Tribunal de grande instance de Nanterre, 1re chambre, 4 février 2016, n° 13/09256

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Chronologie de l’affaire

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Lettre du Restructuring · 11 janvier 2022

TC Lille, 5 mars 2018, Juris-data n°2018-001176 En l'absence de certitude quant à l'existence d'une créance, l'assignation en redressement judiciaire ne doit pas constituer, pour le créancier éventuel, un moyen de pression afin de se faire payer. Ce qu'il faut retenir : En l'absence de certitude quant à l'existence d'une créance, l'assignation en redressement judiciaire ne doit pas constituer, pour le créancier éventuel, un moyen de pression afin de se faire payer. Dès lors, le créancier ayant initié l'action contentieuse peut engager sa responsabilité au titre d'un abus de droit. Pour …

 

Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

TC Lille, 5 mars 2018, Juris-data n°2018-001176 En l'absence de certitude quant à l'existence d'une créance, l'assignation en redressement judiciaire ne doit pas constituer, pour le créancier éventuel, un moyen de pression afin de se faire payer. Ce qu'il faut retenir : En l'absence de certitude quant à l'existence d'une créance, l'assignation en redressement judiciaire ne doit pas constituer, pour le créancier éventuel, un moyen de pression afin de se faire payer. Dès lors, le créancier ayant initié l'action contentieuse peut engager sa responsabilité au titre d'un abus de droit. Pour …

 
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Sur la décision

Référence :
TGI Nanterre, 1re ch., 4 févr. 2016, n° 13/09256
Juridiction : Tribunal de grande instance de Nanterre
Numéro(s) : 13/09256

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE

INSTANCE

DE NANTERRE

[…]

1re Chambre

[…]

04 Février 2016

N° R.G. : 13/09256

N° Minute :

AFFAIRE

SOCIETE PIERRE & VACANCES, SA

C/

Maître Y X

D X B

SELARL A B C & ASSOCIES laquelle se trouve aux droits et obligations de la D X B

Copies délivrées le :

DEMANDEUR

SOCIETE PIERRE & VACANCES, SA

[…]

[…]

[…]

représenté par Me James DUPICHOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J149

DEFENDEURS

Maître Y X

Mandataire judiciaire, pris à titre personnel

[…]

[…]

représenté par Maître Jean-pierre FABRE de l’ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R044

D X B, société d’exercice libérale à responsabilité limitée

[…]

[…]

représenté par Me Hubert MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0008

INTERVENANTE VOLONTAIRE

SELARL A B C & ASSOCIES

laquelle se trouve aux droits et obligations de la D X B, société d’exercice libérale à responsabilité limitée

[…]

[…]

représentée par Maître Hubert MAZINGUE de la SELAFA HUBERT MAZINGUE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : K0008

L’affaire a été débattue le 04 Novembre 2015 en audience publique devant le tribunal composé de :

Anne BEAUVOIS, 1re vice-présidente

Estelle MOREAU, Vice-Présidente

Agnès COCHET-MARCADE, Vice-Présidente

qui en ont délibéré.

Greffier lors du prononcé : Geneviève COHENDY, Greffier.

JUGEMENT

Mis en délibéré au 21 janvier 2016 prorogé au 28 janvier 2016, prononcé le 4 février 2016, en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal.

EXPOSE DU LITIGE ET DES PRETENTIONS

Le 9 juillet 1997, la société Pierre et vacances, s’est rendue caution solidaire, sans limitation de montant, des engagements souscrits par sa filiale Sogire aux termes d’une convention de garantie de passif souscrite les 9 et 10 juillet 1997, en suite d’une cession de contrôle (100 % des parts sociales) de la société Sati, devenue Alfa GA Sati, au bénéfice de la société Alfa holding, devenue la société immobilier Monceau investissements holding (ci-après IMI holding).

Postérieurement à cette cession, les copropriétés gérées anciennement par la société Sati, en qualité de syndic sur la station de ski des Arcs, ont mis en cause sa gestion et obtenu par arrêts de la cour d’appel de Chambéry du 15 septembre 2009, devenus irrévocables, sa condamnation à rembourser l’intégralité des honoraires perçus durant l’ensemble des exercices.

Par ordonnance en date du 15 novembre 2010, le président du tribunal de commerce de Nanterre a désigné Me X (D X B), administrateur judiciaire, en qualité d’administrateur provisoire, d’un ensemble de sociétés et notamment des sociétés Alfa GA Sati et IMI holding qui faisaient partie du groupe Urbania, mission prorogée depuis cette date.

La société IMI holding a mis en jeu la garantie de passif et obtenu des sentences arbitrales en 2008 et 2011 condamnant la société Sogire à lui payer la somme de 4.785.265 euros.

La société IMI holding a fait alors assigner en référé la société Pierre et vacances en qualité de caution de sa filiale pour obtenir sa condamnation à titre provisionnel au paiement des causes des sentences arbitrales et par arrêt du 15 mai 2012, la cour d’appel de Paris, infirmant l’ordonnance de référé du 21 octobre 2011, a condamné la société Pierre et vacances à titre provisionnel à payer la somme de 4.785.265 euros.

Diverses procédures d’exécution ont été engagées, dont une saisie-attribution sur le compte de la société Pierre et vacances ouvert dans les livres de la Bred Banque populaire qui a permis d’appréhender une somme de 3.588.191,66 euros le 9 juillet 2012.

C’est dans ces circonstances que la société IMI holding a fait assigner la société Pierre et vacances par acte d’huissier du 4 février 2013 devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir prononcer la liquidation judiciaire de cette dernière, subsidiairement ouvrir une procédure de redressement judiciaire. Par jugement du 16 avril 2013, le tribunal de commerce a ordonné une enquête et le juge commis pour enquête a lui-même désigné une mandataire judiciaire en qualité d’expert avec mission de recueillir tous renseignements sur la situation financière de la société débitrice. Par jugement rendu le 14 mai 2013, sur la demande de société Pierre et vacances, le tribunal de commerce a rétracté le jugement ordonnant l’enquête et l’ordonnance du même jour, après avoir constaté que la créance invoquée avait été réglée. Le tribunal a radié l’affaire du rôle le 2 juillet 2013, constatant que le demandeur avait déclaré se désister de sa demande.

Par assignation en date du 25 juillet 2013, la société Pierre et vacances a assigné la D X B et Me X, à titre personnel, sollicitant leur condamnation in solidum au paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices causés par l’assignation en liquidation judiciaire.

Par conclusions récapitulatives n°5 signifiées le 3 mars 2015, la société Pierre et vacances demande au tribunal, au visa des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce et 1382 du code civil, de :

— constater que la société Pierre et vacances ne se trouvait pas dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ;

— constater que, a fortiori, le redressement de la société Pierre et vacances n’était pas manifestement impossible ;

— dire que l’assignation en liquidation judiciaire de la société constitue un détournement manifeste et délibéré des règles du droit des procédures collectives ;

— dire que Maître Y X a commis une faute personnelle en ayant, en qualité d’administrateur provisoire de la société IMI holding, assigné en liquidation judiciaire la société Pierre et vacances alors qu’il n’ignorait pas la cause réelle du refus de paiement ;

— condamner in solidum Maître Y X et la Selarl A B C et associés, venant aux droits de la D X B, à lui payer une somme de 100.000 € en réparation du préjudice moral causé par son assignation manifestement abusive ;

— condamner in solidum Maître Y X et la Selarl A B C et associés, venant aux droits de la D X B, à lui payer une somme de 1.000.000 € en réparation du préjudice matériel causé par son assignation manifestement abusive ;

— débouter les défendeurs de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles ;

— ordonner l’exécution provisoire ;

— condamner in solidum Maître Y X et la Selarl A B C et associés venant aux droits de la D X B, au paiement des entiers dépens et à lui payer une somme a minima de 150.000 € HT en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en réplique n°3 signifiées le 25 février 2015, la Selarl A B C et associés, ci-après BCM, aux droits de la D X B, demande au tribunal d’accueillir son intervention volontaire, de débouter la société Pierre et vacances de toutes ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, de faire usage de ses pouvoirs relativement à l’amende civile, de condamner la demanderesse à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, d’ordonner l’exécution provisoire.

Par conclusions n° 3 signifiées le 23 décembre 2014, Me Y X, mandataire judiciaire, demande au tribunal de débouter la société Pierre et vacances de toutes ses demandes, de la condamner reconventionnellement à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice professionnel et moral et celle de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2015.

La société Pierre et vacances a signifié le 15 octobre 2015 des conclusions récapitulatives n°6 et aux fins de rabat de l’ordonnance de clôture, motif pris de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 mai 2015 procédant à la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 février 2014 qui avait déclaré sa tierce opposition irrecevable contre la sentence arbitrale du 10 décembre 2008.

La Selarl BCM a conclu le 23 octobre 2015 pour voir rejeter la demande de rabat de l’ordonnance de clôture. Me X a fait de même par conclusions du même jour.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions signifiées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture

L’arrêt de la Cour de cassation du 5 mai 2015 portant, selon la société Pierre et vacances, sur la question de la recevabilité de sa tierce opposition contre la sentence arbitrale rendue en 2008, n’est pas susceptible d’avoir une quelconque incidence dans la présente instance dans laquelle est recherchée la responsabilité des défendeurs pour avoir engagé abusivement une instance en liquidation judiciaire à l’égard de la demanderesse en février 2013.

L’intervention de cette décision ne constitue pas une cause grave révélée postérieurement à l’ordonnance de clôture rendue le 9 mars 2015 susceptible de justifier sa révocation en vertu de l’article 784 du code de procédure civile.

Cette demande de révocation formulée par la société Pierre et vacances ne tend manifestement qu’à lui permettre de formuler une demande supplémentaire de dommages-intérêts d’un montant de 3.588.000 euros au titre de son préjudice matériel alors qu’elle évoquait déjà en page 33 de ses conclusions n°5 sa demande de restitution de cette somme, suivant sommation d’avoir à restituer du 5 août 2013, de sorte qu’à l’évidence elle ne peut prétendre à l’existence d’une cause postérieure à l’ordonnance de clôture du 9 mars 2015 de ce chef.

Sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture est rejetée.

Sur les demandes de la société Pierre et vacances à l’encontre de Me X et de la Selarl A B C et associés

La société Pierre et vacances soutient que Me X a engagé sa responsabilité personnelle au motif que l’assignation en liquidation judiciaire est fautive. La demanderesse fait valoir en substance que Me X ne rapporte aucune preuve de l’état de cessation des paiements de la société Pierre et vacances alors qu’il en avait l’obligation, l’assignation se fondant uniquement sur le non paiement de la créance de la société IMI holding, au demeurant provisionnelle et contestée et le refus de paiement de ladite créance de la part de la société Pierre et vacances qui ne caractérise nullement l’état de cessation des paiements, que de son côté, elle établit la preuve qu’elle n’était pas en état de cessation des paiements.

Elle ajoute qu’il y a eu en l’espèce un détournement manifeste des règles du droit des procédures collectives, que l’assignation en liquidation judiciaire a été utilisée non seulement comme un moyen d’intimidation mais également dans l’intention de nuire, Me X ayant connaissance des raisons de la réticence au paiement de sa part et de ses offres de consignation qu’il a refusées, qu’elle était légitime à ne pas payer directement la société IMI holding, les véritables créanciers étant les syndicats des copropriétaires.

Elle prétend également qu’en l’assignant sans indiquer le nom de la D X B alors qu’un administrateur judiciaire associé d’une D ne peut exercer sa professsion à titre individuel, Me X a agi nécessairement en son nom personnel et dépassé le cadre du mandat confié à la D X B, que ce défaut d’indication lui cause grief et constitue une faute civile de nature à engager sa responsabilité.

Elle reproche encore à Me X de ne pas avoir consigné les sommes qui ont fait l’objet de la saisie-attribution sur le compte de la BRED Banque populaire, considérant que ce dernier a ainsi manqué à son obligation de prudence et de diligence en remettant ces sommes aux syndicats des copropriétaires sans attendre le règlement des procédures de fixation judiciaire des honoraires diligentées par la société SATI à l’encontre de ces syndicats.

La société Pierre et vacances conclut que le risque créé par Me X en l’assignant en liquidation judiciaire lui a causé un préjudice matériel et un préjudice moral, que la gravité de la faute justifie une condamnation exemplaire.

La Selarl BCM soutient qu’aucune faute n’est établie, que l’exercice clos au 30 septembre 2012 faisait état d’un recul du chiffre d’affaires, d’une perte opérationnelle et d’un résultat déficitaire, que la situation était telle qu’un plan social était engagé, que dans ses états consolidés, la société Pierre et vacances avait oublié de faire figurer au titre des provisions un certain nombre d’informations, que tous ces éléments étaient de nature à attirer l’attention, que la société Pierre et vacances prétend à tort que la société IMI holding ne justifiait pas d’une créance certaine, que le tribunal de commerce a considéré le 16 avril 2013 qu’il y avait suffisamment à matière pour décider d’envoyer l’affaire en enquête, que la requérante n’a fait qu’user d’un droit et que la société Pierre et vacances cherche en réalité à obtenir contre le mandataire judiciaire la somme qu’elle demandait contre la société IMI holding dans la procédure de liquidation judiciaire, demande qu’elle a délaissée.

La Selarl BCM répond encore que la société Pierre et vacances invoque en vain un quelconque refus du créancier de recevoir paiement, que celle-ci n’a jamais formé une offre réelle de paiement au créancier conformément à l’article 1258 du code civil, que la volonté de consigner exposée par la société Pierre et vacances comme un motif de sa bonne foi est une prétention dénuée de toute assise, que cette procédure n’est qu’un contrefeu et que la demanderesse ne peut soutenir subir un quelconque grief du fait qu’un acte aurait été fait au nom de Me X au lieu de la D X B.

Elle conclut à l’inexistence d’un quelconque dommage, la société Pierre et vacances étant dans l’incapacité de démontrer qu’une quelconque publicité aurait été donnée à la procédure lancée contre elle, que ses demandes ne participent que d’une volonté de se venger.

Me X réplique à son tour que la société Pierre et vacances ne démontre aucune faute qui lui soit imputable et encore moins son intention de nuire, qu’il est constant que l’exercice d’une action en justice, fut-elle infondée, ne constitue que l’exercice d’un droit, que l’initiative prise d’assigner la société Pierre et vacances en liquidation judiciaire n’était pas dénuée de fondement puisque le tribunal de commerce a immédiatement ordonné une enquête le 16 avril 2013 à la suite de l’assignation, que la société Pierre et vacances est mal fondée à lui reprocher d’avoir exécuté l’arrêt du 15 mai 2012, pas plus que d’avoir fait usage des sommes appréhendées sur le compte de la demanderesse, que pour le surplus, il se réfère à l’argumentation de la Selarl A B C et associés.

Surabondamment, il fait observer que la société Pierre et vacances ne démontre pas l’existence d’un quelconque préjudice indemnisable en lien de causalité avec les fautes reprochées, que les préjudices ne sont ni actuels ni certains, qu’en réalité, la demanderesse sollicite au mépris du droit positif des dommages-intérêts purement punitifs.

Sur ce :

Sur la responsabilité

L’exercice abusif d’une action en justice peut engager la responsabilité de son auteur.

L’assignation en ouverture d’une procédure collective qui n’est pas appuyée par des éléments suffisants et qui est utilisée comme moyen de pression contre le débiteur, en substitut d’une action en paiement ou de l’exercice d’une voie d’exécution forcée, est abusive.

En l’espèce, la société IMI holding agissant “poursuites et diligences de son représentant légal, par Me Y X, ès qualités d’administrateur provisoire désigné à cette fin par ordonnance du 15 décembre 2010 de Monsieur le Président du tribunal de grande instance de Nanterre, mission prorogée par ordonnance rendue par la même juridiction en date du 24 décembre 2012, avec effet jusqu’au 31 décembre 2013" a fait assigner la société Pierre et vacances, par acte du 4 février 2013, en liquidation judiciaire, subsidiairement en redressement judiciaire.

La liquidation judiciaire suppose démontrer non seulement que la société en cause est en cessation des paiements, c’est-à-dire dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible conformément à l’article L. 631-1 du code de commerce, mais également que son redressement est manifestement impossible. En application de l’article L.640-1 du même code, la procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l’activité de l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits ou de ses biens.

La procédure peut être ouverte sur la demande d’un créancier et il appartient dans cette hypothèse à ce dernier de démontrer, outre le caractère exigible de sa créance, tant l’état de cessation des paiements que l’impossibilité manifeste de redressement.

En sa qualité d’administrateur judiciaire associé de la D X B, professionnel des procédures collectives, Me X ne pouvait ignorer ni les conditions nécessaires à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ni les conséquences et objectifs de la liquidation judiciaire.

En l’espèce pour engager l’action en liquidation judiciaire contre la société Pierre et vacances, Me X ès qualités faisait valoir dans l’assignation que la société IMI holding disposait d’une créance en principal de 4.785.265 € contre la société Pierre et vacances en vertu de l’arrêt rendu le 15 mai 2012 par la cour d’appel de Paris, que diverses procédures d’exécution avaient été engagées, toutes contestées devant le juge de l’exécution, la société Pierre et vacances proposant de « consigner les sommes dues par elle (mais pas au profit d’IMI holding mais sans jamais justifier de l’évidence des fonds), sollicitant même des délais de paiement auprès dudit Juge », que la société IMI holding avait pu bloquer par acte du 9 juillet 2012 auprès de la BRED Banque populaire la somme de 3.588.191,66 €, que cependant selon les pièces communiquées par la société Pierre et vacances devant le juge de l’exécution, la banque aurait tout de même libéré les fonds et exécuté l’ordre de virement donné par la société Pierre et vacances au moment même où l’huissier se présentait, qu’à supposer même que cette somme puisse être appréhendée, le reliquat resterait de 1.240.138,27 €, qu’une saisie vente avait été effectuée sur le mobilier du siège social sans qu’apparemment le montant de ces meubles puisse couvrir la créance en cas de vente.

Il en déduisait que la société Pierre et vacances ne justifiait pas de l’existence d’un actif immédiatement disponible lui permettant de régler les sommes certaines, liquides et exigibles revenant à la société IMI holding, que ces atermoiements et voies de recours systématiques étaient de toute évidence révélateurs de ses difficultés financières.

Il ajoutait :

« C’est si vrai que la société PIERRE & VACANCES connaît des difficultés qui perdurent après un premier plan de transformation visant à réaliser des économies lancé fin 2010 qui, de l’aveu même de son dirigeant, n’a pas atteint ses objectifs, loin de là.

En effet, l’exercice clos le 30 septembre 2012 fait état :

- d’un recul du chiffre d’affaires de 5,1 % à 1,42 milliards d’euros,

- d’une perte opérationnelle de 7 millions d’euros contre 29,3 millions l’année précédente (soit un différentiel négatif de 36 millions d’euros en une année),

- et d’un résultat déficitaire de 27,4 millions d’euros, pour un bénéfice de 10,5 millions d’euros en 2011 (soit un différentiel très fortement négatif, de quasiment 38 millions d’euros) ;

La situation du Groupe est telle qu’un plan social vise à la suppression de 195 postes, soit 2,6 % des effectifs.

Par ailleurs, l’examen de l’endettement au 30 septembre 2012 révèle que cette société porte une dette globale de 466.638.200 €, dont 2.440.700 € de dettes sociales et fiscales.

De tout ce qui précède, il ressort que PIERRE & VACANCES n’est plus apte à faire face à son passif exigible. »

A l’appui de cette assignation, outre les éléments relatifs à la créance et aux procédures d’exécution, étaient produits un article LePoint.fr du 6 décembre 2012 et un communiqué de presse du 18 octobre 2012 du Groupe Pierre et vacances.

L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mai 2012 statuant sur l’appel de l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris en date du 21 octobre 2011 qui avait condamné la société Pierre et vacances au paiement de la somme de 4.785.265 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2011, constituait un titre exécutoire, justifiant d’une créance déterminée et exigible au jour de l’assignation en liquidation judiciaire, ce que ne peut sérieusement discuter la société Pierre et vacances.

En revanche, il ne résulte ni des termes de l’assignation ni des pièces produites à l’appui qui figurent en pièces 16 et 17 du dossier de la Selarl BCM que la société Pierre et vacances était dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible alors que la saisie opérée démontrait qu’à tout le moins la société Pierre et vacances disposait en juillet 2012 sur l’un de ses comptes de plus de 3,5 millions d’euros, que le seul passif exigible justifié était constitué de la créance de la société IMI holding, que les deux articles de presse visés faisaient état de la première perte annuelle de la société Pierre et vacances depuis son introduction en bourse en 1999 et du premier plan social de son histoire depuis sa création en 1967, portant au demeurant sur un pourcentage très modeste des effectifs, que le chiffre d’affaires du Groupe pour l’exercice arrêté au 30 septembre 2012 s’établissait à près de 1,41 milliards d’euros, sans commune mesure avec la créance de la société Pierre et vacances à l’égard de la société IMI holding et qu’aucun document n’évoquait de difficultés de nature à mettre en péril la capacité de la société débitrice à faire face à son passif exigible et à démontrer un état de cessation des paiements.

Les documents complémentaires produits dans la présente instance par la Selarl BCM (pièces 19, 28, 43, 44, 45, 46 et 47) échouent également à établir l’état de cessation des paiements de la société Pierre et vacances à la date à laquelle les défendeurs ont saisi le tribunal de commerce lequel ne pouvait se déduire de l’absence de provision de la créance de la société IMI holding dans les comptes présentés au 30 septembre 2012, comptes certifiés sincères par les commissaires aux comptes et qui font état des litiges en cours. Les défendeurs ne prouvent pas qu’à la date à laquelle le tribunal de commerce a été saisi, ils disposaient d’éléments permettant de penser que la société Pierre et vacances n’aurait pas été capable de faire face à sa charge d’endettement, ce qui ne ressort d’aucune pièce versée aux débats.

Il peut encore moins être inféré des informations livrées au tribunal de commerce ou même de celles aujourd’hui produites aux débats que la société débitrice aurait été dans l’impossibilité manifeste de se redresser.

Dans ces conditions, en assignant en liquidation judiciaire la société Pierre et vacances, subsidiairement en redressement judiciaire, sans apporter la moindre preuve sérieuse de ce que la société Pierre et vacances non seulement était en cessation des paiements mais également dans l’impossibilité manifeste de se redresser, Me X, mandataire de justice, professionnel des procédures collectives, en parfaite connaissance des conditions exigées pour l’ouverture d’une procédure collective, a abusé du droit d’agir en justice contre la société Pierre et vacances dans le but évident de faire pression sur cette dernière pour obtenir le paiement d’un solde de créance alors qu’il se heurtait aux contestations opposées par la société Pierre et vacances aux procédures d’exécution mises en oeuvre comme il l’a relevé dans son assignation, détournant ainsi la demande d’ouverture de la procédure collective de l’objet prévu par la loi, de la sauvegarde des entreprises en difficulté.

En agissant de la sorte, Me X a commis une faute engageant sa responsabilité personnelle envers la société Pierre et vacances.

L’enquête que le tribunal de commerce a ordonnée, avant de rétracter son ordonnance, n’est pas de nature à exonérer Me X de sa responsabilité, démontrant seulement qu’il a profité du crédit habituellement prêté par la juridiction commerciale à un mandataire de justice, pour obtenir une mesure dont il savait qu’elle n’était pas fondée.

Dès lors que la société Pierre et vacances demande la condamnation de Me X à titre personnel à réparer les préjudices résultant de cette action et ne recherche pas sa responsabilité ès qualités, elle ne démontre pas en quoi l’omission dans l’assignation de la D X B administrateur provisoire de la société IMI holding aurait été de nature à lui causer un quelconque grief, le mandataire de justice ayant en toute hypothèse l’obligation de souscrire une assurance de responsabilité.

La société Pierre et vacances est également mal fondée à reprocher à Me X de ne pas avoir consigné les sommes qu’il a reçues ès qualités ou d’avoir refusé ses offres de paiement.

Sont inopérants à cet égard les longs développements que la demanderesse consacre dans ses écritures à un prétendu défaut légitime de paiement et à l’incertitude qui aurait pesé sur la créance, moyens qu’elle a déjà développés au cours des nombreuses procédures qu’elle a menées, aux motifs du caractère provisoire de la décision d’appel et de ce qu’elle se trouverait dans l’impossibilité de déterminer entre les mains de qui les sommes devaient être remises, alors que l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mai 2012 exécutoire la condamnait expressément à payer cette somme à la société IMI holding et qu’en toute hypothèse, la Cour de cassation a rejeté son pourvoi contre ledit arrêt le 5 mars 2014.

Les défendeurs font observer avec pertinence que la société Pierre et vacances n’a pas fait d’offre réelle de paiement conformément aux articles 1257 et suivants du code civil, que sans offre de paiement faite au créancier qui avait capacité de recevoir, elle s’est contentée de proposer de consigner lesdites sommes, ce que Me X n’avait aucune obligation d’accepter et qu’il ne peut se voir reprocher à titre personnel. Si la volonté constante de la société Pierre et vacances était en effet d’aboutir à une consignation des sommes de façon à ne pas remettre les fonds correspondant aux condamnations prononcées à la société IMI holding, elle ne démontre pas en quoi Me X aurait commis une faute, manquant à un devoir de prudence et de diligence, en refusant cette consignation alors que les parties s’accordent à reconnaître dans leurs conclusions que la somme réclamée par la société IMI holding correspondait à la dette de la société Sati envers les syndicats des copropriétaires et que les sommes reçues de la société Pierre et vacances ont été reversées par Me X à la société Sati qui les a adressées aux syndicats des copropriétaires.

Par ailleurs, l’exercice même abusif du droit d’agir par Me X dans les circonstances exposées n’établit pas qu’il aurait agi dans l’intention de nuire à la société Pierre et vacances comme l’affirme cette dernière.

Me X n’a donc engagé sa responsabilité personnelle à l’égard de la société Pierre et vacances que pour avoir abusé du droit d’agir en justice en engageant une procédure de liquidation judiciaire pour obtenir en réalité de la débitrice l’exécution forcée de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mai 2012.

Sur les préjudices

La société Pierre et vacances prétend avoir subi un préjudice matériel causé par cette assignation abusive qu’elle chiffre à 1.000.000 € et un préjudice moral qu’elle chiffre à 100.000 €.

Il lui appartient d’apporter la preuve des préjudices qu’elle allègue.

Or, la société Pierre et vacances ne produit aux débats aucune pièce de nature à établir le préjudice matériel invoqué, n’en visant même aucune dans les développements de ses conclusions consacrées à la consistance de ses dommages.

Elle affirme que l’assignation en liquidation judiciaire dans une conjoncture financière et économique défavorable dans son secteur d’activité lui cause un préjudice d’autant plus important, qu’étant une société cotée, cette procédure était de nature à créer une crise de confiance, à influer sur le cours de son action.

Cependant, il n’est pas établi que la procédure en cause ait fait l’objet d’une quelconque publicité dans le monde des affaires, auprès des salariés ou dans le grand public, qu’elle ait désorganisé l’entreprise, qu’elle ait eu une influence sur le cours de l’action, qu’elle ait donné lieu à une perte de confiance auprès des partenaires commerciaux ou de la clientèle.

Aucune preuve du préjudice matériel revendiqué n’est apportée.

La société Pierre et vacances invoque également un préjudice moral du fait de l’assignation abusive en liquidation judiciaire.

Le détournement de la demande de liquidation judiciaire de son objet, qui a obligé la société assignée à organiser en urgence sa défense devant le tribunal de commerce, pouvant légitimement lui faire craindre les conséquences juridique, financière et sociale, inhérentes à une telle procédure collective, portant sur la continuité de son exploitation, d’autant plus redoutables lorsqu’il s’agit d’une société cotée, débitrice d’obligations accrues et spécifiques en matière de transparence vis-à-vis de ses actionnaires et de ses commissaires aux comptes, lui a ainsi causé un préjudice moral.

Il ne résulte cependant pas, contrairement à ce que prétend la société demanderesse, du seul avis de radiation produit aux débats, informant les parties qu’à l’audience du mardi 2 juillet 2013 l’affaire a fait l’objet d’une radiation au motif que le demandeur a déclaré se désister de sa demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, que lesdites conclusions de Me X auraient été soutenues publiquement à l’audience.

Une personne morale ne peut pas par ailleurs demander réparation en son nom du préjudice d’anxiété ou d’inquiétude ressenti par les personnes physiques, salariés ou dirigeants, qui travaillent pour elle.

Pour le reste, la société Pierre et vacances réclame une sanction exemplaire contre Me X. Cependant, les dommages et intérêts n’ont pour objet ni de sanctionner un comportement, ni d’avoir un effet dissuasif, mais d’indemniser le préjudice résultant du fait fautif.

Dans ces circonstances, il sera alloué une somme limitée à 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral à la société Pierre et vacances.

En revanche, cette dernière sera déboutée intégralement de ses demandes formulées contre la Selarl BCM venant aux droits de la D X B, à l’encontre de laquelle elle ne développe aucun moyen de nature à retenir une quelconque faute et contre laquelle elle sollicite une condamnation in solidum, sans expliciter d’aucune façon à quel titre celle-ci aurait été tenue à la réparation des éventuels préjudices résultant d’une faute personnelle de Me X.

Sur les demandes reconventionnelles

Me X sollicite la condamnation de la société Pierre et vacances à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts estimant que celle-ci a tenté de jeter le discrédit sur lui, portant atteinte à son honnêteté, génératrice d’un préjudice professionnel et moral évident mais il ne sera pas fait droit à cette demande en raison de la faute retenue à son encontre.

La Selarl BCM sollicite également la condamnation de la société Pierre et vacances au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive mais compte tenu des termes du présent jugement qui reconnaît l’existence d’une faute commise par Me X, il n’est pas manifeste que la société Pierre et vacances a commis un abus de droit en engageant la présente instance.

Il n’y a pas lieu à amende civile laquelle n’a pas à être requise par une partie.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la reconnaissance d’une faute commise par Me X, il devra supporter les dépens de la présente procédure.

L’équité commande de condamner Me X à payer à la société Pierre et vacances la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il serait inéquitable de condamner la société Pierre et vacances à payer à la Selarl BCM une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les circonstances de l’espèce et l’ancienneté du litige justifient le prononcé de l’exécution provisoire qui est en outre compatible avec la nature du litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture,

Condamne Me Y X à payer à la société Pierre et vacances la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par l’assignation abusive en liquidation judiciaire,

Déboute la société Pierre et vacances du surplus de ses demandes,

Déboute Me Y X et la Selarl A B C et associés de toutes leurs demandes,

Condamne Me Y X à payer à la société Pierre et vacances une indemnité de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Me Y X aux dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

signé par Anne BEAUVOIS, 1re vice-présidente et par Geneviève COHENDY, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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Tribunal de grande instance de Nanterre, 1re chambre, 4 février 2016, n° 13/09256