Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 13 février 2020, n° 16/15098

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 13 févr. 2020, n° 16/15098
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/15098
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 21 janvier 2015, N° 2012J1217
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 13 FÉVRIER 2020

(n° , 24 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/15098 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BZHDB

Décision déférée à la cour : jugement du 22 janvier 2015 -tribunal de commerce de LYON – RG n° 2012J1217

APPELANT

Maître M-N X pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société WORLDSHIP

[…]

[…]

Représenté par Me G H L, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

Ayant pour avocat plaidant Me Phillipe FEITUSSI et Me Linda AZIZI, avocats au barreau de PARIS, toque : P225

INTIMÉE

SOCIÉTÉ CATHAY PACIFIC AIRWAYS LIMITED, société de droit étranger

ayant un établissement en principal en France 8 rue de l’Hôtel de Ville 92200 NEUILLY-SUR-SEINE

Ayant son siège social […]

HONG-KONG (CHINE)

N° SIRET : 337 847 834

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant Me Sophie UETTWILER, avocat au barreau de PARIS, toque : P261 substitué à l’audience par Me Sébastien SEGARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P261

PARTIE INTERVENANTE

SELARL Z A prise en la personne de Maître Z A ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société WORLDSHIP ( désigné par jugement du tribunal de commerce de LYON rendu le 31 décembre 2018 en remplacement de Maître M-N X précédemment désigné en cette même qualité et aux lieux et place de Maître B C et Maître Thierry BOUVET désignés en qualité d’administrateurs provisoires de l’Etude de Maître X)

[…]

[…]

Représenté par Me G H L, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

Ayant pour avocat plaidant Me Phillipe FEITUSSI et Me Linda AZIZI, avocats au barreau de PARIS, toque : P225

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 mars 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Q R, Président de chambre

Madame D E, Conseillère, chargée du rapport

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame D E dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA-GASPAR

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Q R, Président de chambre et par Madame O P, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Cathay Pacific Airways (ci-après la société Cathay) est une compagnie aérienne chinoise dont le siège est situé à Hong-Kong.

La société Worldship and Agency France, société française, exerce l’activité d’agence de compagnies aériennes.

Le 20 février 1989, les sociétés Cathay et Worldship ont conclu un contrat d’une durée indéterminée

aux termes duquel la société Cathay a confié à la société Worldship la promotion et la commercialisation de ses services dans le sud de la France.

Par lettre du 13 juin 1996, la société Cathay a étendu la zone géographique d’intervention de la société Worldship à l’ensemble du territoire français métropolitain, à l’exclusion de la région parisienne.

Ce contrat a été résilié par la société Cathay le 29 septembre 2004.

Un nouveau contrat a été conclu le 6 octobre 2004 pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 dont l’exécution s’est poursuivie au-delà du terme convenu.

Les parties ont conclu le 25 février 2011 un nouveau contrat pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.

Par lettre du 17 octobre 2011, la société Cathay a résilié ce contrat, avec effet au 17 avril 2012.

Par jugement du 8 mars 2012, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Worldship. Par jugement du 5 juin 2012, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en procédure de liquidation judiciaire.

La société Cathay a déclaré une créance de 431 245,57 euros à la procédure collective correspondant à des ventes de billets pour la période du 16 janvier au 10 février 2012 après déduction d’une somme de 65 798,08 euros correspondant aux commissions de la société Worldship de janvier et février 2012. Cette créance a été admise à concurrence de 359 167 euros; un montant de 72 078,57 euros ayant été rejeté.

Par acte d’huissier du 9 mai 2012, la société Worldship a assigné la société Cathay devant le tribunal de commerce de Lyon en vue de l’indemnisation de divers préjudices résultant d’agissements prétendument fautifs de la société Cathay.

Par jugement du 22 janvier 2015, le tribunal de commerce de Lyon a :

— pris acte de la décision du tribunal de commerce de Lyon en date du 5 juin 2012 qui a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire, ouverte le 8 mars 2012 à l’encontre de la société Worldship, en liquidation judiciaire ainsi que de la nomination de Me M-N X en qualité de mandataire liquidateur,

— déclaré recevable l’exception d’incompétence soulevée par la société Cathay, mais l’a rejetée,

— s’est déclaré compétent pour connaître du présent litige,

— dit que le contrat d’agent général des ventes conclu entre la société Cathay et la société Worldship est un contrat d’agent commercial,

— dit que la législation française et les dispositions de l’article L 134-12 du code de Commerce sont applicables au présent litige,

— condamné la société Cathay à payer la somme de 595.816 euros à la société Worldship représentée par Me X en qualité de liquidateur au titre du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d’agent commercial,

— dit que la société Cathay ne s’est pas rendue coupable d’actes de concurrence déloyale,

— débouté la société Worldship représentée par Me X en qualité de liquidateur de sa demande tendant à voir condamner la société Cathay à lui verser la somme de 1.724.000 euros HT au titre de la perte de clientèle,

— débouté la société Worldship représentée par Me X en qualité de liquidateur de ses demandes tendant à voir condamner la société Cathay à lui verser la somme de 5.802.000 euros HT au titre de l’impossibilité de sa poursuite d’activité et la somme de 492.499 euros HT au titre du coût des licenciements,

— écarté des débats les pièces n° 22, 24 et 26 produites par la société Cathay,

— dit que la société Cathay ne s’est pas rendue coupable de violence économique,

— débouté la société Worldship représentée par Me X en qualité de liquidateur de ses demandes tendant à voir condamner la société Cathay à lui verser la somme de 204.449 euros HT au titre des contrats conclus avant la résiliation et la somme de 855.204 euros HT au titre de la réparation résultant de la mise en place du système PROS,

— débouté la société Worldship représentée par Me X en qualité de liquidateur de sa demande tendant à voir condamner la société Cathay à lui verser la somme de 967.000 euros HT au titre du préjudice moral,

— condamné la société Cathay à payer à la société Worldship représentée par Me X en qualité de liquidateur la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

— ordonné l’exécution provisoire,

— rejeté comme non fondées toutes autres demandes,

— condamné la société Cathay aux entiers dépens.

Me X ès-qualités a interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Lyon le 12 février 2015.

Par ordonnance du 28 juin 2016, le conseiller de la mise en état de cette cour, après avoir constaté le défaut de pouvoir juridictionnel de cette dernière pour trancher le litige au regard des dispositions des articles L.420-7 et R.420-3 du code de commerce et de la demande indemnitaire formulée au titre d’une violence économique, a déclaré Me X ès-qualités irrecevable en son appel et l’a condamné aux dépens de l’incident.

Me X ès-qualités a interjeté un nouvel appel du jugement du tribunal de commerce de Lyon du 22 janvier 2015, devant la cour d’appel de Paris, le 8 juillet 2016.

Par ordonnance du 14 septembre 2017, le conseiller de la mise en état a :

— déclaré l’appel de Me X devant la cour d’appel de Paris contre le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 22 janvier 2015 recevable,

— condamné la société Cathay à payer à Me X la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Cathay aux dépens de l’incident, avec aurorisation pour Me H-L d’en procéder au recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

— réservé le reste des dépens.

La cour d’appel de Paris a, par arrêt du 17 mai 2018, rejeté le déféré de la société Cathay à l’encontre de cette ordonnance et condamné la société Cathay à régler à Me X ès-qualités la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières conclusions du 6 mars 2019, Me Z A, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Worldship, fonctions auxquelles il a été désigné par jugement rendu le 31 décembre 2018 par le tribunal de commerce de Lyon en remplacement de Me X précédemment désigné en cette même qualité, demande à la cour de :

Vu les articles L.134-1 et suivants du code de commerce,

Vu les articles 1109, 1134, 1147 et 1382 du code civil,

Vu les articles 11, 138 et 142 du code de procédure civile,

— prononcer la mise hors de cause de Me B C et Me Thierry Bouvet, intervenants volontaires en qualité d’administrateurs provisoires de l’Etude de Me X, dont les missions ont pris fin,

— déclarer la société Cathay mal fondée en son appel incident l’en débouter,

— confirmer le jugement rendu le 22 janvier 2015 en ce qu’il a jugé que le contrat d’agent général des ventes conclu entre la société Cathay et la société Worldship est un contrat d’agent commercial,

— confirmer le jugement rendu le 22 janvier 2015 en ce qu’il a jugé que la législation française et les dispositions de l’article L.134-12 du code de commerce transposant la Directive 86/653/CEE sont applicables au présent litige et débouter la société Cathay de ses demandes,

— infirmer le jugement rendu le 22 janvier 2015 pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal, sur la résiliation du contrat d’agent commercial,

— enjoindre à la société Cathay, conformément aux articles 11, 138 et 142 du code de procédure civile, de communiquer, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir les documents suivants, attestés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes :

' les tableaux « Stats Bcode FR » retraçant le chiffre d’affaires réalisé par la société Cathaydans l’année qui a suivi la rupture du contrat d’agent commercial conclu avec la société Worldship, résultant (i) des opérations commerciales conclues pendant la durée du contrat, grâce à l’intervention de la société Worldship et (ii) des opérations commerciales conclues postérieurement au contrat d’agence résultant des démarchages effectués par la société Worldship ;

' les tableaux « Flown » retraçant le chiffre d’affaires réalisé par la société Cathay dans l’année qui a suivi la rupture du contrat d’agent commercial conclu avec la société Worldship, résultant des opérations commerciales conclues pendant la durée du contrat d’agent commercial, grâce à l’intervention de la société Worldship. ;

— constater que la société Worldship a subi un préjudice du fait de la résiliation du contrat d’agent commercial ;

— constater que la société Worldship a droit à une commission d’une part, sur les opérations commerciales conclues pendant la durée du contrat d’agent commercial, grâce à son intervention et d’autre part, sur les opérations commerciales conclues postérieurement au contrat d’agence résultant des démarchages effectués par elle ;

— constater que la société Cathay a violé son obligation de loyauté ;

— constater que la violation de cette obligation contractuelle a causé un préjudice à la société Worldship ;

Et en conséquence,

— condamner la société Cathay à verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société la société Worldship, la somme de 1.712.014 euros au titre de l’indemnisation de la rupture du contrat d’agent commercial correspondant à 24 mois de commissions perçues par la société Worldship sur la moyenne des rémunérations perçues par la société Worldship au titre des trois dernières années et portant d’une part, sur les commissions GSA Cathay et d’autre part, sur la vente de la billetterie pour le compte de la société Cathay ;

— condamner la société Cathay à verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Worldship, la somme de 204.449 euros HT au titre des commissions dues sur les contrats conclus antérieurement à la résiliation du contrat d’agent commercial et qui n’ont donné lieu au versement d’aucune commission, sauf à parfaire ;

— condamner la société Cathay à verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société la société Worldship, la somme de 871.370 euros au titre du préjudice subi résultant de la mise en place du système PROS ;

A titre subsidiaire, si la cour devait estimer que la société Worldship n’était pas l’agent commercial de la société Cathay :

Sur la concurrence déloyale,

— dire et juger que la société Cathay s’est rendue coupable d’acte de concurrence déloyale à l’encontre de la société Worldship,

Et en conséquence,

— condamner la société Cathay à verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Worldship, la somme de 1.712.014 euros au titre de la perte de la clientèle ;

— condamner la société Cathayà verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Worldship, la somme de 5.136.042 euros au titre de l’impossibilité pour la société Worldship de poursuivre son activité ;

Sur la violence économique,

— dire et juger que la société Cathay s’est rendue coupable de violence économique ;

Et en conséquence,

— condamner la société Cathay à verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Worldship, la somme de 204.449 euros HT au titre des contrats conclus avant la résiliation ;

— condamner la société Cathay à verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Worldship, la somme de 871.370 euros au titre de la réparation résultant de la mise en place du système PROS ;

Sur le déséquilibre significatif,

— dire et juger que le contrat d’agent général des ventes conclu entre la société Cathay et la société Worldship recèle d’un déséquilibre significatif au détriment de cette dernière ;

Et en conséquence,

— condamner la société Cathay à verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Worldship, la somme de 1.712.014 euros soit 2 années de chiffre d’affaires de la société Worldship, calculée sur la moyenne des trois dernières années en référence à l’indemnisation retenue par la jurisprudence pour la disparition de l’activité d’agent commercial ;

— condamner la société Cathay à verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Worldship, la somme de 871.370 euros relative au préjudice subi par cette dernière résultant de la mise en place du système PROS ;

— condamner la société Cathay à verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Worldship, la somme de 5.136.042 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière résultant de la perte de chance pour la société Worldship de développer les relations commerciales avec les compagnies Air Lingus et Golf Air ;

En tout état de cause,

— dire et juger que la société Cathay a causé à la société Worldship un préjudice moral ;

— dire et juger que la société Cathay ne détient aucune créance à l’encontre de la société Worldship ;

— débouter la société Cathay de sa demande de déclaration d’une créance de 431.245,57 euros au passif de la société Worldship en liquidation judiciaire ;

Et en conséquence,

— condamner la société Cathay à verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Worldship, la somme de 856.007 euros au titre du préjudice moral subi ;

— condamner la société Cathay à verser à la SELARL Z A, prise en la personne de Me Z A, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Worldship, la somme de 50.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

;

— condamner la même aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Me G H-L conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Worldship affirme tout d’abord que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître du litige en vertu de l’article 14 du code civil dès lors qu’elle a son siège social en France. Elle ajoute que la clause de compétence des juridictions de Hong-Kong prévue au contrat n’était pas exclusive.

Ensuite elle fait valoir que le contrat la liant à la société Cathay est un contrat d’agent commercial. Elle soutient ainsi qu’elle agissait, à titre indépendant, en tant que mandataire de la société Cathay, liée par une clause d’exclusivité, dont la mission principale était de prospecter des agences de voyage ou des sociétés et de négocier la conclusion d’accords et de partenariats pour l’utilisation des services de la compagnie aérienne portant notamment sur un nombre de vols utilisés annuellement. Elle prétend que dans ce cadre, elle bénéficiait d’une marge de négociation sur les tarifs applicables et les conditions d’utilisation des services de la compagnie aérienne. Elle ajoute que son activité d’émission de billets pour le compte de la société Cathay était accessoire et que la qualification du contrat doit être faite par rapport à son activité principale. Elle conteste ainsi avoir exercé une activité d’agence de voyage comme le soutient la société intimée. Elle précise en effet qu’elle ne disposait pas de numéro IATA propre, qu’elle ne pouvait émettre des billets que pour le compte de la société Cathay et sur le stock de celle-ci et que cette activité était accessoire par rapport à son activité de négociation. Elle soutient que le fait que ses statuts indiquent qu’elle exerce une activité d’agence de voyage ne permet pas de qualifier l’activité réellement exercée au profit de la société Cathay comme étant une activité d’agence de voyage.

Le contrat la liant avec la société Cathay étant un contrat d’agent commercial, elle revendique l’exclusion du droit de Hong-Kong en invoquant le caractère d’ordre public international du régime d’agent commercial. A ce titre, elle affirme que la société Cathay lui doit une indemnité pour la cessation du contrat d’agent commercial. Elle sollicite en conséquence la confirmation du jugement entrepris sur ces points.

En revanche, elle conteste l’évaluation de son préjudice faite par les premiers juges. Elle estime qu’il aurait dû être tenu compte de l’ensemble de son chiffre d’affaires, comprenant les rémunérations résultant de la vente de billets et les sommes résultant de « l’incentive 2008 » qui correspondent à une prime d’objectifs. Elle demande également une indemnisation sur la base de deux années de chiffres d’affaires et non pas d’une seule année comme l’ont fait les premiers juges. Elle revendique encore le paiement des commissions dues après la résiliation du contrat. Enfin elle se prévaut d’un préjudice en raison de la mise en place par la société Cathay du système PROS, qui constitue, selon elle, une modification unilatérale des conditions du contrat, et dénonce à cet égard une violation de l’obligation de loyauté de son cocontractant dont elle réclame l’indemnisation.

A titre subsidiaire, la société Worldship reproche à la société Cathay des actes de concurrence déloyale. Elle invoque à cet effet l’application de la loi française dans la mesure où il s’agit d’une responsabilité délictuelle et non contractuelle de sorte que l’article 28.6 du contrat qui prévoit l’application de la loi de Hong-Kong ne s’applique pas. Elle explique qu’elle était chargée de la commercialisation des « grands comptes » de la société Cathay et que cette activité a été reprise en interne par la société Cathay qui a à cet effet recruté ses principaux commerciaux et qui a détourné la clientèle qu’elle avait oeuvré à constituer pendant 22 ans. Elle affirme ainsi que la société Cathay, qui doit être considérée comme une société concurrente dès lors qu’elle exerce dans le même secteur d’activité, a débauché de manière déloyale trois de ses six commerciaux qui avaient 25 ans d’ancienneté et assuraient plus de 65% de son chiffre d’affaires, ce qui a provoqué une désorganisation en son sein. Elle prétend qu’en raison de cette désorganisation, elle n’a pas été en mesure de répondre aux sollicitations de deux compagnies aériennes, les sociétés Gulf Air et Air

Lingus. Elle réclame en conséquence l’indemnisation du préjudice en résultant qu’elle estime à six années de chiffres d’affaires. Elle reproche encore à la société Cathay d’avoir détourné sa clientèle. Elle soutient que ce détournement s’est effectué en approchant directement ses clients et en continuant à utiliser les boîtes électroniques des commerciaux qui n’ont pas été débauchés. Elle revendique en conséquence une indemnisation correspondant à deux années de chiffre d’affaires en compensation de sa perte de clientèle.

Par ailleurs, elle fait grief à la société Cathay de s’être rendue coupable d’actes de violence économique tant au moment de la conclusion du contrat que lors de son exécution. Elle fait tout d’abord valoir que la société Cathay lui a imposé des conditions contractuelles très strictes qui l’ont placée dans sa dépendance. Ensuite elle affirme que la société Cathay a exercé sur ses salariés un pouvoir de direction et a modifié unilatéralement les termes du contrat.

Enfin elle soutient avoir été victime d’un déséquilibre significatif tel que prévu à l’article L.442-6 du code de commerce. Elle se prévaut de l’application de la loi française dans la mesure où il s’agit d’une responsabilité délictuelle. Elle prétend ainsi qu’en vertu du règlement Rome II, la loi applicable est celle du pays où le dommage est survenu ou celle du pays où le fait générateur du dommage s’est produit. Elle ajoute que les dispositions de l’article L 442-6 du code de commerce constituent une loi de police. Elle prétend que de très nombreuses clauses contractuelles ont été édictées au profit exclusif de la société Cathay, créant ainsi un déséquilibre significatif à son détriment dont elle demande réparation. Elle revendique encore l’indemnisation d’un préjudice moral en raison des agissements fautifs de la société Cathay.

Elle s’oppose à la demande reconventionnelle en paiement formulée par la société intimée en soutenant que la somme réclamée correspondant à la vente de billets d’avion a été réglée par sa caution, la société HSBC, qui a d’ailleurs déclaré sa créance à ce titre à la procédure collective.

Dans ses dernières conclusions du 14 février 2019, la société Cathay, demande à la cour de :

Vu les articles L.211-1 et suivants du code du tourisme,

Vu les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce,

Vu les articles 1382 et 1134 du code civil dans leur rédaction applicable,

Vu l’article 1109 du code civil,

Vu les articles L.622-7, L. 631-14-I et L. 641-3 du code de commerce,

Vu l’article 16 du code de procédure civile,

Vu l’article 202 du code de procédure civile,

Vu l’article 564 du code de procédure civile,

A titre préalable,

— infirmer le jugement du 22 janvier 2015 en ce qu’il a écarté des débats les pièces n° 22, 24 et 26 produites au vu des traductions versées aux débats,

— constater dire et juger que les attestations produites par le liquidateur de la société Worldship ne répondent pas aux exigences légales de l’article 202 du code de procédure civile et sont entachées de partialité compte tenu des intérêts liant les témoins à la société Worldship,

— écarter des débats les attestations produites par le liquidateur de la société Worldship (pièces adverses n°26 à 30),

Sur la demande principale du liquidateur de la société Worldship relative à la résiliation du contrat d’agent général des ventes,

A titre principal,

— infirmer le jugement du 22 janvier 2015 en ce qu’il s’est déclaré compétent, a dit que le contrat d’agent général des ventes est un contrat d’agent commercial, a dit la législation française et l’article L. 134-12 du code de commerce applicable au litige et l’a condamnée à payer au liquidateur de la société Worldship la somme de 595.816 euros,

Statuant à nouveau,

— constater dire et juger que la société Worldship n’est pas agent commercial au sens des dispositions des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce,

— constater dire et juger que la société Worldship est un agent de voyage au sens des articles L.211-1 et suivants du code de tourisme, exclusifs de l’application de la législation sur les agents commerciaux,

— constater dire et juger qu’en application du contrat d’agent général des ventes, la loi de Hong-Kong est la loi applicable au litige,

— constater dire et juger à titre subsidiaire, s’il devait être jugé que la société Worldship est un agent commercial, que les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce sont seulement d’ordre public interne et non pas d’ordre public international,

Et dès lors juger qu’en application du contrat d’agent général des ventes, la loi de Hong-Kong est, en toutes hypothèses, applicable, quelle que soit la qualification juridique du contrat,

En conséquence,

— constater dire et juger dans un souci d’efficacité juridique que les tribunaux de Hong-Kong sont, en application du contrat, compétents pour juger du présent litige et Juger incompétentes les juridictions françaises au profit des tribunaux de la Région administrative spéciale de Hong-Kong, République populaire de Chine,

A défaut, dans l’hypothèse où la cour déclarerait les juridictions françaises compétentes,

— rejeter la demande du liquidateur de la société Worldship de communication de documents comme étant irrecevable ou à tout le moins mal fondée,

— dire et juger mal fondées les demandes formulées par le liquidateur de la société Worldship fondées sur les dispositions de la loi française relative aux agents commerciaux, comme étant dépourvues de tout fondement juridique applicable,

— débouter le liquidateur de la société Worldship de ses demandes, fins, et conclusions,

A titre subsidiaire : sur le préjudice,

— dire et juger que le montant de l’indemnisation au titre de la rupture du contrat ne saurait être supérieur au montant du préjudice alloué en première instance, soit 595.816 euros, et débouter le

liquidateur de la société Worldship de sa demande de dommages et intérêts formulée à hauteur de 1.712.014 euros,

— confirmer le jugement du 22 janvier 2015 en ce qu’il a débouté le liquidateur de la société Worldship de ses demandes formulées au titre de commissions restant dues (204.449 euros) et au titre de la mise en place du système PROS (871.370 euros),

Sur la demande subsidiaire du liquidateur de la société Worldship sur la concurrence déloyale, la violence économique et le déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties,

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

' dit qu’elle ne s’est pas rendue coupable d’actes de concurrence déloyale,

' débouté le liquidateur de la société Worldship de sa demande de condamnation à hauteur de 1.724.000 euros HT au titre de la perte de clientèle,

' débouté le liquidateur de la société Worldship de ses demandes de condamnation à concurrence de 5.802.000 euros HT au titre de l’impossibilité de sa poursuite d’activité et de 492.499 euros HT au titre du coût des licenciements,

' dit qu’elle ne s’est pas rendue coupable de violences économiques,

' débouté le liquidateur de la société Worldship de ses demandes de condamnation à concurrence de 204 449 euros HT au titre des contrats conclus avant la résiliation et de 855.204 euros HT au titre de la réparation résultant de la mise en place du système PROS,

Constater, dire et juger que le liquidateur de la société Worldship ne caractérise l’existence d’aucune soumission ou tentative de soumission de la société Worldship à une ou des clauses du contrat GSA qui seraient de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties à ce contrat,

— constater dire et juger que le liquidateur de la société Worldship ne démontre aucun préjudice résultant directement d’agissements fautifs allégués,

Sur la demande du liquidateur de la société Worldship formulée au titre du préjudice moral,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le liquidateur de la société Worldship de ses demandes de condamnation de la société Cathay à lui verser 967.000 euros HT au titre du préjudice moral,

En tout état de cause,

— infirmer le jugement du 22 janvier 2015 en ce qu’il est entré en voie de condamnation à son encontre au titre des frais irrépétibles et des dépens,

— débouter la SELARL Z A prise en la personne de Me Z A ès-qualités de liquidateur de la société Worldship de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

— condamner SELARL Z A prise en la personne de Me Z A ès-qualités de liquidateur de la société Worldship à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont soustraction au profit de la SCP AFG Avocats, Avocat à la cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’appui de son exception d’incompétence, la société Cathay invoque la clause 28.6 du contrat la liant à la société Worldship. Elle prétend que cette clause de compétence non exclusive au profit des juridictions de Hong-Kong doit s’appliquer dès lors que seules celles-ci sont à même d’appliquer utilement le droit de Hong-Kong. Or dans la même clause, les parties ont manifesté leur volonté claire d’appliquer le droit de la région administrative spéciale de Hong-Kong. Elle critique le jugement déféré en ce qu’il a écarté l’application de ce droit en se référant au caractère impératif des règles instituées par la directive européenne 86/653/CEE du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants et transposées en France par les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce.

Elle considère en effet tout d’abord que la société Worldship n’est pas agent commercial mais un agent de voyage. A cet égard, elle prétend que la société Worldship ne disposait d’aucun pouvoir de négociation ni des prix ni des conditions contractuelles. Elle affirme qu’en réalité, la société Worldship relève de la législation relative aux agences de voyage qui est exclusive de la législation relative aux agents commerciaux. Elle soutient que doit être considérée comme une agence de voyage toute personne morale qui vend des prestations de transport qu’elle ne produit pas elle-même ou qui apporte sa contribution à la vente de titres de transport. Elle affirme sur ce point que l’activité d’apporteur d’affaires de la société Worldship dès lors qu’elle contribuait à la vente de titres de transport entre dans le champ de la législation spécifique aux agences de voyage. Elle ajoute qu’à cet égard, l’existence d’une clause d’exclusivité est indifférente, de même que l’absence d’attribution d’un numéro IATA ou encore le caractère accessoire de l’activité de vente directe de billets. Elle fait encore valoir que les statuts de la société Worldship mentionnent qu’elle a pour objet l’agence de voyage, que son code NAF correspond à celui d’une agence de voyage, qu’elle est immatriculée au registre des opérateurs de voyages et de séjours comme agence de voyages, qu’elle a souscrit la garantie financière spécifique des agences de voyages ainsi qu’une assurance de responsabilité civile à ce titre et qu’elle a soumis ses salariés à la convention collective des agents de voyage.

En outre, elle estime que la législation française a surtransposé la directive européenne en accordant le statut protecteur des agents commerciaux aux agents chargés de commercialiser des prestations de services et non pas seulement des marchandises. Or la société Worldship commercialisait des contrats de transport qui constituent des prestations de services. Dans ces conditions, elle estime que le contrat la liant à la société Worldship n’entre pas dans le champ d’application de la directive européenne et que la société intimée ne peut se prévaloir de l’existence d’une loi de police écartant l’application du droit étranger.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour jugerait que la société Worldship n’est pas une agence de voyage mais un agent commercial et/ou que la loi française sur les agents commerciaux serait applicable, elle conteste l’estimation du préjudice faite par la société Worldship. Elle soutient ainsi qu’il n’existe aucune obligation d’évaluer le préjudice résultant de la cessation du contrat d’agence commercial à deux années de chiffre d’affaires. Elle affirme à cet égard que la société Worldship est à l’origine d’une grande partie de son préjudice dès lors qu’elle a fait preuve d’inertie en ne modernisant pas son site internet et en ne recherchant pas de nouveaux partenaires. Elle estime encore que l’activité de billetterie exercée par la société Worldship, dès lors qu’elle est propre aux agences de voyage, doit être exclue du calcul de l’indemnité. Dans ces conditions, elle considère que l’indemnité allouée ne saurait être supérieure à une année de commissions hors activité de billetterie. Elle ajoute que les données et le rapport BMA produits par la partie adverse lui sont inopposables. En tout état de cause, elle demande que ce rapport soit écarté des débats en raison de son caractère erroné.

Sur les demandes en paiement de commissions dues après la résiliation du contrat (204.449 euros) et de communication de documents sous astreinte, la société Cathay en conteste le bien fondé. Elle fait valoir que la société Worldship ne produit aucune facture. Elle ajoute avoir réglé l’ensemble des commissions dues y compris les commissions dues postérieurement à la résiliation du contrat. Elle explique avoir réglé les commissions dues postérieurement à la résiliation, pour un montant de

72.078,57 euros, par compensation lorsqu’elle a déclaré sa créance au passif de la procédure collective et que sa déclaration n’a pas été contestée par le mandataire judiciaire. Elle considère par ailleurs que la demande d’injonction de communiquer des documents sous astreinte est irrecevable comme étant nouvelle et en tout état de cause infondée.

Sur la demande de dommages et intérêts résultant de la mise en place du système PROS (871.370 euros), la société Cathay explique que l’utilisation de ce logiciel, qui a pour effet de favoriser les meilleures marges, ne peut être constitutif d’une faute. Elle observe à cet égard que le contrat la liant à la société Worldship la laissait libre de commercialiser elle-même des billets.

Sur les demandes subsidiaires de la société Worldship, la société Cathay conteste toute concurrence déloyale. Elle prétend que la société appelante ne rapporte la preuve d’aucune désorganisation interne à l’appui de ses allégations concernant le débauchage de personnel. Elle ajoute que le détournement de clientèle suppose que soient établies des man’uvres déloyales, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Elle revendique le rejet des débats des attestations produites par la société Worldship (pièces adverses n°26 à 30) dans la mesure où elles émanent d’actionnaires de la société Worldship et ne répondent pas aux conditions posées par l’article 202 du code de procédure civile. Elle conteste encore les préjudices allégués par la société Worldship qui ne démontre ni une perte de clientèle ni une perte de nouveaux clients potentiels. Elle dément toute violence économique de sa part et tout déséquilibre significatif à son profit dans les droits et les obligations des parties. Elle réfute le préjudice moral allégué par la société appelante.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 mars 2019.

A l’audience de plaidoiries du 28 mars 2019, le président a invité les parties à transmettre à la cour tous éléments de nature à connaître la teneur du droit de Hong-Kong.

Le 31 mai 2019, la société Cathay a transmis un avis juridique relatif à la loi de Hong-Kong applicable au litige, établi le 29 mai 2019 par Me J K, avocat associé du cabinet Holman Fenwick Willan, exerçant son activité à Hong-Kong. Selon cet avis, il n’existe pas dans le droit de Hong-Kong de législation équivalente à directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants ni de protection particulière accordée aux agents commerciaux. Dans ces conditions, il n’existe pas de durée légale de préavis en cas de résiliation du contrat d’agence. Le droit de représentation à Hong-Kong repose sur les principes du contrat en Common Law. Selon ces principes, la liberté contractuelle prévaut.

Le 4 juin 2019, la société Worldship a transmis un avis juridique relatif à la loi de Hong-Kong applicable au litige, établi le 31 mai 2019 par Me Wong Yan Man Walter, avocat associé du cabinet YM Lawyers, exerçant son activité à Hong-Kong. Selon cet avis, en droit de Hong-Kong, il n’existe pas de définition légale de l’agent commercial. La société Worldship n’est protégée par aucune règle spéciale, son statut est régi par la Common Law et le contrat n’est pas un contrat spécial régi par des règles particulières. Le contrat ne peut être résilié qu’en respectant un préavis raisonnable ou à défaut, en vertu des stipulations expresses relatives à la résiliation prévues au contrat.

Par note en délibéré du 7 juin 2019, la société Cathay a sollicité que la note en délibéré adverse ainsi que la pièce 85 produite par la société Worldship soient déclarées irrecevables dès lors qu’elles excèdent les demandes d’éclaircissement de la cour. Elle a en outre produit un nouvel avis juridique de Me J K du 7 juin 2019.

Par note en délibéré du 11 juin 2019, la société Worldship a sollicité que la note en délibéré du 7 juin

et le nouvel avis juridique de Me J K soient écartés des débats étant donné leur tardiveté au regard de la date de délibéré fixée au 13 juin 2019.

Par courriel du 1er octobre 2019, le bureau du droit comparé du service des affaires européennes et internationales du ministère de la justice a été saisi d’une demande d’aide quant à la recherche du droit de Hong-Kong applicable aux agents commerciaux ou aux intermédiaires. Il a été répondu à cette demande par courriel en date du 7 novembre 2019. Selon les éléments fournis par le ministère de la justice, il n’existe pas dans le droit de Hong-Kong de définition légale de l’agent commercial. Le contrat de représentation est régi par les principes de Common Law qui font prévaloir la liberté contractuelle. Le contrat ne peut être résilié qu’en vertu des stipulations expresses relatives à la résiliation prévues au contrat et à défaut, en respectant un préavis raisonnable.

***

MOTIFS

Sur la compétence

Le contrat conclu le 25 février 2011 entre les sociétés Cathay et Worldship, rédigé en langue anglaise, prévoit en son article 28.6 une clause attributive de compétence.

Il est ainsi stipulé :

' The parties submit to the non-exclusive jurisdiction of the courts of Hong-Kong Special Administrative Region, People’s Republic of China '.

'Les parties se soumettent à la compétence non exclusive des tribunaux de la région administrative de Hong-Kong, République populaire de Chine'.

Cette clause, dès lors qu’elle prévoit une compétence non exclusive des tribunaux de la région administrative de Hong-Kong, ménage une option aux parties: soit l’application de la clause attributive de compétence par la saisine des tribunaux de la région administrative de Hong-Kong, soit la saisine d’une juridiction compétente.

Dès lors qu’en l’espèce, la société Worldship a fait le choix de ne pas appliquer la clause attributive de compétence en saisissant une juridiction française, le juge français ne peut décider de renvoyer le litige aux juridictions de Hong-Kong. Il doit en revanche vérifier sa compétence pour connaître du litige.

Il convient de rappeler que les règles de compétence internationale des juridictions françaises sont déduites d’une internationalisation des règles de compétence internes.

Selon l’article 46 du code de procédure civile, la juridiction du lieu d’exécution de la prestation de service est compétente.

Or s’agissant d’un contrat de prestations de services exécutées en France, les juridictions françaises sont compétentes.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce que le tribunal de commerce a retenu sa compétence pour connaître du litige.

Sur la mise hors de cause de Me C et Bouvet

Il résulte d’un jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 31 décembre 2018 que la

SELARL Z A représentée par Me Z A a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Worldship en remplacement de Me X précédemment désigné en cette même qualité.

Dès lors, il convient de mettre hors de cause de Me B C et Me Thierry Bouvet, intervenants volontaires en qualité d’administrateurs provisoires de l’Etude de Me X, dont les missions de liquidateur ont pris fin.

Sur la recevabilité de la pièce n°85 et de la note en délibéré datée du 3 juin 2019 de l’appelante ainsi que de la pièce n°49 de l’intimée et du courrier daté du 7 juin 2019 accompagnant cette pièce

Selon l’article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.

En vertu de l’article 783 alinéa 1er du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

En l’espèce, le président de la cour a invité les parties à transmettre à la cour tous éléments de nature à connaître la teneur du droit de Hong-Kong.

Par courrier du 7 juin 2019, la société Cathay a sollicité le rejet des débats de certaines pièces et notes produites par la partie adverse en ce qu’elles ne répondaient pas à la demande du président. Il convient d’examiner cette demande et il n’y a pas lieu en conséquence d’écarter des débats le courrier la formulant. Ce chef de demande de la société Worldship sera donc écarté.

Dès lors que la note en délibéré du 3 juin 2019, qui commente l’avis juridique produit par l’appelante sur la teneur du droit de Hong-Kong (pièce n°84) et qui contient sa traduction répond à la demande du président, il y a lieu de la déclarer recevable. En revanche, la pièce n°85, produite le 4 juin 2019 par l’appelante et consistant en un extrait du répertoire de droit européen sur la notion de marchandise ainsi qu’en une reproduction des conclusions de l’avocat général Bot présentées le 10 avril 2008 dans une affaire CJUE C-141/07, en ce qu’elle n’apporte aucun éclaircissement sur la teneur du droit de Hong-Kong, sera déclarée irrecevable.

Par ailleurs, la pièce n°49 de l’intimée, en ce qu’elle répond à l’invitation du président, sur la teneur du droit de Hong-Kong sera déclarée recevable étant observé que la société Worldship a été à même d’en débattre contradictoirement.

Sur la loi applicable quant à la responsabilité contractuelle de la société Cathay

Le contrat conclu le 25 février 2011 entre les sociétés Cathay et Worldship est un contrat international s’agissant d’un contrat conclu entre une société chinoise ayant son siège social à Hong-Kong et une société française. Il convient dès lors de rechercher la règle de conflit permettant de déterminer le droit substantiel applicable à ce contrat.

Selon l’article 25 du règlement CE n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), le règlement ne s’applique pas en présence d’une convention internationale à laquelle un Etat membre est partie lors de l’adoption du règlement et qui règle les conflits de lois en matière d’obligations contractuelles.

Or selon l’article 1er de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats

d’intermédiaires, « (cette) convention détermine la loi applicable aux relations à caractère international se formant lorsqu’une personne, l’intermédiaire, a le pouvoir d’agir, agit ou prétend agir avec un tiers pour le compter d’une autre personne, le représenté.

Elle s’étend à l’activité de l’intermédiaire consistant à recevoir et à communiquer des propositions ou à mener des négociations pour le compte d’autres personnes.

La Convention s’applique, que l’intermédiaire agisse en son nom ou au nom du représenté et que son activité soit habituelle ou occasionnelle ».

Dès lors, il convient de faire primer en l’espèce l’application de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur l’application du règlement Rome I.

En vertu de l’article 5 de la convention de la Haye, « La loi interne choisie par les parties régit le rapport de représentation entre le représenté et l’intermédiaire. Le choix de cette loi doit être exprès ou résulter avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ».

Toutefois l’article 16 de la convention de la Haye dispose que: « Lors de l’application de la présente Convention, il pourra être donné effet aux dispositions impératives de tout Etat avec lequel la situation présente un lien effectif, si et dans la mesure où, selon le droit de cet Etat, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi désignée par ses règles de conflit. »

Ainsi la règle de conflit issue de la convention de la Haye désigne la loi choisie par les parties comme étant la loi applicable sauf s’il existe une loi de police du for.

En l’espèce, le contrat conclu le 25 février 2011 entre les sociétés Cathay et Worldship, rédigé en langue anglaise, prévoit en son article 28.6 une clause de choix de loi.

Il est ainsi stipulé :

'This agreement regardless of where it is concluded or executed, shall be governed by and construed in accordance with the laws of the Hong-Kong Special Administrative Region, People’s Republic of China'.

'Le présent contrat, indépendamment de son lieu de conclusion ou d’exécution, sera régi et interprété conformément aux lois de la région administrative spéciale de Hong-Kong, République populaire de Chine'.

Malgré ce choix de la loi de Hong-Kong dans le contrat la liant à la société Cathay, la société Worldship invoque l’existence d’une loi de police du for consistant dans le statut des agents commerciaux.

Il convient de rappeler qu’une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale, ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat.

Or si la loi du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants, codifiée aux articles L.134-1 et suivants du code de commerce, est une loi protectrice d’ordre public interne, elle ne constitue pas une loi de police applicable dans l’ordre international.

La société Worldship ne peut donc se prévaloir du statut d’agent commercial tel qu’il résulte de l’application du droit français dès lors que le contrat de droit international qui la lie à la société

Cathay a été expressément soumis par les parties au droit de Hong-Kong et ce, quand bien même ce droit ne prévoirait pas l’attribution d’une indemnité en cas de rupture du contrat.

En conséquence, la loi applicable aux rapports contractuels entre la société Worldship et la société Cathay est la loi de Hong-Kong. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé sur ce point.

Sur les demandes de la société Worldship sur le fondement contractuel

Il résulte de ce qui précède que la société Worldship ne peut se prévaloir du statut d’agent commercial tel qu’il résulte de la loi française ni prétendre à l’indemnité de rupture prévue par cette loi. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Cathay à payer la somme de 595.816 euros à la société Worldship représentée par Me X en qualité de liquidateur au titre du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d’agent commercial sur le fondement de ladite loi.

Il ressort des avis juridiques produits aux débats qu’il n’existe dans le droit applicable à Hong-Kong aucune norme spécifique aux agents commerciaux. En revanche, il existe en Common Law des règles gouvernant les rapports entre un mandant et son mandataire relevant principalement des stipulations contractuelles. Dès lors que le contrat doit être qualifié au regard du droit applicable à Hong-Kong et qu’aucune législation spécifique aux agents commerciaux n’existe dans ce droit, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a qualifié le contrat conclu le 25 février 2011 de contrat d’agent commercial. Ce contrat sera qualifié, au regard du droit applicable à Hong-Kong, de contrat de représentation.

Dès lors que le contrat litigieux ne peut être qualifié de contrat d’agent commercial, il y a lieu d’examiner les demandes formulées à titre subsidiaire par la société Worldship ainsi qu’elle le demande dans le dispositif de ses conclusions.

Sur la loi applicable quant à la responsabilité délictuelle de la société Cathay

Il convient de relever à titre liminaire que les parties s’accordent sur l’application de la loi française quant à l’action en responsabilité délictuelle diligentée par la société Worldship à l’encontre de la société Cathay ainsi qu’il ressort de manière non équivoque de leurs conclusions respectives.

La loi française sera donc appliquée de ce chef.

Sur le rejet des débats de certaines pièces

Les premiers juges, dans leur pouvoir souverain d’appréciation, ont écarté des débats les pièces n° 22, 24 et 26 produites par la société Cathay en ce qu’elles n’étaient pas traduites intégralement en français. La cour n’a donc pas à revenir sur cette appréciation d’autant plus qu’il n’est aucunement discuté en appel de la recevabilité de ces pièces.

Il y a lieu de rappeler que contrairement à ce que soutient la société Cathay, les attestations non conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne peuvent être rejetées des débats de ce seul chef et qu’il appartient au juge d’en apprécier la valeur probante. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Cathay tendant à ce que soient écartées des débats les attestations produites par l’appelante correspondant aux pièces n°26 à 30.

Sur les demandes de la société Worldship sur le fondement délictuel

Sur la concurrence déloyale

L’action en concurrence déloyale est une action en responsabilité civile fondée sur les dispositions de l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable au litige et suppose que soit rapportée la

preuve d’une faute, d’un préjudice ainsi que d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué.

La société Worldship reproche tout d’abord à la société Cathay d’avoir débauché la moitié de son équipe commerciale ce dont il est résulté une désorganisation interne.

Il échet de rappeler que l’emploi de salariés d’une société concurrente n’est en principe pas fautif lorsque ceux-ci abandonnent régulièrement leurs fonctions et ne sont débiteurs d’aucune obligation de non-concurrence excepté si l’emploi de manoeuvres déloyales est avéré.

En l’espèce, le recrutement par la société Cathay de trois commerciaux sur les six que comptait l’équipe commerciale de la société Worldship, quand bien même ils étaient très anciens dans l’entreprise, ne saurait en lui-même caractériser une quelconque concurrence déloyale. Il sera en effet relevé que la société Worldship comptait 12 à 17 salariés et qu’il n’est aucunement établi que les trois commerciaux débauchés assuraient 65% du chiffre d’affaires de la société Worldship comme celle-ci le prétend. En outre, la société Worldship était avisée du processus de recrutement lancé par la société Cathay. Enfin la société Worldship échoue à démontrer que ces départs ont entraîné un détournement de son réseau ou une désorganisation interne. Le simple fait qu’une procédure collective ait été ouverte à son égard ne permet pas d’établir un quelconque lien de causalité avec le départ de ses salariés.

La société Worldship fait ensuite grief à la société Cathay d’avoir détourné sa clientèle. Toutefois il sera relevé que la société Worldship, en tant qu’intermédiaire, ne disposait d’aucune clientèle propre et que sa mission consistait justement à rechercher des clients pour le compte de la société Cathay. Il ne peut donc être reproché à la société Cathay, postérieurement à la rupture des relations contractuelles, d’avoir continué des relations avec les clients apportés par son ancien mandataire. Il ne peut pas davantage être fait grief à la société Cathay d’avoir repris l’usage de boîtes électroniques professionnelles portant son dénomination sociale d’autant plus qu’il n’est aucunement démontré qu’il en aurait été fait un usage déloyal.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Worldship de ses demandes d’indemnisation au titre de la concurrence déloyale.

Sur la violence économique

La violence peut entraîner la responsabilité délictuelle de son auteur. Cette violence peut consister en l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique pour obtenir notamment un engagement de son cocontractant.

La société Worldship reproche ainsi tout d’abord à sa cocontractante de lui avoir imposé diverses clauses contractuelles.

Elle invoque ainsi la clause 4.1 du contrat lui interdisant d’accepter, sans autorisation de la société Cathay, d’autre mandat dans la zone confiée de la part d’une autre compagnie aérienne ou d’une agence de voyage qui serait directement ou indirectement détenue par une autre compagnie aérienne.

La société Worldship prétend également que les clauses 4.3 et 27.5 du contrat lui ont été imposées. La première clause prévoit que « L’agent ne doit pas obtenir une accréditation, ou détenir un point de vente approuvé par IATA comme point de vente agréé (tel que défini par IATA) dans tout ou partie de la zone. Dans le cas où l’agent demanderait une accréditation auprès de IATA pour devenir agent accrédité dans tout ou partie de la zone, il devra immédiatement avertir le mandant. » et la seconde précise que le mandant peut résilier le contrat immédiatement si l’agent devient un agent accrédité IATA ou détient un emplacement approuvé par IATA.

Toutefois ces clauses ne sauraient être constitutives par elles-mêmes d’une violence économique ; la société Cathay étant libre de déterminer les conditions dans lesquelles elle accepte de se voir représenter et la société Worldship étant libre d’accepter ou non ces conditions. Il n’est donc pas avéré que ces clauses aient été acceptées par la société Worldship sous la contrainte de la société Cathay.

La société Worldship ne peut davantage se prévaloir du fait que le contrat ne contient aucune disposition prévoyant une rémunération pour les billets vendus après la résiliation du contrat grâce à son intervention ou encore pour les contrats se poursuivant après la résiliation du contrat alors qu’elle ne justifie aucunement avoir réclamé dans le cadre des négociations l’insertion de telles dispositions.

La société Worldship critique par ailleurs la société Cathay pour lui avoir imposé d’utiliser un logiciel « Cupid ». Toutefois il n’est pas démontré que la société Cathay ait empêché l’utilisation par son mandataire de tout autre logiciel.

La société Worldship fait encore grief à sa cocontractante d’avoir imposé son accord à toute modification de son actionnariat. Néanmoins le fait que, dans le cadre des relations de confiance unissant un mandant à son mandataire, la société Cathay ait pu exprimer son accord au sujet d’un changement d’actionnariat en 2008 ne permet pas de caractériser un quelconque abus de dépendance économique dès lors qu’il n’est aucunement démontré que la société Cathay ait soumis à son accord tout changement d’actionnariat ni qu’elle ait entendu s’opposer à tout changement d’actionnariat de sa partenaire.

Le fait que les salariés de la société Worldship, qui avait pour mission de représenter la société Cathay auprès de clients ou potentiels clients de celle-ci, aient utilisé des cartes de visite ou une adresse électronique au nom de la société Cathay ne peut caractériser un abus de puissance économique. Contrairement à ce qu’affirme l’appelante, les pièces n°12, 19, 20, 21 et 23 produites par la société Worldship ne démontrent aucunement l’exercice d’une autorité de la société Cathay sur ses salariés. Par ailleurs, le fait que les salariés de la société Worldship aient été conviés à une fête de fin d’année du comité d’entreprise de la société Cathay ou encore aient bénéficié de formations internes de la société Cathay ne peut établir un abus de puissance économique.

Enfin la société Worldship ne peut reprocher à la société Cathay d’avoir utilisé, à compter du mois de septembre 2009, un logiciel dénommé « Pros » assimilable à une bourse de billets et destiné à lui assurer les meilleures marges; ce logiciel réservant un plus grand nombre de billets à l’agence vendant les billets les plus chers. La société Cathay était en effet libre de se doter de moyens informatiques lui permettant de dégager de plus grands profits quand bien même l’utilisation de ce logiciel aurait eu pour conséquence d’augmenter le tarif des billets proposés par la société Worldship ou d’en réduire le nombre. Aucune violence n’est démontrée sur ce point.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a écarté les demandes d’indemnisation formées au titre d’une prétendue violence économique. La société Worlsdhip ayant augmenté en appel la demande d’indemnisation formée au titre de la réparation résultant de la mise en place du système PROS, il convient de la débouter du surplus de sa demande de ce chef.

Sur le déséquilibre significatif

L’article L. 442-6 2° du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

L’élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif

implique la démonstration de l’absence de négociation effective ou l’usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant a forcer l’acceptation impliquant cette absence de négociation effective.

L’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d’une absence totale de réciprocité ou de contrepartie a une obligation, ou encore d’une disproportion importante entre les obligations respectives des parties.

Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l’économie de la relation contractuelle.

Il appartient à la société qui se prétend victime d’apporter la preuve du déséquilibre qu’elle subit.

Pour caractériser l’existence d’un déséquilibre significatif à son détriment dans les droits et obligations des parties, la société Worldship invoque les dispositions suivantes du contrat conclu le 25 février 2011:

« 4.1 Absence d’autres désignations

L’Agent ne pourra accepter une désignation en tant qu’Agent général de ventes (ou toute désignation similaire) au sein de la Zone :

a. par toute autre compagnie aérienne, ou

b. par une agence de voyage étant directement ou indirectement détenue par une autre

compagnie aérienne,

sans le consentement du Mandant ».

« 4.3 Séparation des fonctions

L’agent ne doit pas obtenir une accréditation, ou détenir un point de vente approuvé par IATA comme point de vente agréé (tel que défini par IATA) dans tout ou partie de la zone. Dans le cas où l’agent demanderait une accréditation auprès de IATA pour devenir agent accrédité dans tout ou partie de la zone, il devra immédiatement avertir le mandant. ».

« 5.1 Vente des Services du Mandant

b. si le Mandant en fait la demande, la mise à disposition d’un bureau à l’aéroport au sein de la Zone pour réaliser et gérer le traitement des passagers et des clients dans le cadre des Services du Mandant ; »

« 9.1 Désignation du personnel du Mandant

Le Mandant se réserve le droit de désigner des membres de son propre personnel ou tous représentants autorisés sur tout site au sein de la Zone, à quelque titre que ce soit et à ses propres frais ».

« 10.2 Fourniture d’équipements par le Mandant

Le Mandant fournira, à ses frais, tout équipement non standard du secteur ainsi que la papeterie que le Mandant souhaite que l’Agent utilise pour les activités de vente, de marketing et de billetterie de l’Agent en vertu du présent Contrat. L’Agent sera dépositaire desdits équipements et articles de papeterie du Mandant et sera responsable des éventuelles pertes de ces équipements et/ou articles de papeterie ou des éventuels dommages qu’ils subissent ».

« 15.2 Audit

Le Mandant pourra à tout moment, moyennant un préavis raisonnable, effectuer une vérification des activités de l’Agent et des Registres aux fins de sa comptabilité ou en vue de s’assurer du respect des conditions du présent Contrat par l’Agent et l’Agent permettra au Mandant d’accéder à tous les documents (que ce soit sous forme électronique ou papier) et à ses équipements informatiques aux fins d’une telle vérification ».

« 16.3 Responsabilité supplémentaire de l’Agent

L’Agent devra également indemniser le Mandant et dégager le Mandant de toute responsabilité pour et contre tout Dommage subi que le Mandant aurait à subir si de tels dommages sont causés directement ou indirectement par :

a. une violation du présent Contrat par l’Agent ;

b. le non-respect par l’Agent de toutes instructions du Mandant dans le cadre du présent Contrat ;

c. l’émission incorrecte de tout titre de transport ; ou

d. l’utilisation ou le détournement de tout document, y compris des documents de transport ou des informations confiées à la garde de l’Agent ou d’un Agent de vente, y compris, toute utilisation frauduleuse ou non autorisée de tout document ou de toute information par un tiers ».

« 16.4 Limitation de responsabilité

La responsabilité du Mandant vis-à-vis de l’Agent au titre d’une violation du présent Contrat exclut toute responsabilité au titre de dommages indirects, et notamment, le manque à gagner pouvant être subi par l’Agent en raison d’un ou de plusieurs manquement(s) du Mandant. La responsabilité du Mandant envers l’Agent au titre des dommages subis résultant d’un ou de plusieurs manquement(s) du Mandant en vertu du présent Contrat est limitée à la Commission exceptionnelle due à l’Agent avant la résiliation du présent Contrat ».

« 22.1 Objectif de vente

Le Mandant pourra, à son entière discrétion, prendre en compte l’Objectif de vente et les ventes effectivement réalisées par l’Agent lors de la détermination de la rémunération de l’Agent en vertu du présent Contrat (y compris les taux des commissions de vente et de la Surcommission ponctuellement).

L’Objectif de vente pourra être ponctuellement examiné par le Mandant, au moins une fois par an pendant la durée du présent Contrat, et pourra être modifié et révisé à son entière discrétion suite à un tel examen. L’Agent sera informé par écrit de tout Objectif de vente révisé au moins 30 jours avant que cette révision ne prenne effet et jusqu’à une telle date, l’Objectif de vente courant continuera de s’appliquer ».

« 27. Date de prise d’effet et résiliation

27.1 Date de prise d’effet et durée

Le présent Contrat prendra effet à la date indiquée au point 5 de l’Annexe 1 et se poursuivra pendant la période indiquée au point 6 de l’Annexe 1, (soit une durée de deux ans) sauf résiliation anticipée conformément au présent Contrat ».

« 28.6 Droit applicable

Le présent Contrat, indépendamment de son lieu de conclusion ou de signature, sera régi et interprété conformément aux lois de Région administrative spéciale de Hong-Kong, République populaire de Chine. Les parties se soumettent à la compétence non exclusive des tribunaux de la Région administrative spéciale de Hong-Kong, République populaire de Chine ».

Contrairement à ce que prétend la société Worldship, les articles 5.1, 9.1 et 15.2 ne caractérisent aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties dès lors qu’ils ont exclusivement vocation à permettre l’exécution du mandat (clause 5.1) ainsi qu’à permettre à la société Cathay, mandante, d’en contrôler la bonne exécution par sa mandataire (clauses 9.1 et 15.2).

L’article 10.2 est quant à lui favorable à la société Worldship puisqu’il est destiné à lui éviter des investissements pour l’exécution du mandat.

L’article 28.6 portant sur la compétence non exclusive des juridictions de Hong-Kong ne saurait être à l’origine d’un déséquilibre en faveur de la société Cathay.

En revanche, les autres clauses manifestent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société Cathay.

En effet, l’article 4.1 empêche l’agent de représenter d’autres compagnies aériennes sans le consentement du mandant. En outre, selon l’article 4.3, l’agent ne peut disposer d’un numéro IATA propre de sorte qu’il ne peut représenter d’autres compagnies aériennes. En contrepartie, le contrat ne prévoit aucune clause d’exclusivité au profit du mandataire.

Par ailleurs, les articles 16.3 et 16.4 prévoient une responsabilité du mandataire pour tout dommage direct ou indirect résultant de manquements contractuels ainsi résultant de l’émission incorrecte de titres de transport ou encore de l’utilisation frauduleuse de tels titres tout en prévoyant une limitation de responsabilité au profit du mandant qui n’est tenu que des dommages directs résultant des seuls manquements contractuels dans les limites d’un certain montant.

De surcroît, le mandant dispose en vertu de l’article 22.1 du contrat du pouvoir discrétionnaire de modifier les objectifs de vente ainsi que du pouvoir discrétionnaire de prendre en compte l’objectif de vente et les ventes effectivement réalisées par l’agent dans la détermination de la rémunération de ce dernier.

Il est encore avéré que malgré l’ancienneté des relations entre la société Cathay et la société Worldship datant de 1989, les contrats conclus étaient d’une durée maximum de deux ans (article 27.1), mettant ainsi la société Worldship dans l’incertitude du renouvellement du contrat à son terme.

Enfin l’article 28.6 qui porte sur le choix de la loi de Hong-Kong pour régir les rapports contractuels entre les parties crée un déséquilibre en faveur de la société Cathay dès lors qu’il rend applicable la loi du pays dans lequel elle a son siège social qui peut être réputée lui être plus favorable.

Il est en conséquence établi que plusieurs clauses du contrat litigieux créaient au détriment de la société Worldship un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Toutefois la société Worldship échoue à démontrer l’élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif. En effet, elle ne rapporte aucunement la preuve de l’absence de négociation effective ou l’usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer son acceptation du contrat conclu le 25 février 2011.

En tout état de cause, la société Worldship échoue à rapporter la preuve d’un quelconque préjudice

résultant du déséquilibre significatif.

En effet, au titre du préjudice résultant du déséquilibre significatif, la société Worldship prétend tout d’abord avoir fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Pourtant il n’est aucunement démontré que cette procédure soit en lien avec le déséquilibre contractuel.

L’appelante se prévaut encore de s’être vue imposée par sa cocontractante le système PROS. Toutefois ainsi qu’il a été dit précédemment, la mise en place de ce système ne résulte pas de l’application des clauses contractuelles litigieuses et relève exclusivement du pouvoir d’organisation interne de la société Cathay.

Elle invoque également l’impossibilité de représenter d’autres compagnies aériennes de sorte qu’il en est résulté pour elle une perte de chance de réaliser des gains. Toutefois si l’article 4.1 du contrat soumettait à autorisation la représentation d’une autre compagnie aérienne, la société Worldship ne démontre aucunement avoir sollicité une telle autorisation pendant l’exécution du contrat de 2011. Elle ne saurait se prévaloir du seul refus qui lui a été opposé par la société Cathay en 1989 alors qu’à cette époque, les relations contractuelles entre les deux sociétés venaient de se nouer. Elle n’établit aucunement que la clause litigieuse serait à l’origine de son impossibilité de contracter avec les sociétés Gulf Air et Air Lingus.

Par conséquent, la société Wordlship sera déboutée de son action en dommages et intérêts au titre d’un déséquilibre significatif.

Enfin la société Worldship allègue un préjudice moral. Toutefois il résulte de ce qui précède qu’aucune faute n’est caractérisée à l’encontre de la société Cathay de sorte qu’aucune indemnisation ne saurait être due au titre d’un préjudice moral. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la créance déclarée par la société Cathay

Il échet de constater que contrairement à ce que soutient la société Worldship, la société Cathay ne formule aucune demande du chef d’une quelconque créance à son encontre. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Worldship succombe à l’instance. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Cathay au dépens de première instance ainsi qu’à régler à la société Worldship une somme au titre de ses frais irrépétibles. La société Worldship sera condamnée aux dépens de première instance ainsi qu’aux dépens d’appel et les dépens d’appel pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile. Il n’apparaît en revanche pas équitable de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de la société Worldship. Les demandes de ce chef seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 22 janvier 2015 en ce qu’il a retenu sa compétence pour connaître du litige ;

MET HORS de cause de Me B C et Me Thierry Bouvet, intervenants volontaires en qualité d’administrateurs provisoires de l’Etude de Me X, dont la mission de liquidateur

judiciaire de la société Worldship a pris fin ;

DÉCLARE recevable le courrier du 7 juin 2019 de la société Cathay par lequel celle-ci sollicite le rejet des débats de certaines pièces et notes produites par la partie adverse ;

DÉCLARE recevable la note en délibéré de la société Worldship en date du 3 juin 2019 ;

DÉCLARE recevable la pièce n°49 de la société Cathay ;

DÉCLARE irrecevable la pièce n°85 de la société Worldship ;

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le contrat d’agent général des ventes conclu entre la société Cathay et la société Worldship est un contrat d’agent commercial, dit que la législation française et les dispositions de l’article L.134-12 du code de commerce étaient applicables au litige et condamné la société Cathay à payer la somme de 595.816 euros à la société Worldship représentée par Me X en qualité de liquidateur au titre du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d’agent commercial,

Statuant à nouveau de ces chefs,

DIT que la loi applicable aux rapports contractuels entre la société Worldship et la société Cathay est la loi de Hong-Kong ;

DIT que le contrat doit être qualifié au regard du droit de Hong-Kong de contrat de représentation ;

DIT qu’en l’absence de protection spécifique de l’agent commercial au regard du droit de Hong-Kong, il y a lieu d’examiner les demandes formulées à titre subsidiaire par la société Worldship ;

CONSTATE l’accord des parties sur l’application de la loi française quant à l’action en responsabilité délictuelle diligentée par la société Worldship à l’encontre de la société Cathay ;

REJETTE la demande de la société Cathay tendant à ce que soient écartées des débats les attestations produites par l’appelante correspondant aux pièces n°26 à 30 ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a écarté des débats les pièces n° 22, 24 et 26 produites par la société Cathay ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la société Cathay ne s’est pas rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et en ce qu’il a débouté la société Worldship représentée par son liquidateur de sa demande au titre de la perte de clientèle et d’une impossibilité de poursuite d’activité ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la société Cathay ne s’est pas rendue coupable de violence économique et en ce qu’il a débouté la société Worldship représentée par son liquidateur de ses demandes d’indemnisation au titre des contrats conclus avant la résiliation et de la mise en place du système PROS ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société Worldship représentée par son liquidateur du surplus de sa demande au titre de l’indemnisation pour la mise en place du système PROS ;

DÉBOUTE la société Worldship représentée par son liquidateur de son action en indemnisation au

titre d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation formée au titre d’un préjudice moral ;

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Cathay aux dépens de première instance ainsi qu’à payer à la société Worldship représentée par son liquidateur la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la société Worldship représentée par son liquidateur aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers pouvant être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de toute autre demande.

La Greffière Le Président

O P Q R

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 13 février 2020, n° 16/15098