Cour d'appel de Metz, 3ème chambre, 28 janvier 2021, n° 19/01405

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 3e ch., 28 janv. 2021, n° 19/01405
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 19/01405
Décision précédente : Tribunal d'instance de Thionville, 13 mai 2019, N° 17-001050
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 19/01405 – N° Portalis DBVS-V-B7D-FBJ6

Minute n° 21/00082

X, E

C/

Z, Z

Jugement Au fond, origine Tribunal d’Instance de THIONVILLE, décision attaquée en date du 14 Mai 2019,

enregistrée sous le n° 17-001050

COUR D’APPEL DE METZ

3e CHAMBRE – TI

ARRÊT DU 28 JANVIER 2021

APPELANTS :

Monsieur C X

[…]

[…]

Représenté par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ

Madame D E épouse X

[…]

[…]

Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

Monsieur F Z

[…]

[…]

Représenté par Me Catherine LE MENN-MEYER, avocat au barreau de THIONVILLE

Madame H Z

[…]

[…]

Représentée par Me Catherine LE MENN-MEYER, avocat au barreau de THIONVILLE

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 22 octobre 2020 tenue par Madame GIZARD et Monsieur MICHEL, Magistrats rapporteurs qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 17 décembre 2020 à cette date le délibéré a été prorogé au 28 janvier 2021.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mlle TOLUSSO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame GIZARD, Conseiller

Monsieur MICHEL , Conseiller

FAITS ET PROCÉDURE

M. C X et Mme D E épouse X sont propriétaires d’une maison d’habitation située […] et M. F Z et Mme H J épouse Z sont propriétaires d’une maison d’habitation située […] à Oudrenne. Les propriétés respectives sont séparées par un chemin rural.

Par acte d’huissier du 21 août 2017, M. et Mme X ont fait citer M. et Mme Z devant le tribunal d’instance de Thionville. Au dernier état de leurs prétentions, ils ont demandé au tribunal de condamner solidairement M. et Mme Z à procéder à l’élagage de leurs 35 arbres à une hauteur de 6 mètres maximum (et de les y maintenir) sous astreinte de 100 euros par jour et par arbre passé un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, à nettoyer sous la même astreinte, les bractées et feuilles tombant des arbres, à leur verser les sommes de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance, 390 euros en remboursement des factures Flore, 1.000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice matériel, 2.000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral, 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers frais et dépens comprenant les frais des deux constats d’huissier.

M. et Mme Z qui se sont opposés à ces prétentions ont demandé au tribunal de constater l’absence de qualité à agir de M. et Mme X sur le fondement de l’article 671 du code civil, de les débouter de leurs demandes, de les condamner à leur verser les sommes de 8.000 euros à titre de réparation du préjudice moral, 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux frais et dépens.

Par jugement contradictoire du 14 mai 2019, le tribunal d’instance de Thionville a débouté M. et Mme X de leur demande d’élagage des arbres et de nettoyage des feuilles et bractées tombant des arbres, de leurs demandes de dommages et intérêts, les a condamnés à payer à M. et Mme Z une somme de 1.000 euros au titre de leur préjudice moral, a débouté M. et Mme Z de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, et a condamné M. et Mme X à verser à M. et Mme Z une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de l’instance.

Sur la demande principale, le tribunal a observé, au vu des pièces produites, que les arbres appartenant aux défendeurs étaient situés à 12 mètres de la propriété des demandeurs et qu’ils mesuraient presque tous plus de 20 mètres de hauteur. Il a également relevé que deux constats d’huissier réalisés en période automnale montraient la présence de feuilles sur cette propriété. Il a cependant estimé que la quantité de ces feuilles n’était pas excessive au regard de l’environnement rural et de la période à laquelle les constatations avaient été

réalisées, et que rien ne permettait d’établir qu’une perte d’ensoleillement était due à la hauteur des arbres. Il en a déduit que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve d’un trouble anormal de voisinage consécutif à la hauteur des arbres ou à la présence en quantité excessive de feuilles sur leur fond. Il ajouté que les dispositions des articles 671et 672 du code civil invoquées à titre subsidiaire ne pouvaient pas s’appliquer, dans la mesure où l’action qu’elles prévoyaient était ouverte au voisin dont le fond est contigu, alors qu’en l’espèce les deux propriétés étaient séparées de 9,5 mètres et que les arbres se trouvaient à distance légale.

Il en a déduit que le trouble de jouissance n’était aucunement caractérisé et qu’en l’absence de trouble abusif du voisinage, M. et Mme X n’étaient pas fondés à solliciter la réparation d’un préjudice matériel pour l’enlèvement des feuilles lequel relève de l’entretien courant incombant à tout occupant d’une propriété située dans un environnement comprenant de la végétation. Il a aussi considéré que les éléments produits par M. et Mme X étaient totalement insuffisants pour caractériser le préjudice moral allégué résultant du comportement insultant de leurs voisins.

Sur la demande reconventionnelle, le tribunal a relevé qu’il existait entre les parties un climat d’animosité réelle, qu’en réaction aux aboiements du chien de M. et Mme Z, M. X avait fait installer un avertisseur sonore qui avait émis d’abord une sirène de chantier, puis un message enjoignant de ramasser les feuilles et ensuite des insultes particulièrement grossières. Il a aussi retenu que dans une main courante, M. X indiquait avoir déversé devant la propriété Z des bacs de feuilles lesquels avaient été déposés le lendemain devant sa porte d’entrée pour être ensuite redéposé par lui-même devant le domicile de ses voisins. Il a en enfin relevé qu’un certificat médical du 19 septembre 2017 avait prescrit à Mme Z une ITT de 6 jours pour cause de dépression réactionnelle à des problèmes de voisinage nécessitant une mise sous traitement médicamenteux et a dit que ces éléments révélaient une attitude grossière et intransigeante à l’égard de M. et Mme Z dont il a évalué le préjudice moral à 1.000 euros.

Le tribunal a enfin rejeté la demande de dommages et intérêts des défendeurs pour procédure abusive au motif qu’il ne rapportaient pas la preuve de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol des demandeurs, permettant de faire dégénérer en abus le droit d’introduire une action en justice.

Par déclaration d’appel déposée au greffe de la cour le 6 juin 2019, M. et Mme X ont formé appel de ce jugement en ce qu’il les a déboutés de leur demande d’élagage des arbres, de nettoyage des feuilles et bractées tombant des arbres, de dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance, de dommages-intérêts au titre du préjudice matériel, de dommages-intérêts au titre du préjudice moral, les a condamnés à verser à M. et Mme Z une somme de 1000 euros au titre de leur préjudice moral, une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les a condamnés aux dépens de l’instance.

M. et Mme X demandent à la cour de :

— condamner solidairement M. et Mme Z à procéder à l’élagage de leurs 35 arbres à une hauteur de 6 mètres maximum (et de les y maintenir), sous astreinte, dont le juge saisi se réservera la liquidation, de 100 euros par jour et par arbre passé un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, et à nettoyer sous la même astreinte les bractées et feuilles tombant des arbres,

— condamner solidairement M. et Mme Z à leur payer les sommes de :

' 3.000 euros de dommages-intérêts au titre de leur préjudice de jouissance,

' 390 euros en remboursement des factures Flore

' 1.000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice matériel,

' 2.000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral,

— débouter M. et Mme Z de l’ensemble de leurs demandes,

— les condamner solidairement aux entiers frais et dépens d’instance, qui comprendront les frais des deux constats d’huissier et frais et dépens d’appel, et à leur payer une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d’instance outre 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelants indiquent que leur demande principale est fondée sur les troubles abusifs du voisinage dont ils peuvent se prévaloir, la cour de cassation se référant désormais non plus à la notion de voisin mais à une analyse purement causale, et subsidiairement sur les articles 671 et suivants du code civil. Ils font valoir que les constats d’huissier et les témoignages versés aux débats établissent que les 32 peupliers d’une hauteur supérieure à 25 mètres et les 3 érables de la propriété Z qui n’ont pas été élagués depuis des années, leur causent un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage. Ils expliquent que ces arbres les obligent à un nettoyage régulier des feuilles et branches qui tombent en grande quantité dans leur propriété qui se situe à une douzaine de mètres et qu’ils génèrent de l’ombre de manière importante, leur terrain étant désormais ensoleillé uniquement l’après midi. Ils précisent que la chute des branches de ces arbres génère un climat d’insécurité et ajoutent que les deux propriétés ne se trouvent pas dans un environnement forestier mais dans une zone pavillonnaire.

M. et Mme X soutiennent qu’en s’abstenant de tailler leurs arbres M. et Mme Z ne cessent de troubler la jouissance paisible de leur bien et que ce comportement caractérise une violation du droit de propriété devant nécessairement être sanctionnée. Ils expliquent que M. X, âgé de 71 ans, est continuellement obligé de procéder au nettoyage de sa parcelle, qu’il fait appel à l’entreprise Flore pour le ramassage des feuilles et le nettoyage des avaloirs et que les intimés doivent supporter le coût d’intervention de cette entreprise (390 euros) ainsi que le préjudice matériel causé par la récurrence du phénomène (1.000 euros). Ils affirment également être victimes d’insultes et d’autres comportements intolérables de la part des intimés et que ces agissements ont aggravé les problèmes de santé de M. X lequel se trouve dans un état anxiogène sérieux générant un préjudice moral dont ils sollicitent réparation (2.000 euros).

Sur la demande reconventionnelle, les appelants observent que M. et Mme Z ont déposé plainte les 9 et 22 septembre 2017 soit quelques jours après l’assignation délivrée le 21 août 2017 alors qu’ils se disent harcelés depuis 7 ans. Ils précisent que le chien des intimés, par ses aboiements agressifs, est une calamité pour le voisinage dont ils se plaignent depuis le 7 octobre 2010, qu’ils se sont adressés au conciliateur le 20 octobre 2010 puis le 6 décembre 2010, qu’ils ont fait une déclaration à la gendarmerie le 14 janvier 2011, qu’ils ont adressé des témoignages établissant le caractère anormal du trouble de voisinage subi de ce fait au conseil des intimés le 9 février 2011 et qu’un constat d’accord a été établi le 6 octobre 2011 par lequel M. et Mme Z se sont engagés à limiter les nuisances sonores du chien mais que la situation ne s’est pas améliorée. Ils ajoutent que de nombreux témoignages corroborent leur version des faits et contestent la loyauté et l’objectivité des témoignages produits par les intimés ainsi que le harcèlement qui leur est reproché, en affirmant que ce sont les aboiements du chien qui expliquent les mesures que M. X a été obligé de prendre pour tenter de retrouver une certaine tranquillité. Ils soulignent que l’avertisseur n’était actionné que lorsque le chien aboyait et pour répondre à la violence de ces aboiements et que ceux-ci se poursuivent depuis le jugement du tribunal d’instance.

M. et Mme Z demandent à la cour de constater l’absence de qualité à agir de M. et Mme X sur le fondement des articles 671 et suivants du code civil, de les débouter de l’intégralité de leurs prétentions, de les condamner à leur verser une somme de 8.000 euros à titre de réparation du préjudice moral, une somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, une indemnité de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers frais et dépens de l’instance.

Sur la qualité à agir, les intimés font valoir que M. et Mme X n’ont pas la qualité de voisins directs dans la mesure où les deux propriétés séparées par un chemin communal ne sont pas contiguës au sens de l’article 672 du code civil et que par voie de conséquence, ils sont irrecevables à agir sur le fondement de l’article 671.

Sur le fond, ils font valoir que les arbres sont à plus de 12 mètres de la propriété de M. et Mme X et

que rien ne démontre que ceux-ci souffrent de la présence d’arbres de haute taille implantés depuis de nombreuses années ou qu’il subissent une perte d’ensoleillement anormale. Ils précisent vivre dans un village rural entouré de forêts, et que les photographies produites aux débats attestent de la banalité de la situation dans un tel environnement, du fait que les peupliers laissent passer la lumière du soleil et du particulier ensoleillement de la propriété des appelants.

S’agissant du trouble allégué causé par leur chien, les intimés soulignent que leur voisine directe et soeur de M. X atteste ne subir aucune nuisance du fait de cet animal et que les appelants qui n’ont produit aucun témoignage d’autres voisins, invoquent des attestations très anciennes. Ils précisent qu’ils maintiennent leur chien enfermé dans leur maison lorsqu’ils sont absents de 7 heures à 19 heures et pendant la nuit et que les quelques aboiements de l’animal ne peuvent constituer un trouble anormal de voisinage de par leur courte durée, leur absence de répétition et leur faible intensité. Ils prétendent que M. et Mme X tentent de leur porter préjudice par tous moyens.

Sur leur appel incident, les intimés expliquent que M. et Mme X les harcèlent depuis leur emménagement en 2010 soit à cause des aboiements du chien, soit à cause des arbres pourtant présents depuis 30 ans, qu’ils ont installé un avertisseur sonore diffusant des insultes et qu’ils ont déversé des feuilles mortes devant leur portail à plusieurs reprises. Ils précisent produire des témoignages de voisins ou de personnes ayant exercé un mandat électif dans la commune, attestant du comportement agressif de M. X, que les actes d’intimidation et injures proférées publiquement dont ils sont victimes comme le fait d’être épiés troublent leur droit de jouissance de leur propriété, que ces agissements continuent, qu’ils génèrent un fort sentiment d’insécurité dans leur propre résidence, nuisible à l’épanouissement de leurs enfants âgés de 14, 13 et 10 ans et qui grandissent dans un climat anxiogène et menaçant. Ils ajoutent que Mme Z a été contrainte d’arrêter son activité professionnelle durant 6 jours à cause de cette situation et qu’elle est toujours sous traitement anxiolytique. Ils soutiennent enfin que la présente procédure est totalement abusive.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les écritures déposées le 13 janvier 2020 par M. et Mme X et le 3 octobre 2019 par M. et Mme Z, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 17 juin 2020 ;

Sur la demande d’élagage des arbres et nettoyage des feuilles

Sur le fondement des troubles abusifs du voisinage

Le droit pour un propriétaire de jouir de son bien de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par les lois et règlements, est limité par l’obligation de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage.

La gravité du trouble doit être appréciée in concreto, en fonction des circonstances de temps et de lieu, et il appartient à celui qui l’invoque d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, les troubles du voisinage allégués par M. et Mme X consistent en un amoncellement récurrent de feuilles et branches sur leur propriété et une diminution d’ensoleillement causés par les arbres de la propriété voisine. Les procès-verbaux de constat d’huissier datés des 23 novembre 2016 et 12 octobre 2018 et les photographies figurant au dossier, attestent de la présence sur le terrain de M. et Mme Z de 3 érables et de 32 peupliers d’une hauteur supérieure à 25 mètres, distants d’une douzaine de mètres de la propriété de M. et Mme X.

C’est à juste titre que le premier juge a estimé que M. et Mme X ne rapportent pas la preuve un trouble abusif du voisinage caractérisé par la présence excessive de feuilles. En effet, si les pièces versées aux débats

démontrent qu’en automne de nombreuses feuilles encombrent la propriété de M. et Mme X tant en ce qui concerne la pelouse que les allées d’accès et tout particulièrement celle qui mène à leur garage (pièces n°7, n°30, n°31, n°32, n°33, n°35) et que la présence de ces feuilles en abondance constitue un trouble pour M. et Mme X qui doivent procéder à leur enlèvement, nettoyer les abords et les avaloirs, cet inconvénient est circonscrit à quelques semaines dans l’année et est inhérent à la vie dans un environnement rural. La propriété des appelants, elle-même arborée, se situe à quelques centaines de mètres de forêts, dans une zone comportant de grands jardins (pièce n°40) et dans un village à la 'campagne’comme le précise M. X dans sa lettre du 7octobre 2010. Dans un tel contexte, l’abondance des feuilles provenant du voisinage à nettoyer, à une période déterminée de l’année, même si elle constitue une contrainte, ne peut être valablement qualifiée d’anormale.

Le climat d’insécurité invoqué, généré par l’éventualité d’un accident causé par la chute de branches, n’est par ailleurs pas démontré. Trois photographies font apparaître des petites branches sur l’allée de la propriété de M. et Mme X sans qu’il soit possible de déterminer leur provenance (pièce n°37) et un témoignage évoque une branche de peuplier sur le macadam de l’entrée (pièce n°34). Ces éléments sont insuffisants pour caractériser un risque constitutif d’un véritable trouble du voisinage surtout dans un environnement rural.

S’agissant de l’ensoleillement, les allégations de M. et Mme X ne sont corroborées par aucun élément tangible. Le procès-verbal de constat de M. A du 23 novembre 2016 (pièce n°7) indique tout au plus qu’à 10 heures, la lueur du soleil est perceptible à l’arrière des peupliers à une hauteur d’environ 8 à 10 mètres, sans préciser l’endroit précis où il se trouve, sans situer d’éventuelles zones d’ombre sur la propriété des appelants et sans évoquer l’évolution de la situation au cours de la journée, étant rappelé que son intervention se situe en pleine période automnale. Les photographies produites (pièces n°1) ne sont pas plus probantes.

En conséquence le premier juge a justement dit que la preuve d’un trouble anormal du voisinage n’est pas rapportée.

Sur le fondement des articles 671 et suivants du code civil :

L’article 671 du code civil dispose qu’il n’est permis d’avoir des arbres, arbrissaux et arbustes près de la limite de propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par ses usages constants et reconnus, et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations.

Ces dispositions ne sont applicables que si les deux fonds sont contigus.

Les propriétés respectives des parties sont séparées par un chemin communal et distantes l’une de l’autre d’une dizaine de mètres. A défaut de contiguïté entre les deux fonds, il ne peut être valablement reproché à M. et Mme Z sur le fondement des articles 671 et suivants du code civil, la hauteur de leurs arbres et le fait qu’ils soient insuffisamment distanciés de la clôture. Il s’en déduit que le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. et Mme X de leurs prétentions tendant à contraindre M. et Mme Z à l’élagage de leurs arbres et au nettoyage des feuilles tombant de ces arbres.

Sur les demandes principales de dommages et intérêts

L’indemnisation du trouble de jouissance est sollicitée sur le fondement de l’article 544 du code civil selon lequel la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements. Cependant, il résulte de ce qui précède, s’agissant des arbres de M. et Mme Z, que la preuve n’est rapportée ni d’un usage prohibé par les lois et règlements, ni d’un abus, ni d’un trouble anormal causé au voisinage. Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. et Mme X de ce chef de prétentions.

Sur l’indemnisation d’un préjudice matériel, cette demande qui tend à obtenir le remboursement des frais

exposés par M. et Mme X pour le remboursement des frais de nettoyage de leur terrain, est fondée sur l’article 1240 du code civil. En application de ces dispositions, l’indemnisation d’un préjudice est conditionnée par l’existence d’une faute qui en est la cause dont en l’espèce la preuve n’est pas rapportée. Le jugement est donc confirmé.

Au titre du dommage moral, outre la hauteur des arbres et la chute de leurs feuilles qui ne peut donner lieu à l’indemnisation d’aucun préjudice pour les motifs développés précédemment, les appelants invoquent le fait d’une part pour Mme Z d’insulter M. X et d’avoir joué 'une scène digne du théâtre’ pour l’empêcher en hurlant de manoeuvrer sur le chemin rural avec sa tondeuse auto-tractée, d’autre part pour M. Z d’être venu sonner et frapper violemment à leur porte à 2 heures du matin, les obligeant à appeler les gendarmes.

Le comportement fautif reproché Mme Z n’est en rien démontré et les insultes alléguées ne ressortent d’aucune pièce du dossier. Par ailleurs, les déclarations de M. X sur la 'scène’ de la tondeuse, notamment dans la main courante du 16 novembre 2015, n’ont à elles seules aucune valeur probante. Il résulte en revanche du témoignage de Mme M-N B qu’elle s’est déroulée alors que M. X venait déverser un tas de feuilles devant le portail des intimés, que Mme Z lui a demandé poliment d’arrêter, qu’elle s’est postée devant le 'tracteur’ avec les mains sur le capot, que l’appelant a continué à avancer au risque de la renverser , qu’ensuite lorsqu’il manoeuvrait en arrière pour vider le panier, elle s’est mise à l’arrière pour l’en empêcher en vain, et qu’elle a dû sauter de côté pour l’éviter. Aucun élément tangible n’est de nature à remettre en cause l’objectivité de Mme B qui est voisine des deux parties et le fait que cette scène se soit déroulée avec une tondeuse auto-tractée plutôt qu’un tracteur, est sans la moindre incidence sur sa pertinence. S’agissant de M. Z, il ressort des déclarations des parties (pièce n° 3 des appelants et pièce n°7 des intimés) concordantes sur ce point, qu’une nuit au mois d’octobre 2015, il a déposé devant l’entrée des appelants les feuilles que M. X avait déversé la veille devant chez lui et frappé à leur porte. Il n’est en revanche en rien démontré que ce comportement ponctuel a causé un préjudice moral quelconque à ses voisins, et ce d’autant moins que dès le lendemain, M. X déposait à nouveau lesdites feuilles devant la propriété de M. et Mme Z.

En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a débouté M. et Mme X de leur demande d’indemnisation d’un préjudice moral. Le jugement est confirmé.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour préjudice moral

L’ancien article 1382 du code civil (devenu 1240) dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. La responsabilité délictuelle d’une personne est ainsi subordonnée à trois conditions cumulatives, respectivement une faute de celle-ci, un préjudice et un lien de causalité entre les deux premières conditions.

Il résulte des pièces du dossier et des débats que le chien dont M. et Mme Z sont propriétaires, aboie lorsqu’une personne se trouve aux abords de leur propriété. Il est également établi, qu’en réaction à ces aboiements, M. X a installé un avertisseur sonore qui a émis initialement une sirène de chantier à laquelle a succédé un message enjoignant de ramasser des feuilles, puis des injures et grossièretés. La légitimité d’un tel dispositif n’est en rien démontrée. Les aboiements de l’animal, dont la fréquence et l’intensité alléguées ne sont pas établies par les attestations des appelants émanant de personnes de passage, restent un phénomène naturel, surtout en milieu rural, n’ayant nullement pour objet de nuire à autrui. En revanche, les invectives, grossièretés et injures dispensées à répétition et pendant des mois et même des années par le dispositif de M. X ont nécessairement pour dessein d’affecter et de blesser délibérément ceux à l’égard desquels ils sont destinés. Il est à cet égard inopérant de faire valoir que les messages injurieux étaient réservés au chien alors d’une part que les termes employés ne permettent en rien de le déduire et d’autre part que ces messages ne peuvent être destinés qu’à ceux qui sont en mesure de les comprendre, en l’occurrence les maîtres de l’animal. Il est en outre relevé que les témoignages des autres voisins (pièces n°2, n°5, n°14 des intimés) ne contiennent aucune doléance ou plainte à l’encontre du chien, notamment du fait de ses aboiements alors qu’ils dénoncent les messages sonores de M. X émis à n’importe quel moment de

la journée de manière récurrente. La mise en place de ce dispositif, le contenu de ses messages, son utilisation durable, sont constitutifs d’une faute au sens de l’article 1382 du code civil.

Il est également établi qu’à plusieurs reprise, M. X a déversé des feuilles mortes devant le portail de ses voisins (pièces n°2, n°3, n°5 des intimés) et ce indépendamment de l’intervention de Mme Z pour l’en empêcher. Ce comportement qui a pour objet de les gêner délibérément et de manière répétée est également constitutif d’une faute et ce d’autant qu’il a largement attisé le climat délétère entre les parties auxquels certains écrits de M. X, en particulier sa lettre du 5 mai 2013 (pièce n°9 des intimés) ou encore ses appels téléphoniques aux enfants de M. et Mme Z (pièce n°4 des intimés) ont également contribué.

Les agissements fautifs de M. X ont causé à M. et Mme Z un préjudice. Il résulte notamment du certificat médical du Dr K-L du 19 septembre 2017 que Mme Z présente des troubles (insomnie, anxiété, crise de pleurs) entrant dans le cadre d’une dépression réactionnelle à des problèmes de voisinage, l’incapacité totale de travail a été évaluée à 6 jours et le traitement a été prescrit pour trois mois. Le fait que ce certificat a été délivré après l’assignation des appelants n’est pas susceptible à lui seul, de remettre en cause la réalité des constatations et du diagnostic du médecin. Au regard des éléments dont dispose la cour, il apparaît que le premier juge a exactement apprécié à la somme de 1.000 euros le préjudice subi par les intimés. Le jugement est donc confirmé sur le principe comme sur le montant des dommages et intérêts qui leur ont été alloués.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l’encontre de M. et Mme X une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit d’ester en justice. Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. et Mme Z de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais irrépétibles sont confirmées.

M. et Mme X, partie perdante, sont condamnés aux dépens d’appel. Pour des raisons d’équité, ils sont également condamnés à payer à M. et Mme Z la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et déboutés de leur demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. C X et Mme D E épouse X à payer à M. F Z et Mme H J épouse Z la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. C X et Mme D E épouse X de leur demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. C X et Mme D E épouse X aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, présidente de chambre à la cour d’appel de Metz et par Madame GUIMARAES, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Metz, 3ème chambre, 28 janvier 2021, n° 19/01405