Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 19 mars 2010, n° 08/09311

  • Fait distinct des actes de contrefaçon·
  • Usage commercial antérieur·
  • Site en langue étrangère·
  • Accessibilité en France·
  • Substitution du produit·
  • Désignation nécessaire·
  • Contrefaçon de marque·
  • Désignation générique·
  • Validité de la marque·
  • Caractère distinctif

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Bien qu’évocateur d’un produit sensé renforcer la vision, le signe VISIOTONIC n’est pas pour autant la désignation nécessaire, générique ou usuelle d’un complément alimentaire ayant cette propriété ni celle d’une caractéristique des produit désignés au dépôt. La marque est donc valable. À la date du dépôt de la marque, la société poursuivie commercialisait déjà auprès du public un complément alimentaire sous cette dénomination. Renonçant toutefois à invoquer ses droits antérieurs, c’est en vain qu’elle tente d’opposer la coexistence des signes en présence pour prétendre à l’absence de risque de confusion. L’appréciation de ce dernier est fondée sur l’impression d’ensemble produite par les signes. En effet, la dénomination Visiotonic, élément dominant de la marque est reprise à l’identique dans le signe contesté. La contrefaçon est ainsi réalisée. Ne constitue pas une substitution de produits au sens de l’article L. 716-1 du CPI, le fait de fournir des produits Vision en exécution des commandes de produits Visiotonic. En effet, tirant les conséquences de l’action en contrefaçon engagée à son encontre, la société poursuivie a procédé au changement de dénomination sous laquelle le même produit est commercialisé.

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Sur la décision

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 19 MARS 2010

Pôle 5 – Chambre 2

(n° 73, 09 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 08/09311

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2008 Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 06/11137

APPELANTE S.A.S. LABORATOIRES MAURICE MESSEGUÉ représentée par son Président ayant son siège Zone Industrielle 32500 FLEURANCE représentée par la SCP BASKAL – CHALUT-NATAL, avoués à la Cour aKMartine KARSENTY-RICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R156 plaidant pour le cabinet J.P. KARSENTY & associés

S.R.L. LABORATOIRES MAURICE MESSEGUÉ société de droit italien prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège Via Cavour 33C/D 25089 VILLANUOVA SULCLISI (BS ) ITALIE

INTIMÉE Société LABORATOIRE LESCUYER plaidant pour la SCP HOLLIER-LAROUSSE & associés, toque : P 362 COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 12 Février 2010, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Alain GIRARDET, Président Madame Sophie DARBOIS, Conseillère Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseillère

Greffier, loBbats : Mademoiselle Christelle BLAQUIERES

ARRÊT : – contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Alain GBprésident et par Mademoiselle Christelle BLAQUIERES, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La société Laboratoire Lescuyer, qui exerce son activité dans le domaine de la micro-nutrition, fabrique et commercialise des compléments alimentaires.

Elle est titulaire de la marque semi-figurative VISIOTONIC n° 96 644 604, déposée le 2 octobre 1996 et renouvelée le 24 août 2006 pour désigner, notamment, les

'produits pharmaceutiques, à savoir, compléments alimentaires à usage médical, substances diététiques à usage médical' sous laquelle elle commercialise un complément alimentaire apportant les nutriments indispensables au confort visuel. Ayant appris que la société Laboratoires Maurice Méssegué proposait à la vente des compléments alimentaires de même nature et ayant la même propriété sous le signe VISIOTONIC, la société Laboratoire Lescuyer a fait procéder les 14 juin et 18 juillet 2006, à des constats d’achat dans des boutiques situées à Paris, 5e arrondissement, et Ruffec et, après y avoir été autorisée par ordonnance rendue le 22 juin 2006 par le président du tribunal de grande instance d’Auch, a fait pratiquer une saisie-contrefaçon au siège de la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS avant d’assigner cette dernière, par acte du 24 juillet 2006, devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de sa marque et concurrence déloyale.

Elle a par ailleurs découvert que la société de droit italien Laboratoires Maurice Méssegué SrL proposait à la vente sur son site Internet «www.maurice.messague.it» des capsules 'VISIOTONIC’ qu’elle livrait en France, ce qu’elle a fait constater les 21 décembre 2006 et 18 janvier 2007 avant d’assigner cette société devant le même tribunal par acte du 22 mars 2007.

Par jugement contradictoire rendu le 16 avril 2008, la troisième chambre, troisième section, du tribunal de grande instance de Paris a :

— dit que le dépôt de la marque VISIOTONIC par la société Laboratoire Lescuyer n’est pas frauduleux,

— déclaré la marque VISIOTONIC n° 96 644 604 valable ,

— dit qu’en fabriquant et commercialisant un complément alimentaire sous le signe 'VISIOTONIC’ la société française Laboratoires Maurice Méssegué a commis des actes de contrefaçon par imitation,

— dit qu’en livrant un produit VISION alors qu’un produit VISIOTONIC avait été commandé, la société française Laboratoires Maurice Méssegué a commis une substitution de produit répréhensible,

— interdit à la société française Laboratoires Maurice Méssegué l’usage, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, de la marque 'VISIOTONIC’ et ce sous astreinte provisoire de 150 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du délai d’un mois suivant la signification du jugement,

— dit que la société Laboratoires Maurice Méssegué devra faire procéder devant l’Huissier à la destruction de tous les produits ainsi que les documents publicitaires et commerciaux comportant la marque 'VISIOTONIC’ et ce sous astreinte provisoire de 150 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du délai d’un mois suivant la signification du jugement,

— condamné la société française Laboratoires Maurice Méssegué à payer à la société Laboratoire Lescuyer la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon,


-rejeté les autres demandes,

— ordonné l’exécution provisoire,

— condamné la société française Laboratoires Maurice Méssegué aux dépens ainsi qu’à payer à la société Laboratoire Lescuyer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Laboratoires Maurice Méssegué SAS a relevé appel de cette décision le 13 mai 2008 à l’encontre de la société Laboratoire Lescuyer qui, par acte du 12 mars 2009, a fait assigner la société Laboratoires Maurice Méssegué SrL aux fins d’appel incident et provoqué.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 16 décembre 2009, les sociétés Laboratoires Maurice Méssegué demandent à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne la mise hors de cause de la société Laboratoires Maurice Méssegué SrL et en ce qu’il a débouté la société Laboratoire Lescuyer de ses demandes au titre de la concurrence déloyale,

— déclarer nul le constat dressé par Me BERGIN le 18 janvier 2007,

— infirmer le jugement en ce qui concerne la contrefaçon de marque et la substitution de produit,

— dire que la marque 'VISIOTONIC’ est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article L. 711-2 b du code de la propriété intellectuelle et prononcer la nullité de la marque n° 96 644604,

— dire que la société française Laboratoires Maurice Méssegué n’a commis aucun acte de contrefaçon ni de substitution de produits,

— ordonner la restitution de la somme de 100.000 euros par la société Laboratoire Lescuyer à la société française Laboratoires Maurice Méssegué à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,

— débouter la société Laboratoire Lescuyer de l’intégralité de ses demandes,

— condamner la société Laboratoire Lescuyer à verser à la société française Laboratoires Maurice Méssegué la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamner la société Laboratoire Lescuyer au paiement de la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

La société Laboratoire Lescuyer, intimée, demande à la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2009, de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société française Laboratoires Maurice Méssegué pour contrefaçon et prononcé des mesures d’interdiction et de destruction,

— l’infirmer pour le surplus,

— dire que la société Laboratoires Maurice Méssegué SrL s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon de la marque n° 96 644 604 e t que les deux sociétés Laboratoires Maurice Méssegué se sont rendues coupables d’actes de concurrence déloyale et parasitaire,

— prononcer des mesures d’interdiction à l’encontre de la société Laboratoires Maurice Méssegué SrL,

— condamner la société française Laboratoires Maurice Méssegué à lui verser la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts et la société de droit italien Laboratoires Maurice Méssegué à lui verser celle de 20.000 euros, quitte à parfaire,

— prononcer des mesures de publication d’usage aux frais in solidum des deux sociétés,

— condamner in solidum les sociétés Laboratoires Maurice Méssegué aux entiers dépens, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon et des constats, ainsi qu’à lui verser la somme de 20.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions. SUR CE, LA COUR, Considérant qu’au soutien de son appel, la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS fait grief aux premiers juges de n’avoir pas retenu l’usage qu’elle faisait de la dénomination 'VISIOTONIC’ antérieurement au dépôt par la société Laboratoire Lescuyer de la marque éponyme et communique devant la cour des pièces complémentaires afin d’établir cet usage, régulier dès le mois de janvier 1996 ; qu’elle réitère devant la cour, en le développant, le moyen tiré de la nullité pour défaut de caractère distinctif de la marque opposée et soutient qu’en présence d’une coexistence des signes en cause sans difficulté et sans risque de confusion pendant plus de dix années, les actes de contrefaçon ne sont pas caractérisés et il n’est pas justifié d’un préjudice ; qu’elle conteste en outre la matérialité des actes de substitution de produits qui lui sont reprochés, s’agissant, selon elle, seulement du changement de la dénomination du même produit, effectué en cours d’instance et soulève, à cet égard, le défaut de force probante du constat dressé le 21 décembre 2006 et la nullité du constat du 18 janvier 2007 ;

Que, de son côté, formant appel incident, la société Laboratoire Lescuyer soutient que, dès lors qu’il est possible, à partir de la France, de passer une commande sur le site Internet de la société Laboratoires Maurice Méssegué SrL, cette dernière a commis des actes de contrefaçon en France de la marque VISIOTONIC ; qu’elle

soutient que la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS est irrecevable à invoquer la nullité du procès-verbal de constat, faute de l’avoir fait avant toute défense au fond ; qu’elle incrimine à l’encontre des deux sociétés des actes de concurrence déloyale sans pour autant développer de griefs à ce titre et prétend que son préjudice a été insuffisamment apprécié. Sur l’usage antérieur du signe VISIOTONIC par la société Laboratoires Maurice Méssegué : Considérant que la société Laboratoires Maurice Méssegué ne reprend pas devant la cour le moyen tiré, sur le fondement de l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, du dépôt frauduleux de la marque VISIOTONIC par la société Laboratoire Lescuyer qu’elle avait opposé devant les premiers juges sans toutefois revendiquer la propriété de ladite marque ; qu’elle demande cependant à la cour de constater que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, elle justifie d’un usage, antérieur au dépôt de la marque et non confidentiel, du signe litigieux.

Considérant que bien que l’appelante n’ait expressément sollicité dans le dispositif de ses écritures ni la confirmation ni l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a dit que ce dépôt n’était pas frauduleux, il convient de constater, au vu de ses développements, qu’elle renonce aux prétentions qu’elle avait émises de ce chef ; qu’il y a donc lieu, en infirmant le jugement de ce chef, de constater cette renonciation.

Considérant que, si les pièces afférentes aux analyses expérimentales du produit à compter du mois d’octobre 1994 et aux commandes des conditionnements et étiquettes en janvier et février 1996, internes à l’entreprise, démontrent l’imminence de la commercialisation du produit mais ne peuvent établir un usage connu du public et des entreprises concurrentes du signe en question, l’appelante communique en revanche un guide des tarifs export pour la Suisse de ses produits au 5 février 1996 mentionnant un complément alimentaire sous l’appellation VISIOTONIC, des catalogues et des bons de commande démontrant la commercialisation en France, sans discontinuer depuis le 1er septembre 1996, d’un tel produit sous cette dénomination dans des conditions nullement confidentielles, que ce soit quant à l’étendue de sa diffusion, comme tout autre produit de la gamme de la société Laboratoires Maurice Méssegué, qu’en ce qui concerne les quantités ainsi qu’il ressort des commandes faites auprès de la société Médicaps des 'capsules Myrtille’ qui constituent, contrairement à ce que prétend l’intimée, le produit mis en vente sous la dénomination VISIOTONIC ; qu’en outre, si l’intimée conteste par ailleurs la régularité en la forme, faute de comporter certaines mentions, des attestations des diffuseurs des articles de la société Laboratoires Maurice Méssegué selon lesquelles ils avaient débuté la vente du produit VISIOTONIC au mois de mars 1996, il ressort cependant des factures versées aux débats que ces diffuseurs commercialisaient ledit produit, à tout le moins depuis le début du mois de septembre 1996 ;

Qu’il s’ensuit qu’à la date du dépôt par la société Laboratoire Lescuyer de la marque VISIOTONIC, le 2 octobre 1996, pour désigner notamment des 'produits pharmaceutiques, à savoir, compléments alimentaires à usage médical, substances diététiques à usage médical', la société Laboratoires Maurice Méssegué

commercialisait déjà auprès du public, sous cette appellation, un complément alimentaire ayant des propriétés bénéfiques pour la vision, dans des conditions qui non seulement n’étaient pas isolées, contrairement à ce qu’a relevé le tribunal, mais encore ne pouvaient être ignorées des entreprises intervenant sur le même marché, étant observé qu’il est constant que la société Laboratoire Lescuyer n’a exploité qu’à compter de l’année 2001 la marque déposée le 2 octobre 1996 pour commercialiser un complément alimentaire similaire. Sur la validité de la marque VISIOTONIC n° 96 644 6 04 : Considérant que l’appelante soulève la nullité de la marque précitée pour défaut de distinctivité.

Considérant que le signe VISIOTONIC est un néologisme composé d’un préfixe 'visio’ qui fait référence à la vision et d’un suffixe 'tonic’ qui renvoie à la tonicité ; que si ce néologisme est évocateur d’un produit sensé renforcer la vision, il n’est toutefois pas la désignation nécessaire, générique ou usuelle d’un complément alimentaire ayant cette propriété ni celle d’une caractéristique des produits visés au dépôt de ladite marque ;

Que c’est donc par de justes motifs que le tribunal a rejeté la demande de nullité de la marque VISIOTONIC n° 96 644 604.

Sur les actes de contrefaçon : par la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS : Considérant qu’il convient d’observer à titre liminaire que la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS n’a tiré aucune conséquence de ses droits antérieurs qu’elle a invoqués à juste titre, ainsi qu’il a été relevé ci-avant, que ce soit pour solliciter l’annulation de la marque sur le fondement de l’atteinte qui y aurait été portée ou pour solliciter le transfert à son profit de ladite marque mais qu’elle se contente d’opposer la coexistence des signes en présence pour prétendre à l’absence de tout risque de confusion et, en tout état de cause, à l’absence de préjudice causé à la société Laboratoire Lescuyer.

Considérant que les signes en présence étant différents puisque la marque invoquée est semi-figurative, c’est sur le fondement des dispositions de l’article L. 713-3 b du code de la propriété intellectuelle que doit être appréciée la contrefaçon, ce qui suppose que soit démontrée l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs sur l’origine des produits qu’ils désignent, étant précisé que l’identité de ces derniers n’est pas contestée ;

Que l’appréciation du risque de confusion doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les signes en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants et de leurs similitudes visuelles, auditives et conceptuelles.

Considérant qu’en l’espèce, la dénomination VISIOTONIC est reprise à l’identique ; qu’elle constitue l’élément verbal et dominant de la marque déposée, le graphisme

adopté et la présence de trois étoiles étant secondaires et peu mémorisables par le consommateur concerné ;

Qu’il s’ensuit que le public est susceptible d’attribuer une origine commune aux produits proposés sous ces deux appellations ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu la matérialité des actes de contrefaçon à l’encontre de l’appelante. par la société Laboratoires Maurice Méssegué SrL : Considérant qu’au soutien de ses prétentions de ce chef, la société Laboratoire Lescuyer verse aux débats un procès-verbal de constat (et non pas deux), dressé à sa requête les 21 décembre 2006 et 18 janvier 2007 ainsi qu’un procès-verbal dressé à sa requête le 15 décembre 2006.

Considérant que, dès lors qu’un procès-verbal de constat est un acte probatoire, le moyen de nullité d’un tel constat ne constitue pas une exception de procédure au sens de l’article 73 du code de procédure civile, en sorte que la demande tendant à l’annulation du 'procès-verbal du 18 janvier 2007' formée par les sociétés Laboratoires Maurice Méssegué est recevable, peu important qu’elle ne l’ait pas été avant toute défense au fond.

Considérant qu’il ressort des mentions du procès-verbal daté des 21 décembre 2006 et 18 janvier 2007 que l’huissier instrumentaire, qui a manifestement été saisi de la requête de sa cliente le 21 décembre 2006, a passé, le 16 janvier 2007, la commande d’un produit VISIOTONIC sur le site Internet de la société Laboratoires Maurice Méssegué SrL dont il a reçu la livraison le 18 janvier 2007 et que ce jour-là, il a, en présence du conseil en propriété industrielle de sa cliente, procédé à l’ouverture du colis dont il a décrit le contenu ;

Que la commande ayant été faite par lui auprès d’une personne privée, sans mention de sa qualité et sans y avoir été préalablement autorisé par une décision judiciaire, l’huissier a excédé sa mission de simple constatant ;

Que ce procès-verbal étant entaché d’irrégularité sera donc annulé.

Et considérant qu’il ne ressort pas du procès-verbal de constat dressé le 15 décembre 2006 que le site Internet exploité par la société Laboratoires Maurice Méssegué SrL, accessible à l’adresse «www.maurice.messague.it» et rédigé exclusivement en langue italienne, soit destiné aux consommateurs français ; que, même si l’huissier a constaté la possibilité de s’y connecter depuis la France, son constat n’établit pas que ladite société satisfera elle-même une éventuelle commande passée sur le territoire français.

Considérant, dans ces conditions, qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu que les actes de contrefaçon n’étaient pas caractérisés à l’encontre de la société Laboratoires Maurice Méssegué SrL. Sur les actes de concurrence déloyale :

Considérant que l’intimée ne développe aucun moyen au soutien de son appel incident de la décision qui a rejeté ses demandes formées au titre des actes de concurrence déloyale ; qu’elle avait devant le tribunal invoqué le fait qu’en commercialisant les produits VISIOTONIC, la société Laboratoires Maurice Méssegué avait manifestement cherché à profiter de ses investissements ;

Qu’en retenant que, ce faisant, la société Laboratoire Lescuyer n’avait pas formulé de griefs distincts de celui déjà sanctionné au titre de la contrefaçon, les premiers juges ont à bon droit rejeté ses prétentions. Sur la substitution de produits : Considérant que la société Laboratoire Lescuyer fait valoir qu’ayant passé commande d’un produit 'VISIOTONIC', elle a reçu un produit 'VISION’ ; qu’il y a donc eu substitution de produit au sens de l’article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle.

Considérant que cet article dispose que :

'Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende le fait pour toute personne : (…) d) De sciemment livrer un produit ou fournir un service autre que celui qui est demandé sous une marque enregistrée. (…)'.

Considérant qu’en l’espèce, indépendamment du fait que le procès-verbal de constat des 21 décembre 2006 et 18 janvier 2007, produit au soutien de cette demande, a été annulé, il convient, puisque la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS ne conteste pas fournir des produits 'VISION’ en exécution des commandes de produits 'VISIOTONIC', de relever qu’il ne s’agit pas de substitution de produits au sens de l’article sus énoncé mais d’un simple changement de dénomination sous laquelle le même produit est commercialisé, ladite société ayant tiré les conséquences de l’action en contrefaçon engagée à son encontre sans attendre la décision du tribunal ni en reconnaître les mérites, ainsi qu’il ressort des conclusions qu’elle avait signifiées en première instance le 28 novembre 2006 ;

Qu’il s’ensuit que les actes incriminés à ce titre ne sont pas constitués ;

Qu’il y a donc lieu d’infirmer le jugement de ce chef. Sur les mesures réparatrices : Considérant que, même si la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS a, ainsi qu’il vient d’être vu, justifié en cours d’instance avoir procédé au changement de dénomination du complément alimentaire ayant des propriétés bénéfiques pour la vision, c’est néanmoins à juste titre que le tribunal a prononcé une mesure d’interdiction ;

Qu’en revanche, une telle mesure suffit à prévenir tout risque de renouvellement de l’infraction sans qu’il soit nécessaire d’ordonner, comme l’ont fait les premiers juges, une mesure de destruction.

Considérant qu’il a été constaté qu’avant le dépôt de sa marque par la société Laboratoire Lescuyer, la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS avait lancé la commercialisation d’un complément alimentaire ayant des propriétés en relation avec la vision sous la même dénomination verbale et que cette commercialisation se poursuivait de façon régulière lorsqu’environ cinq ans plus tard, l’intimée a, au mois de janvier 2001, débuté l’exploitation de sa marque en offrant à la vente un produit similaire voire identique ;

Qu’aucune pièce n’établit que la coexistence des deux signes n’a pas été paisible ; que les chiffres fournis par la société Laboratoire Lescuyer, arrêtés sans explication au mois d’avril 2006, soit antérieurement à l’introduction de la procédure, démontrent au contraire une stabilité des ventes du produit qui ont généré pour elle un chiffre d’affaires global pour la période de janvier 2001 à avril 2006 de 578 388 euros, en conditionnement de 60 pilules, et de 58 957 euros, en conditionnements de 120 pilules ;

Qu’il s’ensuit que la société Laboratoire Lescuyer qui a laissé la situation de coexistence se prolonger pendant dix années et, spécialement durant les cinq premières années d’exploitation de sa marque sans agir ne justifie pas d’un préjudice autre que celui résultant de l’atteinte portée à ses droits, laquelle au vu des circonstances de l’espèce sera justement indemnisée par l’allocation de la somme d’un euro ;

Que la décision déférée sera donc infirmée sur le montant des dommages et intérêts accordés à l’intimée.

Considérant, enfin, que les mêmes circonstances de fait conduisent à écarter la demande de publication, le jugement étant, par ces motifs se substituant à ceux des premiers juges, confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes : Considérant que le présent arrêt infirmant la décision exécutée sur les condamnations pécuniaires vaut titre de restitution, ce qui rend la demande de restitution des sommes réglées sans objet, étant rappelé que les intérêts courent à compter de la signification de la présente décision ;

Considérant que les demandes de la société Laboratoire Lescuyer ayant été partiellement accueillies, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, réitérée devant la cour par la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS et sur laquelle les premiers juges ne se sont pas prononcés et de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a condamné cette société aux dépens sauf en ce que les frais de saisie-contrefaçon et de constats ont été inclus dans ces derniers ;

Que l’équité commande toutefois de ne pas prononcer de condamnation au titre des frais irrépétibles de première instance engagés par la société Laboratoire Lescuyer.

Considérant, enfin, que le sens de cet arrêt conduit à laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens d’appel et, par conséquent, à ne pas faire

application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance devant la cour. PAR CES MOTIFS Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a dit que le dépôt de la marque VISIOTONIC par la société Laboratoire Lescuyer n’était pas frauduleux, dit que la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS avait commis une substitution de produit répréhensible, prononcé des mesures de destruction, alloué 100.000 euros de dommages et intérêts, inclus dans les dépens le coût des différents procès- verbaux et prononcé condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Constate que la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS renonce à toute demande au titre du caractère frauduleux du dépôt de la marque VISIOTONIC n° 96 644 604 par la société Laboratoire Lescuyer ;

Déclare les sociétés Laboratoires Maurice Méssegué SAS et Laboratoires Maurice Méssegué SrL recevables en leur demande d’annulation du procès-verbal de constat dressé les 21 décembre 2006 et 18 janvier 2007 ;

Annule ce procès-verbal de constat ;

Rejette la demande formée par la société Laboratoire Lescuyer au titre des actes de substitution de produit ;

Rejette la demande de destruction formée par la société Laboratoire Lescuyer ;

Condamne la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS à payer à la société Laboratoire Lescuyer la somme d’un euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte portée à ses droits sur la marque VISIOTONIC n° 96 644 604 ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Laboratoires Maurice Méssegué SAS ;

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’aLl’instance devant la couL/p>

Rappelle que les frais de saisie-contrefaçon et de constats ne sont pas inclus dans les dépens ;

Déclare la demande de restitution sans objet, le présent arrêt valant titre de restitution ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d’appel.

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