Cour d'appel de Nancy, 8 octobre 2015, n° 14/00678

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 8 oct. 2015, n° 14/00678
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 14/00678
Décision précédente : Tribunal d'instance de Nancy, 17 novembre 2013

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /15 DU 08 OCTOBRE 2015

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/00678

Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d’Instance de NANCY en date du 18 novembre 2013,

APPELANT :

Monsieur A X

né le XXX à XXX

représenté par la SCP MILLOT LOGIER FONTAINE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

SARL EBAY EUROPE agissant poursuite et diligence de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

XXX

représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Juin 2015, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre,

Monsieur Francis MARTIN, Conseiller,

Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller qui a fait le rapport

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Monsieur Y Z ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2015, puis à cette date l’affaire a été prorogée à l’audience du 8 Octobre 2015, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 8 Octobre 2015, par Monsieur Y Z, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre et par Monsieur Y Z, greffier ;


Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à


FAITS ET PROCEDURE

Le 31 juillet 2012, M. X a saisi le juge de proximité de Nancy aux fins d’obtenir la condamnation de la SARL eBay Europe à lui verser la somme de 2.500 euros de dommages et intérêts, à publier le jugement pendant 3 mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à rétablir son compte 'Bejo’ dans le délai de 8 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à lui verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon lui, il a créé un compte sur le site internet eBay en juillet 2011 sous le pseudonyme '2011bejo’ qui a été suspendu temporairement par la société eBay le 7 août 2011 puis définitivement en mars 2012 en l’absence de réception des documents d’identité et de domicile demandés par le site. M. X a précisé avoir ouvert deux autres comptes les 11 et 30 août 2011 qui sont toujours en activité. Il a fondé sa demande de dommages et intérêts sur l’article L.132-1 du code de la consommation et reproché à la société des pratiques commerciales agressives.

La SARL eBay Europe s’est opposée aux demandes et a sollicité à titre reconventionnel, des dommages et intérêts pour violation des conditions d’utilisation du site et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 novembre 2013, le juge a débouté M. X de la totalité de ses demandes, la SARL eBay Europe de sa demande de dommages et intérêts et les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamnant M. X aux dépens.

Il a considéré que M. X avait accepté les conditions du règlement de la plate-forme de vente qui prévoient notamment la possibilité pour le site de demander la preuve des informations personnelles. Le juge a dit que M. X avait refusé de fournir les éléments d’identification demandés et que la SARL eBay Europe avait régulièrement clôturé le compte conformément aux conditions du règlement acceptées par le demandeur. Il a considéré que la clause visée n’était pas abusive et a rejeté les demandes de M. X. Sur la demande de dommages et intérêts, il a relevé que si le règlement interdit d’ouvrir plusieurs comptes pour le même internaute, la société n’avait pas mis en place les moyens nécessaires au respect de cette condition et a rejeté la demande de la SARL eBay Europe.

M. X a régulièrement interjeté appel de cette décision et conclut à l’infirmation du jugement. Il sollicite :

— qu’il soit dit qu’il a été victime d’une rupture unilatérale, brutale et abusive du contrat le liant à la SARL eBay Europe,

— qu’il soit dit que la SARL eBay Europe a manqué à son devoir d’information, de diligences et de transparence à son égard,

— que les clauses générales d’utilisation du site permettant à la SARL eBay Europe de suspendre et limiter le compte sans mise en demeure soient déclarer nulles comme potestatives,

— qu’il soit dit qu’il a été victime d’une politique commerciale agressive au sens de l’article L.122-11

— la condamnation de la SARL eBay Europe à lui verser 10.000 euros de préjudice matériel pour la période allant du 7 août 2011 au prononcé de l’arrêt

— la condamnation de la SARL eBay Europe à lui verser 10.000 euros pour son préjudice moral pour la suspension arbitraire de son compte et la dénonciation aux tiers de cette suspension sous la rubrique 'enchérisseur suspect',

— qu’il soit dit que la SARL eBay Europe devra rétablir le compte 2011bejo sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans les 8 jours de la signification de l’arrêt

— subsidiairement qu’il lui soit donné acte de ce qu’il se réserve de chiffrer son préjudice futur en cas de non rétablissement du compte

— le rejet de l’appel incident

— la condamnation de la SARL eBay Europe à lui verser 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Sur la recevabilité de ses demandes, M. X considère que les demandes formées à hauteur d’appel ne sont pas nouvelles puisqu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.

Sur le fond, il soutient que la SARL eBay Europe a résilié le contrat de façon discrétionnaire et fautive alors qu’il n’avait commis aucune faute d’une gravité telle qu’elle devait entraîner la résiliation du contrat, que les conditions d’utilisation du site ne déterminent pas de façon claire les manquements devant être sanctionnés par une clause résolutoire et qu’il n’y a pas eu de mise en demeure préalable. Il ajoute que l’intimée ne précise pas quel aurait été le manquement aux conditions générales du site et se contente de généralités sur son pouvoir d’appréciation du comportement des utilisateurs. Il précise que son identité et son adresse ont toujours été connues de la SARL eBay Europe, qu’il y a manifestement eu une confusion avec un autre utilisateur du site et qu’il ne pouvait satisfaire les demandes de l’intimée pour parvenir au rétablissement du compte puisqu’elles étaient en décalage avec la réalité. Il en déduit avoir été victime d’un abus de rupture contractuelle.

L’appelant fait encore valoir que la mobilisation des conditions générales du site était constitutive de la mise en oeuvre d’un déséquilibre significatif entre les droits des parties au contrat au sens de l’article L.132-1 du code de la consommation. Il soutient que le fait qu’EBay se réserve le droit de rompre les relations contractuelles sans motif ni préavis constitue une clause abusive et un droit potestatif. Il ajoute que son préjudice doit être évalué au moment de la conclusion du contrat et qu’il importe peu que le site ait modifié ses conditions générales depuis. M. X expose également avoir été victime de pratiques commerciales agressives pour avoir reçu des mails l’invitant à enchérir sur des objets alors qu’il ne pouvait plus avoir accès à son compte.

Sur son préjudice, il soutient n’avoir pu réaliser l’achat d’une commode pour le prix de 350 euros alors qu’il avait remporté l’enchère, du fait de la suspension de son compte. Il estime son préjudice matériel pour cet achat et ceux qu’il n’a pu réaliser à 10.000 euros. Il ajoute avoir subi un préjudice moral puisque sa crédibilité et sa réputation ont été ternies, l’évaluant à la même somme de 10.000 euros. Il sollicite encore la réouverture du compte sous astreinte.

Sur l’appel incident, M. X considère que le caractère non écrit de la clause figurant en page 2 des conditions d’utilisation du site empêche de considérer comme étant une infraction l’ouverture de plusieurs comptes, s’opposant ainsi à la demande de dommages et intérêts.

La SARL eBay Europe conclut à la confirmation du jugement de première instance en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes et sur appel incident, sollicite :

— que soient déclarées irrecevables les demandes nouvelles formées par M. X devant la cour et qui ne se rattachent pas aux demandes de première instance par un lien suffisant,

— à titre subsidiaire, qu’il soit constaté que la clause lui permettant de prononcer des sanctions pour non respect de ses conditions générales d’utilisation n’est pas abusive et qu’en tout état de cause, elle n’est plus en ligne sur le site,

— qu’il soit constaté que M. X n’est pas victime de pratiques commerciales agressives,

— qu’il soit constaté que M. X utilise eBay en violation des conditions d’utilisation et le condamner à lui verser 1 euro de dommages et intérêts,

— la condamnation de M. X à lui verser 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles de l’appelant, la SARL eBay Europe expose que la demande visant à déclarer nulles comme potestatives les clauses générales d’utilisation donnant prérogative à eBay de suspendre et de limiter le compte sans mise en demeure, est une demande nouvelle qui ne peut être rattachée à la demande de première instance puisqu’elle ne vise même plus la clause soumise au premier juge.

Sur le fond, l’intimée fait valoir que la clause critiquée par M. X n’est plus en ligne pour avoir été modifiée en janvier 2012, soit avant l’introduction de la procédure et qu’elle n’est pas abusive. Elle ajoute qu’il n’y a pas eu de rupture brutale du contrat mais une suspension du compte internet après plusieurs rappels face au refus de M. X de donner des informations sur son identité nécessaires à la sécurité du site et qu’il est à l’origine de la suspension du contrat. Elle soutient que l’article R.132-1 alinéa 4 ne peut s’appliquer puisque le fait de demander des éléments sur l’identité de l’internaute n’a pas pour objet de permettre au site de s’exonérer de sa responsabilité au titre de sa prestation et ne lui confère pas le pouvoir de statuer sur la conformité de ses propres prestations. De la même manière, elle considère que cette clause n’est pas à l’origine d’un déséquilibre significatif entre les parties.

L’intimée considère que M. X ne justifie pas de pratiques commerciales agressives alors qu’il a continué d’utiliser le site et d’acheter des objets par le biais d’autres comptes ouverts sur le site et que les offres d’enchères reçues ne peuvent constituer une pratique agressive telle que définie par l’article L.122-11 du code de la consommation.

Sur le préjudice, la SARL EBay Europe fait valoir qu’il n’est pas justifié d’un préjudice réel pour un achat non finalisé et qu’il ne peut s’agir que d’une perte de chance de conclure un achat, les dommages et intérêts devant nécessairement être limités à ce titre. Elle ajoute qu’il n’y a aucun préjudice moral alors que M. X n’avait ouvert son compte que depuis moins d’un mois et qu’il a continué à acheter sur le site par le biais de deux autres comptes.

Sur la demande de dommages et intérêts, l’intimée expose que M. X a commis une faute en continuant d’utiliser son site alors que son compte était suspendu, et ce en violation des conditions générales du site qu’il avaient acceptées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Vu les écritures déposées le 17 décembre 2014 par M. X et le 5 novembre 2014 par la SARL EBay Europe, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 21 janvier 2015 ;

Sur la nullité des conditions générales du site internet

Attendu que selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ; qu’en application de l’article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si le fondement juridique est différent ;

Attendu qu’en première instance, M. X fondait sa demande de versement de dommages et intérêts sur l’article L.132-1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives et l’article L.122-11 du même code relatif aux pratiques commerciales agressives ; qu’il sollicitait notamment dans son acte introductif d’instance et ses conclusions devant le premier juge 'que soit déclarée abusive et non écrite la clause sans exclure d’autres voies de recours EBay se réserve le droit de limiter, suspendre ou mettre fin à ses services et à des comptes d’utilisateur, d’interdire l’accès à son site web, de retarder la visibilité de contenu hébergé au sein des résultats de notre moteur de recherche ou de le supprimer et de prendre des mesures techniques et légales pour empêcher des utilisateurs d’accéder à ses sites, si elle estime que leurs agissements sont source de problèmes en portant atteinte à la sécurité de la plate-forme ou des autres utilisateurs, qu’ils peuvent engager la responsabilité d’une partie ou sont en contradiction avec nos règlements’ et en conséquence sollicitait le versement de dommages et intérêts ;

Qu’à hauteur de cour, M. X sollicite 'que soient déclarées nulles comme étant potestatives des clauses générales d’utilisation donnant prérogative à eBay de suspendre et limiter le compte sans mise en demeure pour des motifs non définis de façon licite aux dites conditions’ ;

Que cette demande tend aux mêmes fins que la demande originaire puisqu’elle vise à faire reconnaître le caractère illicite de la clause des conditions générales du site eBay permettant à celui-ci de suspendre unilatéralement et sans préavis le compte d’un utilisateur, afin d’obtenir le versement de dommages et intérêts ; qu’il s’ensuit que cette demande n’est pas nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile et doit être déclarée recevable ;

Que sur la nullité, il est constaté à la lecture des conclusions d’appel de M. X que s’il ne reprend plus in extenso la clause dont il demande l’annulation, il limite sa demande de nullité à la clause donnant prérogative à eBay de suspendre et limiter le compte sans mise en demeure pour des motifs non définis de façon licite aux dites conditions, sans demander la nullité de la totalité des conditions générales d’utilisation du site ;

Attendu que le site internet eBay est un support en ligne permettant à des professionnels ou des particuliers de vendre ou acheter en ligne des biens ou services, la société eBay n’étant ni vendeur ni acheteur mais un intermédiaire technique de la transaction dont l’intervention se limite à héberger les annonces ; que pour pouvoir accéder au site, M. X a adhéré au service d’eBay en approuvant sans réserve les conditions d’utilisation en vigueur au moment de son adhésion soit juillet 2011 ;

Que s’agissant d’un contrat d’adhésion, les conditions sont édictées par celui qui offre le service gratuit pour l’utilisateur, lequel avait le choix d’adhérer en souscrivant le contrat ou de ne pas adhérer en refusant les conditions du site ;

Que la clause selon laquelle 'sans exclure d’autres voies de recours EBay se réserve le droit de limiter, suspendre ou mettre fin à ses services et à des comptes d’utilisateur, d’interdire l’accès à son site web, de retarder la visibilité de contenu hébergé au sein des résultats de notre moteur de recherche ou de le supprimer et de prendre des mesures techniques et légales pour empêcher des utilisateurs d’accéder à ses sites, si elle estime que leurs agissements sont source de problèmes en portant atteinte à la sécurité de la plate-forme ou des autres utilisateurs, qu’ils peuvent engager la responsabilité d’une partie ou sont en contradiction avec nos règlements’ doit s’analyser comme une clause de résiliation permettant au site de mettre fin à ses obligations; que cette clause n’est soumise à aucune condition potestative au sens de l’article 1170 du code civil puisque la suspension du compte d’un utilisateur n’est pas soumise à la décision discrétionnaire du site mais est prononcée si les agissements de l’utilisateur portent atteinte à la sécurité du site ou sont en contradiction avec les règlements, éléments objectifs ne dépendant pas du seul pouvoir d’eBay ;

Qu’en outre il n’est pas contesté que les conditions générales du site évoluent régulièrement et que la version modifiée en janvier 2012 de la clause litigieuse est ainsi rédigée 'en cas de contestation par eBay de la violation par un utilisateur des dispositions légales en vigueur, des droits des tiers, des présentes conditions et/ou règlements ci-après mentionnés, eBay après notification infructueuse à l’utilisateur de se conformer aux présentes conditions se réserve le droit de prendre le cas échéant une ou plusieurs des sanctions suivantes’ ; que M. X étant toujours utilisateur du site avec deux comptes ouverts en août 2011, il reste soumis à cette version de la clause de résiliation dont il ne critique pas la validité ;

Qu’eu égard à l’ensemble de ces éléments, l’appelant doit être débouté de sa demande de nullité de la clause de résiliation figurant aux conditions générales d’utilisation du site ;

Sur les pratiques commerciales agressives

Attendu que selon l’article L.122-11 du code de la consommation, une pratique commerciale est agressive lorsque, du fait de sollicitations répétées et insistantes, elle altère de manière significative la liberté de choix d’un consommateur, elle vicie son consentement ou entrave l’exercice de ses droits contractuels ;

Qu’en l’espèce, si M. X verse aux débats 4 mails l’invitant à surenchérir sur la vente de certains objets les 7 août, 8 août et 10 août 2011 alors que son compte avait été suspendu le 7 août 2011 par le site, ces quelques envois ne peuvent être considérés comme des sollicitations répétées et insistantes ; qu’en outre, il ne produit aucune pièce démontrant l’altération de sa liberté de choix, un vice du consentement ou une entrave dans l’exercice de ses droits contractuels ; que dès lors il est considéré que la SARL eBay Europe n’a exercé à l’encontre de M. X aucune pratique commerciale agressive ;

Sur la demande de dommages et intérêts

Attendu qu’il est constant que lors de la suspension du compte '2011bejo’ de M. X, la clause résolutoire en vigueur était la suivante : 'sans exclure d’autres voies de recours EBay se réserve le droit de limiter, suspendre ou mettre fin à ses services et à des comptes d’utilisateur, d’interdire l’accès à son site web, de retarder la visibilité de contenu hébergé au sein des résultats de notre moteur de recherche ou de le supprimer et de prendre des mesures techniques et légales pour empêcher des utilisateurs d’accéder à ses sites, si elle estime que leurs agissements sont source de problèmes en portant atteinte à la sécurité de la plate-forme ou des autres utilisateurs, qu’ils peuvent engager la responsabilité d’une partie ou sont en contradiction avec nos règlements’ ;

Que M. X s’estime victime d’une suspension unilatérale de son compte d’utilisateur dès le 7 août 2011 sans motif valable ni préavis ;

Que la SARL eBay Europe soutient avoir fait usage de la clause résolutoire en suspendant le compte de M. X en raison de l’absence de réponse de la part de l’utilisateur aux demandes d’envoi de documents d’identité et de domicile ; que cependant, il est constaté que le compte '2011bejo’ a été provisoirement suspendu dès le 7 août 2011 soit en même temps que la demande de documents formée par le site ; qu’en empêchant M. X d’accéder à son compte dès cette date, eBay a entendu mettre en oeuvre immédiatement la clause résolutoire prévoyant la suspension du compte et n’a pas comme elle le prétend, suspendu le compte en raison de l’absence de réponse de l’utilisateur ; qu’il appartient à la société eBay d’établir par des pièces que les agissements de M. X ont porté atteinte à la sécurité de la plate-forme ou des utilisateurs ou qu’ils ont engagé la responsabilité d’une partie ou ont été en contradiction avec les règlements du site avant le 7 août 2011 ; qu’il est constaté que l’intimée ne produit aux débats que les conditions d’utilisation de l’accès à ses services en vigueur en 2011 et ne verse aux débats aucun des six règlements listés dans 'autres conditions’ et notamment ni le règlement pour les acheteurs ni celui relatif aux coordonnées des membres ; que la société EBay ne produit aucune pièce démontrant l’existence d’agissements de la part de M. X qui porteraient atteinte à la sécurité du site ou qui seraient en contradiction avec les règlements qui ne sont pas versés aux débats ; qu’en conséquence la résiliation du contrat par la SARL EBay Europe ne peut être considérée comme l’application de la clause résolutoire alors que le manquement à une des obligations définies par la clause n’est pas établie ;

Que pour le reste, si dans le cadre d’une convention à durée indéterminée, chaque partie peut résilier unilatéralement le contrat, cette résiliation doit intervenir après un préavis raisonnable ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que la SARL EBay Europe n’a pas avisé M. X de son intention de suspendre son compte en lui laissant un délai même court pour préserver ses intérêts ou se conformer à la demande de renseignements d’EBay ; qu’en suspendant le compte de M. X le 7 août 2011 sans l’en aviser, la SARL EBay Europe a commis un abus de son droit de résiliation et M. X est en droit d’obtenir des dommages et intérêts pour les préjudices subis ;

Que sur le préjudice matériel, il consiste en une perte de chance d’avoir pu réaliser un achat ; que M. X justifie avoir emporté une enchère de 350 euros sur la vente d’une table bouillote juste avant la suspension de son compte ; que la perte de chance d’acquérir ce bien peut être évaluée à 300 euros ; que pour le reste, il n’est justifié d’aucun autre préjudice matériel alors que le maintien de la suspension provisoire du compte de M. X était en majeure partie imputable à son propre comportement et au fait qu’il a refusé de transmettre à la SARL EBay Europe une copie de sa carte d’identité et un justificatif de domicile ; qu’en outre, il n’est pas contesté qu’il a très rapidement ouvert d’autres comptes sur le site eBay (quatre jours) ce qui lui a permis de finaliser des achats sans difficulté ; qu’il est alloué à l’appelant la somme de 300 euros au titre du préjudice matériel ; que le jugement est infirmé ;

Que sur le préjudice moral, M. X produit des mails de deux vendeurs (pièces 28 et 31) qui n’ont pu finaliser une vente avec lui du fait de la suspension de son compte ; qu’à la lecture de ces mails il apparaît que la crédibilité et la réputation de l’appelant n’ont pas été mises en cause par le site, le premier mail indiquant que la société EBay 'déconseille fortement de finaliser une transaction avec un membre suspendu’ et le second 'qu’EBay déconseille de faire la transaction en dehors du site’ ; que les mails des vendeurs sont courtois et sans défiance vis-à-vis de M. X qui ne démontre aucun préjudice moral ; qu’il est dès lors débouté de sa demande de dommages et intérêtspour préjudice moral ;

Sur le rétablissement du compte

Attendu que la demande de rétablissement du compte constitue une exécution forcée du contrat ; que cette demande doit être rejetée puisque le contrat a été résilié et que nul ne peut contraindre un tiers à contracter ; que le jugement est confirmé ;

Sur la publication du jugement

Attendu qu’il est constaté que cette demande n’a pas été reprise à hauteur d’appel dans le dispositif des conclusions de l’appelant ; qu’en conséquence le jugement ayant rejeté cette demande doit être confirmé ;

Sur la violation des conditions d’utilisation du site

Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’en adhérant au site EBay, M. X a approuvé sans réserve les conditions d’utilisation en vigueur au moment de son adhésion soit juillet 2011; qu’à la lecture des conditions d’utilisation de la plate-forme Enchères & Achat immédiat en vigueur au moment où il a adhéré au site (pièce 1 de l’intimée), M. X s’est engagé à ne pas utiliser les sites et services d’EBay si son compte a été suspendu de façon temporaire ou pour une durée indéterminée ; qu’il est constaté qu’après la suspension de son compte le 7 août 2011, il a ouvert deux autres comptes d’utilisateur avec lesquels il a réalisé des achats à compter du 17 septembre 2011 ; que si ces comptes ont permis à M. X d’utiliser le site d’EBay alors que son premier compte avait été suspendu, l’intimée ne justifie d’aucun préjudice alors qu’elle était en capacité de suspendre immédiatement ces nouveaux comptes ouverts en violation de ses propres conditions d’utilisation et qu’elle a laissé M. X réaliser des transactions ;

Qu’en conséquence, elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts et le jugement confirmé ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Attendu que la SARL eBay Europe, partie perdante, devra supporter les dépens et qu’il est équitable qu’elle soit condamnée à verser à M. X la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; qu’il convient en outre de débouter la SARL eBay Europe de sa propre demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME partiellement le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes de publication du jugement sous astreinte et de rétablissement du compte '2011bejo’ sous astreinte, débouté la SARL eBay Europe de sa demande de dommages et intérêts en violation des conditions d’utilisation et les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SARL eBay Europe à verser à M. X la somme de trois cents euros (300 €) de dommages et intérêts pour le préjudice matériel ;

Y ajoutant,

DECLARE recevable la demande de nullité de la clause des conditions générales d’utilisation du site permettant à la SARL eBay Europe de suspendre et limiter le compte sans mise en demeure ;

DEBOUTE M. X de sa demande de nullité de la clause des conditions générales d’utilisation du site permettant à la SARL eBay Europe de suspendre et limiter le compte sans mise en demeure ;

DIT que M. X n’a pas été victime d’une politique commerciale agressive ;

DEBOUTE M. X de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

CONDAMNE la SARL eBay Europe à verser à M. X la somme de cinq cents euros (500 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SARL eBay Europe de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL eBay Europe aux entiers dépens et autorise la SCP Millot-Logier-Fontaine à faire application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur Y Z, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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