Cour d'appel de Paris, 29 octobre 2014, n° 13/11141

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 29 oct. 2014, n° 13/11141
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/11141
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 1er mai 2013

Texte intégral

C.C.C délivrée aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5-7

ORDONNANCE DU 29 OCTOBRE 2014

(n°34, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/11141, 13/11143, 13/11144, XXX, XXX, XXX, XXX

Décisions déférées :

Ordonnance rendue le 02 mai 2013 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de PARIS

Recours contre les opérations de visite et de saisie en date du 15 mai 2013 dans les locaux et XXX

Nature de la décision : contradictoire

Nous, Dominique PATTE, conseillère à la cour d’appel de PARIS, déléguée par le premier président de ladite cour pour exercer les attributions résultant de l’article L.450-4 du code de commerce.

assistée de A B, greffier lors des débats et du prononcé de la décision,

Avons rendu l’ordonnance suivante :

ENTRE :

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, plaidant par Me Marine NOSSEREAU, de la SCP RENAUDIER avocats au barreau de PARIS, toque : L003

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, plaidant par Me Marine NOSSEREAU, de la SCP RENAUDIER avocats au barreau de PARIS, toque : L003

SOCIÉTÉ FLEURY MICHON TRAITEUR

XXX

XXX

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, plaidant par Me Marine NOSSEREAU, de la SCP RENAUDIER avocats au barreau de PARIS, toque : L003

APPELANTES ET DEMANDERESSES AU RECOURS

ET

MME LA RAPPORTEURE DE L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

XXX

XXX

Représentée par M. Y Z – LUOND en vertu d’un pouvoir spécial en date du 02 septembre 2014.

INTIMÉE ET DÉFENDERESSE AU RECOURS

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC

en la personne de Monsieur Marc BRISSET-FOUCAULT, avocat général,

***

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 10 septembre 2014, les conseils des appelants, le représentant de l’Autorité de la concurrence, et le ministère public

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 15 octobre 2014 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

***

Le 15 octobre 2014, le délibéré a été prorogé au 29 octobre 2014.

***

Par ordonnance du 2 mai 2013, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, saisi sur requête de la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence du 29 avril 2013 déposée le 30 avril 2013, dans le cadre de l’enquête déclenchée le 5 avril 2013 à la suite de la demande de clémence présentée le 2 octobre 2012 par une entreprise des secteurs de l’approvisionnement en jambon et de la fourniture des produits de charcuterie, tendant à vérifier l’existence de pratiques prohibées par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101-1 du TFUE susceptibles d’être relevées dans ces secteurs, l’a autorisée, sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce, à faire procéder à des opérations de visite et saisie afin de rechercher la preuve de telles pratiques dans les locaux de plusieurs sociétés, dont la société XXX, route de la Gare, 85700 Pouzauges-La Meilleraie Tillay et les sociétés du même groupe sises à la même adresse.

Ces opérations se sont déroulées le 15 mai 2013. Elles ont donné lieu à la saisie tant de documents papier et informatiques imprimés (scellés n° 1 à 8) que de fichiers de messageries dans les ordinateurs de MM. Meekel et X, gravés sur DVD-R, (scellé n° 9).

Par déclarations du 24 mai 2013, les sociétés XXX, XXX charcuterie et XXX traiteur ont interjeté appel de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention. Trois dossiers ont été ouverts au nom de chacune des sociétés et un au nom des trois, sous les numéros suivants : 13/11141, 13/11143, 13/11144 et XXX

Par déclarations distinctes du 24 mai 2013, elles ont en outre formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et saisie, enregistrés sous les numéros de dossier suivants : XXX, XXX, le premier au nom des trois sociétés et les trois autres au nom de chacune d’elles.

Par lettre du 16 octobre 2013, l’Autorité de la concurrence a informé les conseils des sociétés qu’après exploitation des fichiers, une sélection des documents utiles à l’enquête a été réalisée, ces éléments étant gravés et inventoriés sur CD-R joint ; elle a également restitué les copies de travail des données numériques saisies le jour des opérations de visite et saisie, les scellés fermés contenant l’ensemble des données saisies étant conservés à titre témoin en cas de contestation.

Les affaires, appelées une première fois à l’audience du 12 février 2014, ont été renvoyées au 10 septembre 2014 à la demande des sociétés XXX, XXX charcuterie et XXX traiteur.

Par conclusions distinctes déposées le 16 juillet 2014, reprises à l’audience, celles-ci nous demandent, sur l’appel, d’annuler l’ordonnance du 2 mai 2013 et d’ordonner la restitution des documents saisis le 15 mai 2013, sur le recours, de prononcer l’annulation de la saisie des messageries électroniques du scellé n° 9 et d’ordonner leur restitution. Elles sollicitent en outre la condamnation de l’Autorité de la concurrence aux entiers dépens et au versement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour chacun des dossiers, appel et recours.

Sur la validité de l’ordonnance, elles invoquent l’absence de contrôle in concreto par le juge des libertés et de la détention du bien-fondé de la requête, résultant, d’une part, du délai extrêmement court écoulé entre son dépôt et l’ordonnance, d’autre part, de ce que les documents joints à cette requête ne comportaient pas d’indices permettant de présumer que Fleury-Michon aurait participé à une entente sur le marché de l’approvisionnement en jambon.

Sur le déroulement des opérations de visite et saisie, les sociétés font en premier lieu valoir que l’inventaire des saisies informatiques dressé le 15 mai 2013 est insuffisant et irrégulier. Elles soutiennent ensuite que les saisies effectuées sont disproportionnées au regard du champ de l’enquête et ne leur permettent pas d’exercer leurs droits de la défense.

Suivant observations des 28 et 26 mai 2014 déposées respectivement le 2 juin 2014 et le 28 mai 2014, reprises à l’audience, la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence sollicite, d’une part, la confirmation de l’ordonnance, d’autre part, le rejet de la demande d’annulation de la saisie des messageries électroniques du scellé n° 9, estimant sur ce point que l’inventaire des saisies informatiques est suffisant et régulier et que lesdites saisies ne sont pas disproportionnées. Elle demande en outre la condamnation de XXX au paiement de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour chacun des dossiers et aux dépens.

Par conclusions des 17 et 20 juin 2014 déposées le 23 juin 2014, maintenues à l’audience, le ministère public, estimant pertinentes les observations et argumentation de l’Autorité de la concurrence, a conclu à la confirmation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention et au rejet des recours.

Il est expressément référé, pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions et observations précitées.

SUR CE,

Il y a lieu, en application de l’article 367 du code de procédure civile, d’ordonner la jonction des instances n° 13/11141, 13/11143, 13/11144, XXX, XXX, XXX qui seront désormais suivies sous le seul n° 13/11141.

. sur l’appel de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention

Il résulte de l’article L. 450-4 du code de commerce que le juge saisi d’une demande d’autorisation de visite et saisie doit vérifier que celle-ci est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d’information en possession du demandeur de nature à justifier cette visite.

En l’espèce, la circonstance que la requête a été réceptionnée le 30 avril 2013 et l’ordonnance signée le 2 mai 2013, lendemain d’un jour férié chômé, n’est pas à elle seule de nature à mettre en doute le contrôle effectif du juge alors, d’une part, que l’article précité ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de l’ordonnance, d’autre part, que cette requête, comportant 8 pages, était accompagnée de 15 annexes, de sorte que le délai écoulé entre sa réception et la signature de l’ordonnance, fût-il entrecoupé par un jour férié chômé, était amplement suffisant pour lui permettre d’examiner et analyser ces documents et, partant, de vérifier le bien-fondé de la demande, étant rappelé que les motifs et le dispositif de l’ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l’a rendue et signée.

Le juge ayant ainsi été mis en mesure d’exercer son office, le moyen tiré de l’absence de contrôle in concreto du bien-fondé de la requête à raison du délai extrêmement court écoulé entre son dépôt et l’ordonnance ne peut être accueilli.

Les sociétés reprochent ensuite à l’Autorité de la concurrence de ne pas avoir motivé à suffisance sa requête, dès lors qu’elle a reçu une demande de clémence, laquelle ne la dispense cependant pas de démontrer au juge qu’elle s’est vue remettre par le demandeur de clémence des informations suffisantes pour créer la présomption de participation à une entente. Elles estiment en l’occurrence que les documents produits sont insuffisants pour apporter le moindre indice sur leur participation, qu’elle conteste, à une entente sur les approvisionnements en jambon ; qu’en effet, Fleury-Michon n’est citée que dans deux documents, annexes 5 et 6, nullement probants.

L’Autorité de la concurrence fait pour sa part valoir, d’une part, qu’au stade de l’autorisation de visite et saisie il ne peut être fait de rapprochement entre les conditions relatives à l’obtention de la clémence dans le cadre de la procédure interne à l’Autorité de la concurrence et la teneur des présomptions de fraude mentionnées dans l’ordonnance, d’autre part, qu’à ce stade, seuls des indices aboutissant à une présomption de pratiques prohibées sont nécessaires et qu’en l’espèce, contrairement à ce que soutiennent les demanderesses au recours, les annexes 5 et 6 à la requête constituent des indices de son implication dans une pratique présumée de collusion frauduleuse dans le secteur de l’approvisionnement en jambon.

Il convient, en premier lieu, de relever qu’il n’appartient pas au juge des libertés et de la détention d’apprécier le bien-fondé de l’avis de clémence adopté par l’Autorité de la concurrence et, en second lieu, de rappeler qu’en application de l’article L. 450-4 du code de commerce, le demandeur à l’autorisation de visite et saisie n’a pas à produire l’ensemble des éléments en sa possession, mais ceux utiles pour justifier sa demande.

En l’espèce, l’Autorité de la concurrence a exposé dans sa requête que le demandeur de clémence a apporté des pièces relatives à des pratiques d’échanges d’informations commercialement sensibles aux fins d’une coordination des industriels de la charcuterie-salaison, à la fois, à la baisse, sur les variations de la cotation du jambon auprès des abatteurs et, à la hausse, sur les prix pratiqués à l’égard de leurs clients de la grande distribution, cette deuxième pratique s’étendant à l’ensemble des produits de charcuterie ; que d’autres agissements auraient pour objectif de coordonner les réponses aux appels d’offres lancés par la grande distribution pour la fourniture des produits de charcuterie à marque de distributeur (MDD). Elle a ajouté que ces pratiques auraient eu lieu à l’occasion d’échanges de courriels et d’appels téléphoniques entre industriels charcutiers salaisonniers concurrents et que l’identité des personnes physiques et morales ayant participé à une au moins des ententes présumées figurerait dans 2 tableaux fournis par le demandeur de clémence qui feraient apparaître que différentes sociétés du secteur nommément désignées, dont XXX, auraient participé à une, au moins, des ententes présumées.

Les pratiques ont été dénoncées dans les procès-verbaux de réception de demandes de clémence figurant en annexe 3 à la requête. S’agissant de la première pratique prohibée identifiée, qui consisterait pour les industriels de la charcuterie-salaison à se concerter pour influer sur la variation du prix du jambon, entravant ainsi la libre fixation de son prix, l’Autorité de la concurrence a produit en annexe 5 des extraits de courriels, cités dans sa requête, dans lesquels XXX apparaît une fois, et le tableau récapitulatif des collaborateurs des entreprises concurrentes qui auraient pris part aux agissements (annexe 6), dont des collaborateurs de XXX.

S’agissant de la deuxième pratique prohibée identifiée qui consisterait pour les industriels charcutiers-salaisonniers à échanger des informations commercialement sensibles dans le but de coordonner, entre concurrents, les hausses tarifaires applicables à la grande distribution, l’Autorité de la concurrence a produit en annexe 7 la transcription du contenu des échanges téléphoniques du directeur commercial du demandeur de clémence avec ses concurrents et en annexe 8 le tableau regroupant le nom des personnes morales et physiques participantes aux comportements soupçonnés, parmi lesquels ne figuraient pas XXX.

Les éléments cités et pièces produites à l’appui, repris dans l’ordonnance, constitutifs d’un faisceau d’indices, étaient suffisants pour que le premier juge en déduisent l’existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles dans les secteurs concernés. Quand bien même XXX n’est citée qu’une fois dans les sept extraits de courriels figurant en annexe 5 à la requête, il résulte de l’extrait en cause qu’elle est à l’initiative d’appels téléphoniques relatifs à des échanges d’informations commercialement sensibles entre salaisonniers/charcutiers et que le demandeur de clémence a connaissance des stratégies commerciales de ses concurrents, notamment XXX. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les demanderesses, la liste et les coordonnées téléphoniques des participants aux pratiques dans le secteur de l’approvisionnement en jambon (annexe 6) sur laquelle figurent les noms de MM. Meekel et X, respectivement acheteur matières premières et responsable achats de XXX, est éclairante dans la mesure où elle corrobore la présomption selon laquelle les salaisonniers/charcutiers échangeraient régulièrement par téléphone des informations commercialement sensibles.

Le premier juge a ainsi pu légitimement considérer qu’il existait des indices d’implication de XXX à l’une des pratiques suspectées, justifiant l’autorisation de visite et saisie dans les locaux de cette société et des autres sociétés du groupe. Ce magistrat ayant satisfait aux obligations de contrôle lui incombant en application de l’article L. 450-4 du code de commerce, il convient de confirmer l’ordonnance.

. sur le recours contre les opérations de visite et saisie

— sur la régularité de l’inventaire

XXX traiteur soutiennent en premier lieu, au visa de l’article R. 450-2, alinéa 2, du code de commerce, que les documents informatiques saisis, en particulier ceux saisis lors de la saisie globale d’une messagerie électronique, doivent faire l’objet d’un inventaire explicite, c’est-à-dire dresser la liste des messages et documents saisis ou à tout le moins des groupes de messages et documents saisis, seule façon de contrôler si les saisies effectuées l’ont été dans la limite de l’autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention et qu’elles ne sont pas disproportionnées ; qu’en l’espèce, ils ne sont pas conformes à ces principes et qu’alors que le scellé 9 est inventorié selon 6 lignes, il comporte 43 531 courriels et 2 647 éléments de calendriers. Elles ajoutent qu’après exploitation, 355 courriels ont été retenus comme utiles à l’enquête, mais que le nouvel inventaire établi en octobre 2013 ne saurait valider a posteriori l’inventaire réalisé le jour des saisies.

Aux termes de l’article précité, les procès-verbaux prévus à l’article L. 450-4 relatent le déroulement de la visite et consignent les constatations effectuées. Ils sont dressés sur-le-champ. Ils comportent l’inventaire des pièces et documents saisis.

En l’espèce, lors des opérations de visite, cinq bureaux ont été visités, des documents papier et des fichiers informatiques étant uniquement saisis dans ceux de MM. C X et Mathieu Meekel, le procès-verbal précisant que l’analyse des fichiers contenus dans les autres ordinateurs n’a pas permis de retenir des éléments utiles à l’enquête. Selon le procès-verbal (p. 3/11), il a été procédé à l’authentification numérique des six fichiers de messagerie saisis dont il a été élaboré un inventaire informatique consistant à relever la taille, les empreintes numériques MD5 ainsi que les chemins et noms des fichiers, comportant 6 lignes. Ceux-ci ont ensuite été gravés sur un DVD-R vierge, copié en deux exemplaires, l’un, destiné aux rapporteurs de l’Autorité de la concurrence, l’autre, laissé aux sociétés, avant d’être placé sous scellé n° 9, visé à l’inventaire. Il n’est pas contesté que les fichiers ainsi saisis correspondaient à 43 531 courriels et 2 647 éléments de calendriers. Les représentants des sociétés n’ont alors formulé aucune observation.

Après exploitation desdits fichiers, seuls 355 messages ont été en définitive retenus comme éléments utiles à l’enquête par l’Autorité de la concurrence, gravés et inventoriés sur CD-R dont une copie a été remise aux sociétés, objet de l’annexe A des pièces produites par ladite Autorité, qui comporte l’intitulé de chacun des messages.

Ce document, qui n’a pas vocation à constituer un inventaire complémentaire de celui réalisé lors de la saisie, mais à lister les seuls messages conservés par le rapporteur pour la suite de son instruction, confirme que les fichiers saisis comportaient effectivement au moins pour partie des éléments utiles à l’enquête, ainsi que le mentionnait le procès-verbal de saisie, cette formule ne pouvant dès lors être considérée comme une figure de style.

Le relevé, lors de l’inventaire, du nom de chacun des fichiers, donné par le seul utilisateur, de son chemin, de sa taille et de son empreinte numérique, gravés sur CD-R, permet d’identifier chacun des fichiers saisis. Par l’examen de la copie du scellé n° 9 remise à l’issue des opérations de visite et saisie, comportant ces indications, les sociétés XXX étaient mises en mesure de connaître précisément les fichiers saisis et, en analysant les fichiers originaux présents sur les ordinateurs dont ils avaient été extraits, de faire valoir le cas échéant que certains des documents ne pouvaient, en raison de leur objet, être saisis, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. L’inventaire informatique réalisé répond donc aux exigences de l’article R. 450-2 du code de commerce, les sociétés XXX ne pouvant valablement exiger, à ce stade, de l’Autorité de la concurrence l’établissement d’un inventaire exhaustif de tous les messages contenus dans les fichiers de messagerie.

Le moyen tiré de l’irrégularité de l’inventaire ne peut donc être accueilli.

— sur le caractère disproportionné de la saisie au regard du champ de l’enquête portant atteinte aux droits de la défense

Les demanderesses au recours soutiennent ensuite que les documents saisis dépassent matériellement le champ de l’enquête et de l’autorisation du juge, du fait des saisies globales de messageries informatiques, 80 % de ces documents étant en définitive hors champ. Sur ce point, elles contestent le caractère 'insécable’ des messageries, faisant valoir que la Commission européenne et d’autres autorités de concurrence en Europe procèdent à des saisies ciblées.

Il convient en premier lieu de relever, ainsi qu’il a été rappelé plus haut, que la saisie informatique n’a en définitive concerné que deux salariés de la société, alors que cinq bureaux ont fait l’objet d’investigations et que seuls six fichiers sur les milliers que contient chacun des ordinateurs des salariés en cause ont été copiés, dans la mesure où il contenait, fût-ce pour partie, des éléments utiles à l’enquête, ce qui était effectivement le cas au vu des échantillons de courriels produits par l’Autorité de la concurrence.

Les sociétés XXX ne fournissent par ailleurs aucun élément précis de nature à remettre en cause les explications techniques données par l’Autorité de la concurrence relatives aux caractéristiques des messageries professionnelles utilisées par leurs salariés, type Microsoft Outlook, qui imposent, pour préserver l’intégrité et l’authenticité des éléments de preuve, une copie globale des fichiers, l’individualisation lors de la visite des seuls messages entrant dans le champ de l’autorisation du juge n’étant en effet pas envisageable sous peine de créer sur l’ordinateur visité des éléments qui n’existaient pas avant l’intervention et de modifier les métadonnées desdits fichiers.

A cet égard, la seule référence aux méthodes de la Commission européenne, dont les inspections administratives effectuées par ses agents s’inscrivent dans un cadre procédural totalement différent des visites et saisies effectuées par les rapporteurs de l’Autorité de la concurrence sur autorisation judiciaire, ou aux méthodes d’autres autorités de concurrence, sans plus de précisions, n’est pas pertinente.

Par ailleurs, s’il ne peut être exclu que les fichiers de messageries électroniques professionnelles, composites, puissent contenir des éléments hors du champ de l’enquête ou à caractère personnel, les sociétés ne citent en l’espèce aucun exemple concret de nature à établir une violation au droit au respect de la vie privée prévu par l’article 8-1de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, laquelle est au demeurant écartée lorsque sont remplies les conditions de l’article 8-2. En tout état de cause, la présence, parmi les fichiers saisis, de pièces insaisissables ne saurait avoir pour effet d’invalider la saisie de tous les autres documents.

Dans ces conditions, les demanderesses au recours, qui citent des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme non transposables aux faits de l’espèce, ne sauraient valablement invoquer le caractère disproportionné des saisies dont elles ont fait l’objet et l’impossibilité dans laquelle elles se seraient trouvées, de ce fait, d’exercer leurs droits de la défense.

Il convient dès lors de rejeter leur recours.

***

Il n’y a pas lieu en la cause à application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonnons la jonction des instances n° 13/11141, 13/11143, 13/11144, XXX, XXX, XXX qui seront désormais suivies sous le seul n° 13/11141,

Confirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris du 2 mai 2013,

Rejetons le recours formé par les sociétés XXX, XXX charcuterie et XXX traiteur contre les opérations de visite et saisie qui se sont déroulées le 15 mai 2013,

Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

XXX traiteur aux dépens.

LE GREFFIER

A B

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Dominique PATTE

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