Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 29 septembre 2020, n° 16/13133

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 8, 29 sept. 2020, n° 16/13133
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/13133
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Évry, 8 mai 2016, N° 2014L01404
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2020

(n° / 2020 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/13133 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BZBNA

Décision déférée à la cour : Jugement du 09 Mai 2016 – Tribunal de commerce d’EVRY – RG n° 2014L01404

APPELANTE

SAS METIFIOT, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège,

Immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 957 501 851

Ayant son siège social […]

[…]

[…]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée de Me MENGUY Gilles, avocat au barreau de PARIS, toque : C0438

INTIMÉS

Madame N B-M, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la SAS F,

[…]

[…]

4e étage

[…]

Monsieur Y D

Né le […] à […]

Demeurant 14 bis rue Mouton-Duvernet

[…]

Monsieur Z D

Né le […] à […]

Demeurant 14 bis rue Mouton-Duvernet

[…]

Monsieur E F

Né le […] à […]

[…]

[…]

Madame G A

Née le […] à […]

Demeurant 14 bis rue Mouton-Duvernet

[…]

SAS NOISETIER, prise en la personne de son président, Monsieur I J, domicilié en cette qualité audit siège ,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 789 805 660

Ayant son siège social […]

[…]

SAS F , prise en la personne de son président, Monsieur E F, domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 552 073 280

Ayant son siège social […]

[…]

SARL LEF, prise en la personne de son gérant, Monsieur Z D, domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 434 261 004

Ayant son siège social 14 bis rue Mouton-Duvernet

[…]

R e p r é s e n t é s p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistés de Me Didier FORNONI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0061

SAS CONTITRADE FRANCE, venant aux droits de la SASU MPI MASSA AUTOPNEU – MAX AUTO, suite à la fusion absorption de cette dernière en date du 31 août 2018,

Immatriculée au RCS de COMPIÈGNE sous le numéro 394 479 034

Ayant son siège […]

[…]

[…]

Représentée par Me Y LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me ROUSSEAU Philippe, avocat au barreau de PARIS, toque : P0127

MINISTÈRE PUBLIC

[…]

[…]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’ article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Juin 2019, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame C-Q R-S, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame N DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame C-Q R-S dans les conditions de l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame […]

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par C-Q R-S, Présidente de chambre et par […], greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La société F exploitait sous l’enseigne Profil Plus en région parisienne 25 points de vente de pneus, qui se fournissaient chez Bridgestone.

Elle détenait 58% de PGV Holding ( PGV).

La société F a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d’Evry, le 2 mars 2009.

Bridgestone à déclaré une créance de 318 226,36 euros au passif de la procédure de la dite société.

Maître B M, administrateur judiciaire, a présenté au tribunal un plan de redressement visant à l’acquisition de la société F par la société Métifiot, qui appartient au groupe Bridgestone, par un apport de trésorerie de 24,37 % du passif à apurer, cette société devant acquérir des parts sociales de PGV ainsi que des fonds de commerce.

Le 24 décembre 2009, un protocole d’accord portant sur l’acquisition des parts sociales et des fonds de commerce de PGV a été signé entre la société Lef, MM X et E F, MM Y et Z D et Mme G A, en présence de PGV, lequel prévoyait que le prix provisoire de cession de 1,5 millions d’euros serait subordonné à la réalisation de plusieurs conditions suspensives, dont la décision du tribunal de commerce d’Evry portant homologation du plan de continuation de la société F.

Un protocole d’accord aux termes similaires a par ailleurs été signé le même jour entre les sociétés Métifiot et F en présence de PGV Holding.

Le 4 janvier 2010, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement de la société F pour une durée de 10 ans, Maître B M étant désignée commissaire à l’exécution du plan.

Le 5 janvier 2010, divers actes de restructuration des points de vente ont été signés entre les sociétés F et Métifiot et entre les sociétés F et PGV Holding, ainsi qu’une convention de garantie et un accord de non rétablissement des anciens actionnaires de PGV au profit de Métifiot.

A en outre été conclu entre la société Lef, MM X et E F, MM Z et Y D, actionnaires de la société F, d’une part, et la Sas Métifiot, société cessionnaire, d’autre part, un engagement (ci-après l’Engagement) conférant à cette dernière 'un droit de premier refus et une faculté de substitution en cas de projet de cession à un tiers de tout ou partie de leurs participations dans le capital de F, en résultat d’une offre de bonne foi émanant du dit tiers, ou adressée à celui-ci par les dits actionnaires ou pour leur compte', et ce, conformément aux stipulations du protocole du 24 décembre 2009

La société F a, dans le même acte, concédé les mêmes droits en cas de projet de cession de tout ou partie de ses fonds de commerce à un tiers.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juin 2012, M E F, en qualité de président de la société F et de représentant des cédants dans le cadre de la cession des actions, a notifié à la société Métifiot la résiliation de l’Engagement du 5 janvier 2010.

La société Métifiot a contesté cette résiliation unilatérale suivant lettre du 3 août 2012.

Le 25 septembre 2012, la société F, désireuse de céder le droit au bail de l’établissement situé […], a saisi le tribunal de commerce d’une demande de modification du plan de continuation afin de permettre la cession du local concerné, en autorisant la levée de l’inaliénabilité

de ses fonds de commerce prévue pour la durée du plan.

Par jugement du 12 novembre 2012 le tribunal a modifié le plan homologué le 4 janvier 2010 et autorisé la société à céder le fonds situé […] pour la somme de 630 000 euros.

Par ailleurs, des restructurations sont intervenues au sein du groupe F: la SAS Noisetier a été constituée le 30 novembre 2012 entre MM E F et Z D.

Un accord en vue de régir leurs relations dans le cadre des négociations avec les créanciers de la société F a été conclu le 19 décembre 2012 avec la société MPI, société du groupe Massa Pneus.

La société MPI a par ailleurs souscrit à une augmentation de capital de la société Noisetier le 26 juillet 2013, à l’issue de laquelle elle détenait 51,03 % du capital.

Considérant que la cession du local du boulevard Diderot et la restructuration de la société F avaient été faites en violation de ses droits et notamment des accords souscrits en 2009 et 2010, la société Métifiot a assigné, maître N B M, la Sas Noisetier, la Sas MPI, la Sas F, la Sarl Lef, Mme G A, MM Y et Z D, et M E F devant le tribunal de commerce d’Evry aux fins, pour l’essentiel, de voir dire que le pacte de préférence souscrit ne pouvait être résilié unilatéralement, ou subsidiairement qu’il l’a été de mauvaise foi et sans préavis préalable et en conséquence de prononcer la nullité des cessions intervenues en violation du dit pacte, juger que les défendeurs sont responsables des dommages causés à la société Métifiot, dire que M E F a par ailleurs commis une faute dans l’exécution de son mandat d’intérêt commun des parties à qui était confiée la mission de veiller à la bonne exécution du contrat, les condamner en conséquence solidairement au paiement d’une somme évaluée à un montant cumulé supérieur à 16 000 000 euros correspondant à l’ensemble des préjudices subis.

Par jugement en date du 9 mai 2016, le tribunal a :

— dit que l’engagement conférant un droit de premier refus à la Société Métifiot s’inscrit dans le cadre du plan de continuation de la Sas F dont la durée prévue de 10 ans constitue une durée minimale pendant laquelle toute résiliation unilatérale est proscrite,

— dit que toute cession d’actions ou de fonds de commerce de la Sas F à compter du 26 juillet 2013 à la Sas Noisetier est soumise aux dispositions de l’engagement du 5 janvier 2010 souscrit par la Sarl Lef, M X F, M E F, M Y D, M Z D, Mme G A et la Sas F au bénéfice de la société Métifiot, et que cette dernière pourra se pourvoir devant le tribunal en cas de violation du dit engagement,

— présentement débouté la société Métifiot de l’ensemble de ses demandes et les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— condamné les défendeurs à payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration du 14 juin 2016, la société Métifiot a relevé appel de cette décision.

Par arrêt du 20 novembre 2018, la cour a rejeté la demande de nullité de la déclaration d’appel et d’irrecevabilité des conclusions de la société Métifiot, au fond, a infirmé le jugement, statuant à nouveau, dit que ' l’Engagement’ du 5 janvier 2010 est à durée indéterminée et à exécution successive et pouvait être résilié unilatéralement, rejeté en conséquence la demande de nullité de la cession du point de vente situé boulevard Diderot, de nullité de la constitution de la société Noisetier, ainsi que

de l’entrée de MPI au capital de cette dernière, dit que la résiliation du dit contrat par M. F ' tant en qualité de président de la société F que de Représentant des cédants dans le cadre de la cession des actions de la Sas PGV Holding', le 25 juin 2012, l’a été sans respecter un délai raisonnable, avant dire droit sur les plus amples demandes des parties, ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur ce point, renvoyé l’affaire à la mise en état du 12 février 2019, sursis à statuer sur l’ensemble des demandes et réservé les dépens.

Par conclusions sur réouverture des débats déposées au greffe et notifiées le 28 mai 2019, la SAS Métifiot demande à la cour:

— de rejeter les demandes des intimés tendant à voir rejeter son argumentation, cette dernière ne formulant aucune prétentions nouvelle,

— à titre principal, constater que l’acte de non-rétablissement prévoit une durée de non concurrence de 5 ans à la charge des cédants en cas de cession des actions qu’ils détiennent dans la société F’ directement ou indirectement à un tiers', juger que M. E F et M. Z D ont réalisé une cession des actions qu’ils détenaient dans la société Noisetier au profit du groupe Massa Pneus et ont continué d’exercer une activité de mandataire social a minima jusqu’en juin 2014, interpréter l’acte d’engagement et de non-rétablissement comme formant un ensemble contractuel, juger que MM. F et D n’ont pas respecté le délai de préavis qui en découle, fixer le terme du préavis au 5 janvier 2015,

— subsidiairement, fixer le terme du préavis au 2 janvier 2013, si un délai de six mois de préavis était retenu, à défaut le fixer au 2 octobre 2012 si un délai de préavis de 3 mois était retenu, juger que pendant la durée du préavis le contrat reste en vigueur en toutes ses stipulations, juger que les pourparlers de cession de MM. E F et Z D ont débuté avant le 25 juin 2012 ou très peu de temps après cette date et avec certitude a minima moins de trois mois avant le 19 décembre 2012, soit le 19 septembre 2012, qu’ils ont violé l’acte d’engagement du 5 janvier 2010, juger que la société F et la société Noisetier ont engagé leur responsabilité en qualité de tiers complices,

— condamner in solidum MM. E F et EmmanuelThiesselin avec les sociétés F et Noisetier à lui payer 9.380.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la perte de chance,

— reconventionnellement, rejeter les demandes des sociétés Noisetier, F, Lef, de Mme A, de MM. Emmnanuel et Y D, de M. F et de la société Contitrade France venant aux droits de MPI,

— en tout état de cause, condamner in solidum MM. E F et Z D avec les sociétés F et Noisetier à lui payer 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, juger que la décision à intervenir sera commune à la société Lef, à Mme A, à M. Y D et à la société Contitrade France venant aux droits de MPI,

— condamner 'les mêmes’ aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 13 mai 2019, la SAS Noisetier, la SAS F, la SARL Lef, Mme G A, M. Y D, M. Z D, M. E F et Maître B, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société F, demandent à la cour, après abandon à l’audience, des prétentions présentées in limine litis et à titre subsidiaire en ce qu’elles ont déjà été jugées:

— de prendre acte du caractère flou des demandes de nullité de l’appelante qui les empêche d’exercer valablement leurs droits de la défense, juger que la société Métifiot ne disposait d’aucun droit de

premier refus relatif à l’opération de constitution de la société Noisetier et d’augmentation de capital de la société F ayant abouti à l’entrée du groupe Massa Pneus (via MPI), débouter la société Métifiot de l’ensemble de ses prétentions, et en tout état de cause, condamner la société Métifiot à leur payer 50.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 11 février 2019, la SAS Contitrade France, venant aux droits de la société MPI suite à la fusion absorption de cette dernière le 31 août 2018, demande à la cour de prendre acte de son intervention volontaire en ce qu’elle vient aux droits de MPI, à titre principal, juger que l’engagement du 5 janvier 2020 ayant conféré un droit de premier refus à la société Métifiot a été valablement résilié le 25 juin 2012 et a cessé de produire ses effets depuis cette date, infirmer le jugement en ce qu’il a dit que l’engagement conférant un droit de premier refus à la société Métifiot s’inscrit dans le cadre du plan de continuation de la société F dont la durée de 10 ans constitue une durée minimale pendant laquelle toute résiliation unilatérale est proscrite, en conséquence, débouter la société Métifiot de toutes ses prétentions, subsidiairement, confirmer le jugement du 9 mai 2016 en ce qu’il a débouté la société Métifiot de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice et de sa demande d’expertise, en tout état de cause, statuer conformément aux demandes de MPI et condamner la société Métifiot à payer à la société MPI 40.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures en application de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Il sera rappelé que:

— 'l’Engagement’ objet du présent du litige,conclu entre la société Lef, M X F, M E F, M Y D, M Z D, Mme G A, les cédants, de première part, la société F, de seconde part, et Métifiot, le cessionnaire, de troisième part, prévoit en son article 1er que :

'1.1 Les Cédants, actionnaires majoritaires ultimes de F, confèrent par les présentes, au Cessionnaire un droit de premier refus (droit de première priorité à conditions identiques ou meilleures pour ses actionnaires), en cas de projet de cession à un tiers de tout ou partie de leurs participations dans le capital de F en résultat d’une offre de bonne foi émanant du dit tiers ou adressée à celui-ci par lesdits actionnaires ou pour leur compte.

1.2 F confère par les présentes au cessionnaire un droit de premier refus (dans les termes énoncés ci dessus) en cas de projet de cession par F de tout ou partie de ses fonds de commerce à un tiers, en résultat d’une offre de bonne foi émanant du dit tiers ou adressée à celui-ci par F ou pour son compte.

1.3 Dans les cas visés aux points 1.1 et 1.2 ci dessus:

(a) les Cédants ou F, selon le cas, devront informer le cessionnaire de l’existence d’un tel projet dès que possible et en toute hypothèse avant toute acceptation de l’offre du tiers ou tout envoi de l’offre à ce tiers, et le Cessionnaire disposera d’un délai minimum de quarante (40) jours ouvrés pour se prononcer, faute de quoi son droit de première priorité deviendra caduc et de nul effet.

(b) Le droit de premier refus ne s’appliquera pas (i) aux cessions au profit de membres de la famille des actionnaires ultimes de F, ni (ii) à la cession projetée par F, en 2010, de ses trois fonds de commerce de Chatenay- Malabry (77, […], […]

Tolbiac) et Paris XV ème ([…].

(c) par ailleurs le droit de premier refus ne pourra être exercé que dans le respect des obligations, notamment d’inaliénabilité, applicables à F au titre du plan de continuation adopté le 4 janvier 2010 par le tribunal de commerce d’Evry.'

— la cour a jugé dans son arrêt du 20 novembre 2018, que l’Engagement du 5 janvier 2010 pouvait être résilié unilatéralement, rejeté la demande d’inopposabilité de ladite résiliation, ainsi que les demandes d’annulation de la cession du point de vente situé boulevard Diderot à Paris, de la constitution de la société Noisetier et de l’entrée de la société MPI au capital de cette dernière, mais a dit que la résiliation de cet engagement le 25 juin 2012 par M. F, tant en qualité de président de la société F que de représentant des cédants dans le cadre de la cession des actions de la SAS PVG Holding, l’avait été sans respecter un délai raisonnable, que la responsabilité des intimés était le cas échéant susceptible d’être engagée, à charge pour la société Métifiot de démontrer l’existence d’un préjudice en découlant et d’un lien de causalité avec la faute commise et a ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à conclure sur ce point.

Ainsi que le soutiennent les intimés, seul reste donc à apprécier dans le cadre de la réouverture des débats le préjudice pouvant résulter, non pas de la résiliation de l’Engagement dont la cour a admis la validité, mais de la brutalité avec laquelle elle est intervenue, la résiliation datée du 25 juin 2012 étant à effet immédiat.

Dès lors, les demandes et moyens des parties revenant sur la possibilité ou non de résilier unilatéralement l’Engagement, sur la contestation des modalités et du délai de résiliation ainsi que sur la contestation des actes passés après la prise d’effet de la résiliation, n’ont pas lieu d’être à nouveau examinés, ayant été jugés par l’arrêt du 20 novembre 2018.

La société Métifiot fait valoir, qu’au regard d’un délai de préavis qui aurait couru jusqu’au 5 janvier 2015, subsidiairement jusqu’au 2 janvier 2013 ou à tout le moins jusqu’au 2 octobre 2012, elle aurait été en mesure d’exercer son droit de priorité et l’aurait exercé. Elle sollicite en conséquence réparation de la perte de chance résultant du fait qu’elle n’a pu exercer son droit de priorité. Elle évalue cette perte de chance à 9.380.000 euros sur la base de l’intérêt que représentait pour elle la possibilité d’acquérir 10 points de vente en région parisienne, se décomposant comme suit: 5 millions d’euros pour entrave au développement, 3.150.000 euros pour privation de résultats d’exploitation, 1.050.000 euros pour perte de valeur de 'goodwill' au titre de la marque et des parts de marché, 840.000 euros pour perte de 'RFA' sur les volumes d’achat.

Les intimés contestent le fait que la société Métifiot aurait en l’absence de rupture brutale de l’Engagement exercé son droit de priorité et partant l’ensemble des préjudices allégués, dès lors que les opérations de restructuration en cause se sont déroulées en décembre 2012 et en 2013 et que la résiliation était effective au 25 juin 2012, ajoutant que les opérations de restructuration n’entraient pas dans le champ d’application du droit de priorité, que la cession des actions F à la société Noisetier en était expressément exclue et que l’augmentation de capital de la société Noisetier ne concerne pas davantage l’engagement litigieux. Ils arguent qu’à supposer la rupture brutale, la faute consiste uniquement à ne pas avoir prévenu que le droit de premier refus cesserait du fait de la résiliation quelques semaines plus tard, que cette situation ne peut conduire à accorder rétrospectivement une exécution forcée du droit de priorité. Ils ajoutent que la société Bridgestone ayant participé aux négociations liées aux abandons de créances tenait sa filiale Métifiot informée des opérations, de sorte qu’en s’abstenant de s’opposer formellement à ladite opération, la société Métifiot a donné son aval à l’entrée de Massa Pneus dans le capital de la société Noisetier.

La société Contitrade, venant aux droits de MPI, soutient à titre principal que l’engagement a été résilié avec un préavis raisonnable, que la rupture n’est pas intervenue de manière brutale, la lettre du 3 août 2012 émanant de la société Métifiot démontrant que cette société avait antérieurement été

avisée à plusieurs reprises de l’intention de la société F de mettre un terme à cet engagement, ce qui explique qu’elle n’ait pas fait part de son étonnement dans sa lettre de contestation, subsidiairement, elle indique que la société Métifiot ne rapporte aucunement la preuve des préjudices qu’elle allègue, aucune pièce comptable, financière ou juridique n’étant communiquées à l’appui de ses très importantes demandes, la demande de désignation d’un expert démontrant qu’elle est dans l’incapacité de justifier de son préjudice.

Le préjudice pouvant naître de la brutalité de la résiliation de l’Engagement ne se confond pas avec celui qui résulterait du non respect d’un préavis contractuellement fixé, la convention des parties n’en ayant pas prévu. Ainsi, la société Métifiot ne peut dans le cadre de la réouverture des débats faire reconnaître par la cour l’indivisibilité existant entre l’Engagement résilié et la convention de non-rétablissement d’une durée de 10 ans, moyen qu’elle avait développé pour contester le droit de M. F à faire résilier l’Engagement au 25 juin 2012 et que la cour a écarté dans son premier arrêt.

C’est de manière inopérante que la société Métifiot fonde son préjudice sur la violation de l’Engagement résultant selon elle, le 19 décembre 2012, de la cession consentie à une société et non aux actionnaires ultimes de la famille F et de l’absence d’information préalable de ce projet, dès lors, indépendamment du fait qu’au mois de décembre 2012, les parties n’étaient plus liées par l’Engagement qui avait été résilié plusieurs mois auparavant, qu’il s’agit là d’un préjudice qui trouverait son origine dans un défaut d’exécution de la convention et non pas dans le caractère brusque de sa résiliation.

Le fait que la résiliation de l’Engagement a été décidée pour permettre ensuite à la société F, qui voulait se restructurer, de rechercher un nouvel opérateur avec lequel s’associer et que des négociations à cet effet ont préexisté au 19 décembre 2012, se rapporte toujours à l’exécution de l’Engagement et ne modifie pas cette analyse.

Si M. F avait pris le soin d’informer officiellement la société Métifiot préalablement à la mise en oeuvre de la résiliation à effet immédiat de l’Engagement, la société Métifiot n’aurait pas eu l’occasion d’exercer son droit de premier refus, dès lors qu’aucune cession permettant l’exercice de ce droit ne lui avait été notifiée et qu’il n’est établi qu’elle avait à l’être.

Ainsi, la violation du droit de priorité alléguée se rapporte uniquement à l’exécution de l’Engagement, et non au préjudice résultant de l’effet immédiat de sa résiliation le 25 juin 2012, qui a délié les parties de leurs obligations.

Les différents postes de préjudices invoqués par la société Métifiot à l’appui de la perte de chance, prise de l’atteinte à son développement et à son image dans un secteur très concurrentiel, de la perte des revenus que lui aurait procuré l’exploitation de nouveaux points de vente, de la perte des remises commerciales auxquelles elle aurait pu prétendre de la part des fournisseurs (RFA) avec un volume d’achat augmenté de 8 millions d’euros et de la privation de l’augmentation de la valeur de son actif, reposent tous sur la violation de son droit de priorité qui l’aurait privée de l’opportunité d’ouvrir dix nouveaux points de vente en Ile de France.

Le préjudice ainsi invoqué ne trouve donc pas son origine dans l’absence d’information préalable, qui caractérise la brutalité de la résiliation.

La société Métifiot ne démontrant pas l’existence d’un préjudice en lien direct avec la brusque résiliation reprochée à M. F, sera en conséquence déboutée de toutes ses demandes.

— Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Métifiot, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, le jugement étant

infirmé en ce sens.

Par ailleurs, aucune considération d’équité ne justifie de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des intimés.

PAR CES MOTIFS

Vu l’arrêt du 20 novembre 2018 et l’infirmation du jugement du 9 mai 2016,

Déboute la société Métifiot de toutes ses demandes,

Déboute la SAS Noisetier, la SAS F, la SARL Lef, Mme G A, M. Y D, M. Z D, M. E F et Maître B, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société F et la société Contitrade France de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Métifiot aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière,

[…]

La Présidente,

C-Q R-S

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