Cour d'appel de Grenoble, 8 septembre 2015, n° 13/00609

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 8 sept. 2015, n° 13/00609
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 13/00609
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grenoble, 6 janvier 2013, N° 11/00109

Sur les parties

Texte intégral

R.G. N° 13/00609

DJ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

la SELARL TRANCHAT DOLLET LAURENT ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU MARDI 08 SEPTEMBRE 2015

Appel d’un Jugement (N° R.G. 11/00109)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 07 janvier 2013

suivant déclaration d’appel du 08 Février 2013

APPELANT :

Monsieur B X

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me CHAREYRE, avocat au barreau de LYON

INTIME :

Monsieur le Directeur Départemental des Finances Publiques de l’Isère, Pole Gestion (anciennement dénommé Monsieur LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DE L’ISERE) demeurant XXX

de nationalité Française

XXX

Représenté par Me Arnaud DOLLET de la SELARL TRANCHAT DOLLET LAURENT ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me BORDON, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Dominique FRANCKE, Président

Madame Dominique Y, Conseiller,

Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Françoise DESLANDE, greffier,

DEBATS :

A l’audience publique du 22 Juin 2015 Madame Y a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSE DU LITIGE

Z A veuve D-E est décédée le XXX, laissant pour lui succéder notamment sa fille, F D-E veuve X.

Cette dernière est décédée le XXX, laissant pour héritier son fils, B X.

L’actif de la succession de Z A veuve D-E, déclaré pour un montant net de 4.670.816 euros, comprend notamment un domaine rural situé dans le Vaucluse, 'Domaine de la Bonde', constitué d’une maison de maître et d’une exploitation agricole, et quatre appartements dans un immeuble en copropriété à XXX

Un litige s’est élevé entre les héritiers et l’administration fiscale sur l’application des dispositions du code général des impôts relatives à l’exonération partielle des droits de succession sur les biens affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle (articles 789 B et 787 C du code général des impôts).

Par acte du 21 décembre 2010, B X a assigné le directeur des services fiscaux de l’Isère devant le tribunal de grande instance de Grenoble, en vue d’obtenir le dégrèvement total des droits et intérêts figurant sur deux avis de mise en recouvrement en date des 23 octobre 2009 et 20 septembre 2010, pour un montant respectif de 163.122 euros et 318.859 euros.

Par jugement du 7 janvier 2013, le tribunal l’a débouté de ses demandes de dégrèvement et d’indemnité de procédure, et l’a condamné aux dépens.

B X a relevé appel de cette décision le 8 février 2013. Au dernier état de ses conclusions notifiées le 17 novembre 2014, il demande à la cour de :

— infirmer le jugement,

— prononcer le dégrèvement du rappel de droits d’enregistrement et des intérêts de retard mis à sa charge,

— débouter l’administration des impôts de toutes ses demandes,

— la condamner à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il fait valoir que :

— les conditions d’application de l’exonération de droits sont réunies,

— il apporte la preuve que l’exploitation individuelle du Domaine de la Bonde, initialement exercée par sa grand-mère, a été poursuivie par sa mère puis par lui-même, leur rôle ne s’étant pas limité à la gestion d’un patrimoine privé,

— l’administration fiscale ajoute aux textes en exigeant que l’activité soit exercée à titre principal,

— elle retient une définition restrictive et erronée de la notion d’exploitation d’entreprise, en considérant que l’activité relève de la gestion d’un patrimoine privé constamment déficitaire,

— elle fait une interprétation erronée de la condition de détention par le défunt.

Par conclusions notifiées le 3 novembre 2014, le directeur des services fiscaux de l’Isère demande à la cour de :

— confirmer le jugement,

— rejeter les demandes de B X,

— condamner B X à lui verser la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il fait valoir que :

— les biens affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle, au sens des articles 798 B et 787 C du code général des impôts, s’entendent des biens nécessaires à l’exercice d’une profession,

— cela implique une exploitation à titre principal, ainsi qu’une continuité d’exploitation après la transmission, et suppose l’accomplissement par le défunt, puis l’héritier, d’actes et diligences caractérisant l’exercice d’une profession,

— en l’espèce, le domaine n’est pas éligible à l’exonération, en raison de sa situation constamment déficitaire, de l’absence de gestion professionnelle, du fait que le domaine servait de lieu de villégiature à la famille D-E et aux clients de ses sociétés de transports, que son entretien était confié à un régisseur, et que, du fait de son activité de notaire et de son éloignement géographique, B X n’exploite pas le domaine de manière effective.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article 789 B et, à compter du 1er janvier 2004, de l’article 787 C du code général des impôts, sont exonérés de droits de mutation par décès, à concurrence de moitié ou des trois quarts de leur valeur, les biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, si les conditions suivantes sont réunies :

— l’entreprise individuelle a été détenue depuis plus de deux ans par le défunt lorsqu’elle a été acquise à titre onéreux,

— chacun des héritiers prend l’engagement de conserver l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise pendant une durée de six ou quatre ans à compter de la date du décès,

— l’un des héritiers poursuit effectivement, pendant les cinq ou trois années qui suivent la date de la transmission par décès, l’exploitation de l’entreprise individuelle.

Sur la notion d’entreprise individuelle :

Il y a lieu de rechercher si les biens immobiliers constituant le 'Domaine de la Bonde’ sont affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle ayant une activité agricole.

Au sens de l’article L 311-1 du code rural : 'Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation'.

Il ressort des justificatifs versés aux débats par l’appelant que :

— la date de début d’activité de l’exploitation viti-vinicole au château de la Bonde, à la Motte d’Aigues, au nom de Z A veuve D-E, est le 1er septembre 1964,

— Z A veuve D-E a cotisé auprès de la MSA en 1985, 1994, 1998, 2001 et encore au 4e trimestre 2002, juste avant son décès survenu le XXX,

— elle a employé des vendangeurs (bulletins de salaire de septembre 1999) et deux ouvriers agricoles du 9 avril 1997 au 5 novembre 2000, pour l’un, et du 2 mai 1996 au 24 mars 2003 pour l’autre,

— l’activité viticole et céréalière est justifiée par des déclarations de récolte (1978, 1997), fiche d’encépagement 2002, relevés de compte de la coopérative vinicole pour les années 1985/1986, 1987/1988, 1998, 2000, diverses factures d’achat de semences et d’apports de céréales (1990, 1996, 1999), facture d’irrigation (1999), factures d’achat et de réparation de matériels agricoles (1996, 1999, 2000), cotisation d’assurance de trois véhicules agricoles (2000/2001).

Il est en outre justifié de la prorogation jusqu’au 31 août 1991 de droits de replantation, et des comptes annuels au 31 décembre 1998 et au 31 décembre 2002.

Le fait que les exercices 2001 et 2002 ont été déficitaires n’est pas, au regard de l’ensemble des justificatifs susvisés, un élément permettant d’exclure la réalité et l’effectivité de l’activité agricole et viticole exploitée sur le domaine.

Sur la détention par le défunt :

L’entreprise individuelle a bien été détenue par la défunte, Z A veuve D-E, dans le délai de deux ans précédant son décès.

Sur la poursuite effective de l’exploitation par un des héritiers :

Il ressort des pièces versées aux débats que, du 31 janvier 2003 au XXX, le domaine a été exploité par l’un des héritiers de la défunte.

En effet F D-E veuve X, fille de Z A veuve D-E, a été affiliée à la Mutualité Sociale Agricole à compter du 31 janvier 2003 ; elle a employé le chef de culture entré sur l’exploitation le 1er janvier 2002 jusqu’au 2e trimestre 2006, ainsi qu’un ouvrier agricole ; des factures d’achat de matériels et de fournitures en 2003 et 2004, des relevés de récolte (vin et céréales) 2002 et 2003, une aide à la restructuration du vignoble en 2005 établissent l’effectivité de l’exploitation.

À son décès, son fils, B X, a été affilié à la MSA et a poursuivi l’exploitation en continuant d’embaucher le chef de culture et l’ouvrier entré au service de sa mère le 12 février 2004 ; il a obtenu une autorisation d’arrachage en 2009, une identification en AOC Luberon en novembre 2009, et l’exploitation a fait l’objet en janvier 2012 d’une inspection du service régional de l’alimentation au titre de la conditionnalité des aides, portant sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Ainsi, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, les conditions exigées pour l’application de l’exonération partielle des droits de mutation sont remplies, les textes ne prévoyant pas que l’activité exploitée dans le cadre de l’entreprise individuelle constitue l’activité principale de l’exploitant.

Il y a lieu par conséquent d’infirmer le jugement et de prononcer le dégrèvement du rappel des droits d’enregistrement et des intérêts de retard mis à la charge de B X.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

— Infirme le jugement déféré,

et statuant à nouveau,

— Prononce le dégrèvement du rappel des droits d’enregistrement et des intérêts de retard mis à la charge de B X,

— Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

— Condamne le directeur des services fiscaux de l’Isère aux dépens de première instance et d’appel avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit du Cabinet LEXAVOUE qui en a demandé le bénéfice.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Y, Conseiller, en l’absence du Président empêché, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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