Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 23 avril 2020, n° 18/02667

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

N° RG 18/02667

N° Portalis DBVH-V-B7C-HBNV

EG-NT

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NÎMES

15 mars 2018

RG : 2017J00023

Y

C/

X

CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON

S.A.R.L. JUVALIA

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4e chambre commerciale

ARRÊT DU 23 AVRIL 2020

APPELANT :

Monsieur C Y

né le […] à VERSAILLES

8 IMPASSE SAINT-HUBERT

[…]

Représenté par Me Hugues DE CHIVRE de la SELARL HCPL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/006465 du 25/07/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)

INTIMÉS :

Maître D X,

représentant la SELARL BALINCOURT, Es qualités de « Mandataire liquidateur » de la « SARL JUVALIA »,

[…]

[…]

Assigné à domicile le 25/09/2018

CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON Banque Coopérative régie par les articles L 512-85 et suivants du Code Monétaire et Financier – Société Anonyme à Directoire et à Conseil Monétaire et Financier, immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le Numéro 383 451 267, prise en la personne de son représentant Légal en exercice

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me NUMA pour Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, postulant, avocat au barreau de NIMES

SARL JUVALIA,

Agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Assignée par procès verbal de recherches infructueuses le 24/09/2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre

Monsieur Jean-Noël GAGNAUX, Conseiller

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère

GREFFIÈRE :

Mme Nathalie TAUVERON, Greffière, lors des débats et lors du prononcé,

DÉBATS :

à l’audience publique du 12 Mars 2020, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 Avril 2020

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt rendu par défaut, prononcé et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, publiquement, le 23 Avril 2020, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ :

Vu l’appel interjeté le 16 juillet 2018 par M. C Y à l’encontre du jugement prononcé le 15 mars 2018 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n° 2017J00023.

Vu les dernières conclusions déposées le 5 mars 2020 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions déposées le 7 décembre 2018 par la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon , intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l’ordonnance de clôture de la procédure à effet différé au 5 mars 2020 en date du 9 juillet 2019.

* * * *

Par acte sous-seing privé du 27 janvier 2014, la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon a consenti à la sarl Juvalia un prêt d’un montant de 90 000 € au taux de 3,50 % d’intérêts, pour une durée de 84 mois, destiné à l’acquisition de 154 parts sociales de la sarl Carik ;

Par acte du 28 janvier 2014, M. C Y s’est engagé en qualité de caution solidaire de la sarl Juvalia dont il était le gérant pour le crédit ci-dessus mentionné et dans la limite de 117 000 € pour 138 mois.

Tenant deux échéances impayées, la banque a adressé une première mise en demeure de régulariser tant à l’emprunteur qu’à la caution par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 17 mai 2016, restée vaine.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 septembre 2016, la banque a prononcé la déchéance du terme du contrat de prêt et mis en demeure la sarl Juvalia de régler la somme de 69.781,17 € en vain.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 septembre 2016, la banque a également mis en demeure M. C Y de régler la même somme en vain.

Par exploit du 23 décembre 2016, la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon a fait assigner M. C Y et la sarl Juvalia pour les voir solidairement condamnés à la somme principale de 70.502,01 euros devant le tribunal de Commerce de

Nimes.

Par jugement du 15 mars 2017, le tribunal de commerce de Nîmes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée au profit de la sarl Juvalia et désigné la selarl Balincourt en la personne de Maître X es-qualités de mandataire judiciaire ;

La caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon a déclaré sa créance au passif de la procédure collective pour 70.502,01€ entre les mains de Maître X par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 17 mars 2017.

Par exploit du 3 avril 2017, la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon a fait assigner Maître D X es-qulités de liquidateur judiciaire de la sarl Juvalia aux fins de voir fixer sa créance à la somme principale de 72.096,11 euros devant le même tribunal ;

Après jonction des deux instances le tribunal de Commerce de Nimes, par jugement du 15 mars 2018, a :

Vu les dispositions des articles L622-21 et L622-22 du code commerce,

Vu 1es dispositions des articles 1103, 1104, 2288 du code cívil,

Vu les pièces et conclusions versées aux débats,

— jugé et dit qu’en l’état de la clôture de la procédure collective pour insuffisance d’actif, aucune condamnation, ni fixation au passif ne saurait être prononcée à l’encontre de la sarl Juvalia ;

— condamné M. C Y à payer à la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon la somme de 70.502,01 euros assortis des intérêts au taux conventionnel à hauteur de 6,50% à compter du 15 septembre 2016,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

— condamné M. C Y à payer à la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté toutes autres demandes,

— condamné M. C Y aux dépens de l’instance que le tribunal a liquidé et taxé à la somme de 100,28 euros en ce non compris le coût de la citation introductive, le coût de la signification du jugement ainsi que tous autres frais et accessoires.

M. C Y a relevé appel de ce jugement pour voir:

Vu les articles 1134, 1147, 1289 et 2037 du code civil applicables à l’époque,

Vu l’article L.313-22 du code monétaire et financier,

Vu les articles L.622-24 et suivants du code de commerce,

Vu l’article L.341-4 du code de la consommation,

Vu les pièces versées au débat,

REFORMER en tous points le jugement du Tribunal de commerce de Nîmes du 15 mars 2018,

EN CONSÉQUENCE,

A titre principal :

DIRE ET JUGER que Monsieur Y avait la qualité de caution non avertie au moment de la formation de l’acte de cautionnement le 28 janvier 2014 ;

DIRE ET JUGER que la banque la Caisse d’Epargne du Languedoc-Roussillon n’a pas respecté l’obligation de mise en garde de Monsieur Y en sa qualité de caution non avertie ;

DIRE ET JUGER que le défaut de mise en garde de la Caisse d’Epargne du Languedoc-Roussillon, a fait perdre une chance à Monsieur Y de ne pas signer I’acte de cautionnement ;

DIRE ET JUGER que le préjudice de Monsieur Y doit être réparé par l’octroi de dommages et intérêts par Caisse d’Epargne du Languedoc-Roussillon qui ne sauraient être inférieurs au montant des sommes réclamées soit 70.502,01 euros outre intérêts à taux conventionnel de 6.50% ;

ORDONNER la compensation de ces sommes avec la montant des sommes réclamées par la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon,

DEBOUTER la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon de l’intégralité de ses demandes;

A titre subsidiaire :

DIRE ET JUGER qu’en l’absence d’élément comptable prévisionnel et fiable, la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon a failli à son devoir de se renseigner à l’égard de l’emprunteur, la sarl Juvalia;

DIRE ET JUGER que le manquement à l’obligation de renseignement et de mise en garde de l’emprunteur constitue une faute qui a fait perdre à la sarl Juvalia une chance de renoncer à souscrire le crédit et qui a fait perdre une chance à Mr Y de ne pas s’engager en qualité de caution;

DIRE ET JUGER que le préjudice de M. C Y doit être réparé par l’octroi de dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs au montant des sommes réclamées soit 70.502,01 euros outre intérêts à taux conventionnels de 6,50%;

ORDONNER la compensation de ces sommes avec le montant des sommes réclamées par la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon;

DEBOUTER la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon de l’intégralité de ses demandes ;

A titre très subsidiaire

DIRE ET JUGER que la caution de caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon est manifestement disproportionnée au regard de ses revenus et de son patrimoine

à la date du 28 janvier 2014 ;

DIRE ET JUGER en conséquence l’engagement de M. C Y nul pour disproportion ;

Débouter la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon de l’intégralité de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire

DIRE ET JUGER que la Caisse d’Epargne du Languedoc-Roussillon n’a pas respecté l’obligation annuelle d’information de la caution, Monsieur Y ;

DIRE ET JUGER que la Caisse d’Epargne du Languedoc-Roussillon doit être déchue de son droit à intérêts sur le montant des sommes réciamées et ce depuis l’origine des concours jusqu’à I’extinction de la dette ;

ORDONNER à la Caisse d’Epargne du Languedoc-Roussillon de produire un nouveau décompte faisant abstraction desdits intérêts ;

En tout état de cause :

CONDAMNER la Caisse d’Epargne du Languedoc-Roussillon à payer la somme de 3.000 euros au titre de l’articIe 700 du Code de procédure civile à M. Y

CONDAMNER la Caisse d’Epargne du Languedoc-Roussillon aux entiers dépens tant de première instance que d’appel ;

La caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon forme appel incident pour voir :

Vu les articles 1134 et 1147 anciens du Code Civil,

Vu l’article L 341-4 ancien du code de la Consommation,

Vu l’article L 313-22 ancien du Code Monétaire et Financier,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 15 mars 2018,

DEBOUTER M. Y de toutes ses demandes,

Par conséquent,

Le CONDAMNER au paiement de la somme de 79.341,22 € provisoirement arrêtée au 4 décembre 2018, à assortir des intérêts au taux légal à compter,

Subsidiairement, sur la responsabilité bancaire,

DEBOUTER M Y de sa demande indemnitaire,

A titre infiniment subsidiaire, FIXER le montant des dommages et intérêts à une seule fraction des sommes dues par M Y,

Subsidíairement, sur l’information annuelle de la caution.

SUBSTITUER les intérêts au taux légal aux intérêts au taux conventionnel,

En tout état de cause.

ORDONNER la compensation des créances connexes en application de l’article 1347 du Code Civil,

CONDAMNER M Y au paiement de la somme de 2.500 € en application de l’article 700,

CONDAMNER M Y aux entiers dépens, outre ceux auxquels il a déjà été condamné en première instance,

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur le fond :

Il faut relever que la déclaration d’appel ne porte que sur les condamnations visant M. C Y de sorte que l’objet de l’appel ne porte pas sur le premier alinéa du dispositif du jugement jugeant et disant 'qu’en l’état de la clôture de la procédure collective pour insuffisance d’actif, aucune condamnation ni fixation au passif ne saurait être prononcée à l’encontre de la sarl Juvalia’ à défaut d’appel incident sur ce point.

— Sur la violation de l’obligation de mise en garde et de renseignement par la banque :

Le jugement contesté a retenu l’absence de mise en garde à charge de la banque tenant la qualité de caution avertie de la caution, étant présente dans les statuts d’une société Carsat depuis 2008;

M. C Y objecte la caractère non averti de sa caution et l’obligation de mise en garde s’imposant à la banque tenant ses capacités financières et le risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt. Il dit n’avoir aucun diplôme et n’avoir jamais exercé de fonction de responsabilité nécessitant des compétences techniques et commerciales, ni suivi de formation spécifique à la reprise d’entreprise, qu’il était au préalable responsable alimentaire salarié de la société Carik exploitant un restaurant Flunch, que les précédents exploitants lui ont proposé une association par l’intermédiaire de la création d’un holding, puis, en indélicatesse avec le franchiseur ont perdu la franchise, la banque ne pouvant ignorer cette situation. Il expose que la banque ne l’a pas alerté sur les risques encourus pour un tel projet s’agissant d’une caution novice, que la banque n’avait aucun élément comptable ni prévisionnel de la sarl Juvalia qui venait de se créer de sorte qu’elle n’a pas pu apprécier l’adaptation du crédit aux capacités financières de l’emprunteur. Il se dit donc victime par ricochet de la violation de l’obligation de renseignement par la banque à l’égard de l’emprunteur. En tout état de cause, la sarl Juvalia a perdu une chance de renoncer à souscrire le crédit et lui de ne pas s’engager en qualité de caution.

La caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon conteste être tenue d’une obligation de mise en garde et oppose la qualité de caution avertie de M. C Y. A fait valoir sa qualité d’ associé de la holding Carsat elle-même principale associée de la sarl Carik et étant responsable du restaurant Flunch depuis sa création, formant et accompagnant

les repreneurs du restaurant Flunch en leur temps tout en étant présent dans la direction de l’entreprise de sorte qu’il était une condition au maintien de la franchise Flunch. La banque n’a jamais été au courant des difficultés relationnelles des associés de M. C Y avec le franchiseur. Elle ne fait état des documents en sa possession avant la signature des actes tant de prêt que de caution et indique avoir parfaitement satisfait à son devoir préalable de renseignements sans avoir trouvé de raison de ne pas financer l’opération envisagée la banque ne pouvant être responsable de la déloyauté de ses associés.

* * * *

1/ l’obligation de mise en garde :

Le banquier, professionnel du crédit, dans le cadre de sa responsabilité contractuelle, a le devoir de mettre en garde la caution non avertie si son engagement est inadapté au regard de ses capacités financières et s’ il y a un risque d’endettement né de l’octroi du prêt.

La caution, invoquant cette obligation doit démontrer :

— l’inadaptation de son engagement à ses capacités financières ;

Cet engagement est limité à la somme de 117.000 euros et M. C Y a déclaré dans sa fiche de renseignements, signée le 22 octobre 2013, disposer de 2000 euros de revenus mensuels, faisant face à un crédit voiture de 288 euros, disposant de 8000 euros sur un livret A et 64602 euros sur un compte sur livret et étant propriétaire d’un bien immobilier de 125.000 euros.

Les revenus étant bien supérieurs à l’engagement, ce dernier est incontestablement adapté aux capacités financières de la caution.

— un risque d’endettement né de l’octroi du prêt :

Les pièces versées au débat révèlent que:

* le crédit accordé le 27 janvier 2014 à la sarl Juvalia dont l’activité portée sur le K bis est 'holding-prestation de services administratifs de type secrétariat, comptabilité, gestion de personnel, prestation de services commerciaux, formation, enseignement en relation avec l’activité de la société et activité d’employés de restauration relevant de la restauration en libre-service’ et faisant l’objet d’une création au 1er janvier 2014, a pour objet l’achat de 154 parts sociales de la sarl Carik.

* la sarl Carik, dont la création remonte au 28 mars 2007, exerce une activité de restauration traditionnelle, cafétéria, libre-service et accessoirement vente à emporter, sous l’enseigne Flunch et gérée par Monsieur B, a employé M. C Y depuis 2007 en qualité de responsable alimentaire ; Ses exercices 2011 et 2012 étaient bénéficiaires et en augmentation.

* M. C Y, contrairement à ses affirmations connaît parfaitement le gérant de la sarl Carik, étant associé par ailleurs avec lui de la sarl Carsat de puis sa création au 24 juillet 2008 et dont l’activité est identique à celle de la sarl Juvalia ;

* la franchise Flunch a été perdue au 5 septembre 2015.

Dés lors, au moment de l’octroi du crédit la caisse d’épargne ne dispose d’aucun élément lui laissant penser que l’achat par la sarl Juvalia de parts sociales détenues dans la sarl Carik

présente un risque majeur d’endettement pour l’emprunteur et un appel d’emblée à la caution.

Au contraire, il résulte des pièces que c’est bien la perte de la franchise Flunch qui est à l’origine de la déconfiture de la sarl Juvalia. Cela est si vrai qu’il résulte du décompte des sommes dues produit par la banque que la première échéance impayée est du 5 avril 2016, soit plus de deux ans après l’octroi du crédit.

L’opération ne présentait donc aucun risque d’échec pour le débiteur principal qui impliquerait d’emblée un appel immédiat à la caution.

Ainsi, à défaut de ces deux éléments la banque n’est pas tenue d’une obligation de mise en garde à l’égard de M. C Y rendant dés lors inutile l’analyse du moyen tiré de la qualité avertie de la caution soutenu par la banque.

2/ L’obligation de renseignement :

La banque fait état des renseignements donnés par la sarl Juvalia listés de la pièce 15 à 28 de son bordereau. Il s’agit des différentes pièces, concernant la sarl Carsat, Carik et les statuts Juvalial, citées et analysées ci-dessus.

Il est constant que la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon n’a aucune obligation de conseil, ne pouvant s’immiscer dans les affaires de son client pour apprécier l’opportunité de l’opération et dés lors peu importe s’agissant d’une société nouvellement créée que’il n’y ait pas eu d’élément comptable et prévisionnel de la sarl Juvalia, dès lors que celle-ci ne présentait aucun risque d’endettement particulier du fait de l’octroi du prêt.

Si M. C Y fait référence à une obligation pré-contractuelle dont la banque serait tenue, elle concerne les informations objectives que la caution est en droit d’attendre sur son engagement et notamment sur les caractéristiques du crédit, support de la caution. Or rien de tel n’est soutenu par M. C Y.

Dés lors, la caution est défaillante à démontrer que la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon serait tenue d’une obligation de renseignement dont le manquement lui aurait causé un préjudice.

En conséquence, M. C Y est débouté de ses demandes principales et subsidiaires ;

— Sur la disproportion manifeste :

Le jugement contesté retient que la caution est en mesure d’assumer son engagement selon le patrimoine déclaré dans la fiche de renseignement du 22 octobre 2013 de même qu’au moment ou elle est appelée.

M. C Y fait état de ses revenus et patrimoine au 28 janvier 2014 au soutien de la disproportion manifeste.

La caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon conteste la prise en charge d’un crédit à la consommation qui pesait sur le couple pacsé alors que ce crédit n’a pas été mentionné dans la fiche de renseignement.

* * * *

L’article L.341-4 devenu L.332-1 du code de la consommation prévoit qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne

physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permettre de faire face à ses obligations.

La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour ou il a été souscrit, suppose que la caution, lorsqu’elle le souscrit, est dans l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus en prenant également en considération l’endettement global de celle-ci.

Si en vertu de ces dispositions, la sanction d’une disproportion manifeste est l’impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement souscrit, il incombe à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle allègue.

Le créancier est quant à lui en droit de se fier aux informations qui lui ont été fournies dans la fiche de renseignements et de les opposer à la caution quand il est en possession d’une fiche certifiant exacts les renseignements donnés.

En l’espèce, la fiche de renseignements concernant M. C Y est datée du 22 octobre 2013 et l’engagement de caution est daté du 28 janvier 2014 et porte sur un montant limité à 117.000 euros.

Cette fiche de renseignements fait état de la situation patrimoniale suivante de M. C Y pacsé avec trois enfants à charge :

— il précise disposer de 2000 euros par mois tirés de la sarl Juvalia depuis juillet 2013 faisant face à un crédit à la consommation de 288 euros par mois ;

— il précise être propriétaire d’un bien hérité à Collioure d’une valeur de 125.000 euros et disposer de 8.000 euros placés sur un livret A et 64.602 euros sur un compte sur livret.

M. C Y verse au débat son avis d’imosition 2015 qui démontre un revenu 2014 de 27.042 euros, soit un revenu supérieur à celui annoncé dans la fiche.

Dés lors, M. C Y qui disposait de 197.602 euros de biens immobiliers et mobiliers sans tenir compte de son revenu mensuel n’était pas dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’engagement de caution souscrit pour 117.000 euros, au regard de son faible endettement antérieur à l’engagement.

M. C Y n’apportant pas la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement au moment de sa souscription, il n’y a pas lieu d’analyser son patrimoine au moment ou elle est appelée.

En conséquence, la banque peut se prévaloir de l’engagement de caution de Monsieur Y.

— Sur le défaut d’information annuelle de la caution

Le jugement contesté retient que la banque fait la preuve de l’information de la caution.

M. C Y, au visa de l’article L.313-22 du code monétaire et financier, objecte que la banque est défaillante dans la preuve de son obligation annuelle d’information ni même celle d’information du premier incident de paiement.

La caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon fait valoir la preuve de son

obligation annuelle et son courrier recommandé faisant état de la première échéance impayée adressé à la caution.

* * * *

L’article L313-22 du code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 décembre 2016 dispose :

« Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.'

La banque est soumise à cette formalité jusqu’à l’extinction de la dette, quand bien même une mise en demeure serait intervenue ou une assignation de la caution en paiement ou une admission de la créance au passif du redressement judiciaire du débiteur principal. Ces évènements ne sauraient en effet constituer un obstacle à l’application de la sanction de la déchéance des intérêts.

Par application de l’alinéa 2 de l’article L.313-22 du code précité, la sanction du non respect de l’obligation d’information est ainsi prévue:

'Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette."

Il incombe à l’établissement de crédit de démontrer l’accomplissement effectif de ses obligations d’information annuelle étant constant que l’obligation d’information de la caution perdure tout le cours de la procédure.

Si l’établissement de crédit n’est pas tenu de justifier de la réception de la lettre d’information qu’elle aurait envoyée à la caution, il lui appartient aussi de faire la démonstration de cet envoi qui s’impose à lui jusqu’au remboursement de l’obligation garantie, nonobstant la procédure collective ouverte à l’égard de la débitrice principale;

En l’espèce, l’information était due, en l’état de l’engagement de caution du 28 janvier 2014, avant le 31 mars 2015 et ce pour chaque année.

Sont versés au débat :

— un constat d’huissier en date du 18 mars 2015 contenant un listing de noms, adresses et références de contrat de crédit appelé 'état récapitulatif FGVAQ’ vace en copie les courriers sélectionnés contenant l’obligation d’information. L’huissier, indiquant que les courriers sont datés du 17 mars, contrôle la mise sous pli et indique qu’ils seront adressés ultérieurement par voie postale. Or, le nom de M. C Y ne figure pas dans le listing rendant la pièce totalement inopérante.

— un courrier du 16 mars 2016 contenant l’obligation d’information adressée à M. C Y. Mais la seule production de la copie d’une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi.

— un courrier recommandé du 20 février 2017 avec demande d’avis de réception portant une signature sans aucune date intervenant après la déchéance du terme au 15 septembre 2016,

— un relevé de compte mentionnant des frais information caution alors que la facturation et les règlements des frais d’information annuelle de la caution sont insuffisants pour prouver la réalisation de son obligation ;

La banque ne rapporte pas la preuve d’avoir satisfait son obligation annuelle d’information avant le 20 février 2017 et encourt donc la déchéance du droit aux intérêts du 1er avril 2015 au 5 septembre 2016 date de la dernière échéance impayée avant déchéance du terme. Il convient dés lors de déduire, du seul décompte versé au débat et arrêtant la créance à la somme de 70.502,01 euros, la somme sollicitée les intérêts conventionnels portés sur le tableau d’amortissement sur la période précitée, soit la somme de 3.418,57 euros.

Ainsi la condamnation de la caution est ainsi fixée à la somme de 67.083,44 euros et elle est assortie des intérêts au taux légal, comme sollicité par la banque, à compter de la mise en demeure du 19 novembre 2016.

Sur les frais de l’instance :

M. C Y, qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance et payer à la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon une somme équitablement arbitrée à 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions exceptée la condamnation de M. C Y à payer la somme de 70.502,01 euros assortis des intérêts au taux conventionnels à hauteur de 6,50% à compter du 15 septembre 2016 ;

Et statuant à nouveau,

Condamne M. C Y à payer à la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon la somme de 67.083,44 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2016.

Y ajoutant,

Condamne M. C Y à payer la caisse d’épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. C Y aux dépens d’appel.

La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine CODOL, présidente et par

Madame Nathalie TAUVERON, greffière présente lors de son prononcé.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 23 avril 2020, n° 18/02667