Cour d'appel de Colmar, 16 janvier 2015, n° 13/01638

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 16 janv. 2015, n° 13/01638
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 13/01638
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 24 février 2013

Texte intégral

OD

MINUTE N° 29/2015

Copie exécutoire à :

— Me Nadine HEICHELBECH

XXX

XXX

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 16 Janvier 2015

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 13/01638

Décision déférée à la Cour : 25 Février 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG

APPELANTS et demandeurs :

1) Madame A Z, XXX à XXX

2) Monsieur E H X, XXX à XXX

représentés par Me Nadine HEICHELBECH, Avocat à la Cour,

Plaidant : Me PERNOT, Avocat à STRASBOURG,

INTIMEE et défenderesse :

XXX, dont le siège social est XXX à XXX, représentée par son représentant légal,

représentée par Mes ACKERMANN & HARNIST, Avocats à la Cour,

Plaidant : Me JOST, Avocat à PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. LEIBER, Président

M. DAESCHLER, Conseiller

Mme BLIND, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier ad’hoc, lors des débats : Mme Astrid DOLLE

ARRET Contradictoire

— prononcé publiquement après prorogation du 9 JANVIER 2015 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par M. Adrien LEIBER, président et Mme Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

— Ouï M. DAESCHLER, Conseiller, en son rapport.

Suivant acte authentique, en date du 6 août 2010, les consorts X et Z acquéraient des époux Y une maison d’habitation à Plobsheim pour la somme de 265 000 €, les vendeurs ayant préalablement mandaté la société ASL Diagnostics Immobiliers pour effectuer les diagnostics légaux, notamment en matière d’amiante. En entamant des travaux, les acquéreurs découvraient des plaques de fibro-ciment et le cabinet Alizée, diagnostiqueur, confirmait la présence d’amiante. Un expert judiciaire était désigné par le juge des référés le 2 novembre 2010, avec complément le 7 février 2011, et déposait son rapport le 25 juin 2011, concluant à la présence de matériaux en fibro-ciment contenant de l’amiante visible, accessible et non repéré par le diagnostiqueur et à un diagnostic incomplet et dénué de rigueur.

Sur saisine des consorts X et Z, date du 5 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Strasbourg, statuant contradictoirement le 25 février 2013, a débouté les demandeurs de leurs prétentions visant, sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle, à condamner la société ASL à leur payer les travaux de désamiantage, les a condamnés in solidum aux dépens avec distraction au profit de Me Oster et à payer à la défenderesse la somme de 1 800 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration électronique enregistrée au greffe le 4 avril 2013, les consorts Z et X ont interjeté appel général.

Vu l’article 455 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions des appelants, reçues le 19 juin 2013, aux fins d’infirmer le jugement entrepris, de condamner l’intimée à leur payer la somme de 18 298.80 € au titre des travaux de désamiantage, outre intérêts au taux légal à compter de la demande, celle de 20 000 € pour préjudice moral et de jouissance, avec les intérêts aux mêmes taux et dates, celle de 53 000 € pour perte de chance d’obtenir une réduction du prix de vente, avec les intérêts aux mêmes taux et dates, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du Code civil, de leur réserver le droit de conclure sur leur préjudice financier, en cas de besoin, d’ordonner une nouvelle expertise, de condamner l’intimée aux dépens des deux instances et à leur payer un montant de 10 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la société ASL Diagnostics Immobiliers S.A.R.L., reçues le 6 janvier 2014, tendant à confirmer le jugement entrepris, à rejeter les autres demandes, ainsi que la demande d’expertise, à condamner les appelants aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance de clôture du 2 septembre 2014 ;

Sur ce

Vu les pièces de la procédure et les documents joints ;

Sur la recevabilité :

Attendu que les droits fiscaux légalement applicables ont été régularisés par les parties, l’appel comme la défense seront déclarés recevables ;

Sur la responsabilité et l’indemnisation :

Attendu que pour critiquer la décision du premier juge en ce qu’il a rejeté leurs demandes, faute de lien de causalité entre les fautes reprochées et le désamiantage, en relevant que l’expert avait indiqué que le bien vendu n’était pas impropre à sa destination et ne l’était devenue qu’à l’occasion des travaux de démolition engagés par les acheteurs pour sa rénovation, puisque que les plaques d’amiante existantes étaient en bon état et ne présentaient pas de risque sanitaire s’il n’y était pas touché, que les travaux de démolition auraient dû être précédés d’une recherche préalable d’amiante suivant mission avant travaux et qu’au demeurant ASL en avait indiqué la présence dans son rapport du 6 mai 2009 et avait précisé qu’elles étaient en bon état, que le désamiantage n’apparaissait pas nécessaire, l’immeuble étant habitable sans risque, et n’avait été rendu nécessaire que suite aux travaux postérieurs à la mission du diagnostiqueur, qui n’avait qu’une mission vente et non une mission travaux, les appelants font valoir que le diagnostiqueur avait pour mission un repérage méticuleux des lieux, en vertu de la norme AFNOR applicable, pouvant aller jusqu’à des sondages, voire des prélèvements ; que le technicien n’a effectivement repéré que des plaques fibro-ciment sur la toiture des garages, alors que Alizée et l’expert en ont repéré sur toutes les façades, avec des tranches sans enduit visibles ou entreposées, sur des cloisons intérieures suite à des extensions de la maison ou autour de la porte d’entrée de la maison ; que les plafonds étaient entièrement constitués de telles plaques visibles depuis le grenier, de même que les cloisons du garage ; que de nombreux désordres sont visibles au plan électrique et n’ont pas tous été signalés ; qu’ASL engage sa responsabilité de ce chef et se doit de couvrir le préjudice, en résultant, soit le désamiantage chiffré à 18 298.80 € par un devis d’entreprise, le préjudice moral et de jouissance à concurrence de 20 000 €, la perte de chance d’obtenir une diminution du prix évaluable à 20% de l’offre de vente, soit 53 000 €, un préjudice financier du fait d’un lourd endettement rendu nécessaire pour acheter le bien et y faire des travaux qui ont été retardés et qui doit être chiffré;

Attendu que pour s’en défendre et conclure au rejet de l’appel, l’intimée relève que le compromis a été signé avant même que le diagnostic soit mené, de telle sorte que le consentement s’est exprimé indépendamment, sans condition suspensive liée à un repérage de l’amiante ; qu’en outre, la mission de l’opérateur dans le diagnostic avant vente était non exhaustive, visant à assurer la protection des occupants sur l’intérieur du bâti, en excluant les ouvrages extérieurs (toiture, bardage…), ainsi que les dépendances impropres à l’habitation, comme l’a relevé l’expert, et consistait en un constat visuel et non destructif, outre que ASL avait prévenu qu’en cas de travaux, d’autres types de recherches seraient nécessaires ; que l’expert a admis que les plaques en cloison et plafond n’étaient pas repérables à cause d’un enduit ou de la présence de laine de roche dans le grenier ; qu’il aurait fallu pour les acheteurs effectuer un diagnostic avant démolition ; que dans ce contexte le désamiantage ne correspond pas à un risque positif, l’amiante étant sans danger tant que l’intégrité du matériau d’enveloppe n’est pas compromise et que l’expert n’a préconisé aucun retrait d’amiante, de telle sorte qu’il n’y a pas de préjudice actuel et certain ; qu’il n’y a pas davantage de perte de chance, faute d’élément d’appréciation concret, du fait de la signature du compromis avant que le diagnostic ait été effectué ; que le prix de vente n’était pas excessif eu égard à l’état apparent du bien et qu’il n’est en rien démontré que des matériaux amiantés en bon état aient une influence sur le prix d’un bien ; qu’une nouvelle expertise est inutile ;

Attendu que la Cour dispose de tous les éléments pour statuer utilement, il n’y a pas lieu d’ordonner de nouvelle expertise judiciaire;

Attendu, sur le fond, qu’il ressort du rapport d’expertise judiciaire que dans la maison et les garages des matériaux en fibro-ciment contenant de l’amiante, qui étaient visibles et accessibles, n’ont pas été repérés par le diagnostiqueur de la société ASL ; que ce repérage n’avait pas été réalisé de la 'façon la plus complète et rigoureuse'; que les acquéreurs n’étaient pas des professionnels du bâtiment et n’avaient pas compétence pour reconnaître un matériau pouvant contenir de l’amiante ;

Attendu que le sachant a précisé que des matériaux amiantés étaient repérables dans la salle de bains, une chambre d’enfant et un bureau, au plafond, en dessous d’un lambris en bois démonté à l’occasion des travaux engagés par les acquéreurs, dans une véranda placard sur le mur côté porte, sur les murs extérieurs en façade, recouverts d’un enduit, dans les cloisons intérieures des dépendances et du garage, sur la toiture du bâtiment d’habitation ;

Attendu qu’il est acquis, en l’état des textes applicables à la date du diagnostic, que la société ASL n’avait pas à repérer l’amiante dans les dépendances non habitables ou sur les extérieurs mais les appelants soulignent, à juste titre, sans être contredit utilement, que l’amiante contenue dans les plafonds étaient visibles par le dessus, depuis le grenier, sauf à soulever la laine de verre, qui les recouvraient, sans qu’il soit nécessaire de mener des investigations destructives au sens de l’article 4.4.4 de la norme AFNOR régissant la matière, de même que l’expert a précisé que les plaques d’amiante étaient repérables autour de la porte d’entrée et que le diagnostiqueur ne les a pas repérées ;

Attendu, sous ce rapport, que le diagnostiqueur ne saurait s’exonérer de sa responsabilité, en indiquant qu’il ne pouvait effectuer qu’un constat visuel et non destructif et que cette circonstance l’a empêché de repérer la présence généralisée d’amiante dans l’ouvrage qu’il avait à diagnostiquer ou que les éléments incriminés à l’intérieur de l’habitation n’étaient pas accessibles à l’époque dans les conditions réglementaires du contrôle et ne l’ont été qu’à la suite des travaux de rénovation conduits par les acquéreurs, alors même que de nombreux indices, tels que la date de construction de l’immeuble, ou les traces visibles d’amiantes sur des ouvrages ou parties d’ouvrage, ou même la présence de plaques d’amiante brutes stockées sur place, certes étrangères à sa mission, devaient nécessairement l’inciter à une particulière vigilance dans l’exécution de sa mission, que l’expert a qualifié de peu complète et rigoureuse, ce qui constitue une faute ;

Attendu, dans ce contexte, que la motivation retenue par le premier juge, selon laquelle il n’existait pas de lien entre la faute et le dommage, dans la mesure où le diagnostiqueur avait prévenu que son travail n’était pas exhaustif et nécessitait un repérage supplémentaire en cas de démolition et dans la mesure où l’expert judiciaire avait indiqué que les plaques d’amiante en bon état ne présentaient aucun risque sanitaire, si elles ne faisaient pas l’objet de travaux, de transformation, de coupe de percement ou de démolition ou si elles étaient protégées des sollicitations mécaniques, apparaît inopérante, alors qu’il est manifeste que même de menus travaux d’usage, tels que des percements pour accrocher telle ou telle étagère ou élément d’embellissement tel un tableau ou une applique, devaient nécessairement, par action mécanique, dégrader le support infesté d’amiante et générer sa dégradation et des poussières notoirement néfastes à la santé humaine ;

Attendu qu’il s’ensuit que la société ASL engage sa responsabilité de ce chef au titre des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Attendu, sur le plan du préjudice, que les prétentions des appelants seront effectivement écartées au titre de la perte de chance de négocier un prix moindre ou au titre du préjudice financier lié à l’acquisition de l’immeuble, dès lors que l’achat a été négocié avant même que le diagnostic litigieux ait été pratiqué ;

Attendu que les appelants ne sauraient davantage prétendre à l’indemnisation du désamiantage, qui ne constitue pas un préjudice indemnisable par le diagnostiqueur, outre qu’il s’étend sur des parties de l’immeuble, qui ne relevaient pas de sa mission ;

Attendu, en revanche, que les consorts Z-X subissent, du fait de la carence de la société ALS, un préjudice moral et de jouissance tirée de l’impossibilité de jouir normalement de leur bien et de l’inquiétude légitime liée à des caractéristiques qu’ils ignoraient et qui auraient pu et dû leur être révélées ;

Attendu que le préjudice susdit sera évalué, eu égard à l’étendue de la mission de la société intimée, à une somme de 12 000 €, somme au paiement de laquelle sera condamnée la société ASL, avec les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2013, date d’enregistrement de la demande, à titre compensatoire, capitalisables par année entière dans les conditions de l’article 1154 du Code civil ;

Attendu, par ailleurs et enfin, que le préjudice allégué au titre du diagnostic électrique ne donne lieu à aucune prétention particulière;

Sur l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Attendu que les appelants obtiennent, en définitive, partiellement gain de cause, il convient d’infirmer le jugement entrepris de ce chef, de condamner la société ASL aux dépens des deux instances, ainsi qu’à leur payer la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles qu’ils ont exposés à ces occasions.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, sur mise à disposition au greffe,

après en avoir délibéré conformément à la Loi ;

DIT n’y avoir lieu à nouvelle expertise judiciaire ;

DÉCLARE l’appel recevable ;

CONFIRME le jugement entrepris, en ce qu’il a débouté les consorts Z et X de leur demande en indemnisation des travaux de désamiantage ;

L’INFIRME pour le surplus et y ajoutant :

DÉCLARE la S.A.R.L. Diagnostics Immobiliers, prise en la personne de son représentant légal, entièrement responsable du préjudice moral et de jouissance subi par E X et A Z ;

CONDAMNE la S.A.R.L. Diagnostics Immobiliers, prise en la personne de son représentant légal, à payer E X et A Z la somme de 12 000 € (douze mille euros) de dommages et intérêts, avec les intérêts aux légal du 19 juin 2013, capitalisables dans les conditions de l’article 1154 du Code civil ;

DÉBOUTE les consorts Z-X pour le surplus ;

DÉBOUTE la S.A.R.L. Diagnostics Immobiliers au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

REJETTE toutes conclusions plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la S.A.R.L. Diagnostics Immobiliers, prise en la personne de son représentant légal, à payer E X et A Z la somme de 4 000 € (quatre mille euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens de première instance comme d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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