Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 14 décembre 2016, n° 14/14793

  • Sociétés·
  • Contrats·
  • Facture·
  • Résiliation·
  • Titre·
  • Maintenance·
  • Éditeur·
  • Demande·
  • Logiciel·
  • Jugement

Chronologie de l’affaire

Commentaires3

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.bblma.com · 31 octobre 2023

Si votre prestataire vous a fourni un logiciel qui ne fonctionne pas et ne réalise pas les corrections adéquates, vous pouvez résilier unilatéralement votre contrat. Attention toutefois aux clauses limitatives de responsabilité qui prévoient un plafond d'indemnisation, lequel est opposable, dès lors qu'il n'est pas dérisoire et ne vide pas l'engagement de sa substance. Dans une espèce tranchée par la Cour d'appel de Paris (14 décembre 2016, n°14/14793), une société qui souhaitait changer et harmoniser son système de paye et d'administration du personnel a, suite à un appel d'offre, …

 

Prudence Cadio · CMS Bureau Francis Lefebvre · 17 mai 2017

Une société avait fait appel à un prestataire informatique pour la fourniture d'un logiciel de gestion de ses problématiques de ressources humaines et de matériaux informatiques. Le contrat prévoyait le déploiement de la solution sur un site puis sur l'ensemble des sociétés du groupe. Face à de nombreux dysfonctionnements et anomalies persistants, la société cocontractante a résilié le contrat. Le prestataire informatique a saisi le Tribunal de commerce pour obtenir le paiement des factures échues ainsi que de diverses sommes en réparation de son préjudice né de l'inexécution …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 14 déc. 2016, n° 14/14793
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/14793
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 22 mai 2014, N° 2012045910
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/14793

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2014 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2012045910

APPELANTE

XXX

Immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 411 984 883

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Ayant pour avocat plaidant Maître Françoise COLLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0058

INTIMÉE

XXX

Immatriculée au RCS d’Annecy sous le XXX

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Brad SPITZ de l’AARPI YS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0794

Ayant pour avocat plaidant Maître Maggy RICHARD, avocat au barreau de NANCY, substituant Maître Alexis BAUMANNN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 16 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame X Y, Présidente de chambre, rédacteur

Madame D E F, Conseillère

Monsieur François THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame X Y dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame X Y, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Meta4 France (ci-après « Meta4 ») est une société qui édite et commercialise des progiciels pour la gestion du capital humain et notamment le SIRH (Système d’Information Ressources Humaines) « Meta4 PeopleNet » (ci-après « PeopleNet »).

Le groupe Afe est spécialisé dans la production de composants et ensembles développés spécifiquement pour ses clients industriels et est constitué d’une quinzaine de sociétés réparties sur six sites. La holding, la société Afe, nouvellement dénommée Safe, a décidé de changer et d’harmoniser son système de paye et d’administration du personnel pour l’ensemble des sites français (« projet Phenix »). Dans le cadre de ce projet, Safe a confié à la société Z A la réalisation d’un audit de son SIRH et de ses besoins. Safe a ensuite conclu avec Z A un contrat d’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour élaborer un cahier des charges, l’assister dans la mise en 'uvre d’un appel d’offres afin de sélectionner un prestataire informatique ainsi que dans la définition et la réalisation du plan projet.

A l’issue de l’appel d’offres, la société Safe a choisi de s’adresser à la société Meta4 conformément à la recommandation faite par la société Z A.

Plusieurs contrats ont été signés entre Safe et Meta4 en juin 2011 dont :

• un contrat de licence d’utilisation de PeopleNet, • un contrat de services pour l’installation et la mise en 'uvre du progiciel, • un contrat de maintenance éditeur, • et un contrat de support.

Le 7 juillet 2011, le progiciel a été livré et les prestations d’installation et de maintenance ont démarré. Fin décembre 2011, un premier avenant au contrat de prestation de service a été négocié et régularisé par la société Safe le 31 janvier 2012.

Au 1er trimestre 2012, un second avenant a été négocié, mais sans être régularisé par Safe.

Par courriel du 2 mai 2012, la société Safe a informé la société Meta4 de son intention de stopper le projet SIRH, « au vu des résultats très insuffisants enregistrés sur le site de Chambly pour réaliser la paie et les travaux subséquents dans des conditions stables et satisfaisantes plus de 9 mois après le démarrage du projet, de la lenteur d’avancement des travaux, et des risques que la poursuite du projet entraînerait pour les établissements français du groupe Afe». Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mai 2012, Safe a confirmé cette décision de mettre un terme définitif au projet, exposant que le comité de direction du groupe avait entériné cette décision. Dans ce même courrier, la société Afe mettait en demeure la société Meta4 de « restituer l’intégralité des sommes que nous vous avons versées dans le cas de ce projet ; nous faire connaître les conditions dans lesquelles vous envisagez de nous indemniser du préjudice considérable que nous avons subi et que nous nous réservons de chiffrer, eu égard notamment aux ressources internes et externes qui ont été consacrées en perte à ce projet ».

Le 15 juin 2012, Meta4 a mis en demeure Safe de lui payer les factures échues, pour un montant de 155.779 TTC et lui a adressé quatre factures complémentaires de prestations ainsi qu’une facture correspondant au préavis pour un montant global de 285.829,05 euros TTC. Elle lui a demandé également une indemnité contractuelle de 18.563 euros, soit un total de 460.172,05 euros.

Toutefois, ces sommes sont demeurées impayées.

C’est dans ce contexte que le 3 juillet 2012, la société Meta4 a assigné la société Safe en paiement, étant précisé que la société Z A s’est jointe à cette instance en tant qu’intervenant volontaire en vue de réclamer le paiement de ses propres prestations.

Par jugement en date du 23 mai 2014, le tribunal de commerce de Paris a, sous le régime de l’exécution provisoire :

— déclaré la société Z A recevable en son intervention volontaire,

— constaté la résiliation des contrats entre la société Safe, anciennement dénommée Afe et la société Meta4 France aux torts exclusifs de la société Meta4 France et l’arrêt du contrat entre la société Safe, anciennement dénommée Afe et la société Z A,

— condamné la société Meta4 France à payer à la société Safe, anciennement dénommée Afe, 157.035,84 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamné la société Safe, anciennement dénommée Afe, à payer à la société Meta4 France 33.801,95 TTC avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification du présent jugement,

— condamné la société Safe, anciennement dénommée Afe, à payer à la société Z A la somme de 30.000 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de la date de la signification du présent jugement,

— condamné la société Meta4 France à payer à la société Safe, anciennement dénommée Afe, la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraire,

— condamné la SAS Meta4 France aux dépens, don ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 71,52 euros dont 11,70 euros de TVA.

La cour,

Vu l’appel interjeté par la société Meta4 France ;

Vu l’appel interjeté par la société Safe ;

Vu l’ordonnance de jonction ;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 20 octobre 2016 par la société Meta4 France, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :

— juger que la société Meta4 France est recevable et bien fondée en son appel,

— infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :

' débouté la société Safe, aux droits de laquelle vient désormais la société Safe, de ses plus amples demandes et notamment de sa demande de résolution des contrats et de sa demande de désignation d’un expert,

' condamné la société Safe à acquitter la facture n°1202FMET0188 du 29 02 2012, d’un montant de 33 801,95 euros T.T.C.,

et, statuant à nouveau,

avant dire droit,

à titre principal,

— débouter la société Financière Safe de sa demande de désignation d’un expert,

à titre subsidiaire,

— modifier et compléter la mission de l’expert dans le cadre de la mesure d’expertise sollicitée par la société Financière Safe comme il est dit dans les écritures auxquelles renvoie la cour,

au fond

à titre principal

— dire que la résiliation des contrats par la société Safe, aux droits de laquelle vient la société Financière Safe ne peut s’analyser que comme une résiliation pour convenance de la société Safe,

— condamner la société Financière Safe à rembourser à la société Meta4 France, la somme de 157.035 euros versée par Meta4 en exécution du jugement entrepris, à titre de dommages intérêts,

— condamner la société Financière Safe à rembourser à la société Meta4 France, la somme de 10 000 euros versée par Meta4 en exécution du jugement entrepris, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Financière Safe à verser à la société Meta4 France, le montant intégral de ses factures, soit la somme de 407 806,10 euros TTC d’une part et 13 313,17 euros TTC d’autre part, au titre du contrat de maintenance-éditeur, avec intérêts au taux fixé par l’article L441-6 du code de commerce, -confirmer la condamnation de la société Financière Safe à verser la somme de 33 801,95 euros T.T.C. correspondant au solde des prestations relatives à la N4DS,

— condamner la société Financière Safe à verser à la société Meta4 France le montant de l’indemnité de résiliation pour convenance définie au contrat de service standard, soit la somme de 18 564 euros, euros TTC euros,

— condamner la société Financière Safe à verser à la société Meta4 France la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

— condamner la société Financière Safe au paiement du solde du prix prévu au titre du contrat de licence et au paiement du prix prévu au titre du contrat de maintenance,

— condamner la société Financière Safe au paiement des factures échues à la date de notification de l’arrêt du projet par Safe, savoir les factures suivantes :

' facture 1202FMET0187 du 29 02 2012 : 17 993,82 euros T.T.C. acompte N°2 avenant n°1,

' facture 1203FMET0036 du 29 03 2012 : 31 717,92 euros T.T.C. contrat initial (15% paie en double),

' facture 1203FMET0037 du 29 03 2012 : 31 717,92 euros T.T.C. contrat initial (15% livraison des paramétrages et personnalisations progiciels),

' facture 1203FMET0041 du 29 03 2012 : 4 622,54 euros T.T.C. acompte N°3 avenant n°1, soit un total de 86.052,20 euros TTC,

— dire que la résiliation doit être prononcée aux torts partagés par parts égales des parties, et en conséquence limiter la réparation due par la société Meta4 à la société Financière Safe à la somme de 78.517,92 euros,

— dire qu’en tout état de cause la clause limitative de responsabilité de la SAS Meta4 doit recevoir application,

— débouter la société Financière Safe de sa demande d’article 700 ;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 3 août 2016 par la société Safe, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Avant-dire-droit,

— infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société Safe de sa demande d’expertise,

— désigner tel expert, pris sur la liste des experts judiciaires en informatique près la cour d’appel de Paris, qu’il plaira à la Cour et lui donner mission telle que décrite dans les conclusions auxquelles renvoie la cour,

au fond,

à titre principal,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Safe de sa demande de résolution des contrats conclus avec Meta4 France, -prononcer la résolution des contrats conclus entre Meta4 France et Safe aux torts exclusifs de Meta4 France,

— condamner en conséquence la société Meta4 France à rembourser à Safe l’ensemble des sommes versées par Safe à Meta4 France au titre de ces contrats, soit la somme de 190.659,32 euros, ;

à titre subsidiaire,

si par extraordinaire, la cour estimait que la résolution des contrats n’apparaît pas appropriée,

— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a constaté la résiliation des contrats entre Safe et Meta4 France aux torts exclusifs de Meta4 France,

— infirmer le jugement en ce qu’il a limité la condamnation de Meta4 France à 157.035,84 euros à titre de dommages et intérêts, déboutant Safe pour le surplus,

— condamner la Société Meta4 France à verser à Safe, à titre de dommages-intérêts, la somme de 190.659,32 euros correspondant aux sommes versées en pure perte par Safe du fait de l’inexécution par Meta4 France de ses obligations,

en tout état de cause,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Safe à payer à Meta4 France la somme de 33.801,95 euros TTC au titre du solde de la facture concernant la N4DS avec intérêts au taux légal,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Meta4 France de sa demande de paiement des autres factures, de sa demande de paiement d’indemnité de résiliation, de sa demande de paiement de la facture de maintenance éditeur pour l’année 2013,

— infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Safe de sa demande de dommages et intérêts complémentaires,

— juger que Meta4 France est responsable des préjudices résultant pour Safe des retards et de l’échec du projet,

— condamner la société Meta4 France à indemniser la société Safe de l’intégralité des préjudices qu’elle a subi du fait des retards et de l’échec du projet Phénix, soit la somme de 389.312,50 euros, à parfaire le cas échéant suivant les conclusions de l’expert désigné par la cour,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Meta4 France aux dépens de première instance et à une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Meta4 France à verser à la société Safe la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d’appel,

— condamner la société Meta4 France aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Brad Spitz ;

SUR CE,

Sur la demande d’expertise sollicitée par la société Safe

La société Safe soutient qu’en raison de la nature technique des manquements constatés, de l’interdépendance de prestations réalisées par Meta4 et par Z A, du volume et de la complexité des échanges entre les parties, il y a lieu de désigner un expert judiciaire pour permettre à la cour de déterminer la responsabilité de Meta4. L’intimée soutient que l’expert judiciaire serait à même d’évaluer précisément quels étaient les besoins de Safe avant la conclusion du contrat et de dire si ces besoins ont été pleinement pris en considération par Meta4 ou non, de dire si la méthodologie préconisée par Meta4 était conforme aux règles de l’art et surtout si cette méthodologie a été appliquée de manière opportune.

Mais la société Meta4 expose à juste titre que l’utilité probatoire de la mesure sollicitée n’est pas démontrée, la cour disposant des éléments suffisants pour statuer. Il y a donc lieu de rejeter la demande d’expertise.

Sur les manquements de Safe à ses obligations contractuelles et sur les manquements de Meta4 à ses obligations

La société Meta4 prétend, d’une part, qu’il appartenait à Safe de définir ses besoins, de fournir à Meta4 les règles de paye harmonisées qu’elle entendait voir mises en 'uvre par Meta4, ce qu’elle n’a pas fait, et d’autre part que Meta4 n’a jamais été chargée d’une mission d’assistance à maîtrise d''uvre consistant à faire converger les utilisateurs Safe sur un règlementaire unique de paye puisque ce rôle incombait exclusivement à Safe, avec le cas échéant l’aide de son assistant à maîtrise d’ouvrage. Ainsi, ces manquements auraient causé l’échec du projet. L’appelante soutient aussi que Safe confond dans ses écritures les « objectifs » et les « hypothèses structurantes » et que le fait pour Safe de fournir un socle commun de règles était une hypothèse structurante conditionnant l’organisation du projet, son calendrier et son prix.

De plus, l’appelante soutient que ce manquement de Safe à ses obligations est fondamental dans la mesure où elle a rendu les tâches des équipes de Safe et de Meta4 plus complexes, étant précisé que la volonté d’harmonisation vers une paye unique centralisée était celle de la direction générale mais qu’elle n’était pas partagée par les équipes RH et que c’est en découvrant cette réalité que la direction Générale de Safe a préféré mettre un terme à la relation avec Meta4 et a décidé de faire reprendre en main le domaine paye et RH par un pouvoir centralisé, procédant ainsi à une réorientation de la politique du traitement de la paye. L’appelante soutient également que Safe, ayant pris conscience du coût réel d’une rupture pour convenance, a abandonné toute référence à ses préparatifs de réorientation politique pour tenter de donner à sa décision les apparences d’une mise en cause de la responsabilité de Meta 4 pour manquements.

Ensuite, la société Meta4 soutient que Safe s’était contractuellement engagée à assurer la disponibilité de ses intervenants et à respecter un certain calendrier. Or, la société Meta4 a constaté un retard dans le calendrier et n’a cessé d’alerter Safe sur le manque de disponibilité de ses équipes lors de la plupart des Comités de Pilotage.

Enfin, l’appelante soutient que Safe a fait preuve d’une grande déloyauté au cours de ce projet puisqu’elle a :

' fourni à son cocontractant des informations dans son cahier des charges sur le fait qu’elle harmoniserait ses règles de paie avant de les fournir à Meta4 et s’est ensuite abstenue de procéder comme indiqué,

' omis d’informer son cocontractant que le mois d’août serait neutralisé en raison de la fermeture de ses sites pendant le mois d’août, tout en maintenant son exigence d’une mise en production en janvier 2012,

' procédé unilatéralement à des retenues sur les factures qu’elle acquittait, ' omis de régler des prestations qu’elle avait pourtant commandées en sus du périmètre initial du projet,

' n’a jamais formulé la moindre critique, alerte, mise en garde ou mise en demeure à Meta4 avant de prendre la décision de rompre les contrats, alors même que quelques jours plus tôt elle annonçait la signature prochaine d’un avenant n°2.

Elle prétend en conséquence de tout ce qui précède que la résiliation intervenue est une résiliation pour convenance et que Safe doit être condamnée au paiement des factures échues et non payées, au paiement de l’indemnité de résiliation contractuelle et à la restitution des sommes versées par Meta4 à Safe en exécution du jugement de 1er instance.

La société Safe, aux droits de laquelle vient la société Financière Safe, soutient que Meta4 a manqué à l’ensemble de ses obligations contractuelles puisqu’elle a :

' manqué à son obligation de conseil et d’information et a mal évalué les besoins de Safe avant la conclusion des contrats et la conclusion de l’avenant au contrat de support, Meta4 étant censée élaborer un règlementaire de paie unique dans le cadre du projet et n’ayant nullement alerté Safe tout au long du projet de ses difficultés,

' échoué, dès le début du projet à mettre en place et suivre une méthodologie pour la mise en 'uvre du projet Phénix puisque malgré la remontée des informations vers Meta4, cette dernière n’a pas su gérer correctement ces informations et beaucoup des informations ont été mal paramétrées ou pas utilisées,

' manqué à ses obligations aux termes des contrats et avenant susvisés en livrant des logiciels, paramètres et mises à jour non conformes au cahier des charges, au « dossier de conception fonctionnelle» et aux dispositions légales et réglementaires, étant précisé au surplus que ces logiciels, paramètres et mises à jour n’étaient pas testés, provoquant des erreurs dans l’application, erreurs que Meta4 ne corrigeait pas dans des délais raisonnables,

' échoué à mettre et maintenir en place une équipe capable de conduire avec succès le projet Phénix, l’organisation et la forte rotation des équipes de Meta4 ayant nui au bon déroulement du projet puisqu’au lieu de désigner un interlocuteur en charge de régler les problèmes de Safe, Safe devait s’adresser à plusieurs équipes en fonction d’un domaine d’action particulier, ces équipes ne communiquant pas efficacement entre elles et se renvoyant la responsabilité de la résolution de certains problèmes,

' échoué à déployer convenablement l’application PeopleNet sur l’ensemble des sites de Safe dans les délais auxquels elle s’était engagée.

La société Safe soutient que du fait de tous ces manquements, la société Meta4 est responsable de l’échec du projet Phénix et lui a causé un préjudice considérable. Elle prétend par conséquent qu’il est justifié de débouter la société Meta4 de l’ensemble de ses demandes dans la mesure où elle est seule responsable de la rupture des contrats. Enfin, elle expose que du fait des manquements graves de Meta4, la résolution de l’ensemble des contrats est justifiée.

xxx

Selon l’article 1184 du code civil, alors en vigueur, « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement ».

Il y a lieu de déterminer si la résiliation a eu lieu aux torts de la société Meta4 ou à ceux de la société Safe.

Il résulte des pièces du dossier de nombreux et graves dysfonctionnements et anomalies dans le déploiement du logiciel, imputables à la société Meta4.

Il est en effet établi que les livrables de Meta4 n’étaient pas correctement paramétrés et que Meta4 ne contrôlait pas la qualité de ces livrables. La société Safe verse aux débats la liste des tickets Mantis (rapports destinés à signaler à Meta4 les erreurs et non conformités rencontrées, au moyen de l’outil logiciel Mantis) ouverts par Safe. Il en ressort des erreurs sur le taux horaire de base, sur l’allocation de tickets restaurant à des salariés n’en bénéficiant pas, sur le calcul des congés payés ou des cotisations et charges des salariés expatriés, mais aussi la non-conformité de certains paramètres de livrables aux dispositions légales (nombre de jours du mois d’octobre erroné'.). De nombreuses attestations des équipes de la société Safe démontrent que les bulletins de paie créés dans l’application PeopleNet subissaient des modifications lorsqu’ils étaient imprimés, les informations figurant sur l’écran étant différentes des informations figurant sur le bulletin imprimé.

Ces erreurs n’étaient pas réparées dans des délais raisonnables, puisqu’ils pouvaient aller jusqu’à six semaines. La société Safe cite ainsi l’erreur portant sur l’horaire, qui était différent de l’horaire légal et que Meta4 a mis deux mois à paramétrer correctement.

En outre, les corrections étaient instables, disparaissant lorsque de nouveaux paramètres étaient livrés et obligeant à exercer un nouveau contrôle.

La société Safe a du faire face également à des problèmes de déconnexion intempestive, sans que la société Meta4 ne parvienne à démontrer qu’il s’agissait de déconnexions de sécurité.

Enfin, le système de gestion des habilitations ne fonctionnait pas correctement, entraînant des problèmes de confidentialité, certains salariés ayant pu accéder à d’autres profils que le leur.

Tous ces problèmes, liés au mode de fonctionnement lui-même du logiciel, officiellement soulignés lors du comité de pilotage de décembre 2011 (COPIL n° 5) sans être démentis, sont imputables à la société Meta4 sans que celle-ci ne démontre la responsabilité de la société Safe dans ces incidents ou dans la commission d’autres manquements contractuels.

En effet, la société Safe a respecté ses engagements et n’a commis aucun manquement puisque, contrairement à ce que prétend Meta4, c’est l’éditeur Meta4 qui devait élaborer le règlementaire de paie unique, ou « bible réglementaire », qui constituait un objectif du projet Phenix, étant expressément mandaté par Safe pour ce faire, et n’ayant d’ailleurs jamais, à aucun moment, lors des rapports des comités de pilotage, fait état de difficultés liées à l’absence de bible réglementaire. Il était en effet indiqué dans le cahier des charges, qui a servi à sélectionner la société Meta4, que la société Safe considérerait « parmi les éléments déterminants dans le choix de la solution : 1. un réglementaire de paie unique, pour l’ensemble des sociétés et filiales du groupe Afe et pour la France ».

La société Meta4 ne démontre pas l’indisponibilité des équipes de Safe, celle-ci justifiant, au contraire, avoir engagé tous les moyens humains, techniques et financiers nécessaires au succès du projet.

Il résulte de ce qui précède que, compte-tenu du difficile démarrage sur le site de Chambly, du au non-respect par Meta4 de ses engagements contractuels, la société Safe était en droit de mettre fin aux contrats signés avec Meta4, avant que le logiciel ne soit redéployé sur l’ensemble des sites du groupe, aux torts exclusifs de la société Méta4. Aucun partage de responsabilité ne sera retenu en l’absence de preuve de toute faute de la société Safe. Il y a lieu ainsi de confirmer le jugement entrepris.

En outre, le contrat ayant reçu un commencement d’exécution, il n’y a pas lieu de prononcer la résolution de celui-ci et le jugement sera également approuvé sur ce point.

Sur la réparation du préjudice de la société Safe

La société Safe demande à la cour de condamner la société Meta4 à lui rembourser intégralement les sommes qu’elle lui a versées au titre du projet Phénix, soit la somme de 190 659,32 euros, ainsi que les préjudices complémentaires suivants :

— un dédommagement pour les investissements humains en pure perte dans le projet Phénix, évalués à 902,5 jours par homme multiplié par le coût journalier moyen des équipes RH de Safe, 325 euros, soit un total de 293 312,50 euros,

— l’allocation de dommages-intérêts pour l’échec du projet qui a contraint les équipes de ressources humaines à effectuer les activités de paye manuellement, évalués à 72 jours multiplié par 305 euros, soit un coût annuel de 23 000 euros par an et 46 000 euros sur deux ans,

— l’indemnisation de son préjudice moral découlant de la désorganisation de ses équipes causée par les contraintes de travail et la tension créée par Meta4 et B A, soit 50 000 euros.

La société Méta4 s’oppose à ces demandes, faisant valoir que Safe ne rapporte aucune preuve de ce qu’elle aurait consacré l’équivalent de 902,5 jours hommes au projet Phénix, chiffre qui lui paraît exagéré au regard de « l’indisponibilité chronique des équipes de Safe relevée tout au long du projet » et qui, en toute hypothèse, ne peut être considéré comme des jours dépensés en pure perte, un nombre important de jours ayant été consacré par ses équipes à la production de la N4DS. S’agissant de la gestion du système de paie, la société Méta4 expose qu’il s’agit de dépenses normalement effectuées par les utilisateurs sur la base de leur système d’information existant. Enfin elle expose que la société Safe ne démontre pas l’existence d’un préjudice moral. Elle relève au final que ces chefs de préjudice excèdent le montant de la clause limitative de responsabilité figurant au contrat de prestation de services standard, qui dispose que toutes causes confondues, le montant de la réparation des dommages subis par le client ne saurait en aucun cas excéder la somme perçue par Méta4 en rémunération des prestations objet du présent contrat.

xxx

Il y a lieu, en premier lieu, de restituer à la société Safe les sommes versées en pure perte, dans l’exécution du contrat, à la société Meta4.

La victime étant une société soumise au régime de la TVA et comme telle habilitée à récupérer les sommes qu’elle décaisse à ce titre, les premiers juges ont justement déduit la TVA des factures payées, et il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Meta4 à payer à la société Safe la somme de 157 035,84 euros en remboursement de ces sommes.

S’agissant, en second lieu, des autres chefs de préjudice, la société Méta4 oppose, aux demandes de la société Safe, l’article 17 du contrat de service standard, qui dispose : « en tout état de cause le montant de la réparation des dommages subis par le client, toutes causes confondues, ne saurait en aucun cas excéder la somme perçue par Meta4 en rémunération des prestations objet du présent contrat ».

Seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur. Le plafond d’indemnisation prévu ici, équivalent aux sommes versées n’est pas dérisoire et ne vide pas l’engagement de sa substance. La clause est donc opposable à la société Safe qui sera déboutée du surplus de ses demandes d’indemnisation.

Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu’il a écarté ces demandes d’indemnisation de la société Safe excédant le plafond.

Sur les demandes de la société Méta4

La société Meta4 demande à la cour de condamner la société Safe au paiement de toutes les factures échues et impayées au titre des contrats résiliés et au titre de l’indemnité de préavis, soit des sommes de 407 806,10 euros TTC, au titre du contrat principal, outre la somme de 13 313,17 euros TTC relative à la maintenance éditeur pour l’année 2013 et la somme de 18 564 euros au titre de l’indemnité de préavis prévue à l’article 16 du contrat de service standard, lesdites sommes étant majorées des intérêts de retard au taux minimum prévu par l’article L441-6 du code de commerce.

Mais les premiers juges ont écarté à juste titre la demande en paiement de l’indemnité de résiliation, le contrat ayant été résilié aux torts exclusifs de Meta4. Il y a également lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Meta4 de sa demande de paiement de la facture de maintenance éditeur pour l’année 2013, le contrat de maintenance ayant été résilié en même temps que le contrat principal aux torts exclusifs de Méta4 et le contrat n’ayant pas été exécuté en 2013.

En revanche, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Safe à payer à la société Meta4 la somme de 33 801,95 euros TTC représentant le solde de la facture concernant la N4DS, ladite somme n’étant étayée par aucune facture.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné la société Safe à payer à la société Meta4 la somme de 33 801,95 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification du présent jugement,

L’INFIRME sur ce point,

Et statuant à nouveau,

DÉBOUTE la société Méta4 de ses demandes d’indemnisation,

CONDAMNE la société Méta4 aux dépens de l’instance d’appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Méta4 à payer la société Safe la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

Vincent BRÉANT X Y

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 14 décembre 2016, n° 14/14793