Tribunal Judiciaire de Paris, 12 juin 2020, n° 15/10854

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 12 juin 2020, n° 15/10854
Numéro(s) : 15/10854

Sur les parties

Texte intégral

Extrait des minutes du greffe du tribunal judiciaire de Paris TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS

3ème chambre 3ème section

JUGEMENT rendu le 12 juin 2020 N° RG 15/10854 -

N° Portalis

352J-W-B67-CFY37

N° MINUTE:

Assignation du :

17 juillet 2015

DEMANDERESSES
Madame Z X […]

[…]

Société A X S.A.R.L. représentée par sa gérante Madame Z X […]

[…]

représentées par Me N-O P, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2501

DÉFENDERESSE

Société C D L SA

[…]

[…]

représentée par Maître Patrice DE E de la SELARL E -

F – DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire

#P265

Expéditions exécutoires délivrées le : 30/06/2020

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Décision du 12 Juin 2020 the fasteisik

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N° RG 15/10854 -

N° Portalis 352J-W-B67-CFY37

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Carine GILLET, Vice-Président Laurence BASTERREIX, Vice-Président

Elise MELLIER, Juge

assisté de Alice ARGENTINI, Greffier présent lors des débats et de Catherine DEHIER, Greffier présent lors du prononcé.

DÉBATS

A l’audience du 05 mars 2020 tenue en audience publique

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu publiquement par mise à disposition au greffe le 24 avril 2020.

Par application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, et de l’ordonnance de roulement modificative du président du tribunal judiciaire de Paris du 16 mars 2020 prise dans le cadre du plan de continuation de l’activité de cette juridiction, en date du 15 mars 2020, le délibéré initialement fixé au 24 avril 2020, a été prorogé à ce jour.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

Z X, designer free-lance pour des maisons de luxe, ayant conçu en 1988 un fermoir « LV tournant » reprenant le logotype de la société C D, a conclu le 20 juillet 1992, une convention avec la société C D L (ci-après « la société LVM »).

Estimant que la réutilisation du fermoir dès mai 2014 sur divers nouveaux articles sans son autorisation portait atteinte à ses droits, Z X et la société A X qui indique être dans la cause car elle a été destinataire d’un chèque en paiement de la société LVM pour l’utilisation du fermoir en 2014, qu’elle a refusé de porter à

l’encaissement, ont, par acte du 17 juillet 2015, fait assigner la société LVM devant ce tribunal, en contestation de la validité puis de l’équilibre de ce contrat, dont elles sollicitaient à l’origine l’exécution.

Après avoir rejeté une première demande, par ordonnance du 12 février 2016, le juge de la mise en état a, suivant décision du 23 juin 2017, ordonné la communication par la société LVM aux demanderesses, de « la liste exhaustive des références utilisant le fermoir » ainsi que de « tout document établissant par catégorie de produits, le chiffre d’affaires réalisé… depuis le 17 juillet 2010 et jusqu’au premier trimestre 2017 ». Cette décision a été assortie d’une astreinte suivant ordonnance du juge de la mise en état du 09 novembre 2018.

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3ème chambre 3ème section

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La cour d’appel a par arrêt du 26 janvier 2018, déclaré irrecevable l’appel (nullité pour excès de pouvoir et appel-réformation) formé par la société défenderesse à l’encontre de la décision du 23 juin 2017.

La société LVM a communiqué le 14 novembre 2018 les informations sollicitées, indiquant les avoir préalablement remises dès le 13 juillet 2017 entre les mains d’un huissier.

Suivant ordonnance du juge de la mise en état du 13 septembre 2019, la demande complémentaire d’informations formée par les demanderesses a été rejetée.

Z X et la société A X sollicitent dans le dernier état de leurs prétentions, suivant écritures n° 7 signifiées par voie électronique le 17 octobre 2019, du tribunal de : Vu les articles L.111-1 et suivants, L.112-2, L. 113-1, L. 122-1, L. 122-4, L. 122-7, L. 123-1, L.131-2, L. 131-3, L.131-4, L. 131-5, L.331-1, L. 331

1-2, L.331-1-3 et suivants et L.335-2 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 10, 1163, 1170, 1174, 1240 (nouveau), 1304, 2224, 2233 et 2234 du code civil, Vu les articles 6, 9, 12, 16, 700 du code de procédure civile, Vu les pièces versées aux débats,

B que Madame Z X et la société A X sont recevables et bien fondées en toutes leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société C D L, B que l’action engagée par Madame Z X et la société A X et l’ensemble de leurs demandes n’entrent pas en contradiction avec le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle tel que défini par la jurisprudence et les B en conséquence recevables,

I. sur les demandes principales en contrefaçon du fait de la nullité de la cession :

Sur l’absence de prescription de l’action en nullité de la cession de droits prévue par l’article 2 du contrat du 20 juillet 1992 et intervenue en 2014

A titre principal:

B que l’article 2 du contrat du 20 juillet 1992 est une promesse unilatérale de cession de droits patrimoniaux sous condition de la levée de l’option par la société LVM, B que la cession de droits patrimoniaux au profit de la société LVM n’a été concrétisée que par la levée de l’option, soit au cours de l’année 2014,

B que le point de départ de la prescription est le jour de la levée de l’option par la société LVM, permettant d’exercer l’action en nullité de la cession de droits,

- B que le point de départ de la prescription est reporté à la levée de l’option survenue en l’espèce en 2014,

-B que l’action de Madame X n’est pas prescrite,

A titre subsidiaire :

-B en cas d’application de l’article 1304 du code civil, le point de départ de la prescription de l’action en nullité est également reporté au jour de la levée de l’option et de l’existence de la cession,

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3ème chambre 3ème section

N° RG 15/10854 -

No Portalis 352J-W-B67-CFY37

En tout état de cause : B que la demande de nullité de la cession de droits survenue en

2014 n’est pas prescrite,

Sur l’originalité de la création de Madame X B que Madame Z X est le seul auteur de la Création qui est un fermoir désigné en 1992 sous le terme « LV tournant » et qu’elle est la seule propriétaire des droits d’auteur afférents,

- B que la Création est originale et protégée par le droit d’auteur en ce qu’elle révèle un effort de création dans une finalité esthétique qui traduit l’empreinte de la personnalité de Madame X tel que cela est démontré dans la partie sur l’originalité de la Création dans les présentes conclusions, B que la société LVM, en application de l’article 12 du code de procédure civile et l’article 1304 du code civil, de la jurisprudence applicable, des contrats conclus avec Madame X et de la revendication à son profit de la cession de droit prévue par la convention de 1992, ne peut contester l’originalité de la Création,

- B que le fermoir créé par Madame X est original,

En conséquence et à titre principal : B que la rémunération forfaitaire prévue par le contrat du 20 juillet 1992 ne respecte pas les conditions de l’article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle,

A titre subsidiaire :

-B à titre subsidiaire que le contrat du 20 juillet 1992 qui n’est pas limité dans le temps et qui ne détermine pas l’étendue de l’exploitation de la Création ne respecte pas les conditions de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle, Ainsi :

- B que l’article 2 du contrat du 20 juillet 1992 est nul,

- B qu’en reproduisant et en commercialisant sans autorisation, la Création, la société C D L a violé les droits patrimoniaux de Madame Z X et a commis des actes de contrefaçon, Ordonner à la société C D L, qui s’oppose à l’application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la communication de la liste exhaustive des références correspondant aux produits commercialisés, en France et dans le monde, utilisant le système de fermoir dit « LV tournant » jouant sur l’homothétie entre les lettres «L » et «V » reprenant leur date de première commercialisation et leur prix au 7 novembre 2019, ainsi que le montant global du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé par la vente desdits produits au 7 novembre 2019,

A défaut d’une telle communication et en application de l’article L.331 1-3 du code de la propriété intellectuelle, Condamner la société C D L à payer à Madame Z X la somme de 13.175.712 euros pour la violation de ses droits patrimoniaux pour 198 sacs reproduisant la Création (à parfaire),

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II. Subsidiairement sur la demande de révision du prix

- B que la demande de révision du prix forfaitaire implique de connaître les chiffres d’exploitation de l’œuvre et qu’en l’espèce, ce n’est qu’en 2014 que la Création a fait l’objet d’une exploitation commerciale, suspendant le point de départ du délai de prescription jusqu’à cette date, B que la demande de révision du prix forfaitaire n’est pas prescrite et que Madame X, en sa qualité d’auteur, est recevable

à solliciter la révision du prix forfaitaire, B que le montant du forfait est lésionnaire ou insuffisant pour Madame X en considération de la commercialisation par la société LVM de a minima 198 références de sacs, depuis 5 ans, ce qui a nécessairement conduit à un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à la somme de 3.512.033 euros correspondant au seuil lésionnaire des

7/12e, Condamner la société C D L à verser à Madame

X un complément de rémunération correspondant à l’écart entre le forfait stipulé dans le contrat du 20 juillet 1992 et le « juste prix »>, En conséquence :

Ordonner à la société C D L, qui s’oppose à l’application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la communication de la liste exhaustive des références correspondant aux produits commercialisés, en France et dans le monde, utilisant le système de fermoir dit « LV tournant » jouant sur l’homothétie entre les lettres «L » et « V» reprenant leur date de première commercialisation et leur prix au 7 novembre 2019, ainsi que le montant global du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé par la vente desdits produits au 7 novembre 2019, A défaut d’une telle communication et en application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, Condamner la société C D L à payer à Madame Z X la somme de 13.175.712 euros, au titre du supplément de rémunération correspondant à l’écart entre le forfait stipulé dans le contrat du 20 juillet 1992 et le « juste prix »,

III. En tout état de cause sur la nullité des marques :

- B que les marques françaises n° 4108655 et n° 4108646 et des marques internationales visant la France n° 1241672 et n° 1241670 déposées dans les classes 9, 14, 18 et 25 par la société C D L reproduisent sans autorisation la Création,

B que Madame X n’a jamais autorisé le dépôt par la société C D L de la Création à titre de marque,

Prononcer la nullité des marques françaises n° 4108655 et n° 4108646 déposées le 28 juillet 2014 dans les classes 9, 14, 18 et 25 par la société C D L en ce qu’elles portent atteinte aux droits d’auteur de Madame X,

- Désigner Madame X comme la partie en charge d’effectuer les démarches permettant l’annulation des marques internationales n° 1241672 et n° 1241670 auprès de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle,

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IV.- En tout état de cause, sur les demandes du fait de l’exploitation de la création sur d’autres supports que ceux prévus par la cession :

- B que le contrat du 20 juillet 1992 doit être interprété in favorem auctoris, B que la société C D L n’était pas autorisée à exploiter la Création sur des chaussures, des ceintures, des bijoux (bracelets), des porte-clés et sur des portefeuilles mais uniquement sur des sacs,

Ordonner à la société C D L, qui s’oppose à

l’application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété. intellectuelle, la communication de la liste exhaustive des références correspondant aux produits commercialisés, en France et dans le monde, utilisant le système de fermoir dit «< LV tournant » jouant sur l’homothétie entre les lettres « L » et « V» reprenant leur date de première commercialisation et leur prix au 7 novembre 2019, ainsi que le montant global du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé par la vente desdits produits au 7 novembre 2019,

- B que l’exploitation non autorisée par la société C D L de la Création sur a minima 90 références d’accessoires différents (chaussures, bijoux, porte-clés, ceintures et portefeuille) constitue des actes de contrefaçon, A défaut de la communication précitée et en application de l’article

L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, Condamner la société C D L à payer à Madame Z X la somme de 2.000.000 euros pour la violation de ses droits patrimoniaux pour a minima trois paires de chaussures, deux bijoux (bracelets), un porte-clés, une ceinture et dix-huit portefeuilles reproduisant la Création,

V. En tout état de cause sur l’interprétation du contrat du 20 juillet 1992 pour les sacs dans l’hypothèse où le tribunal n’en prononcerait pas la nullité ou n’ordonnerait pas la révision du forfait

- B que le contrat du 20 juillet 1992 s’interprète comme entraînant le paiement du forfait pour l’utilisation de la Création sur chaque nouveau sac produit, Ordonner à la société C D L, qui s’oppose à l’application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la communication de la liste exhaustive des références correspondant aux produits commercialisés, en France et dans le monde, utilisant le système de fermoir dit «< LV tournant » jouant sur l’homothétie entre les lettres « L » et «< V» reprenant leur date de première commercialisation et leur prix au 7 novembre 2019, ainsi que le montant global du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé par la vente desdits produits au 7 novembre 2019,

A défaut d’une telle communication et en application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, Condamner la société C D L à verser à Madame

X la rémunération contractuellement prévue, soit la somme de 13.175.712 euros, pour la violation de ses droits patrimoniaux pour 198 sacs reproduisant la Création,

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VI. En tout état de cause sur l’atteinte au droit moral de Madame

X

-B qu’en ne mentionnant jamais le nom de Madame X et en reproduisant sa Création sur plus de 90 références de produits qui n’étaient pas visées par la cession de droits dans la convention de 1992, la société C D L a violé les droits moraux de cette dernière, ce qui constitue des actes de contrefaçon, Condamner la société C D L à payer à Madame Z X la somme de 400.000 euros pour violation de ses droits moraux (atteinte portée à son nom et à sa qualité d’auteur et atteinte portée au respect de l’intégrité de l’œuvre), Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois (3) journaux choisis par Madame X aux frais de la société C

D L, dans la limite de 3.000 euros par insertion,

VII. En tout état de cause sur le débouté de la société LVM et les demandes au titre des frais engagés par Madame X et la société

A X :

-B que la société C D L a retenu abusivement les pièces qu’elle a été condamnée à produire aux débats et qu’elle a réunies entre les mains d’un huissier de justice et qu’ensuite, sous la menace d’une astreinte, elle n’a respecté l’obligation de communication complète et sincère mise à sa charge par l’ordonnance du 23 juin 2017, Condamner la société C D L à payer à Madame X et à la société A X à chacune la somme de 30.000 euros en réparation de leur préjudice pour la rétention abusive des pièces visées ayant entravé la procédure, Débouter la société C D L de toutes ses demandes, fins et prétentions,

VIII. A titre infiniment subsidiaire et pour suivre le raisonnement développé par la société LVM qui tend à prétendre que madame X serait irrecevable à agir car elle ne serait plus titulaire de ses droits d’auteur

La société A X, qui serait cotitulaire des droits selon les affirmations de la société LVM, est fondée, conjointement avec Madame Z X, à solliciter la condamnation de la société

LVM. B que l’article 2 du contrat du 20 juillet 1992 est nul, B qu’en reproduisant et en commercialisant sans autorisation, la Création, la société C D L a violé les droits patrimoniaux de Madame Z X et de la société A

X et a commis des actes de contrefaçon, Ordonner à la société C D L, qui s’oppose à l’application de l’article L. 331-1-3 du code de propriété intellectuelle, la communication de la liste exhaustive des références correspondant aux produits commercialisés, en France et dans le monde, utilisant le système de fermoir dit «< LV tournant » jouant sur l’homothétie entre les lettres «L » et « V» reprenant leur date de première commercialisation et leur prix au 7 novembre 2019, ainsi que le montant global du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé par la vente desdits produits au 7 novembre 2019,

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N° Portalis 352J-W-B67-CFY37

A défaut d’une telle communication et en application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, Condamner la société C D L à payer à Madame Z X et à la société A X la somme de 13.175.712 euros, pour la violation de ces droits patrimoniaux pour 198 sacs reproduisant la Création,

Et subsidiairement, la demande de révision du prix :

- B que la demande de révision du prix forfaitaire implique de connaître les chiffres d’exploitation de l’œuvre et qu’en l’espèce, ce

n’est qu’en 2014 que la Création a fait l’objet d’une exploitation commerciale, suspendant le point de départ du délai de prescription jusqu’à cette date, B que la demande de révision du prix forfaitaire n’est pas prescrite et que Madame X, en sa qualité d’auteur, est recevable à solliciter la révision du prix forfaitaire, B que le montant du forfait est lésionnaire ou insuffisant pour Madame X en considération de la commercialisation par la société LVM de, a minima, 198 références de sacs, depuis 5 ans, ce qui a nécessairement conduit à un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à la somme de 3 512 033 euros, correspondant au seuil lésionnaire des 7/12e,

Condamner la société C D L à verser à Madame

X et à la société A X un complément de rémunération correspondant à l’écart entre le forfait stipulé dans le contrat du 20 juillet 1992 et le «juste prix »>, En conséquence :

Ordonner à la société C D L, qui s’oppose à l’application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la communication de la liste exhaustive des références correspondant aux produits commercialisés, en France et dans le monde, utilisant le système de fermoir dit « LV tournant » jouant sur l’homothétie entre les lettres «L » et « V» reprenant leur date de première commercialisation et leur prix au 7 novembre 2019, ainsi que le montant global du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé par la vente desdits produits au 7 novembre 2019,

A défaut d’une telle communication et en application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, Condamner la société C D L à payer à Madame Z X et à la société A X la somme de 13.175.712 euros au titre du supplément de rémunération correspondant à l’écart entre le forfait stipulé dans le contrat du 20 juillet 1992 et le «< juste prix », Et pour finir en tout état de cause : Débouter la société C D L de toutes ses demandes, fins et prétentions, Condamner la société C D L à payer à Madame X et à la société A X la somme de 100.000 euros, chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, Condamner la société C D L aux entiers dépens, y compris les frais nécessaires à l’établissement du constat d’huissier ayant permis d’établir les actes contrefaisants, dont distraction faite au profit de Maître N-O P, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel.

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Suivant écritures signifiées par voie électronique le 14 octobre 2019, la société LVM sollicite dans le dernier état de ses demandes :

Vu le principe général de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle,

Vu les articles 30, 31, 122, 395, 397 et 700 du code de procédure civile, Vu les articles 1156, 1304, 2224, 2232, 2233 du code civil,

Vu les articles L. 131-2, L. 131-3, L. 131-4, L. 131-5, L. 131-7, L. 331 1-3 du code de la propriété intellectuelle, A titre principal:

-B irrecevables les demandes présentées par Z X et la société A X sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour prétendue contrefaçon, En tout état de cause, dire et B que l’action des demanderesses est irrecevable car prescrite depuis le 20 juillet1997 ou au plus tard, depuis le 20 juillet 2002 si l’on applique la date butoir de l’article 2232 du code civil,

Dire et B que les pièces n° 5 et n° 37 versées aux débats par Z X ne comportent aucune date certaine et ne rapportent aucune preuve d’une quelconque création, Dire et B mal fondée la demande de Z X fondée sur une prétendue atteinte à son droit moral,

A titre subsidiaire :

Dire et B que le 'LV tournant’ ne constitue pas une œuvre protégeable par les livres 1 et 3 du code de la propriété intellectuelle, Dire et B Madame X mal fondée en son action, Par conséquent, la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre très subsidiaire si par extraordinaire le tribunal devait considérer que le 'LV tournant’ puisse être protégé par le droit d’auteur : Dire et B que le 'LV tournant’ constitue une œuvre collective dont la titularité des droits devrait appartenir à la société C D L,

- En conséquence rejeter de plus fort l’ensemble des demandes et B que la société C D L s’est conformée à l’engagement contractuel qui était le sien portant sur le versement d’une rémunération complémentaire de 79.853 euros,

A titre encore plus subsidiaire si par extraordinaire le tribunal devait considérer que le « LV tournant » puisse être protégé par le droit d’auteur et constituer une oeuvre individuelle :

Dire et B :

-que le choix d’une rémunération forfaitaire pour le transfert des droits d’exploitation sur le « concept de LV tournant » est parfaitement légal,

-que les dispositions de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle n’ont pas vocation à s’appliquer,

-que la demanderesse est mal fondée à prétendre à une rescision pour lésion ou à une révision du contrat du 20 juillet 1992,

En toute hypothèse dire et B qu’en renonçant à présenter « toute demande contre la société LVM », la société A X s’est désistée, par ses conclusions du 7 décembre 2016, de l’instance par elle engagée et que ce désistement ayant été accepté par C D L, est parfait,

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Dire et B qu’en conséquence de ce désistement parfait, dont l’effet est intervenu dès l’acceptation contenue dans les conclusions du 24 février 2017 de C D L, la société A

X est irrecevable à présenter quelque demande que ce soit et en particulier au titre de l’article 700 du code de procédure civile, Dire et B que la société A X, cessionnaire des droits d’exploitation de Z X est irrecevable à se prévaloir des dispositions des articles L 131-4, L 131-3 et L 131-5 du code de la propriété intellectuelle, Débouter Z X de ses demandes portant sur l’interprétation du contrat ou sur leurs prétentions quant à la réservation de droits d’exploitation, Donner acte à la société C D L de son engagement de verser à la société A X la somme de 79 853 euros,

Débouter Z X de ses demandes de nullité formées à l’encontre des marques françaises n° 4108655 et 4108646 portant sur des signes distinctifs appartenant à C D L et qui ne portent pas atteinte aux droits de Z X, Dire et B mal fondée la demande de Z X fondée sur une prétendue atteinte à son droit moral, A titre infiniment subsidiaire

B que les demanderesses sont irrecevables à solliciter une quelconque indemnisation au titre des dommages hypothétiques liés à l’exploitation du fermoir LV tournant, Dire et B qu’à supposer que la demande de Z X et de la société A X soit fondée sur l’évaluation forfaitaire de leur prétendu préjudice, elles sont mal fondées à la solliciter,

Si par extraordinaire une indemnisation était accordée, dire et B que l’indemnisation sollicitée ne peut résulter que d’une seule et unique somme, calculée au regard du dommage réellement subi et démontré, et non d’un montant réitéré à chaque mise sur le marché d’un article équipé du «< LV tournant », Dire et B que cette somme devrait prendre en compte la notoriété de la marque LV et le prix de l’article de maroquinerie, ainsi que les investissements consentis par C D L dans son réseau de distribution et la promotion des produits que le fermoir est destiné à équiper,

Et accueillant la demande reconventionnelle :

Condamner Madame X à verser à C D

L la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, Condamner Madame X à verser à C D

L la somme de 200.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, Condamner Madame X aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de la SELARL E F-DUCAMP, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 07 novembre 2019 et l’affaire plaidée le 05 mars 2020.

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Décision du 12 Juin 2020

3ème chambre 3ème section

N° RG 15/10854 -

N° Portalis 352J-W-B67-CFY37

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures précitées des parties, pour

l’exposé de leurs prétentions respectives et les moyens qui y ont été développés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- nullité de la cession de droits de propriété intellectuelle

Z X soutient que la convention liant les parties consiste en une promesse unilatérale de cession de droits de propriété intellectuelle et que l’article 2 de cette promesse ne respecte pas les conditions édictées par le code de la propriété intellectuelle, d’abord en ce qu’il instaure une rémunération forfaitaire, alors que l’article L. 131 4 du même code exige une rémunération proportionnelle, et d’autre part subsidiairement, en ce que le formalisme édicté par l’article L. 131-3 n’est pas respecté, l’action en nullité étant fondée sur les dispositions spéciales précitées et non pas sur les dispositions de droit commun de l’article 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable au contrat litigieux. Le contrat étant selon la demanderesse, une promesse de cession, le point de départ du délai pour agir doit être fixé à la date de levée de l’option par son cocontractant, soit à la date de commercialisation des nouveaux produits en 2014 ou le cas échéant à la date de découverte des faits en application des dispositions de l’article 2224 du code civil. Z X ajoute que l’article 1304 du code civil n’est pas applicable à une action en nullité de cession de droits d’auteur fondée sur une méconnaissance de droits de propriété intellectuelle et en tout état de cause le délai de prescription quinquennal ne court qu’à compter de la découverte des faits. Enfin, selon la demanderesse, l’exception de nullité présente un caractère perpétuel. L’action n’est donc aucunement prescrite.

La société LVM soulève l’irrecevabilité de l’action de Z X, en application du principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et du fait de la prescription de toute action relative au contrat. Elle expose que tant au regard des dispositions de l’article 1304 du code civil, applicables en l’espèce, car le contrat en litige a été conclu avant le 1er octobre 2016 (soit avant la réforme du droit des contrats), ou en application de l’article 2224 du code civil issu de la réforme de la prescription de 2008, le point de départ du délai de prescription se situe à la date de conclusion du contrat dont la validité est contestée, puisque Z X, assistée dès cette date de professionnels du droit avisés, ne peut soutenir s’être trouvée dans l’ignorance légitime d’une éventuelle cause de nullité du contrat. Même si étaient admis un report ou une suspension de la prescription, ceux-ci ne peuvent, en application des dispositions de l’article 2232 du code civil, «porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans, à compter du jour de la connaissance du droit », soit en l’espèce au delà du 20 juillet 2012. Les articles 2233 et 2234 du code civil ne sont pas plus applicables, puisque l’action a pour objet la nullité d’un contrat et non pas le recouvrement d’une créance (premier texte) et puisque la demanderesse n’établit pas avoir été dans l’impossibilité d’agir (second texte).

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La société LVM s’oppose par ailleurs à la qualification du contrat en

< promesse de vente avec levée d’option », conclue au demeurant sans aucune indemnité d’immobilisation et pour une durée indéterminée, alors qu’il n’y a pas lieu de confondre une option et une condition suspensive et alors que la convention liant les parties organise un versement différé de supplément de prix, lié à l’exécution du contrat et non pas une option. Elle estime donc qu’il ne peut être envisagé, contrairement à ce que soutient Z X, la survenance d’une nouvelle cession de droits du fait de la commercialisation de produits en 2014, formant alors définitivement le contrat conclu 23 ans plus tôt, laquelle ferait courir un nouveau délai de 5 ans.

Si toutefois, le contrat était qualifié de promesse unilatérale de cession, Z X ne justifie pas pour autant de l’impossibilité d’agir dans laquelle elle se serait trouvée dès la conclusion du contrat et d’avoir été contrainte d’attendre la levée incertaine de l’option par son cocontractant, alors qu’elle disposait dès la conclusion de l’avant contrat d’un intérêt né et actuel de se libérer d’un acte vicié. Enfin, la société LVM relève que l’action en nullité est formée à titre principal et non pas par voie d’exception et qu’en tout état de cause, l’exception n’est pas admise lorsque le contrat a reçu commencement d’exécution par celui qui l’invoque.

non cumul des responsabilités

La société LVM expose que les prétentions formées par Z X, au visa des dispositions des articles du code de la propriété intellectuelle ou en raison de la nullité d’une clause du contrat du 20 juillet 1992, tendent à mettre en oeuvre la responsabilité délictuelle de la défenderesse, pour des faits de contrefaçon, alors qu’en vertu du principe de non-cumul des responsabilités (en réalité de non-option), les mêmes faits ne peuvent engager une responsabilité contractuelle et une responsabilité délictuelle, cette dernière étant écartée au profit de la première lorsque les parties sont liées par un contrat et que le dommage allégué résulte d’une inexécution ou une mauvaise exécution par l’une des parties de ses obligations.

Z X et la société A X répondent que l’action est fondée sur la responsabilité contractuelle, du fait des manquements de leur cocontractant à ses obligations, lorsque le contrat est valablement formé, mais qu’il est loisible au demandeur de former des demandes principales et subsidiaires distinctes sur chacun des régimes, d’agir sur le fondement délictuel dans l’hypothèse de la nullité d’une clause ou du contrat ou encore d’invoquer pour chacun des régimes de responsabilité des faits distincts. En l’occurrence, Z X forme des prétentions distinctes principales, sur le fondement délictuel dans l’hypothèse de la nullité du contrat et subsidiaires, en responsabilité contractuelle, dans l’hypothèse de la validité du contrat.

Sur ce,

Les parties sont liées par un contrat et les actions liées à l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat qui en découlent doivent être soumises au régime de la responsabilité contractuelle. Toutefois, Z X sollicite distinctement et successivement, à titre principal, la nullité de la cession de droits prévue au contrat, de sorte qu’elle se place hors du champ du contrat, ou en tout état de cause, invoque des faits qui sont distincts du contrat (objets non visés au

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contrat, contrefaçon de marques, atteinte au droit moral de l’auteur…) et recherche dans ces hypothèses, la responsabilité extra-contractuelle de son adversaire.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le contrat serait déclaré valable, elle demande la révision du prix fixé au contrat ou l’interprétation du contrat, actions distinctes de celles précitées et susceptibles d’entraîner la responsabilité contractuelle de la défenderesse. Plus subsidiairement, dans l’hypothèse où elle ne serait plus titulaire de droits d’auteur, elle poursuit la nullité de l’article 2 du contrat du 20 juillet 1992, ou subsidiairement, la révision du prix.

Ainsi les demandes de Z X, formées successivement dans l’hypothèse du rejet de la précédente et fondées sur des faits distincts, qui ne se situent pas dans le périmètre du contrat liant les parties, ne heurtent pas le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.

L’action de Z X est donc recevable.

sur la prescription de l’action

En application des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, < constitue une fin de non recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire, irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, telle (…) la prescription ». Pour trancher cette irrecevabilité, il convient de déterminer préalablement la qualification du contrat liant les parties.

Après contrats de concession de savoir-faire conclus en juin 1987 contre rémunération proportionnelle pour une ligne de sacs de ville puis en 1988 portant rémunération forfaitaire au profit de Z X pour une collection de boucleries, ligne de sacs de voyage et de loisir, les parties ont conclu le 20 juillet 1992 une convention (pièce X n° 11), selon laquelle, en préambule, la société LVM indique « souhaiter à présent racheter à Z X, cette redevance sous la forme d’une somme fixe, représentant l’ensemble des droits de propriété et de jouissance pleins et entiers, attachés aux huit modèles de sacs de ville d’une part, et au concept de fermeture du « LV » tournant en cas de réutilisation dudit concept par LVM, d’autre part (…) ».

L’article 1 porte cession et transfert de « l’intégralité des droits cessibles de propriété incorporelle et de jouissance, sans exception ni réserve », détenus par Z X sur la ligne de sacs de voyage et de loisirs listés en annexe, moyennant le paiement d’une somme de 3.857.000 francs.

L’article 2 est libellé comme suit : « En cas de réutilisation par LVM du concept de fermeture du « LV tournant » sur de nouveaux modèles de sacs de ville ou sacs de voyage et de loisirs, le rachat par LVM des droits de propriété attachés à ce concept est d’ores et déjà consenti et accepté aux conditions suivantes :

2.1. En contrepartie de la réutilisation dudit concept de la fermeture, LVM s’engage à verser à J. X, le trentième jour du premier mois qui suivra la commercialisation par LVM, d’un nouveau produit utilisant le « LV tournant » (date de commercialisation), une somme de 436 500 francs hors taxes, soit 517 689 francs T.T.C.

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Il est convenu que cette somme correspond à une rémunération globale et forfaitaire pour tous droits actuels et futurs de LVM sur le concept « LV » tournant ».

2.2. Il est expressément convenu qu’à compter de la date de commercialisation, J. X cédera et tranférera à LVM tous droits de propriété et de jouissance, sans exception, ni réserve, qu’elle détient sur le "LV tournant » et ce, pour le monde entier, notamment la totalité des droits de reproduction, la totalité des droits de représentation et la totalité des droits qui sont ou seront reconnus et attribués aux auteurs, sur leur création pour les dispositions législatives et/ou réglementaires actuelles ou futures, en vue de la fabrication et de la commercialisation des produits utilisant le « LV » tournant ».

2.3. J. X s’ interdit d’ores et déjà de céder à des tiers tout ou partie des droits patrimoniaux, attachés à ce concept ».

Or en l’occurrence, les intentions de la société LVM annoncées dans le préambule du contrat (racheter dès à présent la redevance par une somme fixe non seulement sur la ligne de sacs, mais également globale et forfaitaire pour tous droits actuels et futurs sur le concept du mécanisme) et les clauses précitées interprétées à la lumière de l’économie du contrat et de la volonté des parties, établissent sans doute possible que celles-ci ont entendu régler immédiatement le sort du transfert de propriété, (« le rachat par LVM des droits de propriété attachés à ce concept est d’ores et déjà consenti et accepté »), avec toutefois un paiement différé dans l’hypothèse d’une utilisation ultérieure sur d’autres produits du concept du mécanisme, qui ne constitue qu’une modalité d’exécution du contrat valablement formé.

Ainsi donc, il ne s’agit nullement d’un engagement unilatéral de Z X, au profit de LVM, laquelle serait bénéficiaire d’une option, qu’il lui appartiendrait de lever discrétionnairement, puisque le rachat des droits a d’ores et déjà accepté par la société LVM dès la signature de la convention, ce à quoi Z X a consenti, de sorte que les volontés des parties se sont rencontrées dès la signature de la convention, date à laquelle le contrat se trouvait donc valablement formé, sans que la société LVM n’ait à lever ultérieurement une quelconque option. Il est simplement envisagé, dans l’hypothèse d’une réutilisation du concept, un paiement différé d’une redevance complémentaire.

Cette analyse est confortée par le fait que la demanderesse n’a jamais utilisé dans ses courriers précontentieux rédigés par son avocat (pièces X 12-4, 12-6 et 12-9), le terme de « promesse », mais uniquement celui de « cession », y compris même parfois, dans ses dernières écritures ; qu’elle a varié en ses demandes, sollicitant la nullité du contrat puis la nullité de l’article 2, avant d’invoquer finalement la nullité de la cession de 2014 ; qu’au surplus, la requalification telle que sollicitée par Z X apparaît en l’occurrence, non seulement artificielle, en l’absence notamment de toute durée envisagée et d’une quelconque indemnité d’immobilisation, mais aussi purement opportuniste pour tenter de reporter le point de départ de la prescription et échapper ainsi à l’irrecevabilité soulevée. Le contrat liant les parties est donc un contrat de cession, et non une promesse unilatérale de cession avec option.

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Le contrat ayant été conclu en 1992, il demeure soumis aux dispositions du code civil en leur version antérieure à la réforme du droit des contrats intervenue suivant ordonnance du 10 février 2016 et l’article

1304 du code civil alors applicable, dispose que « dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à moindre temps, par une loi particulière, cette action dure cinq ans », le point de départ de l’action en nullité étant communément situé à la date du jour où l’acte nul a été conclu.

L’action en nullité formée en l’espèce plus de cinq ans après la conclusion du contrat, soit après le 20 juillet 1997, est prescrite, sans qu’il y ait lieu d’appliquer à l’espèce les dispositions de l’article 2224 du code civil, qui ont été édictées à l’occasion de la réforme de la prescription par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008. En effet ce texte, qui fixe un même délai de cinq ans, mais qui reporte le point de départ à la connaissance par le titulaire des droits des faits lui permettant d’agir, peut être considéré comme allongeant la durée de la prescription, et comme tel suppose pour recevoir application, conformément aux dispositions transitoires de la loi (article 26-1) que le délai de prescription antérieur n’ait pas été expiré à la date de l’entrée en vigueur de la loi, le 19 juin 2008. Or ce délai était manifestement expiré depuis 1997.

La suspension de la prescription prévue par l’article 2257 ancien du code civil (devenu 2233 par l’effet de la loi du 17 juin 2008 précitée) selon lequel < la prescription ne court pas 1°/ à l’égard d’une créance qui dépend d’une condition, jusqu’à ce que la condition arrive », n’est pas plus applicable et ne permet pas de différer le point de départ à la date de la nouvelle commercialisation en 2014 du concept de fermeture, car l’objet de l’action menée par Z X porte, à titre principal, sur une demande en nullité du contrat, même si il est souhaité accessoirement obtenir la fixation d’une créance. Quant à l’article 2234 du code civil, selon lequel « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir… », il est issu de la loi du 17 juin 2008 et pour les mêmes raisons que précité, il n’est pas applicable à la présente cause. Enfin, non seulement le contrat a reçu exécution, mais l’action en nullité est formée par Z X à titre principal, de sorte que la demanderesse ne peut raisonnablement soutenir que l’exception serait perpétuelle.

Ainsi, l’action en nullité de l’article 2 du contrat est prescrite, au regard du droit commun des contrats. Elle l’est tout autant au regard des dispositions spéciales du code de la propriété intellectuelle que Z X invoque au soutien de sa demande en nullité, si tant est qu’elles s’appliquent (ce qui est contesté par la défenderesse) relativement à la dérogation au principe d’une rémunération forfaitaire ou encore subsidiairement, du fait du non-respect du formalisme exigé en matière de cession de droits, puisque les vices invoqués existaient dès la conclusion du contrat en 1992 et Z X, laquelle au demeurant était assistée de conseils spécialisés en matière de propriété intellectuelle, était parfaitement à même de les déceler dès son engagement en juillet 1992 et disposait d’un intérêt né et actuel à agir dès cette date.

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La demande principale en contrefaçon, du fait de la nullité de la clause 2 du contrat et par suite d’une exploitation non consentie par Z X, n’est donc pas fondée, du fait de la prescription de l’action en nullité de la clause 2 du contrat.

2- demande subsidiaire en révision du prix

Z X sollicite au visa de l’article L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle, une révision du prix forfaitaire fixé au contrat et estime non seulement que cette demande n’est pas prescrite, car le délai pour agir s’est trouvé suspendu dans l’attente de la connaissance de l’exploitation du fermoir à compter de 2014, mais également qu’elle est parfaitement recevable à invoquer ce moyen puisqu’elle est à l’origine de l’élaboration du fermoir et qu’elle avait l’interdiction contractuelle de céder ses droits à tout tiers, donc également à la société A X.

Sur le fond, Z X soutient que la rémunération forfaitaire allouée est insuffisante de plus de sept-douzièmes, au regard des recettes effectivement encaissées par la société LVM grâce à l’exploitation du dispositif et qu’il importe donc de l’évaluer en considération de l’ensemble de l’exploitation, et notamment au regard du chiffre d’affaires mondial réalisé.

Elle sollicite donc un complément de rémunération, correspondant à un juste prix.

La société LVM conteste la protection par le droit d’auteur du mécanisme élaboré par Z X, à défaut d’originalité de celui-ci ou estime qu’il s’agit d’une oeuvre collective, à la conception de laquelle Z X a certes participé, mais avec d’autres salariés de LVM, sous la direction de la société LVM. Le concept de fermoir lui appartient donc. La société LVM évoque par ailleurs le caractère accessoire du fermoir, qui n’est qu’une partie infime de l’objet dans lequel il est incorporé, de sorte que le principe de la rémunération forfaitaire était justifié. Elle soutient que l’action en révision est prescrite, car soumise à la prescription applicable aux nullités des contrats et subsidiairement que cette action est mal fondée, car pour évaluer la prétendue lésion, la demanderesse considère le prix des articles de maroquinerie dans leur intégralité et non pas la seule valeur du fermoir, de sorte que les calculs opérés n’ont aucun sens et que les dispositions de l’article 131-5 du code de la propriété intellectuelle doivent être écartées. Son offre de régler la somme complémentaire de 78.921 euros, pour les utilisations de 2014, n’est donc pas lésionnaire, alors qu’elle a par ailleurs versé à l’intéressée, pour l’utilisation du fermoir, une somme de 998.267,16 euros soit l’équivalent en pouvoir d’achat de 2015, de la somme de 1.368.895,65 euros.

- prescription de l’action en révision du prix

Dès lors que l’action est fondée sur l’insuffisance de prévision, en application des dispositions de l’article L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle et en l’absence de délai fixé par ce texte, l’action est soumise à la prescription de droit commun, désormais de cinq ans, le point de départ est nécessairement celui de la date à laquelle les multiples usages ont généré des recettes du cessionnaire laissant apparaître le préjudice des sept-douzièmes.

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L’action en révision du prix pour insuffisance de prévision introduite en 2015, soit moins de cinq ans après les usages contestés doit donc être déclarée recevable, comme non prescrite.

recevabilité de l’action

Il n’est par ailleurs aucunement établi par la société LVM que Z X aurait, avant l’introduction de l’instance, cédé ses droits à la société A X et serait dès lors dépourvue de qualité à agir, étant observé que la preuve de l’absence de cession n’incombe nullement à la demanderesse s’agissant d’une preuve négative, alors par ailleurs que Z X se trouvait incontestablement à l’origine de l’élaboration du fermoir à la date de conclusion du contrat et qu’en outre, elle s’y est engagée à ne pas céder les droits à un tiers. Il ne peut donc être soutenu que les droits de Z X aurait été cédés

à la société A X. Le moyen tiré du défaut de qualité à agir à ce titre de Z X doit donc être écarté.

De manière subséquente, l’argumentation développée par la société A X à titre infiniment subsidiaire « pour suivre le raisonnement développé par la société LVM qui tend à prétendre que Madame X serait irrecevable à agir car elle ne serait pas titulaire des droits d’auteur » (point VIII du dispositif des dernières conclusions), est sans objet et ne sera pas examinée, tout comme celle soutenue par la société LVM, sur le désistement qui serait parfait, de la société A

X.

- révision du prix

En application des dispositions de l’article L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle, « En cas de cession du droit d’exploitation, lorsque l’auteur aura subi un préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une prévision insuffisante des produits de l’œuvre, il pourra provoquer la révision des conditions de prix du contrat. Cette demande ne pourra être formée que dans le cas où l’œuvre aura été cédée moyennant une rémunération forfaitaire.

La lésion sera appréciée en considération de l’ensemble de l’exploitation par le cessionnaire des oeuvres de l’auteur qui se prétend lésé ».

La prévision insuffisante, distincte de celle de la lésion (laquelle s’apprécie au moment de la conclusion du contrat), correspond à un déséquilibre du contrat, qui se révèle en cours d’exécution du contrat, au regard d’éléments postérieurs au contrat, lorsque les recettes effectivement encaissées dépassent les estimations en considération desquelles le forfait a été déterminé.

Toutefois, contrairement à ce que soutient Z X, il ne saurait être considéré, pour procéder à l’évaluation du déséquilibre du contrat, le chiffre d’affaires tant sur le territoire français qu’au niveau mondial, généré au regard du prix de vente des articles de maroquinerie (évalués par la demanderesse, selon les articles, entre 2.200 euros et 63.250 euros TTC) dans leur intégralité, pour chaque produit fini. En effet, la valeur des produits LVM est liée au prestige de la société, à la qualité de la maroquinerie, à la notoriété de la société LVM, à sa force de vente et à son réseau de distribution, à sa capacité à relancer de

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nouveaux produits et en faire un incontournable, tandis que le fermoir, même s’il reproduit les initiales de la défenderesse, ne constitue qu’un accessoire de ces produits et ne confère à la valeur du produit fini, qu’une valeur ajoutée limitée. Ainsi donc les calculs auxquels Z X s’est livrée pour évaluer l’insuffisance de prévision sont dépourvus de toute pertinence, alors que cette insuffisance doit être considérée au regard de l’ensemble de l’exploitation du fermoir depuis sa conception et des sommes perçues à ce titre, comme l’exige l’alinéa 3 du texte précité, de sorte qu’il ne peut sérieusement être soutenu qu’il existe un quelconque déséquilibre du contrat, ouvrant droit à une révision du prix.

Les demandes à ce titre, y compris les éléments d’information sollicités, doivent donc être rejetées.

La société LVM s’engage par ailleurs à payer à Z X, la somme de 79.853 euros, fixée contractuellement, en contrepartie de la réutilisation du concept de fermoir, ce qu’il convient de constater.

3-Sur l’exploitation contrefaisante du fermoir sur des chaussures, bracelets, porte-clefs, ceintures et portefeuilles non visés dans la cession

Z X sollicite l’interprétation du contrat du 20 juillet 1992 in favorem auctoris, afin que tous les produits commercialisés par la société LVM et dotés du fermoir litigieux, qui ne sont pas visés au contrat de cession, soient considérés comme des contrefaçons de ses droits d’auteur et réclame à ce titre la somme de 2 millions d’euros, rappelant que le contrat de cession est d’interprétation stricte et que tout ce qui ne figure pas expressément dans son périmètre, doit être considéré comme en étant exclu.

La société LVM s’oppose à ces prétentions, non seulement en ce que le contrat serait limité à un seul type de produits (les sacs) et en ce que chaque référence de produit donnerait lieu à paiement d’une nouvelle rémunération forfaitaire. La société LVM soutient, si tant est que le fermoir constitue une œuvre éligible au droit d’auteur, que le principe spécifique d’interprétation en faveur de l’auteur se combine avec les règles générales d’interprétation des contrats, c’est-à-dire la recherche de la commune intention des parties et qu’en l’occurrence, les parties se sont accordées sur le paiement d’une indemnité forfaitaire, dans l’hypothèse d’une réutilisation du concept de fermeture, autorisant ainsi LVM à l’utiliser, pour des produits non limités et non pas exclusivement pour des sacs de ville.

Sur ce,

La société LVM est recevable à invoquer l’absence d’originalité du mécanisme de fermoir, l’article 12 du code de procédure invoqué par Z X qui fait interdiction au juge de modifier la dénomination ou le fondement juridique invoqués par les parties d’un accord exprès, ne s’appliquant qu’aux actes ayant vocation à limiter le débat devant le juge à l’occasion d’une instance, et non pas aux actes distincts de l’instance elle-même, étant observé qu’ici, il ne se dégage nul accord exprès entre les parties pour considérer que le fermoir est une œuvre.

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L’article 1134 du code civil et la loi des parties ne sont également d’aucun secours, pour contester la recevabilité de la contestation par la société LVM de l’originalité du mécanisme, alors que quelle que soient les qualifications retenues par les parties dans le contrat, seul le juge est à même de déterminer si une création est ou non originale.

Le principe de l’estoppel et l’interdiction faite à une partie de se contredire au détriment d’autrui en découlant ne sont pas non plus caractérisés, car ce principe suppose l’adoption par un plaideur de positions contraires, dans un même procès. Or la lettre de juin 1992 d’H I, président de la société LVM, qualifiée sans fondement par Z X de pré-contrat, quand bien même elle évoque « l’originalité » du fermoir, qui peut être entendue dans son acception non juridique, n’est pas intervenue en cours d’instance.

La société LVM est donc en mesure de contester l’originalité du fermoir litigieux, comme elle l’a fait dès les prémices de la procédure. En l’espèce, si le fermoir litigieux est un mécanisme purement fonctionnel, qui permet de jouer sur l’homothétie des lettres L et V composant les initiales de la marque C D, afin de faire pivoter la première sur la seconde, il est aussi inédit et ingénieux et repose sur une observation attentive à laquelle s’est livrée Z X laquelle, au-delà de son savoir-faire, a su redessiner les initiales des lettres pour en permettre la réalisation, de sorte qu’incontestablement, le fermoir porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, du fait des choix personnels et arbitraires opérés et constitue une œuvre originale, comme telle éligible à la protection des droits

d’auteur..

Le contrat liant les parties évoque d’ailleurs tout à la fois successivement des « droits cessibles de propriété incorporelle et de jouissance, sans exception ni réserve » (article 1) et « des droits de reproduction, la totalité des droits de représentation et la totalité des droits qui sont ou seront reconnus et attribués aux auteurs, sur leur création »>(article 2-2), qui sont des droits propres à la propriété intellectuelle, mais également aussi « le concept de fermeture du « LV tournant » », qui évoque, quant à lui, la mise en forme d’une idée, non éligible à la protection sollicitée. Mais le juge n’est pas lié par les qualifications données par les parties.

Il ressort ainsi du contrat litigieux et de son économie, même si le terme

< concept » est maladroitement employé, que la société LVM a bien entendu racheter définitivement, les droits de propriété intellectuelle appartenant à Z X, ce qui établit bien qu’au moment de la conclusion du contrat, IVM tenait le fermoir pour une œuvre, éligible à la protection du droit d’auteur. En outre le contrat de 1992 a été conclu pour mettre fin définitivement aux situations successives résultant des contrats de 1987, puis de 1988, ayant organisé d’abord un paiement proportionnel, puis un paiement forfaitaire, en contrepartie de l’utilisation du fermoir, pour aboutir avec le dernier contrat de 1992, à un rachat définitif des droits de Z

X, afin de transférer intégralement et pour la durée de protection restant à courir les droits incorporels de la demanderesse au profit de la société LVM, quel que soit le support de l’exploitation.

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La société LVM ne peut pas non plus soutenir qu’il s’agirait d’une œuvre collective (donc lui appartenant), car dans cette hypothèse elle se serait abstenue d’en acquérir les droits auprès de Z X.

Toutefois quand bien même le fermoir est éligible à la protection des droits d’auteur, la contrefaçon alléguée du fait de son utilisation du fermoir sur d’autres produits (chaussures, bracelets, ceintures et portefeuilles), n’est pas caractérisée, parce qu’il ressort du contrat et de son interprétation, au regard de son économie et de la volonté des parties, que la société LVM a acquis par le versement complémentaire global forfaitaire, pour tous les droits actuels et futurs, le droit de

l’exploiter pour tous types de produits.

Les demandes financières et relatives à la communication d’éléments comptables seront donc rejetées.

sur l’atteinte au droit moral de Z X

Z X soutient que l’utilisation du fermoir, sur des supports autres que des sacs initialement consentis, sans mention de son nom et sur des supports peu élégants, caractérise une atteinte à sa paternité et à l’intégrité de l’œuvre, et justifie que lui soit allouée, au total, la somme de 400.000 euros, ce à quoi la société LVM s’oppose dès lors que le dispositif n’est pas susceptible d’être protégé au titre des droits d’auteur.

Cependant, le fermoir n’a pas été dénaturé et dégradé, en étant utilisé sur d’autres articles que des sacs et Z X ne peut se prévaloir d’une évaluation totalement subjective de la qualité des produits sur lesquels le mécanisme a été adjoint. Cette atteinte alléguée n’est do pas caractérisée.

Quant à l’absence de mention de son nom sur les nouveaux articles, il est incontestable que la demanderesse n’a pas participé à leur élaboration et ne peut donc invoquer une quelconque absence de référence à sa paternité alléguée.

4- sur la nullité des marques françaises

Z X poursuit la nullité des marques dont les demandes d’enregistrement ont été déposées le 28 juillet 2014 pour les marques françaises n° 4108655 et 418646 et le 24 novembre 2014, pour les marques internationales n° 1241672 et 1241670, en ce qu’elles portent atteinte au droit d’auteur antérieur, lui appartenant sur le mécanisme LV tournant, et alors que la convention liant les parties n’autorise aucunement un tel dépôt.

La société LVM répond que les marques litigieuses sont constituées des initiales < L » et «< V» de son fondateur et qu’elle ne saurait être privée du droit de déposer sa propre marque avec les initiales qu’elle a toujours utilisées. Au surplus, selon la défenderesse, les marques litigieuses ne sont pas la reproduction du dispositifrevendiqué. La marque n°4108646 est constituée de la seule lettre « V», la marque n°4106655 est constituée des lettres «L » et « V» sans évocation d’une quelconque mobilité et les lettres sont représentées différemment.

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Décision du 12 Juin 2020

3ème chambre 3ème section

N° RG 15/10854 -

N° Portalis 352J-W-B67-CFY37

Sur ce, Il convient de remarquer comme le fait justement la société LVM, que Z X a abandonné ses prétentions relatives à la nullité des marques internationales, dès lors que celles-ci ne désignent pas la France, mais l’Union européenne, de sorte que l’action en nullité ne relève donc pas du tribunal judiciaire, s’agissant d’une demande principale en nullité, mais de la compétence de l’EUIPO.

En application des dispositions de l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : el aux droits d’auteur ».

Cette prétention ne peut prospérer, dès lors qu’incontestablement, les initiales L et V associées appartiennent au patrimoine incorporel de la société défenderesse, bien antérieurement aux droits revendiqués.

5-Sur la rétention abusive de pièces

Z X expose que la société LVM a fait preuve d’une très grande mauvaise foi, en dissimulant les conditions réelles d’exploitation

d’une multitude de sacs et autres produits non autorisés et en procédant à des enregistrements de marques, au mépris de ses droits antérieurs, et qu’elle s’est montrée particulièrement réticente à communiquer des pièces dont la production était ordonnée par décision du 23 juin 2017, ce qui justifie que lui soit allouée une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur ce,

La société LVM n’a fait aucun cas de l’ordonnance du juge de la mise en état du 23 juin 2017, lui enjoignant la communication de pièces et n’a effectivement transmis celles-ci que tardivement et selon les modalités qu’elle a adoptées unilatéralement (transmission préalable à un huissier). Ce comportement au mépris de la décision judiciaire, est fautif et justifie que soit allouée à Z X, la somme de 8.000 euros, en réparation du préjudice résultant de la résistance abusive de la société LVM.

6- sur la demande reconventionnelle de la société LVM

La société LVM sollicite la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, faisant valoir qu’eu égard aux contradictions, aux multiplications et changements permanents de fondements invoqués, aux montants exponentiels et démesurés sollicités, la demanderesse, par ailleurs assistée pendant 23 ans par un avocat, ne pouvait ignorer l’inexactitude de ses prétentions.

L’action d’un plaideur, même dénuée de tout fondement ne dégénère en abus, ouvrant droit à une créance de dommages et intérêts qu’en cas de faute du plaideur et en l’occurrence, Z X a pu se méprendre, sans faute, sur la portée de ses droits et se trouver quelque peu emportée par la perspective d’un possible gain. La procédure n’en est pas pour autant fautive et la demande de la société LVM à ce titre sera écartée.

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Décision du 12 Juin 2020

3ème chambre 3ème section

N° RG 15/10854 -

N° Portalis 352J-W-B67-CFY37

7- sur les autres demandes

Z X sollicite la publication de la décision à intervenir, laquelle n’apparaît pas en l’espèce justifiée et sera écartée.

Z X et la société A X qui succombent au principal, supporteront les dépens et leurs propres frais. En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Z X sera condamnée à payer à la société LVM, la somme de 60.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Les circonstances particulières de la cause et notamment l’ancienneté du litige justifient le prononcé de l’exécution provisoire qui est compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Sur la nullité de la cession de droits de propriété intellectuelle

Dit que l’action de Z X ne se heurte pas au principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle,

Déclare prescrite l’action en nullité de l’article 2 de la convention du 20 juillet 1992, formée par Z X,

Sur la demande subsidiaire en révision du prix

Dit non prescrite l’action en révision du prix formée par Z X,

- Déclare Z X recevable en son action,

Déclare en conséquence sans objet les questions de la recevabilité à agir de la société A X et du désistement de celle-ci,

Rejette l’action en révision du prix formée par Z X,

Constate l’engagement de la société LVM de payer à Z X, la somme de 79.853 euros en exécution de l’article 2 du contrat,

Sur les demandes au titre de la contrefaçon

-Déclare la société LVM recevable à contester l’originalité du fermoir

< L V tournant '>

- Dit que le fermoir est original et éligible à la protection des droits

d’auteur,

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Décision du 12 Juin 2020

3ème chambre 3ème section

N° RG 15/10854 -

N° Portalis 352J-W-B67-CFY37

- Rejette l’action en contrefaçon de droit d’auteur formée par Z X et les prétentions qui y sont accessoires,

- Déboute Z X de ses prétentions, au titre de l’atteinte à son droit moral (droit à la paternité, droit à l’intégrité de l’œuvre),

Sur la nullité les marques françaises

Rejette la demande en nullité des marques françaises n° 4108655 et n°418646, dont la société LVM est titulaire,

Sur les autres demandes

-Dit que la communication tardive par la société LVM des pièces telle qu’exigée par l’ordonnance du juge de la mise en état du 23 juin 2017, est constitutive de réticence abusive,

-Condamne la société LVM à payer à Z X, la somme de 8.000 euros en réparation du préjudice en résultant,

Déboute la société LVM de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

-Dit n’y avoir lieu à publication judiciaire de la décision,

- Condamne Z X et la société A X aux dépens,

Condamne Z X à payer à la société LVM la somme de 60.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire,

Autorise la SELARL E-F-DUCAMP, avocats,

à recouvrer directement contre Z X, ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 12 juin 2020

La Présidente Le Greffier

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Tribunal Judiciaire de Paris, 12 juin 2020, n° 15/10854