Cour d'appel de Paris, 21 septembre 2016, n° 16/05544

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 21 sept. 2016, n° 16/05544
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/05544
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 20 janvier 2016, N° 14/08567

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires délivrées

aux parties le

République française

Au nom du Peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 21 SEPTEMBRE 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/05544

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2016 du Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG N° 14/08567

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

SOCIÉTÉ EXERTIS FRANCE, anciennement dénommée société BANQUE MAGNETIQUE, venant aux droits de la société EXERTIS COMTRADE

XXX

XXX

Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocats postulants au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée de Me Cyril CHABERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0462

DEMANDERESSE

à

SOCIÉTÉ POUR LA PERCEPTION DE LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE AUDIOVISUELLE ET SONORE, ayant pour sigle COPIE FRANCE

XXX

XXX

Représentée par la SCP AFG, avocats postulants au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de Me Carole BLUZAT de l’AARPI ASSOCIATION D’AVOCATS CHATEL – BLUZAT, avocat au barreau de PARIS, toque : R039

DÉFENDERESSE

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 31 Août 2016 :

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement contradictoire du 21 janvier 2016 (RG 14/08567) le tribunal de grande instance de Paris a :

— sur les demandes fondées sur la responsabilité civile, déclaré la société Exertis Comtrade mal fondée en ses demandes et l’en a déboutée,

— sur la répétition de l’indu, déclaré la société Exertis Comtrade irrecevable en ses demandes de répétition de l’indu et déclaré sans objet les demandes tendant à voir poser des questions préjudicielles à la Cour de justice des communautés européennes,

— sur la demande reconventionnelle de la société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore -dite société Copie France- venant aux droits et obligations de la société Sorecop, condamné la société Exertis Comtrade au paiement de la somme totale de 2 416 773,63 euros HT -soit 2 692 429,73 euros TTC- pour la période allant du 1er janvier 2013 au 31 août 2015,

— condamné la société Exertis Comtrade aux dépens et à verser à la société Copie France une somme de 70 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision.

La société Exertis France, anciennement dénommée société Banque Magnétique venant aux droits de la société Exertis Comtrade, a interjeté appel de cette décision le 22 février 2016.

Par acte d’huissier de justice du 8 mars 2016 la société Exertis France a fait assigner la société Copie France devant le premier président de la cour d’appel de Paris, aux fins de voir de :

— à titre principal, consigner la somme de 2 416 773,63 euros HT -soit 2 692 429,73 euros TTC- outre la somme de 70 000 euros au titre des frais irrépétibles entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris ou à la Caisse des dépôts et de consignation en application de l’article 521 du code de procédure civile pour garantir le montant des condamnations prononcées par le jugement querellé, et ce dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Paris à intervenir,

— à titre subsidiaire, enjoint à la société Copie France de constituer une garantie personnelle réelle suffisante de manière à garantir la restitution des sommes versées par la société Exertis France,

— statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience la société Exertis France a demandé sur le fondement des articles 517, 521 et 524 du code de procédure civile :

— in limine litis pour le cas où le Premier Président l’estimerait nécessaire, que soit posée à la Cour de justice de l’union européenne la question préjudicielle suivante : « la compensation équitable de copie privée telle que définie par l’article 5-2 b) de la directive n°20001/29 se réduit-elle à un droit à des aliments ou revêt-elle de la nature d’une indemnisation d’un préjudice de responsabilité civile ' »,

— en conséquence, surseoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour de justice de l’union européenne,

— à titre principal, si le Premier Président n’estimerait pas nécessaire cette question,

— constater la nature indemnitaire de la compensation équitable de l’article 5§2 b de la directive du 22 mai 2001,

— autoriser la société Exertis France à consigner la somme de 2 416 773,63 euros HT -soit 2 692 429,73 euros TTC- outre la somme de 70 000 euros au titre des frais irrépétibles entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris ou à la Caisse des dépôts et de consignation, en application de l’article 521 du code de procédure civile, pour garantir le montant des condamnations prononcées par le jugement querellé, et ce dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir et jusqu’au prononcé de la décision de la cour d’appel de Paris à intervenir,

— à titre subsidiaire, enjoindre la société Copie France de constituer une garantie personnelle ou réelle suffisante de manière à garantir la restitution des sommes versées par la société Exertis France,

— à titre infiniment subsidiaire, ordonner la suspension de l’exécution provisoire jusqu’à l’arrêt de la cour à intervenir sur l’appel,

— en tout état de cause, statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, la société Copie France a sollicité, sur le fondement des articles 517 et 521 du code de procédure civile le débouté des prétentions adverses et la condamnation de la société Exertis France à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux dépens lesquels seront distraits au profit de l’association d’avocats Chatel-Bluzat en application de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

1 – sur la demande de consignation

Attendu qu’en application de l’article 521 alinéa 1er du code de procédure civile « La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation » ;

Attendu que la société Copie France invoque l’irrecevabilité de la demande adverse de consignation au motif que les redevances dues au titre de la rémunération pour copie privée revêtent par nature un caractère alimentaire venant compenser la perte de revenus subie par les titulaires de droits à raison des pratiques de reproduction privée ;

Que la société Exertis France réplique que le complément « copie privée » n’a pas une nature alimentaire mais celle d’une compensation de responsabilité civile et qu’en cas de doute, il y a lieu d’interroger la Cour de justice sur la nature de la créance de copie privée ;

Attendu que l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (art. 267 TFUE) prévoit un renvoi préjudiciel portant sur « l’interprétation des traités » et sur « la validité et l’interprétation des actes des institutions, organes et organismes de l’Union » ;

Que lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question ;

Attendu en l’espèce qu’il résulte des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle que les auteurs et les artistes-interprètes des oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes, ainsi que les producteurs de ces phonogrammes ou vidéogrammes, ont droit à une rémunération au titre de la reproduction desdites oeuvres, et que cette rémunération, évaluée selon un mode forfaitaire en application de l’article L. 311-3 du code de la propriété intellectuelle, est perçue pour le compte des ayants droit et répartie entre ceux-ci par les sociétés civiles de perception et de répartition conformément aux dispositions des articles L. 311-6 et L. 311-7 ;

Qu’il s’ensuit que, de la même manière que l’article L. 333-2 du code de la propriété intellectuelle reconnaît un « caractère alimentaire » aux « sommes dues, en raison de l’exploitation pécuniaire ou de la cession des droits de propriété littéraire ou artistique, à tous auteurs, compositeurs ou artistes », la « rémunération pour copie privée », en ce qu’elle est destinée à compenser la perte résultant pour les titulaires du droit d’auteur de la pratique de la reproduction privée se substituant à la vente de supports enregistrés, a, à l’évidence, par nature, un caractère alimentaire, dont elle n’est pas privée par le fait que les frais de fonctionnement des sociétés civiles de perception et de répartition sont imputés sur les sommes perçues à ce titre et que 25 % de ces sommes sont, en application de l’article L. 321-9 de ce code, utilisés « à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes » ;

Que le caractère alimentaire de la créance de la société Copie France est donc établi ;

Qu’au vu de ces éléments et sans qu’il soit nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’union européenne, il convient de rejeter la demande de la société Exertis France de consignation dès lors qu’il résulte de l’article 521 du code de procédure civile que les dispositions de cet article ne s’appliquent pas aux dettes d’aliments ;

2 – sur la constitution d’une garantie

Attendu qu’en application de l’article 517 du code de procédure civile l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparation ;

Que la possibilité d’aménager l’exécution provisoire ordonnée par le juge n’est pas subordonnée à la condition que cette exécution risquerait d’entraîner des conséquences manifestement excessives eu égard aux facultés de paiement de la partie condamnée en première instance ou aux facultés de remboursement de la partie gagnante, et le Premier Président dispose à cet égard d’un pouvoir discrétionnaire ;

Attendu que la société Exertis France fait valoir que l’exécution provisoire, sans garantie, mettrait en péril son droit à obtenir la restitution des sommes provisoirement versées en cas d’infirmation du jugement par la Cour dès lors qu’il est impossible de récupérer les sommes perçues par la société Copie France au titre de la rémunération pour copie privée objet d’une redistribution mensuelle ;

Que la société Copie France réplique que le montant des sommes collectées lui permet de faire face à une éventuelle obligation de restitution et disposer de sommes mises en réserves dont le montant s’élève à 29 406 540,77 millions d’euros et figure au passif des comptes annuels de l’exercice 2015 ;

Attendu qu’en l’espèce la constitution d’une garantie n’est pas de nature à préserver utilement les droits des parties dans l’attente de l’audience au fond devant la cour d’appel ; qu’il n’y a donc pas lieu de faire droit à cette demande ;

3 – sur l’arrêt de l’exécution provisoire

Attendu qu’en vertu de l’article 524 du code de procédure civile lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, par le premier président statuant en référé que si elle est interdite par la loi ou si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; que les conséquences manifestement excessives doivent être appréciées par rapport à la situation du débiteur compte tenu de ses facultés par rapport à celles de remboursement de la partie adverse ;

Attendu que la société Exertis France fait valoir qu’en cas d’infirmation de la décision querellée, elle sera privée de la possibilité de poursuivre la restitution des sommes versées sur exécution provisoire et que compte tenu des sommes en jeu, cette impossibilité constitue pour elle une conséquence manifestement excessive ;

Que la société Copie France soutient l’inexistence du prétendu risque de non restitution ;

Attendu que la société Copie France produit un extrait des comptes de l’exercice 2015 établissant que celle-ci dispose, eu égard aux réserves disponibles, des fonds suffisants pour rembourser la somme mise à la charge de la société Exertis France en cas d’infirmation du jugement critiqué ;

Que dès lors faute pour la société Exertis France de démontrer que l’exécution provisoire aurait pour elle des conséquences manifestement excessives, sa demande d’arrêt doit être rejetée ;

4 – sur les autres demandes

Attendu qu’il y a lieu de faire droit à la demande de la société Copie France présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; que la société Exertis France est condamnée à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision ;

Attendu que la société Exertis France partie perdante, supportera la charge des dépens ;

Qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la distraction des dépens devant le Premier Président dès lors que le ministère d’avocat n’est pas obligatoire.

PAR CES MOTIFS

Rejetons les demandes de la société Exertis France,

Condamnons la société Exertis France à payer à la société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore -dite société Copie France- une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la société Exertis France aux dépens.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière

La Conseillère

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Cour d'appel de Paris, 21 septembre 2016, n° 16/05544