röszke (Hongrie) et de Tompa (Hongrie), tout en adoptant une pratique administrative constante et généralisée limitant drastiquement le nombre de demandeurs autorisés à pénétrer quotidiennement dans ces zones de transit ;

en instaurant un système de rétention généralisée des demandeurs de protection internationale dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, sans respecter les garanties prévues à l’article 24, paragraphe 3, et à l’article 43 de la directive 2013/32 ainsi qu’aux articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33 ;

en permettant l’éloignement de tous les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur son territoire, à l’exception de ceux d’entre eux qui sont soupçonnés d’avoir commis une infraction, sans respecter les procédures et garanties prévues à l’article 5, à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 12, paragraphe 1, et à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 ;

en subordonnant à des conditions contraires au droit de l’Union l’exercice, par les demandeurs de protection internationale qui relèvent du champ d’application de l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32, de leur droit de rester sur son territoire.

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

3)

La Hongrie supporte, outre ses propres dépens, quatre cinquièmes des dépens de la Commission européenne.

4)

La Commission européenne supporte un cinquième de ses dépens.

Signature


( *1 ) Langue de procédure : le hongrois.

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Textes cités dans la décision

  1. Règlement (UE) 2016/399 du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (texte codifié)
  2. Directive Qualification - Directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte)
  3. Dublin III - Règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte)
  4. Directive Retour - Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier
  5. Règlement d’exécution (UE) 118/2014 du 30 janvier 2014
  6. Directive Procédure d'asile - Directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte)
  7. Directive Accueil - Directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte)
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CJUE, n° C-808/18, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Hongrie, 17 décembre 2020