Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 11 avril 2019, n° 16/05232

  • Urssaf·
  • Sociétés·
  • Construction·
  • Frais professionnels·
  • Salarié·
  • Véhicule·
  • Sécurité sociale·
  • Redressement·
  • Rhône-alpes·
  • Transport

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

MDM

N° RG 16/05232 – N° Portalis DBVM-V-B7A-IX4F

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL ACO

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 11 AVRIL 2019

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d’une décision (N° RG 20140072)

rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GRENOBLE

en date du 16 septembre 2016

suivant déclaration d’appel du 28 Octobre 2016

APPELANTE :

SARL VMA CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Karine PELLISSIER de la SELARL CABINET KARINE PELLISSIER, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

URSSAF RHONE ALPES site de l’ISERE, […], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Site de l’Isère – […]

[…]

représentée par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Dominique DUBOIS, Président,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Février 2019

Madame Magali DURAND-MULIN, chargée du rapport, a entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistée de Madame Chrystel ROHRER, Greffier, en présence de Madame X Y, Etudiante, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 11 Avril 2019, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 11 Avril 2019.

La société VMA Construction a fait l’objet d’un contrôle de l’URSSAF de l’Isère portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Suivant lettre d’observations en date du 19 juillet 2013, l’Urssaf a notifié à la société VMA Construction un redressement portant sur des frais professionnels liés à l’utilisation d’un véhicule personnel (indemnités kilométriques) et sur la CSG-CRDS due au titre de sommes versées à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail.

Le 25 octobre 2013, l’Urssaf a adressé à la société VMA Construction une mise en demeure d’avoir à régler au titre du redressement notifié le 19 juillet 2013, la somme de 56.788 € dont 48.921 € de cotisations et 7.867 € de majorations de retard.

Le 21 novembre 2013, la société VMA Construction a saisi la commission de recours amiable de l’Urssaf aux fins de contestation du seul chef de redressement relatif aux frais professionnels.

Le 28 janvier 2014, la société VMA Construction a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble d’un recours contre une décision de rejet implicite de la commission de recours amiable de l’Urssaf Rhône-Alpes saisie de sa contestation concernant le réintégration dans l’assiette des cotisations sociales des indemnités de transport et indemnités kilométriques perçues par les salariés utilisant leurs véhicules personnels pour se rendre sur les chantiers pour un montant de 48.663 €.

Le 3 juin 2014, la commission de recours amiable de l’Urssaf Rhône-Alpes a rejeté le recours de la société VMA Construction.

Par jugement du 16 septembre 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble a :

En la forme,

— déclaré le recours recevable,

Au fond,

— confirmé le bien fondé du redressement de l’Urssaf Rhône-Alpes relatif aux frais professionnels,

— en conséquence, débouté la société VMA Construction de l’ensemble de ses demandes y compris sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné à titre reconventionnel la société VMA Construction à payer à l’Urssaf Rhône-Alpes la somme de 56.530 € au titre des cotisations et majorations de retard restant dues.

Le 28 octobre 2016, la société VMA Construction a interjeté appel de cette décision.

Selon ses dernières conclusions, reprises oralement à l’audience et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société VMA Construction demande à la cour de :

— infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale le 16 septembre 2016,

— annuler le redressement notifié de ce chef,

— condamner l’Urssaf de l’Isère à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner l’Urssaf de l’Isère aux entiers dépens.

La société VMA Construction sollicite le rejet des conclusions de l’Urssaf en invoquant leur caractère tardif.

Elle fait valoir qu’en application des dispositions de la convention collective du bâtiment, les frais professionnels qu’elle rembourse sont calculés sur une base forfaitaire en-deçà de la limite que constitue le barème fiscal de telle sorte qu’elle estime n’être tenue que de la justification du caractère professionnel des frais engagés et non de l’utilisation effective de ces indemnités conformément à leur objet.

Elle indique qu’elle produit en cause d’appel des relevés d’heures mensuels pour chaque salarié faisant apparaître le moyen de transport utilisé, la distance parcourue, le nombre de trajet effectués chaque mois par chaque salarié ainsi que des attestations de non covoiturage. Elle précise que sur la période de redressement litigieuse, le versement d’indemnités de transport n’était pas systématique ce qui est de nature à démontrer qu’elle prenait en considération la réalité des modes de transport utilisés par les salariés.

Selon ses dernières conclusions, reprises oralement à l’audience et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l’Urssaf demande à la cour de :

— confirmer le jugement,

— confirmer l’ensemble des redressements opérés,

— débouter la société VMA Construction de l’ensemble de ses demandes,

— la condamner à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’Urssaf s’oppose au rejet de ses conclusions faisant valoir que son argumentation entre la première

instance et l’appel est identique et qu’elle a seulement fait des observations sur les pièces produites en cause d’appel.

Elle soutient que les documents produit aux débats par la société sont dépourvus de toute force probante dès lors qu’ils ont été établis de façon artificielle pour les besoins de la cause, aucun justificatif n’ayant pu être produits par la société tant lors du contrôle que devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de rejet de conclusions

En application de l’article 16 du code de procédure civile, il revient à la cour de faire observer le principe de la contradiction des débats, en particulier en ce que les parties sont tenues, en application de l’article 15 du même code, de mutuellement se faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent afin que chacune d’elle soit à même d’organiser sa défense.

En application de l’article 446-2 du même code, le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.

En l’espèce, la Société VMA dénonce le retard observé par l’Urssaf pour communiquer ses conclusions soit la veille de l’audience.

Cependant, comme le souligne l’Urssaf, ses prétentions, moyens et preuves sont substantiellement les mêmes que ceux présentés devant les premiers juges, sauf à avoir fait des observations sur les pièces produites en cause d’appel par la société.

La société a la capacité de répliquer oralement à l’audience.

Aucune atteinte aux droits de la défense de la société ne se trouve donc caractérisée.

Il n’y a donc pas lieu de rejeter les conclusions de l’Urssaf.

Sur le fond

Dès lors qu’ils revêtent un caractère professionnel et qu’ils sont utilisés à des fins professionnelles, les remboursements pour frais professionnels, n’entrent pas dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale.

Ainsi, il incombe à l’employeur de prouver que le salarié a été contraint d’engager des frais dans l’exercice de ses missions.

Lorsque l’employeur verse une indemnisation forfaitaire inférieure ou égale aux limites d’exonération forfaitaires fixées par l’administration, les indemnités sont réputées avoir été utilisées conformément à leur objet

En l’espèce, la société indique verser une indemnisation forfaitaire au titre des frais professionnels sur la base des dispositions de la convention collective du bâtiment pour un montant inférieur au barème fiscal, l’Urssaf ne faisant pas valoir de discussion sur ce point.

Il en résulte qu’elle n’est pas tenue de justifier de l’utilisation effective des indemnités pour frais professionnels. Néanmoins, elle reste tenue de justifier que les salariés concernés ont été contraints

d’engager des frais dans l’exercice de leurs missions, ce en produisant des justificatifs.

L’Urssaf rappelle dans sa lettre d’observation du 19 juillet 2013 sans être contredite, que des observations avaient été faites à la société lors de précédents contrôles sur les conditions d’octroi et d’exonérations et qu’il lui avait été demandé d’établir un suivi des kilomètres effectués tenu sous la forme d’un tableau faisant apparaître le nom des salariés, les lieux de déplacements, les véhicules utilisés et les kilomètres effectués, ce document devant être émargé par les salariés et accompagné d’une attestation sur l’honneur de non co-voiturage et de la carte grise du véhicule des salariés.

La société ne conteste pas ne pas avoir rempli des tableaux au fur et à mesure de sorte qu’elle n’a pu les présenter lors du contrôle opéré par l’Urssaf ni même devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Devant la cour, pour justifier du caractère professionnel des frais ayant fait l’objet d’une indemnisation, elle produit :

— des relevés d’heures hebdomadaires établis par chantier, mentionnant le nom des salariés affectés sur le chantier, leur nombre d’heures de travail, et comportant la signature de chaque salarié,

— des relevés d’heures mensuels pour 2010, 2011 et 2012 indiquant pour chaque salarié :

— le chantier d’affectation

— le moyen de transport utilisé pour s’y rendre soit véhicule personnel soit véhicule de l’entreprise,

— la distance séparant le siège de l’entreprise du chantier d’affectation,

— des photocopies de carte grise

— des attestations de non co-voiturage,

— des attestations de plusieurs salariés confirmant leur affectation à divers chantiers au cours de la période litigieuse, de l’usage de leur véhicule personnel ou non, de l’absence de co-voiturage.

Dès lors que la société n’avait pas été en mesure de présenter lors du contrôle de l’Urssaf ni même devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des attestations de non co-voiturage, celles produites en cause d’appel ont nécessairement été établies par la société postérieurement au contrôle.

Pour autant, ces attestations sont datées pour chaque salarié du 10 janvier 2011 pour l’année 2010, du 9 janvier 2012 pour l’année 2011 et du 11 janvier 2013 pour l’année 2012.

Il en résulte qu’elles sont antidatées, la société indiquant elle même qu’elle n’a pu les obtenir des salariés qu’en leur expliquant la nécessité de les établir compte tenu du redressement de l’Urssaf. Il convient également de relever à titre d’exemple qu’alors que M. D E F a quitté la société le 10 mai 2011 ainsi que cela ressort du récapitulatif établi par la société, l’attestation de non co-voiturage au titre de 2011 datée du 9 janvier 2012 et établie à son nom porte mention d’une signature qui lui est attribuée.

La force probante d’attestations obtenues dans ces circonstances plusieurs années après les faits ne peut être retenue.

Concernant les relevés mensuels, il n’est pas contesté par l’Urssaf qu’ils respectent formellement les recommandations qui avaient été faites à la société lors de précédents contrôles.

Cependant, là encore il sera relevé qu’alors que certains salariés ont quitté la société au cours des années 2010 à 2012 ainsi que cela ressort des récapitulatifs établis par la société et qu’il n’est pas contesté que les relevés mensuels afférents à chaque salarié ont été établis postérieurement au contrôle intervenu en 2013, ces relevés sont cependant curieusement signés par des salariés qui ne font plus partie du personnel de la société à la date de leur rédaction.

Par ailleurs, contrairement aux affirmations de la société ces relevés font apparaître des incohérences par rapport aux bulletins de salaire.

Ainsi à titre d’exemple, alors que la société indique que depuis mars 2011 M. Z A utilise systématiquement un véhicule appartenant à l’entreprise pour se rendre sur les chantiers et qu’il ne perçoit plus d’indemnités de frais de transport, il ressort de ses bulletins de paie qu’il a perçu postérieurement à mars 2011 des indemnités de frais de transport.

Il en est de même de M. B C dont la situation est expressément visée par la société dans ses conclusions. Ainsi après le 7 février 2011, il ressort des relevés mensuels qu’il utilise un véhicule appartenant à l’entreprise tandis que ses bulletins de salaire postérieurs à cette date font apparaître des indemnités de trajet.

Au vu de l’absence de force probante des éléments produits, la société est défaillante dans l’administration de la preuve de frais professionnels engagés par les salariés.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société de sa contestation.

Il apparaît équitable d’allouer à l’Urssaf la somme de 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant,

Condamne la société VMA Construction à payer à l’Urssaf Rhône Alpes la somme de 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société VMA Construction aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame DUBOIS, président et par Madame ROHRER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 11 avril 2019, n° 16/05232