Cour d'appel de Toulouse, 14 octobre 2015, n° 13/00354

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 14 oct. 2015, n° 13/00354
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 13/00354
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Foix, 18 décembre 2012, N° 11/01142

Sur les parties

Texte intégral

.

14/10/2015

ARRÊT N°576

N° RG: 13/00354

XXX

Décision déférée du 19 Décembre 2012 – Tribunal de Grande Instance de FOIX – 11/01142

Mme A

O B

représentée par Me DESSART

C/

V-W GHOMME

C Z

représentées par Me MORATA

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2e Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE

***

APPELANTE

Madame O B

Embarrou

XXX

Représentée par Me Emmanuelle DESSART, avocat au barreau de Toulouse assistée de Me Michel SABATTE, avocat au barreau de Toulouse

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 31555-2013-004435 du 17/06/2013 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Toulouse)

INTIMÉES

Madame V-W GHOMME

XXX

XXX

Mademoiselle C Z

XXX

XXX

Représentées par Me Q-Pierre MORATA, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Juin 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant G. COUSTEAUX, président et M. SONNEVILLE, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

G. COUSTEAUX, président

M. P. PELLARIN, conseiller

M. SONNEVILLE, conseiller

Greffier, lors des débats : C. LERMIGNY

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par G. COUSTEAUX, président, et par C. LERMIGNY, greffier de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame B a travaillé au sein du centre équestre du Balestié situé à Malegoude, centre équestre appartenant à son compagnon Monsieur X de 1999 jusqu’au’ au décès de celui-ci en janvier 2005.

Soutenant que durant cette période elle était intervenue dans le cadre d’un contrat salarié Madame B a saisi le 30 avril 2007 le conseil de prud’hommes de Foix d’une action contre les consorts GHomme- X, héritiers aux fins de voir constater qu’un contrat de travail l’unissait à Monsieur X avec les conséquences qui en résultent en matière de paiement de salaires, de congés payés, de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 29 mai 2009 le conseil de prud’hommes a considéré qu’aucun lien de subordination ne liait Madame B à Monsieur Z et a débouté Madame B de ses demandes.

Cette décision a été confirmée par arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse du 1er Décembre 2010.

Madame B J été bénéficiaire d’un testament de la part de son concubin Monsieur X, qui n’a pas été reconnu valable et dont elle n’a pas cherché à se prévaloir en justice; elle a saisi par acte du 9 août 2011, le Tribunal de Grande Instance de Foix pour voir juger, sur le fondement de l’enrichissement sans cause, que son patrimoine s’était appauvri au bénéfice de celui de Monsieur X et obtenir une somme de 44 783.31 euros.

Les héritiers de celui-ci, Mesdames GHomme et Z ont sollicité reconventionnellement 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 19 décembre 2012, le Tribunal de Grande Instance a :

Déclaré Madame B non fondée en son action de in rem verso à l’encontre des héritiers de Monsieur X et l’en a déboutée,

Débouté Mesdames GHomme et Z de leur demande d’indemnité pour abus de procédure,

Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire,

Condamné Madame B au paiement d’une somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamné Madame B aux dépens.

Par déclaration du 22 janvier 2013, Madame B a interjeté appel de la totalité de ce jugement.

Madame B, a déposé ses dernières conclusions par Y le 27 juillet 2013.

Mesdames GHomme et X ont transmis des conclusions le 17 juin 2013.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 mai 2015.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’énoncé du détail de l’argumentation, au visa des articles 1371 du Code Civil, Madame B, demande à la Cour de :

Réformer le jugement,

Statuant à nouveau,

Déclarer recevable l’action de in rem verso intentée par Madame B,

Dire et juger que le patrimoine de Madame B, entre 1999 et 2005, s’est appauvri au bénéfice de celui de Mesdames GHomme et Z, ayants droits de Monsieur X,

Evaluer le montant de l’appauvrissement à la somme de 44.783.31 euros,

— Condamner solidairement à ce titre Mesdames GHomme et Z, à rembourser à Madame B la somme de 44.783,31 €,

Condamner solidairement Mesdames GHomme et Z, à payer à Madame B la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamner solidairement Mesdames GHomme et Z à verser à la SCP Sabatte-L’Hote-Robert la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi 1991, outre les dépens.

L’appelante fait essentiellement valoir que :

L’action en enrichissement sans cause, constituant une action personnelle ordinaire à propos de laquelle ne devraient pas jouer les courtes prescriptions établies pour certaines actions, était, préalablement à la réforme de 2008, soumise à une prescription trentenaire de droit commun. Suite à la loi de 2008, l’action doit être engagée dans un délai de 5 ans.

Le travail fourni sans rémunération, constitue un appauvrissement par manque à gagner et un enrichissement corrélatif par dépenses évitées et ouvre ainsi droit à agir sur le terrain de l’enrichissement sans cause. Le travail de la concluante dépassait largement le cadre d’une participation aux dépenses communes et bénéficiait largement au centre équestre, qui en tirait avantage en faisant l’économie d’un salaire.

Les accusations des intimés lui ont causé un préjudice qui doit être réparé.

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’énoncé du détail de l’argumentation, au visa des articles 1371 et 2224 du Code Civil, Mesdames GHomme et Z, demande à la Cour de :

Déclarer Madame B prescrite dans son action et l’en démettre,

A titre subsidiaire,

Déclarer mal fondée, l’action de Madame B sur le fondement de l’enrichissement sans cause,

En conséquence,

Débouter Madame B de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre reconventionnel,

Condamner Madame B à payer aux consorts GHomme-X la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamner Madame B à payer aux consorts GHomme-X, la somme de 3.000 euros, en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Les intimées font essentiellement valoir que :

Le jour du décès (janvier 2005) de Monsieur Z, doit être considéré comme le point du départ du délai de prescription de 5 ans dans lequel l’action en enrichissement sans cause devait être intentée. Madame B n’a délivré l’assignation que le 9 août 2011, l’action doit donc être déclarée irrecevable.

Il incombe au créancier de prouver le caractère certain de la créance qu’il invoque, et démontrer qu’elle est incontestable. Or Madame B n’établit sa participation supposée à l’exploitation du centre équestre que par la production d’attestations de personnes qui n’étaient pas en mesure d’appréhender de manière objective la réalité de son activité et les raisons de celle-ci et sa présence sur les lieux.

Le document présenté comme le testament de Monsieur Z, ne peut être qualifié en tant que tel et a toute l’apparence d’un faux. Il s’agit d’un document dactylographié avec une imitation très grossière de la signature du défunt, qui n’J pris aucune disposition testamentaire.

Madame B, ne démontre pas que sa contribution ait enrichi le patrimoine de Monsieur Z au détriment du sien. Au contraire grâce à Monsieur Z elle a pu faire l’économie d’un loyer et élever gratuitement ses chevaux.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, l’action quasi-contractuelle fondée sur un enrichissement sans cause était soumise à la prescription trentenaire. Par application de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles et mobilières sont, depuis l’entrée en application de cette loi, soumises à la prescription quinquennale, toutefois et par application de l’article 2222 du code civil et du fait de la réduction du délai de prescription, un nouveau délai de 5 ans court à partir de l’entrée en vigueur de la loi.

Le décès de M Z constitue le point de départ de la prescription; il est survenu en janvier 2005 et la prescription n’était pas acquise au 19 juin 2008; l’action, introduite par acte du 25 novembre 2011, l’a été dans les 5 ans suivant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et l’action n’est pas prescrite.

* Il appartient à E B, demanderesse à l’action, de démontrer que l’enrichissement dont aurait bénéficié l’auteur des intimés du fait de son assistance dans l’exécution des tâches qu’exigeait l’activité de la ferme équestre dont il était propriétaire était sans cause.

Il n’est pas contesté que E B a participé activement à l’activité du centre équestre appartenant à M Z à partir de l’année 1999 et jusqu’au décès de ce dernier en 2005. Madame B a été la compagne de Monsieur Z et a résidé un temps dans la ferme équestre de ce dernier, où ses deux filles ne résidaient pas, mais étaient régulièrement accueillies. E B a pris à bail un logement à Malegoude (09) en mars 2001 et justifie avoir résidé à Mirepoix (09) à compter de fin décembre 2003.

M Z souffrait d’une maladie invalidante et évolutive; il n’J pas de manière régulière d’employé, mais il est établi qu’une personne a été salariée durant 7 mois en 1999-2000 et qu’il a eu recours à un apprenti pendant un an de juillet 2001 à juin 2002. Des cours d’équitation ont été dispensés par d’autres personnes que E B et lui, à la lecture des attestations produites.

Par arrêt du 1er décembre 2010, la chambre sociale de cette cour a refusé de reconnaître l’existence d’un contrat de travail en raison de l’absence de lien de subordination, tout en constatant l’investissement dans la marche du centre équestre, tel qu’il J été notamment perçu par les clients du centre.

Ceux-ci en décrivent dans les attestations produites lors de la présente instance l’importance et la qualité, avec une perception variable du statut qu’occupait E B, puisqu’il est fait état d’une 'actrice et co-responsable de la vie du centre’ (attestation de Glimont Annick) ', 'd’une conjointe collaboratrice’ (attestation de Bouhous Q-R, fournisseur), 'd’un travail en collaboration’ (attestation de Perlot Cécile), d’autres parmi ces clients rapportant qu’elle s’occupait beaucoup de ses propres chevaux et que les propriétaires de chevaux en pension, ainsi que d’autres personnes fréquentant le centre participaient régulièrement et de manière bénévole à son entretien et aux activités.

E B était diplômée pour être éducatrice sportive et accompagnatrice de tourisme équestre, ce qui lui permettait d’encadrer les activités organisées à l’extérieur du centre, à la différence de M Z.

Les pièces produites par E B et notamment ses avis d’imposition et contrats de travail montrent que son activité au sein de la ferme équestre n’était pas exclusive, sur toute la période pour laquelle elle se prévaut d’un enrichissement sans cause de M Z, puisqu’elle a travaillé à mi-temps durant toute l’année 2003 et a été employée pendant une partie des années 2000 et 2002. Elle n’a par contre perçu aucune rémunération en 2001 et 2004.

Enfin, sur un papier à entête des Ecuries du Balestié, un texte dactylographié daté du 3 janvier 2005, portant le nom de M Z suivi de sa signature, dont les parties conviennent qu’il n’a pas valeur de testament olographe, expose sa volonté de mettre fin à ses jours et de désigner E B comme héritière, avec son souhait qu’elle en ait l’usufruit plein et entier jusqu’à la fin de ses jours. E B est restée au centre jusqu’en février 2005, puis a été contrainte de le quitter avec ses chevaux à la demande de la famille de M Z.

E B démontre qu’elle a réservé durant 6 ans à la marche du centre équestre de M Z, de manière régulière, une grande partie de ses disponibilités et s’y est alors montrée particulièrement active. Ses chevaux et poneys étaient certes hébergés gracieusement par le centre, mais cette seule contrepartie ne justifie pas et ne peut venir à elle seule compenser l’implication de leur propriétaire dans l’activité de la ferme équestre. Elle s’est ainsi appauvrie.

De l’examen des pièces versées aux débat, il résulte cependant que E B a été la compagne de M Z, au moins jusque fin 2001 et qu’ils ont ensuite conservé des relations d’amitié. Ses chevaux y sont restés hébergés jusqu’en février 2005.

Il a été définitivement jugé que E B ne pouvait se prévaloir d’un contrat de travail en l’absence de tout lien de subordination. L’action fondée sur un enrichissement sans cause est subsidiaire et ne peut avoir pour objet de tendre à la reconnaissance d’un droit à une contrepartie équivalente à celle qu’aurait procuré un contrat de travail, dont l’existence n’a pas été reconnue en raison d’un obstacle de droit. En outre, la cause de l’appauvrissement invoqué n’était pas de permettre à M Z d’éviter d’avoir recours à un salarié : il est établi par les attestations qu’avant la venue de E B il n’en employait pas et les périodes durant lesquelles il a fait appel à un salarié ne correspondent pas avec celles durant lesquelles E B exerçait par ailleurs un emploi.

Durant leur vie commune, la participation de E B à l’activité du centre, qui n’était pas exclusive de la possibilité pour elle d’exercer un travail salarié en dehors de ce lieu, trouve sa contrepartie dans les avantages personnels que lui offrait cette vie dans la ferme équestre. Pendant et postérieurement à leur vie commune, son implication résulte de la volonté conjointe qu’avaient E B et M Z de mener à bien un projet commun, dont ni l’un ni l’autre n’envisageaient qu’il ne se poursuivrait pas après le décès de celui-ci.

L’appauvrissement invoqué par E B n’était ainsi pas dépourvu de cause, mais était fondé sur un intérêt qu’elle retirait personnellement de certains avantages en nature, principalement l’hébergement de ses chevaux, de la réalisation d’un projet auquel elle était associée et qu’elle vivait avec passion et de la perspective de pouvoir le poursuivre.

Les conditions ne sont dès lors pas réunies pour que soit caractérisé un enrichissement sans cause.

L’action principale de E B n’étant pas fondée, elle ne peut prétendre à titre accessoire à l’allocation de dommages et intérêts en compensation d’un préjudice moral.

L’investissement de E B dans le fonctionnement du centre équestre que M Z exploitait est établi; ce dernier a donc connu un enrichissement, même s’il est moindre, du fait de l’appauvrissement de E B; dans ces circonstances, l’action engagée par cette dernière à l’encontre des héritiers de M Z sur le fondement d’un enrichissement sans cause, qui ne peut aboutir en raison de l’existence d’une cause, ne résulte pas d’un abus des voies de droit et la demande reconventionnelle en dommages et intérêts présentée par V-W GHomme et C Z sera rejetée.

Le jugement, qui a par ailleurs condamné E B au paiement d’une indemnité de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, sera confirmé en toutes ses dispositions.

E B, qui succombe, supportera la charge des dépens de la présente instance et ses propres frais, sous réserve des dispositions applicables à l’aide juridictionnelle, dont elle est bénéficiaire; il apparaît équitable de ne pas faire application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Déboute E B de sa demande en dommages et intérêts ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne E B aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables à l’aide juridictionnelle, dont elle est bénéficiaire.

Le greffier, Le président,

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