Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 17 septembre 2019, n° 17/06387

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 1re ch., 17 sept. 2019, n° 17/06387
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 17/06387
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

1re Chambre

ARRÊT N°348/2019

N° RG 17/06387 – N° Portalis DBVL-V-B7B-OHBR

Mme A-Y X

C/

SAS AQUARIUM GÉANT DE ST MALO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère, entendue en son rapport

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Y-C D, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Juin 2019

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Septembre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame A-Y X

[…]

[…]

Représentée par Me Dominique de FREMOND de l’ASSOCIATION MONDRIAN AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

L’AQUARIUM GÉANT DE ST MALO, SAS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentée par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Mathieu DAVY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat signé les 15 et 25 août 2003, la société Aquarium Géant de Saint-Malo (ci-après la société Aquarium) a commandé à l’Association Arpo Music la composition et la production de neuf séquences musicales d’une durée totale de 49 mn, destinées à servir de musique d’ambiance à l’aquarium qu’elle exploite à Saint-Malo, l’ensemble étant intitulé 'Les musiques du grand aquarium de Saint-Malo'. Le contrat précisait qu’il s’agissait d’une oeuvre collective écrite et composée sous l’égide de Mme X, harpiste compositeur, dont l’association Arpo Music détenait seule les droits. Le contrat était conclu pour la période du 1er janvier 2003 au 28 juillet 2003. La société Aquarium Géant de Saint Malo versait une somme de 10 000 euros HT à l’Association Arpo Music, ce prix ne rémunérant pas les droits d’auteur qui devaient être acquittés directement à la SACEM/SDRM.

Aux mêmes dates était signé entre l’association Arpo Music, désignée conventionnellement sous la dénomination 'l’Auteur', et la société Aquarium Géant de Saint-Malo, 'l’éditeur', un contrat de cession et d’édition de ces oeuvres musicales, ce contrat étant contresigné par Mme X. Il y était stipulé que l’Auteur cédait son droit de propriété sur l’oeuvre, comportant le droit exclusif d’exploitation sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, y compris la totalité du droit de reproduction ainsi que du droit de représentation et d’exécution publique pour toute la durée de validité des droits d’auteur.

L’oeuvre commandée était diffusée à partir du mois d’avril 2004 dans les locaux de l’Aquarium de Saint-Malo et des redevances étaient, conformément au contrat, payées à la SACEM. Le 15 juillet 2004, l’Aquarium effectuait une commande de pressage de 2.000 CD-Rom qui étaient mis en vente dans sa boutique à partir du mois d’octobre suivant. Des commissions sur les ventes étaient adressées à Mme X en 2005 et 2006.

Par courrier du 26 juillet 2011, Mme X a, par l’intermédiaire de son conseil, reproché à l’Aquarium une absence de promotion de l’oeuvre et demandé une reddition de compte des CD-Rom vendus. Le 4 janvier 2012, l’Aquarium l’informait du nombre d’exemplaires vendus en 2007, 2008, 2009 et 2010 puis justifiait, le 4 juillet 2012, n’avoir plus de CD-om en stock depuis le mois d’avril 2010.

Mme X faisait constater, les 4 juillet 2012 et 30 août 2013, que l’oeuvre était diffusée par l’établissement sans mention de sa qualité d’auteur et émettaient diverses revendications. Par lettre recommandée du 14 janvier 2014, l’aquarium notifiait la résiliation du contrat à effet au 31 janvier 2014 et adressait un règlement de 1.500 euros pour solde de tout compte, déclarant renoncer à son

exclusivité et cesser toute diffusion ou vente des musiques concernées.

Lui reprochant une absence de promotion de l’oeuvre, l’utilisation sans autorisation et sans mention de son nom de l’oeuvre sur internet et un défaut de reddition des comptes, Mme X a, le 20 mai 2014, fait assigner la société Aquarium géant de Saint-Malo devant le tribunal de grande instance de Rennes en paiement d’une somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts et de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 mai 2017, le tribunal de grande instance de Rennes a avec exécution provisoire :

— déclaré Mme A-Y X recevable et partiellement bien fondée en sa demande ;

— condamné la société Le Grand Aquarium de Saint Malo à lui verser la somme de 3.500 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l’exécution fautive du contrat d’édition et de diffusion de son oeuvre musicale, sauf à déduire la somme de 1.500 euros versée à titre de solde de compte ;

— condamné la société Le Grand Aquarium de Saint-Malo à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la société Le Grand Aquarium de Saint-Malo aux dépens.

Mme X a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour, sur le fondement des articles1134 et 1147 du code civil ainsi que L 131-1, L 132-13, L 121-1 et L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, de le réformer partiellement et de :

— condamner la société Aquarium Géant de Saint-Malo à lui payer une somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

— débouter la société Aquarium Géant de Saint-Malo de toutes ses demandes ;

— condamner la société Aquarium Géant de Saint-Malo à lui payer une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

La SAS Aquarium Géant de Saint-Malo a formé appel incident, demandant à la cour de l réformer partiellement le jugement et de :

— débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes ;

— rejeter des débats les pièces adverses de Mme X n° 29 et 30 en raison de leur absence de force probante ;

— condamner Mme X à payer une amende civile d’un montant de 3.000 euros en raison de l’engagement abusif de la procédure ;

— condamner Mme X à lui verser la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi par les attaques répétées dont elle est l’objet et du préjudice découlant de l’engagement abusif de la procédure ;

— à titre subsidiaire, ramener le montant des dommages-intérêts sollicités à un montant proportionné ;

— en tout état de cause, condamner Mme X à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties,

la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par Mme X le 11 avril 2018 et par l’Aquarium le 16 janvier 2018.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la demande de rejet des pièces 29 et 30 de Mme X

Ces pièces sont intitulées 'capture d’écran sur le site Youtube du 11 mai 2016' et 'capture d’écran sur le site Dailymotion du 11 mai 2016'. L’intimée conteste la force probante de ces pièces mais non l’irrégularité de leur production en justice. Or il appartient au juge d’apprécier la force probante des pièces qui lui sont soumises. En revanche, seules les pièces obtenues par fraude ou en contravention avec une prohibition légale ou encore communiquées dans des conditions portant atteinte au principe du contradictoire doivent être écartées des débats. Aucun des griefs formés ne justifie en l’occurrence la demande présentée de ce chef.

Sur le fond

Aux termes de l’article L.132-1 du code de la propriété intellectuelle, 'le contrat d’édition est le contrat par lequel l’auteur d’une oeuvre de l’esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’oeuvre, à charge pour elle d’en assurer la publication et la diffusion'.

En l’espèce, l’Aquarium de Saint-Malo a conclu avec l’Association Arpo Music, un premier contrat dont l’objet était précisé de la manière suivante :

'ARPO MUSIC s’engage à faire composer, enregistrer et réaliser par Mme Y X (ci-après 'L’ARTISTE) pour le compte de l’AQUARIUM GÉANT DE SAINT-MALO agissant en qualité de PRODUCTEUR, une oeuvre musicale originale (ci-après l’oeuvre originale ou la musique contractuelle) destinée à devenir la musique originale d’ambiance du Grand Aquarium – Saint-Malo intitulé provisoirement :

'LES MUSIQUES DU GRAND AQUARIUM – SAINT-MALO'

ARPO MUSIC confirme que l’oeuvre contractuelle constitue juridiquement une oeuvre collective, écrite et composée sous l’égide de l’ARTISTE, dont il détient seul les droits. Les participants à la création de ladite oeuvre sont précisés en annexe. Ils apposent leur signature au présent contrat en leur qualité d’auteur ayant contribué à la création de cette oeuvre collective (annexe 1).'

Ce contrat stipulait une clause d’exclusivité d’exploitation de l’oeuvre au profit de la société l’Aquarium, l’association Arpo Music s’engageant à faire signer au compositeur un contrat d’édition musicale à son bénéfice.

Conformément à cette stipulation, un second contrat intitulé 'contrat de cession et d’édition d’oeuvre musicale’ était signé le même jour entre, d’une part, Arpo Music ensuite conventionnellement désigné dans l’acte comme 'l’Auteur’ et, d’autre part, la société Aquarium Géant de Saint-Malo, désignée comme 'l’éditeur'. Mme X Z au dit contrat en qualité d’artiste compositeur, ayant préalablement cédé ses droits à l’association Arpo Music qui confirmait les détenir. Il s’en déduit que la société Aquarium acquérait par ce contrat la qualité de sous-exploitant des droits. Cependant si Mme X n’était pas la cessionnaire des droits d’exploitation de l’oeuvre, elle était partie au contrat et justifiait en outre un intérêt à agir en sa qualité d’auteur, la société Aquarium ne soulevant au demeurant plus l’irrecevabilité de ses demandes.

Mme X reconnaît que le contrat de cession et d’édition a été résilié d’un commun accord le 31 janvier 2014 mais maintient devant la cour, à l’encontre de à la société Aquarium, les griefs suivants

:

— manquement à son obligation d’exploitation et de diffusion commerciale, en l’absence de distribution du CD-Rom en dehors de sa boutique, de promotion de l’oeuvre auprès des media et d’organisation de concerts, l’oeuvre n’ayant été diffusée que dans les salles de l’établissement ;

— absence de reddition des comptes ;

— diffusion des oeuvres sur internet sans mention du nom de l’auteur.

A) Sur le premier grief

Mme X se fonde sur l’article 10 du contrat d’édition aux termes duquel l’éditeur s’engageait envers l’association Arpo Music à assurer à l’oeuvre une exploitation permanente et suivie ainsi qu’une diffusion commerciale conforme aux usages de l’édition de musique française.

Mais par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont parfaitement motivé en quoi la société Aquarium a assuré l’exploitation permanente et suivie de la musique d’ambiance créée à son intention et l’a diffusée auprès du large public fréquentant son établissement conformément à la volonté commune des parties contractantes telle qu’elle résultait de l’économie générale des conventions les unissant et de l’usage régissant les conventions ayant cet objet.

En effet la société Aquarium a commandé la réalisation d’une musique d’ambiance originale dans l’unique intérêt de son activité commerciale et a acheté le droit de l’exploiter en exclusivité ainsi que son titre dont l’énoncé était parfaitement explicite, à savoir 'Les musiques du Grand Aquarium – Saint-Malo'. Il s’agissait pour elle de renforcer son image et son identité auprès du public en y associant une ambiance sonore propre qui en devenait indissociable. L’association cessionnaire et les artistes ont accepté de participer à la réalisation de ce projet qui avait dès l’origine des conséquences connues et acceptées quant aux modalités particulières d’exploitation et de diffusion de l’oeuvre. Ils savaient en particulier que la société n’Z pas au contrat en qualité de professionnel de l’édition musicale et n’avait ni les moyens matériels, ni l’intention de modifier son objet social pour lui assurer des prestations de cette nature. La clause des contrats d’édition type reprise à l’article 10 du contrat de cession doit dès lors s’interpréter en fonction de l’identité des parties et de l’intention commune clairement exprimée par elles, la société Aquarium ne s’engageant qu’à exploiter et diffuser l’oeuvre dans le cadre et sur le site de son activité, même s’il était nécessaire de prévoir l’éventualité de modalités d’exploitation plus larges en fonction de l’accueil que pourrait réserver le public ciblé à la musique en cause.

Ainsi contrairement à ce qui est soutenu, le contrat ne mettait à la charge de la société Aquarium aucune obligation d’actions promotionnelles ou publicitaires auprès des media et a fortiori ne lui imposait pas l’obligation d’organiser des concerts qui n’entrait pas dans son objet social. L’article 8 du contrat de commande mettait à la seule charge de l’Association Arpo Music l’engagement de faire effectuer par l’artiste, gracieusement, trois représentations publiques pour le lancement de la musique originale ainsi que trois séances de dédicaces publiques. Or il n’est pas soutenu que Arpo music ait soumis à la société Aquarium des propositions de dates pour l’exécution de ces prestations gratuites, ni même offert de remplir son engagement, de sorte que Mme X ne peut reprocher à celle-ci de n’avoir pas organisé les dites manifestations, n’ayant reçu aucune sollicitation à cette fin.

En revanche, il résulte de la lettre écrite par Mme X le 7 novembre 2013 que la chaîne de TV France 3 national a tourné sur le site de l’aquarium un reportage sur Mme X, ce qui démontre la collaboration de la société Aquarium à toute action promotionnelle favorable à l’oeuvre.

Le premier contrat mettait seulement à la charge de la société Aquarium l’obligation d’éditer un phonogramme aux fins de commercialisation dans une pochette mentionnant au recto le nom de

l’artiste, sans préciser le tirage minimum, ni les modalités de commercialisation. Si le contrat conférait au producteur la possibilité de sous-traiter l’édition ou la commercialisation de ce support, il ne lui faisait aucune obligation d’y recourir. Le grief formé à l’encontre de la société Aquarium de n’avoir pas distribué l’oeuvre par l’intermédiaire d’un distributeur spécialisé dans la musique celtique, dont il n’est au demeurant pas justifié de la proposition en ce sens, n’est dès lors pas fondé.

Le contrat d’édition n’imposait pas davantage à la société Aquarium d’éditer un nombre minimum de CD, ni de commercialiser celui-ci en dehors de ses locaux, ni encore d’en effectuer des actions de promotion dans les media. A cet égard, les affirmations de Mme X faisant état de la promesse de fabriquer 20 000 CD ne sont soutenues par aucun élément probant.

Ainsi que le relèvent pertinemment les premiers juges, le pressage d’un nombre initial de 2 000 CD s’est révélé suffisant pour satisfaire à la demande du public pendant six ans de sorte qu’aucune méconnaissance de l’obligation de commercialisation de la musique en cause n’est caractérisée.

Il incombe à celui qui invoque la mauvaise exécution d’un contrat, soit en l’occurrence l’insuffisance d’exploitation et de diffusion de l’oeuvre, d’en apporter la preuve. En l’espèce, par la diffusion permanente de l’oeuvre sur le site de l’aquarium pour lequel elle avait été créée, dans des conditions de nature à la mettre en valeur, la société Aquarium en assurait l’exploitation et la diffusion auprès du public important qui fréquentait ses installations conformément aux prévisions des deux contrats. En proposant le CD à la vente sous le nom de l’auteur, à proximité des caisses de son magasin, elle en facilitait et stimulait la commercialisation, utilisant ainsi l’intégralité des moyens à sa disposition pour remplir les obligations qu’elle avait contractées.

Si la société Aquarium n’avait pas l’obligation de procéder à un nouveau pressage du CD après épuisement du stock dès lors que la demande du public était devenue quasi inexistante, elle devait néanmoins en avertir son cocontractant afin de lui donner éventuellement la possibilité de négocier la poursuite de la commercialisation de l’oeuvre en prenant en charge le coût d’une nouvelle fabrication du CD. En revanche, il ne peut lui être reproché d’avoir mis fin à l’exploitation de l’oeuvre en 2010 dès lors qu’elle a continué à la diffuser sur son site, générant ainsi pour l’auteur des droits rétrocédés par la SACEM.

B) Sur la reddition des comptes

Mme X reproche, sur le fondement de l’article L 132-13 du code de la propriété intellectuelle repris à l’article 17 du contrat, une absence de reddition annuelle des comptes à compter de 2007. Cependant contrairement à ce qu’elle soutient, la société Aquarium ne s’est pas totalement abstenue de rendre des comptes, ceux-ci ayant été rendus après réclamation et leur exactitude non mise en cause. Il peut seulement lui être reproché, comme le retiennent les premiers juges, un retard dans la reddition de ces comptes entre 2007 et 2012. En revanche, en 2012, la société Aquarium a rempli ses obligations conformément aux stipulations contractuelles et même de manière plus approfondie que celles-ci ne l’imposaient. Le grief n’est donc que partiellement fondé.

C) Sur la diffusion des oeuvres sur internet sans mention du nom de l’auteur

Mme X ne conteste plus le droit pour la société Aquarium d’avoir, pendant l’exécution du contrat, diffusé sur internet des vidéos comportant en fonds sonore la musique d’ambiance litigieuse mais soutient qu’elle a commis une faute en ne mentionnant pas son nom comme auteur de cette musique. En outre, elle soutient qu’en dépit de la résiliation du contrat étaient toujours accessibles sur internet des vidéos filmées sur le site du Grand Aquarium de Saint-Malo reproduisant en fonds sonore la musique litigieuse. A l’appui de ses affirmations, elle produit une capture d’écran du site Youtube, non datée, intitulée 'Plongée avec les requins : Grand Aquarium – Saint-Malo’ mise en ligne le 29 mars 2008 et une capture d’écran du site dailymotion du même intitulé, également non datée, concernant une vidéo d’une durée de 2 mn 23, portant mention d’une publication le 3 juin 2015.

Cependant, il n’est pas contesté que depuis le 31 janvier 2014, la société Aquarium ne diffuse plus dans son établissement la musique en cause. Ces vidéos, à supposer qu’elles soient accompagnées du fonds sonore litigieux, ont dès lors nécessairement été réalisées avant la résiliation du contrat (ce qui est d’ailleurs confirmé par la pièce elle-même s’agissant de la vidéo Youtube). La société Aquarium démontre ne pas être titulaire des comptes sur lesquels elles sont actuellement diffusées de sorte qu’elle n’encourt aucune responsabilité dans leur diffusion sur ces sites. Au demeurant, la résiliation du contrat interdit pour l’avenir à la société Aquarium d’exploiter l’oeuvre litigieuse mais ne lui fait pas obligation de détruire toutes les archives incluant ce fonds sonore dès lors qu’elles ont été réalisées à une époque où son utilisation était licite.

Mme X soutient également que la société Aquarium aurait porté atteinte à la paternité de l’oeuvre en mettant en ligne sur internet des vidéos dans lesquelles est audible la musique diffusée en fond sonore dans les locaux de l’aquarium sans que son nom ne soit précisé. Mais ces vidéos n’avaient pas pour objet de représenter l’oeuvre musicale elle-même, l’inclusion de quelques citations sur le site internet ou dans les vidéos publicitaires n’étant qu’accessoire au sujet traité et la seule conséquence du fait que l’oeuvre, conçue pour servir de musique d’ambiance diffusée de manière permanente dans l’établissement, était nécessairement présente dès lors que le sujet traité ou l’interview avait pour cadre le dit établissement auquel elle s’intégrait indissociablement. Dans ce contexte, il n’y avait pas lieu d’inclure à la suite de la diffusion de ces très courts extraits, un générique mentionnant le nom de toutes les personnes dont l’oeuvre y apparaissait incidemment. Ces diffusions étaient réalisées en conformité avec le contrat qui n’exigeait la mention du nom de l’auteur que sur le recto des pochettes CD. Le grief n’est dès lors pas fondé.

Sur l’indemnisation réclamée

A titre superfétatoire, il sera relevé que Mme X ne démontre pas avoir subi un préjudice en relation avec les conditions d’exploitation de l’oeuvre litigieuse. En effet, ayant repris avec l’association Arpo Music depuis maintenant plus de cinq ans, le droit de l’exploiter personnellement, elle n’établit pas avoir, depuis la résiliation du contrat, retiré de cette exploitation des revenus supérieurs à ceux perçus pendant la période d’exécution de celui-ci. Elle ne démontre pas davantage que la résiliation du contrat a eu des incidences favorables sur sa notoriété ou l’évolution de sa carrière qu’elle a manifestement poursuivi dans des conditions similaires. A cet égard, la motivation du tribunal quant à l’absence d’incidence de l’exécution du contrat litigieux sur sa notoriété et l’évolution de sa carrière n’est pas remise en cause par le dossier de presse qu’elle produit en format papier.

Il n’est pas établi que le manquement au devoir d’information afférent à la fin de la commercialisation des CD, justement relevé par les premiers juges, ait entraîné un préjudice financier dès lors que Mme X ne soutient pas avoir, après la résiliation du contrat, fait réaliser une réédition du dit CD. Elle ne justifie dès lors pas avoir subi une perte de chance d’en poursuivre la commercialisation du fait du l’intimée.

Par ailleurs en l’absence de stipulation sanctionnant conventionnellement la mauvaise exécution de l’obligation annuelle de reddition des comptes, il incombe au contractant qui s’en prévaut de justifier du préjudice que le retard lui a occasionné. En l’espèce, si la carence temporaire de la société Aquarium a généré un retard dans la perception des droits échus, l’importance de ceux-ci – 429 euros
- n’entraînait qu’un préjudice de trésorerie inférieur à l’indemnisation allouée spontanément par la société. Au demeurant lorsqu’elle a été sollicitée par Mme X, la société Aquarium a répondu à ses interrogations dans un délai raisonnable nonobstant les difficultés liés au changement d’exploitant de l’établissement. Elle a également accepté sans difficulté de renoncer, sans contrepartie, aux droits d’exploitation qu’elle avait pourtant acquis à titre onéreux pour toute la période de protection du droit d’auteur.

Dès lors, l’indemnisation de 3 500 euros accordée par les premiers juges n’apparaît pas en relation avec le préjudice effectivement subi par Mme X du fait des manquements imputables à la société

Aquarium lequel a été intégralement réparé par l’indemnisation accordée spontanément par cette société.

Sur les demandes reconventionnelles

La société Aquarium demande, à titre reconventionnel, l’octroi d’une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice que lui a occasionné la procédure qu’elle qualifie d’abusive. Mais elle ne démontre pas que Mme X, dont la demande avait été partiellement accueillie par les premiers juges et qui a pu se méprendre sur la nature et l’étendue des droits que lui conférait le contrat auquel elle était partie, a agi de mauvaise foi en connaissance du caractère manifestement infondé de ses prétentions, dans l’unique intention de lui nuire. La demande sera en conséquence rejetée.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 29 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Rennes en ce qu’il a déclaré recevable l’action engagée par Mme A-Y X ;

Le réformant pour le surplus,

Rejette l’intégralité des demandes formées par Mme X ;

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société Le Grand Aquarium de Saint-Malo ;

Condamne Mme A-Y X à payer à la société Le Grand Aquarium de Saint-Malo la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Mme A-Y X aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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