Cour d'appel de Bordeaux, 3 avril 2014, n° 12/06706

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 3 avr. 2014, n° 12/06706
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 12/06706
Décision précédente : Tribunal d'instance de Bordeaux, 29 août 2012, N° 11-11-255

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU 3 AVRIL 2014

(Rédacteur : Madame Catherine FOURNIEL, Président,)

N° de rôle : 12/06706

LA S.A.S. LABORATOIRE CARDIO CONTACT

c/

Monsieur Y X

LA S.A.S. LOCAM

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 août 2012 (R.G. 11-11-255) par le Tribunal d’Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 3 décembre 2012,

APPELANTE :

LA S.A.S. LABORATOIRE CARDIO CONTACT (inscrite au R.C.S. de NANTERRE sous le N° 44417470000039), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

Représentée par la Maître Sylvain LEROY, Avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Véronique WEISBERG, Avocat au barreau de VAL DE MARNE,

INTIMÉS :

1°/ Monsieur Y X, né le XXX à XXX,

de nationalité française, docteur, demeurant XXX,

Représenté par Maître Christine GIRERD, substituant Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE, Avocats au barreau de BORDEAUX,

2°/ LA S.A.S. LOCAM, prise en la personne de son représentant llégal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX

Représentée par Maître Bruno VIOLLE, Avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 5 février 2014 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine FOURNIEL, Président, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,

Madame Catherine FOURNIEL, Président,

Madame Catherine COUDY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. Y X, médecin généraliste, a signé le 12 avril 2007 avec la SAS Locam un contrat de location portant sur un appareil dénommé 'cardio contact heart view’ fourni par la société Laboratoire Cardio Contact et destiné à permettre la transmission et la lecture à distance, par une équipe spécialisée, des électrocardiogrammes enregistrés avec ce matériel.

Ce contrat était consenti pour une durée de 60 mois moyennant des loyers mensuels de 119 euros TTC.

M. X, dénonçant la fiabilité du système, a restitué le matériel le 20 juin 2008 et interrompu le règlement des loyers.

La SAS Locam a adressé au locataire par lettre recommandée avec avis de réception du 23 mai 2008 une mise en demeure visant la clause résolutoire avec déchéance du terme, puis à défaut de régularisation a fait assigner M. X en paiement de la somme de 6.021,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2008, et de celle de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X a appelé en garantie la société Laboratoire Cardio Contact.

Il a sollicité reconventionnellement le prononcé de la nullité du contrat de location, subsidiairement sa résolution, et à titre infiniment subsidiaire la réduction de l’indemnité de résiliation.

Suivant jugement en date du 30 août 2012, le tribunal d’instance de Bordeaux a:

— prononcé la nullité du contrat de location conclu le 19 avril 2007 entre la SAS Locam et le docteur Y X ;

— condamné la SAS Locam à régler au docteur X la somme de 1.785 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

— débouté la SAS Locam de l’ensemble de ses demandes ;

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ;

— condamné in solidum la SAS Locam et la SAS Laboratoire Cardio Contact à payer au docteur X la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La SAS Laboratoire Cardio Contact a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 3 décembre 2012 dont la régularité et la recevabilité n’ont pas été discutées .

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 18 juin 2013, elle demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement, de débouter purement et simplement le docteur X de ses demandes, et de le condamner au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu’elle est intervenue dans le schéma contractuel en qualité de fournisseur du bien, et qu’elle est tenue à l’égard de ses cocontractants des garanties légales du vendeur, à savoir l’obligation de délivrer un objet conforme à sa destination et exempt de vice caché, qu’aucun dysfonctionnement de l’appareil n’est démontré par le docteur X, qui l’a utilisé pendant près de 14 mois, sans émettre la moindre réserve sur le fonctionnement de l’appareil, que la lecture des tracés ECG est effectuée par la société Geat Cardiatel, personne morale distincte, que le docteur X ne saurait engager sa responsabilité contractuelle pour des prestations qu’elle ne réalise pas, et fait preuve d’une intention de nuire et d’une volonté de dénigrement à son encontre.

Suivant conclusions remises le 26 avril 2013, la SAS Locam , formant appel incident, demande à la juridiction de rejeter toute demande de résolution de la convention de location financière à ses torts, et de condamner M. X à lui régler le montant de sa créance, soit la somme en principal de 6.021,40 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance régularisé le 6 août 2009, ainsi qu’une indemnité de 1.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SCP Violle.

Elle soutient qu’il n’existe aucune indivisibilité entre le contrat de location et le contrat de fourniture du matériel livré par la société Laboratoire Cardio Contact et intégralement réglé entre ses mains, que cette indépendance ressort des stipulations des conditions générales du contrat de location, lesquelles prévoient expressément le transfert au locataire des droits et actions du bailleur financier à l’égard du fournisseur, en contrepartie de quoi le locataire renonce à tout recours du chef d’une défaillance quelconque du fournisseur à l’encontre du bailleur, qu’une telle clause est parfaitement valide, que dès lors le vice du consentement allégué et retenu par le tribunal, lié à l’erreur quant à la fiabilité du matériel ne saurait lui être imputable, qu’elle a rempli intégralement ses obligations, que la clause de non recours doit recevoir application, et que les allégations de M. X quant au dysfonctionnement du matériel ne sont pas démontrées.

Suivant écritures remises le 18 novembre 2013, M. X conclut à titre principal à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, en soutenant que les contrats conclus entre lui, la SAS Locam et la SAS Laboratoire Cardio Contact ne sont pas indépendants et forment un tout indivisible, que le contrat de location n’a d’utilité que si le praticien est effectivement mis en contact avec des spécialistes cardiologues inscrits à l’ordre des médecins recrutés par la société Cardiatel, ce qui n’était manifestement pas le cas en l’espèce, que la lecture des ECG par des spécialistes en cardiologie était une qualité substantielle qui a été déterminante de son consentement, lequel a été vicié, et que la clause de renonciation à recours figurant à l’article 7 des conditions générales du contrat de location est inopérante dès lors qu’elle a trait à l’exécution et non à la formation du contrat.

A titre subsidiaire , il demande de dire et juger que la SAS Locam a commis une faute grave justifiant la résolution du contrat de location en application des dispositions de l’article 1184 du code civil, aux torts exclusifs de cette dernière et de la SAS Laboratoire Cardio Contact, et de dire et juger abusive la clause de résiliation prévue à l’article 12 du contrat du 12 avril 2007 en application des dispositions des articles L 132-1 et R 132-1 du code de la consommation, en faisant observer que la SAS Locam n’a pas respecté ses obligations contractuelles, l’enregistrement du rythme cardiaque étant aléatoire et la télétransmission des électrocardiogrammes tout autant, en raison notamment d’interférences électromagnétiques, et que c’est en raison de des dysfonctionnements de l’appareil et de son système d’interprétation qu’il a décidé de le restituer.

Il demande en conséquence la condamnation de la SAS Locam à lui rembourser la somme de 1.785 euros versée au titre de loyers, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, sur le fondement des dispositions de l’article 1184 du code civil la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir , et le débouté de l’intégralité des demandes de la SAS Locam dirigées à son encontre.

A titre infiniment subsidiaire, il demande de dire et juger que l’indemnité de résiliation sollicitée par la SAS Locam a le caractère d’une clause pénale et doit être réduite en raison de son caractère excessif, et en conséquence de :

— dire et juger que le montant de l’indemnité sollicitée par la SAS Locam ne saurait excéder la somme de 1.000 euros TTC ;

— dire et juger que la responsabilité contractuelle de la SAS Laboratoire Cardio Contact est engagée à son encontre, et la condamner à le relever indemne des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

— débouter la SAS Laboratoire Cardio Contact de l’intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;

— condamner in solidum la SAS Locam et la SAS Laboratoire Cardio Contact à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

* * *

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du contrat de location

Le contrat de location conclu le 12 avril 2007 entre la SAS Locam et M. X désigne Laboratoire Cardio Contact comme fournisseur de l’appareil 'cardio contact heart view'.

M. X, qui indique qu’il avait été préalablement démarché et sollicité par la société Laboratoire Cardio Contact, ce que celle-ci reconnaît dans ses écritures, a signé le 12 avril 2007 également un procès verbal de livraison et de conformité revêtu également d’une signature pour ce fournisseur et de son cachet.

Le 20 avril 2007, ce médecin a reçu de la société Geat, exerçant sous l’enseigne Cardiatel, un courrier le remerciant de l’accueil qu’il avait réservé à sa chargée de développement , lui disant sa satisfaction de le compter parmi ses partenaires, et vantant les mérites du système de télétransmission et de lecture à distance, par une équipe spécialisée , en lui précisant que son numéro d’adhérent lui permettait d’être connecté 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à ce centre de lecture, un membre de l’équipe réceptionnant le tracé sur son écran d’ordinateur, le lisant et renvoyant instantanément par fax ou mail le tracé accompagné de sa lecture.

La société Laboratoire Cardio Contact a vendu à la SAS Locam le matériel loué à M. X.

Il n’est pas discuté que la société Laboratoire Cardio Contact et la SA Geat, exerçant sous l’enseigne Cardiatel, ont le même siège social, et sont liées par un contrat de mandat commercial qui autorise la société Laboratoire Cardio Contact à commercialiser cet appareil auprès de médecins généralistes.

Il apparaît ainsi que ces contrats s’inscrivent dans une même opération économique et constituent un ensemble interdépendant, dès lors que M. X n’avait aucun intérêt à souscrire une telle location s’il n’avait pas l’assurance que les électrocardiogrammes enregistrés par l’appareil loué seraient transmis et interprétés en temps réel par une équipe de cardiologues 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ainsi que le certifiait le courrier de la société Geat Cardiatel, et l’annonçait le site internet de cette même société.

Or il résulte des pièces versées aux débats que le bulletin départemental de l’Ordre des médecins de la Gironde a diffusé quelques mois après la location litigieuse une information relative à la société Cardiatel, mettant en garde les médecins contre ce système de télétransmission , et précisant qu’un certain nombre des médecins figurant sur la liste des spécialistes interprétant les tracés transmis n’étaient pas cardiologues, d’autres n’étant même pas inscrits au tableau de l’Ordre des médecins ;

qu’une plainte a été déposée à l’encontre de la société Cardiatel par l’Ordre national des médecins pour exercice illégal de la médecine, et que plusieurs médecins généralistes ont dénoncé le manque de fiabilité du système, le syndicat des cardiologues jugeant quant à lui ce procédé d’interprétation à distance très dangereux.

Le premier juge a considéré à juste titre que M. X avait manifestement été induit en erreur sur une qualité substantielle du contrat au sens des articles 1109 et 1110 du code civil, et qu’il y avait lieu de prononcer la nullité du contrat de location conclu avec la SAS Locam.

Celle-ci ne peut valablement se prévaloir de la clause de renonciation à recours figurant à l’article 7 des conditions générales, laquelle a trait à l’exécution et non à la formation même du contrat, et doit en toute hypothèse être réputée non écrite comme inconciliable avec l’interdépendance des contrats susvisés.

Sur les conséquences de la nullité du contrat de location

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la SAS Locam à régler à M. X la somme de 1.785 euros TTC au titre des loyers versés par lui , et a débouté la SAS Locam de l’ensemble de ses demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. X

M. X ne justifie pas d’une atteinte à des sentiments d’honneur ou d’affection susceptible de constituer un préjudice moral indemnisable.

Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Une somme complémentaire de 1.000 euros sera allouée à M. X au titre des frais non compris dans les dépens de la présente procédure.

Sur les dépens

Le jugement sera confirmé de ce chef.

La SAS Laboratoire Cardio Contact et la SAS Locam qui succombent seront condamnées aux dépens de l’instance d’appel.

* * *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant :

Déboute M. X de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Condamne in solidum la SAS Locam et la SAS Laboratoire Cardio Contact à payer à M. X la somme de 1.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens de la présente instance ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne in solidum la SAS Locam et la SAS Laboratoire Cardio Contact aux dépens de la présente instance, et dit qu’ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Signé par Louis-Marie Cheminade, président, et par Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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