Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 19 janvier 2018, n° 16/11167

  • Publicité·
  • Espace publicitaire·
  • Annonceur·
  • Sociétés·
  • Portail·
  • Déséquilibre significatif·
  • Conditions générales·
  • Vente·
  • Prix·
  • Clôture

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Gérard Haas · Haas avocats · 17 mai 2022

Par Gérard Haas, Eve Renaud Chouraqui et Magali Lorsin-Cadoret Une régie publicitaire n'informant l'annonceur, ni du mode d'acquisition des espaces publicitaires, ni des prix proposés par les autres annonceurs crée-t-elle un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ? Par un arrêt du 26 janvier 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue répondre par la positive à cette question. Les faits de l'espèce étaient les suivants. A partir de 2011, et afin de promouvoir ses sites internet de jeux, sonneries et fonds d'écran, la société Pixtel a …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 11, 19 janv. 2018, n° 16/11167
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/11167
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 12 avril 2016, N° 2014014807
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 19 JANVIER 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/11167

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2014014807

APPELANTE

SAS PIXTEL

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

N° SIRET : 353 078 140 (Paris)

représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de Annie GAUTHERON, avocate plaidante du barreau de PARIS, toque : B1197

INTIMEE

SAS TF1 PUBLICITE

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

N° SIRET : 311 473 383 (Nanterre)

représentée par Me Sandrine ROUSSEAU de la SCP Société Civile Professionnelle d’avocats HUVELIN & associés, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : R285

assistée de Judith VUILLEZ, avocate plaidante du barreau de PARIS, toque : R139

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente de la chambre Mme Françoise BEL, présidente de chambre

M. X Y, magistrat honoraire en charge de fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, des débats : Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, greffier présent lors du prononcé.

Depuis 2011, la SAS PIXTEL a acquis des espaces publicitaires sur le portail d’accès Bouygues Télécom, pour promouvoir ses sites internet de jeux, sonneries et fonds d’écran. Les prestations lui étaient facturées par la SAS TF1 PUBLICITÉ en sa qualité de régisseur exclusif de la publicité sur le portail de l’opérateur de téléphonie. Courant 2013, la société PIXTEL a cessé de payer les factures émises par la société TF1 PUBLICITÉ en dépit d’une mise en demeure de payer délivrée par cette dernière le 28 octobre 2013, la société PIXTEL ayant contesté les factures par sa lettre du 4 novembre suivant.

Le 24 juillet 2014, la société TF1 PUBLICITÉ a attrait la société PIXTEL devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la faire condamner à lui payer la somme de 116.649,89 euros en principal, outre les sommes de 5.000 euros de dommages et intérêts « pour résistance abusive » et de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société PIXTEL a soulevé, à titre principal, l’irrecevabilité des demandes de la société TF1 PUBLICITÉ, au motif qu’elle ne justifiait pas de sa qualité à agir « en recouvrement de factures émises pour le compte de la société Bouygues Télécom », et subsidiairement, s’est opposée aux demandes de pénalités de retard et d’indemnisation des frais irrépétibles, tout en sollicitant l’indemnisation des siens à hauteur de la somme de 10.000 euros et reconventionnellement, une indemnité d’un montant de 1.586.594 euros de dommages et intérêts en indemnisation des préjudices résultant du déséquilibre significatif imposé par la régie dans les droits et obligations respectifs des parties.

Par jugement contradictoire du 13 avril 2016 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal a reconnu la qualité à agir de la société TF1 PUBLICITÉ en la déclarant recevable à agir en recouvrement des créances nées des ordres d’insertion de publicité et a condamné :

la société PIXTEL à payer à la société TF1 PUBLICITÉ la somme de 116.649,89 euros TTC en principal,

la société TF1 PUBLICITÉ à payer à la société PIXTEL la somme de 88.288 euros de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi en raison du déséquilibre, au sens de l’article L 442-6, I, 2° du code de commerce, imposé par la société TF1 PUBLICITÉ contraignant l’acquisition d’espaces non rentables en dehors des souhaits de l’annonceur, ayant engendré une perte de marge brute par ce

dernier, résultant de la différence entre les espaces effectivement acquis et ceux attribués mais non livrés parmi les espaces mis à disposition par TF1 PUBLICITÉ,

en ordonnant la compensation et en rejetant toutes les autres demandes des parties en ce compris celles au titres des frais irrépétibles, les dépens étant mis à la charge de la société PIXTEL.

La société PIXTEL a interjeté appel le18 mai 2016. Par bulletin du 3 juillet 2017, les parties ont été informées du calendrier de procédure avec clôture initialement fixée au 16 novembre 2017 et les plaidoiries pour le 7 décembre 2017. L’appelante a signifié des conclusions le 15 novembre 2017, provoquant le report au 30 novembre suivant de la date de la clôture. L’intimée a signifié des écritures en réponse le 28 novembre 2017 et le magistrat de la mise en état a rejeté les demandes des uns et des autres de report tant de la clôture, que du calendrier de procédure.

Cependant, la société PIXTEL (appelante) a signifié par RPVA :

— le 6 décembre 2017 (14H25) des « conclusions de procédure aux fins de rabat de l’ordonnance de clôture » tendant :

à titre principal, au rabat de l’ordonnance de clôture, sur le fondement de l’article 784 du code de procédure civile, « afin de lui permettre de communiquer des conclusions récapitulatives »,

subsidiairement, le rejet des débats des conclusions et des 14 pièces nouvelles signifiées le 28 novembre 2017 par la société TF1 PUBLICITÉ,

— le 6 décembre 2017 (14H26) des conclusions récapitulatives n° 2, sur le fond.

La société TF1 PUBLICITÉ (intimée) a signifié par RPVA le 6 décembre 2017 (19H41) des conclusions de procédure «en réponse sur incident de révocation de clôture» tendant au rejet de la demande de révocation de l’ordonnance de clôture en faisant valoir :

à titre principal, que ses conclusions au fond régularisées le 28 novembre 2017 ne comportent pas de moyen nouveau ni de demande nouvelle,

subsidiairement, que lesdites écritures sont prises en « seule » réponse aux conclusions régularisées par la société PIXTEL le 15 décembre précédent.

Lors de l’audience de plaidoirie du 7 décembre 2017, la cour a suspendu l’audience pour délibérer sur l’incident.

SUR CE, sur l’incident de procédure, après en avoir délibéré :

Considérant que l’appelante a signifié des conclusions la veille de la date initialement prévue pour la clôture, ayant provoqué le report de celle-ci pour permettre à l’intimée d’y répondre, ce que celle-ci a fait en signifiant des conclusions récapitulatives deux jours avant la nouvelle date de clôture ;

Que l’ordonnance de clôture ayant effectivement été prononcée le 30 novembre 2017, l’appelante, qui doit ménager à l’intimée le temps nécessaire pour conclure en dernier, n’a pas démenti son contradicteur en ce qui concerne l’absence de moyen nouveau ni de demande nouvelle, de sorte que la société PIXTEL ne justifie pas d’une cause grave au soutien de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;

Qu’en outre, elle n’explique pas en quoi les 14 nouvelles pièces versées aux débats le 28 novembre 2017 par la société TF1 PUBLICITÉ nécessitaient un délai d’étude de plus de 48 heures pour lui permettre, le cas échéant, de faire valoir de nouvelles observations avant la clôture prononcée le 30

novembre 2017 ;

Qu’en conséquence, la demande de révocation de la clôture ne sera pas accueillie et les conclusions (de fond) récapitulatives n° 2 de la société PIXTEL du 6 décembre 2017 doivent être écartées des débats ;

Que par ailleurs, les écritures et les pièces nouvelles ayant été versées au dossier par la société TF1 PUBLICITÉ avant la date (prorogée) de la clôture, seront maintenues aux débats, étant observé que lors de la reprise de ceux-ci à l’audience de plaidoirie, l’avocat de la société TF1 PUBLICITÉ (intimée) a accepté de retirer 11 des 14 pièces produites le 28 novembre 2017 en ne conservant que les 3 pièces numérotées 110, 111 et 112 ;

SUR LE FOND :

Vu les dernières écritures télé-transmises le 15 novembre 2017, par la société PIXTEL appelante réclamant la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles, ne contestant plus la qualité à agir de la société TF1 PUBLICITÉ, ni être la débitrice de la somme de 116.649,89 euros, mais poursuivant :

à titre principal, la réformation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’indemnisation d’une partie de ses préjudices au titre tant de la perte de marge brute résultant de la différence entre les espaces demandés et ceux attribués, que de la sur-facturation des espaces non rentables en demandant à la cour de faire droit à la totalité de ses demandes reconventionnelles concernant un préjudice global complémentaire d’un montant de 1.498.306 euros (sous réserve de l’évaluation résultant de l’expertise judiciaire par ailleurs sollicitée) s’ajoutant au montant (de 88.288 euros) alloué par le tribunal, soit globalement la somme de 1.586.594 correspondant au plein de la demande initiale,

subsidiairement, s’il était estimé que le quantum du préjudice de la perte de marge brute résultant de la différence entre les espaces demandés et ceux attribués devait être calculé selon le critère du « plus offrant », la désignation d’un expert judiciaire aux frais avancés de la société TF1 PUBLICITÉ en vue essentiellement de vérifier s’il existe une différence entre les montants des espaces publicitaires attribués aux autres annonceurs et ceux souhaités par la société PIXTEL et, dans l’affirmative, d’en déterminer l’importance en précisant la différence entre les montant des CPM (« coût pour mille ») acquittés en 2012 et 2013 et ceux que la société PIXTEL aurait dû acquitter par rapport aux prix pratiqués auprès d’autres annonceurs ;

Vu les dernières écritures télé-transmises le 28 novembre 2017, par la société TF1 PUBLICITÉ intimée, réclamant la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant :

— la confirmation du jugement des chefs de sa qualité à agir et de la condamnation de la société PIXTEL à lui payer la somme de 116.648,89 euros en principal, sauf à le réformer en lui allouant en outre, tant les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer du 25 octobre 2013, que les pénalités contractuelles de retard à compter de la même date, en application de l’article 7.2.3 des conditions générales de vente,

— mais son infirmation en ce qu’il a retenu l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en sollicitant le rejet des demandes correspondantes de la société PIXTEL aux motifs que, selon l’intimée :

la société TF1 PUBLICITÉ n’était tenue qu’à une obligation de moyens sans garantir aucune performance,

et qu’elle ne pouvait pas satisfaire l’ensemble des annonceurs dès lors que l’espace publicitaire est limité,

— tout en demandant la confirmation du rejet des préjudices allégués au titre tant d’une perte de marge brute sur les espaces publicitaires non attribués, que d’un trop versé au titre d’espaces qui auraient été imposés, et en s’opposant à la demande d’expertise en ce qu’elle est, selon la société TF1 PUBLICITÉ disproportionnée et non légalement admissible, dès lors que la mission comptable sollicitée constitue en réalité une mesure générale d’investigation qui amènerait l’expert judiciaire « à porter une appréciation juridique et risquerait de laisser PIXTEL entrer en possession d’informations confidentielles appartenant notamment à ses concurrents, en violation du secret des affaires » ;

SUR CE ;

sur les demandes de paiement de la société TF1 PUBLICITÉ,

Considérant à titre liminaire que, dans le dispositif des dernières conclusions de la société PIXTEL maintenues aux débats, l’irrecevabilité des demandes de paiement par la société TF1 PUBLICITÉ n’est plus soulevée et que l’appelante ne conteste pas devoir la somme de 116.649,89 euros en principal ;

Qu’elle ne conteste pas davantage que les conditions générales de ventes invoquées par la société TF1 PUBLICITÉ lui sont opposables ;

Que devant la cour, la société TF1 PUBLICITÉ ne sollicite plus, comme en première instance, la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts « pour résistance abusive », mais qu’en revanche, d’une part, elle complète sa demande en sollicitant les intérêts de retard à compter de la mise en demeure de payer du 25 octobre 2013, d’autre part, elle sollicite aussi les pénalités contractuelles de retard en application des conditions générales de vente ;

Mais considérant qu’il n’est pas contesté que les factures litigieuses ont cessé d’être payées à partir de 2013, de sorte qu’il s’en déduit que les conditions générales de vente de 2013 leur sont applicables, et que le paragraphe 7.2.3 desdites conditions générales stipulant, au visa de l’article L 441-6 du code de commerce, les conséquences des retards de paiement, il n’y a pas lieu de faire en outre application des intérêts de retard au taux légal, la somme de 116.649,89 euros devant être majorée des intérêts au taux contractuel de 12 pour cent l’an (12 %) à compter de la mise en demeure de payer du 25 octobre 2013 [pièce intimée n° 41] ;

sur les demandes d’indemnités de la société PIXEL

Considérant que la société PIXTEL indique à nouveau que la procédure d’attribution des espaces publicitaires a été modifiée à partir de la fin de l’année 2011 en ce que la société TF1 PUBLICITÉ a alors, demandé en outre d’indiquer le montant du CPM (coût pour mille impressions) que l’annonceur était prêt à acquitter en faisant valoir que ce mode opératoire complémentaire n’était pas prévu dans les conditions générales de vente, et renouvelle devant la cour l’ensemble de ses demandes initialement formulées devant les premiers juges en ce compris :

la perte de marge brute sur les espace publicitaires non attribués par TF1 PUBLICITÉ,

le trop versé au titre des espaces « imposés et surfacturés »,

qui n’ont pas été pris en compte par le tribunal ;

Que pour sa part, la société TF1 PUBLICITÉ conteste l’existence d’un déséquilibre significatif entre les obligations des parties en faisant valoir que la société PIXEL, professionnel « averti et expérimenté » du secteur d’activités multimédia, n’a pas été placée dans la dépendance de TF1 PUBLICITÉ et ne justifie pas de la soumission qu’elle allègue, l’intimée estimant que les relations

commerciales étaient globalement équilibrées, que le processus de réservation et de vente des espaces publicitaires du portail Bouygues Télécom est prévu dans ses conditions générales de vente qu’elle détermine en toute liberté dans le cadre du libre jeu de la concurrence, et que les conditions tarifaires comportent des prix au CPM brut pour les bannières et des prix au forfait pour les liens textes, de sorte que le prix n’était pas proposé « à l’aveugle » ;

Considérant que la société TF1 PUBLICITÉ, pour contester :

toute soumission de la société PIXTEL, fait valoir qu’en absence d’exclusivité, l’appelante pouvait « facilement réaffecter son budget publicitaire auprès d’une autre régie commercialisant les espaces publicitaires des [autres] supports mobiles », et qu’en outre, l’offre mobile de TF1 PUBLICITÉ ne se limitait pas au portail Bouygues Télécom,

tout déséquilibre entre les obligations des parties, fait valoir que l’économie globale des droits et obligations et le contexte de conclusion des commandes d’espaces publicitaires démontrent, selon l’intimée, que la relation était équilibrée ;

Mais considérant que, même si la société PIXTEL pouvait reporter tout ou partie de ses investissements publicitaires sur le portail d’accès d’autres opérateurs de téléphonie, elle pouvait avoir néanmoins un besoin d’apparaitre aussi sur le portail Bouygues Télécom en fonction des caractéristiques des produits qu’elle souhaitait offrir à la vente aux divers internautes utilisant ce portail d’accès et que la liberté et la possibilité de s’adresser à d’autres opérateurs ne permettent pas pour autant au régisseur de publicité de l’un d’entre eux d’imposer un déséquilibre entre les obligations respectives des parties, de sorte que les prétentions émises de ce chef par la société PIXTEL doivent être ci-après examinées ;

Que le tribunal a relevé à juste titre que l’article L 441-6, I (1er alinéa) du code de commerce fait obligation au régisseur de publicité de communiquer ses conditions générales de vente, dont notamment le barème des prix unitaires ;

Que la société TF1 PUBLICITÉ n’a pas formellement contesté avoir exigé, à partir de 2012, en plus de la liste des espaces publicitaires souhaités pour le semestre à venir, que l’annonceur précise le prix qu’il était disposé à acquitter pour les obtenir et que la réponse de la régie était élaborée en fonction de ce prix d’achat annoncé ;

Que ce mode opératoire complémentaire n’est pas expressément prévu dans les conditions générales de vente produites aux débats par la société TF1 PUBLICITÉ ;

Qu’en communiquant ensuite à la société PIXTEL une proposition très en dessous du nombre des espaces qu’elle avait souhaités, sans autre justification que l’importance des demandes également formulées par d’autres annonceurs sur les mêmes espaces publicitaires, mais en y associant une part non négligeable d’espaces non demandés et en étant seule à connaître l’ensemble des prix proposés par tous les autres annonceurs sur un espace publicitaire donné, sans jamais les communiquer aux annonceurs intéressés, la régie publicitaire a mis la société PIXTEL dans l’obligation :

soit de renoncer à acquérir tout espace publicitaire sur le portail Bouygues Télécom pour le semestre considéré, et en conséquence de ne pas être visible par les « internautes » et « mobinautes » utilisant ce portail d’accès,

soit d’accepter sans discuter la proposition de TF1PUBLICITÉ, comprenant une part significative d’espaces non désirés, en étant dans l’impossibilité, en vue d’obtenir un plus grand nombre d’espaces désirés que celui arbitrairement proposé par le régisseur, d’améliorer le prix d’achat initialement offert, en raison de la méconnaissance du prix proposé par les autres annonceurs en concurrence pour l’acquisition du même espace publicitaire ;

Qu’en plaçant ainsi la société PIXTEL dans la situation « du tout ou rien », alors même que la régie disposait de toutes les informations sur les prix d’achats proposés par les autres annonceurs lui permettant ainsi d’ajuster sa proposition de vente d’espaces publicitaires tandis que, du fait de l’opacité entretenu par le régisseur, la société PIXTEL ne disposait pas des d’informations équivalentes lui permettant d’ajuster ses propres propositions de prix d’achat, la société TF1 PUBLICITÉ a soumis son partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, l’obligeant à réparer le préjudice causé, d’autant que le régisseur exclusif a reconnu que pour les règles d’attribution, il ne se référait pas uniquement aux prix d’achat proposés par les différents annonceurs, mais qu’il privilégiait aussi ceux qui respectent « la déontologie du portail » sans précision sur le contenu exact de celle-ci, et les annonceurs qui équilibraient leurs offres d’achat entre les différentes rubriques proposées par TF1 PUBLICITÉ, les conditions de cette appréciation n’étant pas davantage précisées dans les conditions générales de vente;

Considérant que la société PIXTEL, qui supporte la charge de la preuve des dommages qu’elle allègue, fait état de trois préjudices sur l’année 2012 et le 1er semestre 2013, soit :

une perte de marge brute résultant de la différence entre les espaces demandés et ceux effectivement attribués parmi ceux qu’elle avait demandés, qu’elle évalue à la somme totale de 1.491.181 euros, la société TF1 PUBLICITÉ estimant que le chiffre d’affaires prétendument perdu et la marge brute correspondante n’étant pas démontrés,

une perte de marge brute résultant de la différence entre les espaces initialement attribués par TF1 PUBLICITÉ et ceux effectivement mis à sa disposition, qu’elle évalue à hauteur globalement de la somme de 88.288 euros, la société TF1 PUBLICITÉ faisant valoir que seuls les espaces effectivement diffusés étaient facturés,

le sur coût résultant de la « sur facturation » des espaces des espaces qu’elle n’aurait pas acquis si TF1 PUBLICITÉ ne les avait pas autoritairement couplé avec les espaces qu’elle avait demandés, le préjudice allégué correspondant étant évalué à hauteur de la somme de 7.125 euros par l’appelante, la société TF1 PUBLICITÉ contestant la contrainte alléguée en affirmant que la société PIXTEL « a librement réservé les espaces [qu’elle lui a] proposés »;

Mais considérant :

sur le premier préjudice, si, comme l’a relevé le tribunal, en raison de l’existence non véritablement contestée d’un plus grand nombre de demandes d’espaces par les différents annonceurs, que d’espaces publicitaires effectivement disponibles, la société PIXTEL ne rapporte pas la preuve qu’en l’absence de la pratique dénoncée, elle aurait obtenu la totalité de sa demande d’espaces souhaités, il n’en demeure pas moins qu’en l’ayant soumise à un déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties, la société TF1 PUBLICITÉ a privé la société PIXTEL d’une chance d’obtenir un nombre plus grand d’espaces publicitaires souhaités et corrélativement du chiffre d’affaires supplémentaire correspondant qui en serait résulté, étant rappelé que l’indemnisation d’une perte de chance n’est jamais égale au produit escompté si la chance s’était réalisée et qu’en l’espèce, en fonction des éléments disponibles dans le dossier, il convient d’évaluer forfaitairement le préjudice résultant de ladite perte de chance à hauteur de la somme de 150.000 euros,

sur le deuxième préjudice, que la société PIXTEL invoque, en réalité, une mauvaise exécution du contrat, mais non un préjudice résultant du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, et que c’est à juste titre que la société TF1 PUBLICITÉ fait valoir que le nombre d’impressions réelles dépend du trafic et de l’audience du portail Bouygues Télécom qu’elle ne maîtrise pas et que les conditions générales de vente stipulent que les espaces réservés par les annonceurs ne peuvent pas être tenus pour acquis, le régisseur ne pouvant pas garantir aux annonceurs que tous les espaces attribués pourront être livrés, de sorte que, contrairement à ce qu’a

retenu le tribunal, ce chef de préjudice n’est pas fondé,

sur le troisième préjudice, qu’il résulte de la description par les parties, du processus de vente des espaces publicitaires, qu’en couplant des espaces non sollicités avec les espaces souhaités, la société TF1 PUBLICITÉ a effectivement, de fait, imposé à la société PIXTEL l’acquisition d’espaces publicitaires qu’elle n’aurait pas acquis de sa seule initiative, étant observé que l’évaluation du préjudice correspondant à hauteur de la somme de 7.125 euros n’a pas véritablement été critiquée ;

Qu’en conséquence, le jugement sera réformé en conséquence, étant observé que, compte tenu de la décision à intervenir, la demande subsidiaire de désignation d’un expert devient sans objet, l’appréciation des préjudices ne résultant pas de la perte de marge brute sticto sensus évalué selon le critère du « plus offrant » ;

Considérant qu’il apparaît équitable de laisser à chaque partie, la charge définitive des frais irrépétibles qu’elle a exposé depuis le début de l’instance, les dépens d’appel devant être mis à la charge de la société TF1 PUBLICITÉ qui succombe principalement en appel ;

PAR CES MOTIFS ;

La Cour,

REJETTE la demande de la SAS PIXTEL de révocation de clôture de l’instruction de l’affaire et écarte des débats les conclusions (de fond) récapitulatives n° 2 qu’elle a signifiées le 6 décembre 2017 ;

MAINTIENT dans les débats les conclusions signifiées le 28 novembre 2017, par la SAS TF1 PUBLICITÉ et prend acte du maintient des seules pièces communiquées le même jour sous les numéros 110, 111 et 112 ;

CONFIRME le jugement en ce qu’il a condamné la SAS PIXTEL à payer à la SAS TF1 PUBLICITÉ la somme de 116.649,89 euros TTC en principal ;

Y ajoutant, dit que cette somme de 116.649,89 euros est majorée des intérêts au taux de 12% l’an à compter du 25 octobre 2013 ;

CONFIRME le jugement en ce qu’il a estimé que la SAS TF1 PUBLICITÉ a soumis la SAS PIXTEL à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

LE RÉFORME pour le surplus et statuant à nouveau du chef du montant de l’indemnisation de la SAS PIXTEL ;

CONDAMNE la SAS TF1 PUBLICITÉ à payer à la SAS PIXTEL, la somme globale de 157.125 euros (150.000 + 7.125) ;

ORDONNE la compensation à hauteur de la plus petite des sommes dues réciproquement par les parties en exécution de la présente décision ;

REJETTE les demandes d’indemnisation des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la SAS TF1 PUBLICITÉ aux dépens d’appel ;

ADMET la SCP AFG (prise en la personne de Maître Alain FISSELIER), avocat postulant, au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 19 janvier 2018, n° 16/11167