Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 16 décembre 2021, n° 20/10269

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 16 déc. 2021, n° 20/10269
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 20/10269
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Draguignan, 22 septembre 2020, N° 20/495
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 16 DECEMBRE 2021

N° 2021/708

Rôle N° RG 20/10269 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGN3F

S.A.S. LOUPIDOR

C/

S.A.S. CARMILA FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jenny CARLHIAN

Me Florence BUTIGNOT

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Président du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 23 Septembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 20/495.

APPELANTE

S.A.S. LOUPIDOR

prise en la personne de son représentant légal la Société STEP FUND INVESTMENT SA dont le siège social est situé […]

représentée par Me Jenny CARLHIAN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Aurore MORA, avocat au barreau de MARSEILLE et assistée de Me Géraldine HANNEDOUCHE de la SELARL DAVID ET HERON SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. CARMILA FRANCE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé […]

représentée par Me Florence BUTIGNOT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de

Me Stephan MARX, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 09 Novembre 2021 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Sylvie PEREZ, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme X DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2021,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme X DESHAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 23 juillet 2009, la société par actions simplifiée (SAS) Carmila France, venant aux droits de la SAS RPFFB Hyper, a consenti à la SAS X K, aux droits de laquelle intervient la SAS Loupidor, un bail portant sur un local à usage commercial situé au sein de la galerie du centre commercial Carrefour, local n° 17, lotissement les Salles, à Puget-sur-Argens (83) d’une surface totale de 44,10 m2 à usage exclusif de bijouterie, horlogerie, accessoires de mode et objets de marque moyennant un loyer principal annuel d’un montant de 40 000 euros hors taxes et hors charges.

Le bail a été conclu pour une durée de 12 années, soit jusqu’au 22 juillet 2021.

Le 14 juin 2018, la société Carmilia France a fait délivrer à la société Loupidor un commandement visant la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail d’avoir à payer des loyers et charges impayés au 1er juin 2018.

Par ordonnance du 18 août 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan a :

• constaté l’acquisition de la clause résolutoire ;

• débouté la société Loupidor de sa demande de délais de paiement ;

• ordonné l’expulsion de la société Loupidor ;

• condamné la société Loupidor à payer à la société Carmila France une indemnité

• d’occupation à compter du 1er octobre 2018 et la somme provisionnelle de 34 179,49 euros arrêtée au 26 juillet 2018, outre celle de 3 417,04 euros au titre de la pénalité contractuelle de 10 % ; condamné la société Loupidor au paiement de la somme de 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure ainsi qu’aux entiers dépens.

Suite à l’appel interjeté à l’encontre de cette ordonnance, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, par arrêt du 10 septembre 2020, a :

• dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture ;

• déclaré irrecevables les conclusions des 3 et 13 janvier 2020, du 3 juin 2020 ainsi que les pièces n° 16 à 21 de la société Loupidor ;

• confirmé l’ordonnance déférée sauf en ce qu’elle a constaté la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire, a débouté la société Loupidor de sa demande de délais et de suspension des effets de cette clause et a ordonné l’expulsion de cette dernière ;

• statuant à nouveau et y ajoutant :

* dit que la société Loupidor pourra s’acquitter de la condamnation provisionnelle d’un montant de 34 179,49 euros arrêtée au 26 juillet 2018, en plus des loyers courants, en 12 mensualités égales et consécutives, le premier versement devant intervenir le 15 du mois suivant la signification de l’arrêt et les versements suivants le 15 de chaque mois ;

* ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais ;

* dit que les loyers et charges courants devront être payés dans les conditions fixées par le bail commercial :

* dit que, faute pour la société Loupidor, de payer à la bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, une seule des mensualités, et huit jours après l’envoi d’une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception,

— le tout deviendra immédiatement exigible,

— la clause résolutoire sera acquise,

— il sera procédé à l’expulsion immédiate de la société Loupidor et à celle de tous occupants de son chef des lieux loués – centre commercial Carrefour, lotissement des Salles, local n° 17 à Puget sur Argens -, le cas échéant avec le concours de la force publique ;

— l’indemnité d’occupation mensuelle provisionnelle, telle que fixée par le premier juge, sera due par la société Loupidor à la société Carmila France jusqu’à libération effective du logement et remise des clés à la bailleresse ;

— la pénalité contractuelle de 10 %, telle que fixée par le premier juge, sera immédiatement due par la société Loupidor à la société Carmila France ;

• dit qu’en cas de paiement des sommes à échéance par la société Loupidor pendant le cours de ces délais, la clause résolutoire sera réputée ne pas avoir joué ;

• rejette les demandes contraires de la société Carmila France ;

• dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

• condamne la société Carmila France aux dépens d’appel.

Par exploit d’huissier en date du 3 mars 2020, la société Loupidor a fait assigner la société Carmila

France devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de voir obtenir, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, l’autorisation de réaliser des travaux dans le local donné à bail et, à défaut, les raisons objectives et justifiées du refus opposé par la bailleresse à la réalisation desdits travaux, outre sa condamnation à lui verser une certaine somme au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance du 23 septembre 2020, le juge des référés, au regard de la résiliation du bail en date du 15 juillet 2018, de l’expulsion de la société Loupidor des lieux loués et de l’aggravation de sa dette locative, a :

• dit n’y avoir lieu à référé sur la demande formée par la société Loupidor ;

• condamné la société Loupidor à payer à la société Camila France la somme de 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamné la société Loupidor aux dépens.

Par acte du 26 octobre 2020, la société Loupidor a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dûment reprises.

Dans ses dernières conclusions transmises le 25 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, la société Loupidor sollicite de la cour qu’elle :

• infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau ;

• condamne la société Carmila France, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à :

* l’autoriser à réaliser les travaux sollicités afin de procéder au changement d’enseigne ;

* à défaut, énoncer les raisons objectives et justifiées qui pourraient s’y opposer ;

• condamne la société Carmila France à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, avec distraction au profit de la Me Carlhian.

L’appelante expose que, rencontrant des difficultés, elle a décidé, dans le courant de l’année 2019, de mettre en place un nouveau concept plus haut de gamme que celui qui était en place depuis 10 ans et que, pour ce faire, la société X K a changé de dénomination sociale pour devenir la société Loupidor ainsi que d’enseigne pour devenir BE MIA au lieu de X K ; qu’elle explique, qu’afin de s’implanter dans l’ensemble des centres commerciaux dans lesquels elle dispose d’un fonds de commerce, elle a souhaité au préalable réalisé des travaux de rénovation et de modernisation de ses locaux, ce qui a déjà pu se faire dans de nombreux centres commerciaux (à Créteil, Dijon, Besançon, Villeneuve d’Ascq, Mandelieu-la-Napoule…) ; qu’elle relève que la société Carmila France s’oppose à ce qu’elle réalise de tels travaux dans le local qu’elle lui loue au sein du centre commercial Carrefour de Puget-sur-Argens.

Au soutien de sa demande, elle fait valoir que :

• l’article 3 des conditions particulières du contrat de bail stipule que le local qu’elle exploite doit l’être sous l’enseigne X K ou toute autre enseigne du groupe exerçant la même activité, ce qui est le cas de l’enseigne BE MIA ;

• l’article 15.2 des conditions générales du contrat de bail stipule que le preneur ne pourra faire exécuter dans les lieux loués, de nouveaux travaux, tels que percement de sol, sans le consentement exprès, préalable et écrit du bailleur, de sorte qu’elle doit être autorisée par la bailleresse à réaliser les travaux de rénovation et de modification de l’agencement de son

• local ; ces travaux sont indispensables pour que le local soit mis en conformité avec la nouvelle gamme de produits vendus sachant que l’enseigne BE MIA commercialise des marques comme Festina, Guess, Casio, Cerruti pour l’horlogerie et des perles de culture Iza B, des bijoux Elsa Lee pour la bijouterie, soit des produits de gamme supérieure à ceux commercialisés par l’enseigne X K ;

• la bailleresse a été destinataire du dossier de travaux comprenant les plans et le projet d’agencement, lequel a été validé oralement par le gestionnaire du centre commercial ;

• la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans son arrêt du 10 septembre 2020, a suspendu les effets de la clause résolutoire en lui accordant des délais de paiement, de sorte que la bailleresse ne peut se prévaloir de la résiliation du bail et de son expulsion résultant de l’ordonnance de référé du 18 août 2019 ;

• les délais de paiement qui lui ont été accordés, tant par la cour d’appel d’Aix-en-Provence que par d’autres juridictions, l’ont été pour lui permettre de relancer son activité après les importantes difficultés financières qu’elle a rencontrées en 2018 ;

• elle n’a pas pu respecter l’échéancier de la cour en raison de la crise sanitaire, le magasin ayant été fermé du 15 mars au 13 mai 2020, du 30 octobre au 27 novembre 2020 et du 4 avril au 18 mai 2021 ;

• il n’est pas stipulé dans le contrat de bail que l’autorisation de changement d’enseigne est subordonnée à l’entier paiement de la dette locative.

Dans ses dernières conclusions transmises le 5 octobre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, la société Carmila France sollicite de la cour qu’elle :

à titre principal,

• déclare les demandes de la société Loupidor irrecevable en l’état de la résiliation du bail ;

à titre subsidiaire,

• confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

• déboute la société Loupidor de ses demandes en l’état de contestations sérieuses ;

à titre reconventionnel ;

• condamne la société Loupidor à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Butignot.

Au soutien de sa fin de non-recevoir soulevée à titre principal, l’intimée se prévaut de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 10 septembre 2020 signifié à la société Loupidor le 15 janvier 2021 pour indiquer que cette dernière n’a pas respecté l’échéancier qui lui a été octroyé, la dette locative n’ayant cessé d’augmenter comme s’établissant au 24 septembre 2021 à la somme de 217 807,35 euros ; qu’elle expose donc que le bail est résilié par l’effet de l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail ; que, dans ces conditions, elle considère que la société Loupidor n’est pas recevable à demander à se voir autoriser à réaliser des travaux au sein du local.

A titre subsidiaire, elle indique, en plus de ce qui précède, avoir engagé à l’encontre de la société Loupidor plusieurs actions judiciaires aux fins d’obtenir le constat de l’acquisition de la clause résolutoire et son expulsion de différents locaux loués à Echirolles, […], Puget sur Argens, Libourne et Ormesson, la dette locative s’établissant sur ces seuls sites à 581 030,67 euros ; qu’elle relève que le compte de la société Loupidor fonctionne en ligne débitrice depuis le 22 juin 2017 ; qu’elle souligne que les difficultés rencontrées par la société Loupidor ne saurait justifier son

manquement au paiement des loyers pendant plusieurs années ; qu’enfin, elle dément les allégations de la société Loupidor selon lesquelles, d’une part, l’enseigne BE MIA serait d’une qualité nettement supérieure et plus haute de gamme que l’enseigne X K et, d’autre part, le gestionnaire du centre commercial aurait accepté verbalement son dossier de travaux.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 26 octobre 2021 et l’affaire appelée à l’audience du 9 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes de la société Loupidor pour défaut de qualité et d’intérêt à agir

L’article 122 du code de procédure civile énonce que, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité et le défaut d’intérêt.

L’article 31 du même code prévoit que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l’espèce, il n’est pas contesté qu’un contrat de bail commercial a été conclu entre les parties suivant acte sous seing privé du 23 juillet 2009.

Il apparaît que la société Loupidor se prévalait de son bail d’habitation lorsqu’elle a, par exploit d’huissier en date du 3 mars 2020, saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan afin d’obtenir l’autorisation de réaliser les travaux dans les lieux loués et ce, alors même que l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail avait été constatée par ordonnance du 18 août 2019 du juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan, exécutoire de plein droit.

Il reste que, lorsque la société Loupidor a interjeté appel de l’ordonnance entreprise du 20 septembre 2020 par acte du 26 octobre 2020, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait, par arrêt du 10 septembre 2020, suspendu les effets de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail en accordant à la locataire des délais de paiement.

Il s’ensuit qu’au moment où la société Loupidor a interjeté appel de l’ordonnance entreprise, elle avait qualité et intérêt à former sa demande en tant qu’occupante des lieux en vertu d’un bail commercial dont les effets de la clause résolutoire avaient été suspendus.

Le fait de savoir si la société Loupidor, au jour où la cour statue, est toujours occupante des lieux en vertu d’un bail commercial non résilié, n’est pas une condition de recevabilité de son action mais du succès de celle-ci comme supposant un examen au fond.

Dans ces conditions, la fin de non-recevoir soulevée par la société Carmila France pour défaut de qualité et d’intérêt à agir doit être rejetée.

Sur le trouble manifestement illicite ou le dommage imminent

Il résulte de l’article 835 alinéa 1 que le président peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute

perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date où le juge de première instance a statué et avec l’évidence qui s’impose à la juridiction des référés, l’imminence d’un dommage, d’un préjudice ou la méconnaissance d’un droit sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines. La constatation de l’imminence du dommage suffit à caractériser l’urgence afin d’en éviter les effets.

En l’espèce, les effets de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail liant les parties, ainsi que les conséquences découlant de l’acquisition de la clause résolutoire, ont été suspendus par la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt du 10 septembre 2020, à la condition pour la locataire de se libérer de sa dette d’un montant provisionnel de 34 179,49 euros arrêtée au 26 juillet 2018 en 12 mensualités, en plus des loyers, charges et accessoires courants.

Or, il ressort du décompte versé aux débats par la société Carmila France que la dette locative n’a cessé de s’accroître postérieurement au 26 juillet 2018 pour atteindre 217 807,35 euros à la date du 24 septembre 2021, loyer du mois d’octobre 2021 inclus.

En effet, les règlements effectués par la société Loupidor depuis l’arrêt du 10 septembre 2020, en plus d’être irréguliers, ne couvrent jamais le montant des échéances qui s’établissent depuis le mois de février 2021 à la somme de 7 273,24 euros.

C’est ainsi que la société Loupidor n’a réglé qu’une somme de 17 473,30 euros en décembre 2020 et janvier 2021, outre celle de 8 595,29 euros en juillet, août et septembre 2021.

Si la société Loupidor fait valoir qu’elle n’a pas pu respecter l’échéancier de la cour en raison de la crise sanitaire, le magasin ayant été fermé du 15 mars au 13 mai 2020, du 30 octobre au 27 novembre 2020 et du 4 avril au 18 mai 2021, il convient de relever que, même en dehors de ces périodes, la société Loupidor n’a pas respecté ses engagements.

Par ailleurs, si elle soutient que ses difficultés financières s’expliquent également par le refus de la société Carmila France de l’autoriser à aménager les locaux de manière à pouvoir commercialiser sa nouvelle gamme de produits, il apparaît que la société Loupidor ne règle que partiellement ses loyers depuis le mois de janvier 2018.

En tout état de cause, le paiement des loyers et charges aux termes convenus dans le contrat de location constitue une obligation essentielle du locataire, de sorte qu’un bailleur n’a pas à pâtir indéfiniment des difficultés rencontrées par son locataire.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, faute pour la société Loupidor d’avoir respecté les délais de paiement, selon les modalités fixés par la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt du 10 septembre 2020, en sus du paiement des loyers et charges et accessoires courants, la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail est acquise depuis le 15 juillet 2018, soit un mois après le commandement de payer délivré le 14 juin 2018.

Même en se plaçant à la date où le juge de première instance a statué par ordonnance du 23 septembre 2020 à l’issue de la clôture des débats par le dépôt des dossiers au 9 septembre précédent, c’est à juste titre que celui-ci a estimé que la société Loupidor ne pouvait se prévaloir de la poursuite du bail commercial en l’état de la résiliation du bail constatée par l’ordonnance de référé du 18 août 2019 et de son expulsion, nonobstant l’appel interjeté par la société Loupidor, dès lors que les ordonnances de référé sont assorties de l’exécution provisoire de plein droit.

En tant qu’occupante sans droit ni titre depuis le 14 juin 2018, la société Loupidor ne peut se

prévaloir de l’existence d’un trouble manifestement illicite, qui implique la violation évidente ou flagrante d’une règle de droit, pas plus que d’un dommage imminent, résultant du refus de la société Carmila France de l’autoriser à réaliser des travaux d’aménagement dans les locaux qu’elle occupe.

Au surplus, la société Loupidor, qui reconnaît qu’elle ne pouvait procéder aux travaux sollicités sans le consentement exprès, préalable et écrit de la société Carmila France, ne justifie d’aucun trouble, ni d’aucun dommage, résultant du refus de la bailleresse en l’état d’un manquement de son obligation de régler ses loyers et charges depuis le mois de janvier 2018, d’un commandement de payer délivré le 18 juin 2018 demeuré infructueux et d’une dette locative qui n’a cessé de s’accroître pour atteindre 217 807,35 euros à la date du 24 septembre 2021, loyer du mois d’octobre 2021 inclus, et de l’absence de preuve d’un lien de causalité entre le refus de la bailleresse et les difficultés financières rencontrées par la locataire.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Loupidor au visa de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile.

Sur l’obligation de faire

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peuvent accorder, dans les cas ou l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement constestable de la créance alléguée.

En l’espèce, si la société Loupidor se prévaut des dispositions du contrat de bail pour établir que le refus de la société Carmila France de l’autoriser à réaliser les travaux de rénovation et de modification de son local, afin de lui permettre d’exploiter son fonds de commerce sous une nouvelle enseigne, ne repose sur aucune raison valable, il résulte de ce qui précède que l’existence de l’obligation de la société Carmila France en tant que bailleresse se heurte à des contestations sérieuses dès lors que le contrat de bail dont se prévaut la société Loupidor est résilié depuis le 15 juillet 2018 par suite de l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail et, qu’en tout état de cause, la société Carmila France était fondée à opposer un refus à la société Loupidor qui s’est abstenue de régler ses loyers et charges depuis le mois de janvier 2018 conformément au contrat de bail.

Il y a donc lieu, là encore, de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Loupidor au visa de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a mis à la charge de la société Loupidor les dépens de première instance et l’a condamnée à verser à la société Carmila France la somme de 1 300 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Loupidor, qui succombe, sera condamnée au paiement des dépens d’appel, qui seront recouvrés par Me Florence Butignot, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la société Carmila France les frais non compris

dans les dépens qu’elle a exposés en appel, de sorte qu’il lui sera alloué une somme de 5 000 euros.

La société Loupidor, en tant que partie perdante, sera en revanche déboutée de sa demande formée du même chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Carmila France pour défaut de qualité et d’intérêt à agir ;

CONFIRME l’ordonnance entreprise du 23 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT :

DEBOUTE la SAS Loupidor de sa demande d’indemnité formée à l’encontre de la SAS Carmila France au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Loupidor à verser à la SAS Carmila France la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel non compris dans les dépens ;

CONDAMNE la SAS Loupidor au paiement des dépens d’appel qui seront recouvrés par Me Florence Butignot, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président

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  1. Code de procédure civile
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