Cour d'appel de Versailles, 17 mars 2016, n° 14/02922

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

RND

Code nac : 80A

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 MARS 2016

R.G. N° 14/02922

AFFAIRE :

X D G

C/

SAS ERNST & YOUNG ET ASSOCIES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Mai 2014 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 12/02762

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL CLAIM

XXX

Copies certifiées conformes délivrées à :

X D G

SAS ERNST & YOUNG ET ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT MARS DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame X D G

XXX

XXX

comparante en personne, assistée de Me Charlotte LAMBERT de la SELARL CLAIM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0901

APPELANTE

****************

SAS ERNST & YOUNG ET ASSOCIES

XXX

XXX

XXX

représentée par Me David LINGLART de l’XXX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0554

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,

FAITS ET PROCÉDURE

Mme X D G a été engagée par la société Ernst & Young Associés, cabinet d’audit financier, selon contrat de travail du 24 janvier prenant effet au 1er février 2005, en qualité de consultante débutante, cadre, coefficient 330 de la convention collective des Experts Comptables et Commissaires aux Comptes (et non pas Syntec comme écrit par la salariée).

Son contrat stipulait une rémunération forfaitaire fixe mensuelle de 2 440 euros et une prime comme suit 'vous pourrez éventuellement bénéficier d’une prime individuelle qui vous sera octroyée en fonction de vos performances au cours de l’exercice écoulé'.

Elle était affectée à l’origine au département Accompagnement.

Au sein de la société Ernst & Young Associés, les promotions sont annoncées à la fin de l’exercice fiscal comptabilisé de juillet à juin de l’année suivante, les augmentations sont effectives au 1er septembre suivant et il existe plusieurs niveaux d’échelons pour chacune des quatre catégories suivantes : assistant, senior, manager et directeur.

La carrière de Mme X D G a connu l’évolution suivante :

— fin juin 2005, elle a été promue au grade d’assistante expérimentée et reçu une augmentation de salaire de 9% en septembre 2005,

— fin juin 2006, elle a été promue au grade d’assistante expérimentée 2 et reçu une augmentation de salaire de 10% en septembre 2006,

— fin juin 2007, elle a été nommée à sa demande au département Consolidation de Groupe et reçu une augmentation de salaire de 8% en septembre 2007,

— en juin 2008, elle a bénéficié d’une augmentation de sa rémunération de 3% en demeurant au même grade,

— en mars 2009, elle s’est vue notifier des recommandations du comité d’évaluation sur les attentes du poste senior ; elle n’a pas obtenu le grade de senior et n’a pas reçu d’augmentation,

— en juin 2010, elle a été promue au grade de senior ; elle n’a pas eu la prime exceptionnelle servie en décembre 2010 aux collaborateurs ayant obtenu une note supérieure ou égale à 3,

— en juin 2011, elle est passée au grade senior 2 et a eu une augmentation de salaire de 12% et une prime de 1 500 euros en septembre.

Mme X D G, estimant qu’elle était victime d’une discrimination salariale, a saisi le délégué du personnel en octobre 2012 et l’inspection du travail en novembre 2012 qui ne sont pas intervenus auprès de l’employeur.

Le 12 octobre 2012, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de résiliation de son contrat de travail.

Elle a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 17 novembre 2012.

A la suite des visites des 1er et 18 octobre 2013, le médecin du travail rendait l’avis suivant :

' inapte définitif au poste de consultante senior, envisager reclassement sur un poste en interne au sein de l’entreprise avec changement de service et privilégier métier sédentaire type métier support'.

Mme X D G a refusé les trois propositions de reclassement reçues.

Après un entretien préalable tenu le 19 novembre 2013, elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, par lettre recommandée du 22 novembre 2013.

Par jugement du 27 mai 2014, le conseil de prud’hommes l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens.

Le 17 juin 2010, Mme X D G a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil pour Mme X D G qui demande à la cour, infirmant le jugement, de :

— constater l’existence d’une inégalité salariale et de faits de harcèlement moral, la mauvaise foi de l’employeur dans l’administration de la preuve, le manquement à l’obligation de reclassement, à titre principal,

— prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Ernst & Young Associés,

— condamner la société à lui payer la somme de 43 860 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire,

— prononcer la nullité du licenciement,

— condamner la société à lui payer :

. 10 965 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 096,50 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 43 860 euros à tire de dommages-intérêts pour annulation du licenciement pour inaptitude,

en tout état de cause,

. 76 790 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

. 23 316 euros à titre de rappel de salaire de 2008 à 2012,

. 2 000 euros au titre de la prime 2009,

. 1 500 euros au titre de la prime exceptionnelle versée en décembre 2010,

. 3 500 euros au titre de la prime versée en juin 2010 au titre du passage senior,

. 3 500 euros au titre de la prime 2011,

. 3 500 euros au titre de la prime 2012,

— assortir les condamnations des intérêts au taux légal et ordonner leur capitalisation,

— condamner la société au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil pour la société Ernst & Young Associés qui demande à la cour de :

à titre principal,

— confirmer le jugement et débouter Mme X D G de toutes ses demandes,

à titre subsidiaire,

— ramener le montant de ses demandes à de plus justes proportions,

— la condamner à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Laurent Lecanet,

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience ainsi qu’aux explications orales complémentaires rappelées ci-dessus, et aux pièces déposées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations ; il appartient au juge de rechercher s’il existe à la charge de l’employeur des manquements d’une gravité suffisante pour prononcer cette résiliation qui emporte les effets d’un licenciement, selon le cas, sans cause réelle et sérieuse ou abusif ; lorsqu’un salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire puis a été licencié, le juge, s’il ne retient pas de manquements suffisants justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner le licenciement prononcé ultérieurement, mais doit, pour l’appréciation du bien fondé du licenciement, prendre en considération les griefs invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation ou en contestation de son licenciement dès lors qu’ils sont de nature à avoir une influence sur cette appréciation ; en tous les cas la rupture prend effet, lorsque le jugement intervient après le licenciement, à la date de ce dernier.

Compte tenu de l’articulation des demandes de l’appelante et des principes ci-dessus rappelés, la cour examinera :

— d’abord la discrimination professionnelle et le harcèlement moral invoqués à l’appui de la demande principale en résiliation du contrat de travail produisant, expressément à la demande de la salariée, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les demandes subséquentes d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts,

— puis, si la demande de résiliation n’est pas fondée, le licenciement pour inaptitude dont la salariée demande la nullité pour harcèlement moral ou qu’il soit reconnu sans cause réelle et sérieuse faute de reclassement,

— et enfin les demandes de rappel de rémunération.

Sur la discrimination professionnelle :

Sous cet intitulé, Mme X D G invoque la règle ' à travail égal, salaire égal ', même si elle s’interroge dans ses écritures sur une possible discrimination en raison de son origine ethnique, le fait qu’elle ait pu être confondue avec une collègue africaine moins méritante, ce à quoi la société Ernst & Young Associés répond que le recrutement est très diversifié.

En application de ce principe tiré des articles L. 2261-22 et L. 2771-1 du code du travail, l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique.

Par référence à l’article L. 1134-1 du même code, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité par exemple de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Mme X D G fait état essentiellement du fait que la société Ernst & Young Associés ne l’a pas promue du grade d’assistante 2 à celui de senior ni en juin 2008 ni en juin 2009 ce qu’elle assimile à un ' redoublement ' et l’a maintenue au grade de senior 2 depuis 2012, à la différence d’autres collègues, en s’appuyant sur sa pièce n° 2 faisant apparaître le système de progression d’une catégorie à une autre et surtout la pièce n°9 adverse qui permet de comparer son parcours en juillet 2012 à celui de 3 autres collaborateurs recrutés à la même époque et leurs notations respectives sur une échelle de 1 à 5 :

— Mathieu Boisse arrivé le XXX devenu manager 2, noté entre 3-4

— A B arrivée le 6 décembre 2004 devenue manager 4, notée entre 4-5

— Lassaux Hayat arrivée le XXX devenue manager 1 notée entre 3-4

Il est précisé que la notation 1 correspond à : 'le collaborateur a réalisé une performance très en deçà des attendus tant pour les pré-requis que les objectifs ;

2 :' une performance irrégulière et parfois en dessous de l’attendu, parfois au niveau de l’attendu ;

3 : ' une bonne prestation correspondant aux objectifs et compétence attendues il est allé au delà pour certain objectifs. Haut Niveau Attendu ;

4 : ' le collaborateur est allé au delà de ce qui lui avait déjà été fixé comme objectifs et compétences attendues-excellente prestation ;

5 : ' le collaborateur est allé très au delà de ce qui lui avait déjà été fixé comme objectifs et compétences attendues dans son rôle-prestation exceptionnelle sur tous les sujets '.

La salariée fait état également de la contradiction entre sa notation (1 en 2008 et 2009 ; 2 en 2010 l’année de son passage au grade senior et en 2012 ; 3 en 2011) et les comptes-rendus élogieux des missions confiées vantant ses qualités, tout au long de l’exécution du contrat à l’exception de celle intitulée ' Come and Stay ' en 2009.

A titre d’exemple, pour la mission Carlson en novembre-décembre 2007, sa hiérarchie salue ' (sa) performance… un interlocuteur de choix auprès du client..ses bonnes connaissances comptables et son relationnel (diplomatie, sens des situations) sa contribution sur la mission a été appréciée '. Pour la mission CCI-CO du 10 au 21 octobre 2011, il est relevé sa ' bonne capacité à synthétiser ses travaux dans un livrable présentable au client ' alors qu’elle n’intervenait pas dans son domaine.

Pour ce qui est de la compétence, la salariée verse le diplôme d’expertise comptable obtenu

en février 2012 qui atteste de son niveau d’acquis.

Enfin, le 3 mai 2011, Mme K-L-M, son référent hiérarchique, s’étonne, en transmettant la notation de ses filleuls, dont Mme X D G, que celle-ci n’ait ' eu aucune augmentation ni prime malgré un passage S1 l’année dernière '. Il s’agit de la prime attribuée en décembre 2010 aux collaborateurs évalués à 3 et plus.

Ces éléments de fait font ressortir une différence de traitement dans la progression de carrière, eu égard à l’ancienneté des mis en cause ; il appartient donc à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.

Sur un plan général, la société Ernst & Young Associés démontre que les promotions ne sont pas aussi automatiques que le soutient l’appelante en versant les bilans sociaux de 2009 à 2011 dont il ressort, qu’en 2008 et 2009, seuls 414 assistants sur 938 assistants ont été promus au grade de senior et en 2009, 322 sur 800.

La société précise que, dans le cas particulier de Mme X D G, elle était fondée à ne pas la promouvoir au grade de senior avant 2010 car elle n’avait pas fait montre des critères de compétence attendues d’un senior, en termes quantitatifs de taux d’utilisation (1 450 heures ou 86%) ou qualitatifs, notamment en terme d’encadrement d’assistants ou de contact avec le client, tels que visés dans les profils de postes versés aux débats.

Par sommations délivrées les 25 janvier 2013, 19 février 2014 et 6 octobre 2015, la salariée a réclamé à la société la communication de plusieurs documents dont :

— les contrats de travail et récapitulatif de l’évolution en grade et des rémunérations des trois salariés Boisse, B et Hayat,

— la moyenne des primes perçues par les salariés Senior 1 passant Senior 2 en fin d’exercice fiscal 2011 au sein du département Advisory,

— les comptes rendus annuels d’évaluation complets de Mme X D G des exercices 2007, 2008 et 2009 et l’ensemble de ceux des années 2010, 2011 et 2012 transmis de manière incomplète.

Force est de constater que la société Ernst & Young Associés a refusé de communiquer les comptes rendus d’évaluations de la salariée portant sur les exercices 2007-2008-2009 durant lesquels elle n’a pas eu de promotion comme l’intégralité des pages de ceux des autres exercices ni ceux d’ailleurs des personnes visées dans le tableau, qui, seuls, permettraient de justifier la discordance entre les compte-rendus élogieux de son travail sur le terrain et la notation globale.

Interrogé à l’audience sur ce point, l’employeur a expliqué que le salarié était évalué de deux manières : d’abord après chaque mission puis à l’issue de chaque exercice par un comité d’évaluation qui élaborait une notation globale qui déterminait le passage au grade supérieur prenant en compte les missions, le critère dit de chargeabilité et d’utilisation ; il a précisé que le salarié n’avait jamais connaissance des appréciations littérales sur sa manière de servir dont la teneur lui était exposée par 'son parrain ou sa marraine’ .

Cette manière de faire est confirmée par le refus de l’employeur de prendre en compte les observations ajoutées par Mme X D G lors de la communication de la feuille de route en mars 2009.

Par conséquent, la cour constate que la société Ernst & Young Associés ne rapporte pas la preuve d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant des notations de Mme X D G et partant de là, la différence de traitement avec des collaborateurs ayant intégré la société à la même époque, en l’espèce le non-passage au grade de senior en juin 2008 et juin 2009, et l’absence d’évolution après juin 2011, étant relevé, au vu du tableau comparatif produit par l’employeur, qu’un saut de grade était possible.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme X D G fait justement valoir que le refus injustifié et réitéré de lui assurer une évolution salariale normale et tout rattrapage de carrière constitue en soi un fait permettant de présumer le harcèlement moral.

Hormis les pièces déjà apportées au soutien de la discussion sur l’inégalité de traitement salarial; l’appelante produit utilement l’attestation de Mme Y Le, qui indique que lorsqu’elle a été nommée marraine de Mme X D G en décembre 2010, le directeur des ressources humaines de l’époque, lui a signalé qu’elle avait subi des agissements de harcèlement de la part d’un associé, M. Z et dont elle a eu écho : ' pression déraisonnable, haine des personnes de couleur, femme de surcroît '. Mme Le qualifie d’inédite l’absence de passage senior pendant deux ans, la feuille de route envoyée juste avant les évaluations et enfin le passage S1 sans augmentation. Pour ce qui est du ' chargeable ' elle indique que l’employeur avait donné des consignes de ne pas 'charger ' plus de huit heures par jour ce qui est corroboré par un échange de mails.

Pour ce qui est du retentissement de ces faits sur sa santé, l’appelante s’appuie à bon escient sur ses arrêts de travail prolongés et sur l’avis du médecin du travail qui a estimé qu’il fallait la changer de service.

Il a déjà été jugé que l’employeur ne justifiait pas objectivement du retard dans l’évolution de carrière.

Au total, l’employeur ne rapportant pas la preuve, pour les faits, établis par la salariée, qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, celui-ci est caractérisé.

Par voie de conséquence, l’inégalité de traitement et le harcèlement moral imputables à l’employeur sont des manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat de travail à la date d’envoi de la lettre de licenciement, qui produira, comme le demande Mme X D G, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il y ait lieu d’examiner la demande subsidiaire de nullité du licenciement.

Mme X D G, employée dans une société qui employait habituellement plus de onze salariés, a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité en réparation de son préjudice matériel et moral qui sera fixée à 36 000 euros, au regard de son âge au moment de la rupture, 32 ans, de son ancienneté de plus de 8 ans, du montant de la rémunération qui lui était versée de 3 655 euros, de ses difficultés à retrouver un emploi en raison de son état de santé, de ce qu’elle justifie de sa prise en charge par le Pôle emploi et de la fin de ses droits en décembre 2015, ainsi que des circonstances de harcèlement moral et de discrimination dont elle a été victime qui entourent la rupture.

Sur les dommages-intérêts distincts

Mme X D G ne caractérise pas de préjudice moral distinct de celui déjà réparé par l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts distincts.

Sur le rappel de salaires et de primes

Mme X D G réclame :

— un rappel de salaire de 23 316 euros sur la période de 2008 à 2012; estimant qu’elle aurait dû passer manager niveau 2 en 2012, sur la base de deux années de salaire de senior et une année de manager ;

— un rappel de primes au total de 14 000 euros calculée sur la base de moyennes tirées des bilans sociaux et d’évolution minorée.

La cour a considéré ci-dessus que la société Ernst & Young Associés a attribué à Mme X D G des notations injustifiées qui ont freiné le déroulement normal de sa carrière ; ce comportement fautif l’a privée de la chance d’obtenir des promotions et partant de là des augmentations de salaires et de primes ce qui lui a occasionné un préjudice que la cour est en mesure d’évaluer à 10 000 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation

Les dommages-intérêts alloués, de nature indemnitaire, porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et seront capitalisés.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Ernst & Young Associés, partie perdante, sera condamnée outre aux dépens, au paiement de la somme de 3 000 euros à Mme X D G au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, et statuant par décision contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Fait droit à la demande de résiliation de Mme X D G de son contrat de travail et dit qu’il produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 22 novembre 2013 ;

Condamne la société Ernst & Young Associés à payer à Mme X D G la somme de 36 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Ernst & Young Associés à payer à Mme X D G la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d’obtenir des augmentations de salaire et des primes ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des dits intérêts ;

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

Condamne la société Ernst & Young Associés à payer à Mme X D G la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société Ernst & Young Associés aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier FOURMY, Président et par Monsieur GRAVIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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