Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 7, 18 décembre 2019, n° 17/12690

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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Maître Jean-philippe Mariani Et Bruno Lehnisch · LegaVox · 14 mars 2021

Me Jean-philippe Mariani · consultation.avocat.fr · 12 décembre 2020

La liberté d'expression des uns s'arrête là où l'honneur des autres commence. Ce délicat équilibre est régi par la loi sur la presse de 1881, pleinement applicable à la copropriété. En savoir plus : DIFFAMATION et COPROPRIÉTÉ : les liaisons DANGEREUSES - Légavox (legavox.fr) NOTES pour les lecteurs : Cet article a été publié dans une version plus approfondue aux Éditions législatives / Dictionnaire permanent.

 

Maître Jean-philippe Mariani Et Bruno Lehnisch · LegaVox · 27 novembre 2020
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 7, 18 déc. 2019, n° 17/12690
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/12690
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Évry, 10 mai 2017, N° 15/05026
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 7

ARRET DU 18 DECEMBRE 2019

(n° 41/2019, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/12690 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TMI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance d’EVRY – RG n° 15/05026

APPELANTS

Monsieur Y-N B

[…]

[…]

né le […] à […]

Représenté et assisté par Me Geneviève SROUSSI de la SELARL ALIENCE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0072, avocat postulant et plaidant

Monsieur D A

[…]

[…]

né le […] à […]

Représenté et assisté par Me Geneviève SROUSSI de la SELARL ALIENCE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0072, avocat postulant et plaidant

INTIMES

Madame J F G

[…]

[…]

née le […] à […]

Représentée par Me H I de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399, avocat postulant

Assistée de Me Clément PIALOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P399, avocat plaidant

SAS AGENCE C inscrite au RCS d’EVRY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

N° SIRET : 440.278.406

Représentée par Me H I de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399, avocat postulant

Assistée de Me Clément PIALOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P399, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 novembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Anne-Marie SAUTERAUD, Présidente

Mme Bérengère X, Conseillère

Mme Françoise PETUREAUX, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame X dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Noumbé-Laëtitia NDOYE

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Anne-Marie SAUTERAUD, Présidente et par Margaux MORA, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Y-N B et D A sont copropriétaires dans l’immeuble situé […] et composé de 246 lots de copropriété.

Cette copropriété avait pour syndic jusqu’au 31 mars 2015 la SARL AGENCE C qui avait été désignée syndic lors de l’assemblée générale ordinaire annuelle qui s’est tenue en 2014.

Y-N B et D A ont été élus membres du Conseil syndical de la copropriété à compter de 2011 et durant quatre années consécutives.

Les relations entre le conseil syndical et le syndic se sont dégradées à la fin de l’année 2014.

Une lettre circulaire était diffusée le 30 mars 2015 auprès de l’ensemble des copropriétaires par le cabinet Agence C signée de sa gérante J F G, soit la veille

de l’assemblée générale annuelle, et distribuée dans les boîtes aux lettres par le gardien de l’immeuble, E Z.

Par exploit d’huissier du 25 juin 2015, Y-N B et D A ont saisi le tribunal de grande instance d’EVRY à l’encontre de la SARL Agence C, de J F G et de E Z, sur le fondement de l’article 29 alinéa 1er et 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 pour des propos diffamatoires et sur le fondement de l’article 29 alinéa 2 et 33 alinéa 2 de la même loi pour des propos injurieux.

Par jugement en date du 11 mai 2017, le tribunal de grande instance d’EVRY a :

— déclaré l’action en diffamation recevable ;

— mais débouté les demandeurs de cette action au motif que la diffusion du document argué de diffamation ne serait pas public, car restreint à un groupe de personnes liées par une communauté d’intérêts ;

— condamné D A à verser à E Z une indemnité de 1.000 € pour procédure abusive ;

— condamné D A et Y-N B à verser à l’Agence C et à J F G une somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné D A et Y-N B à verser à E Z une somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

A la suite de l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 31 octobre 2018, confirmée en déféré par arrêt du 27 mars 2019, et déclarant caduque la déclaration d’appel notifiée à E Z, la présente procédure se poursuit uniquement à l’égard de la SARL AGENCE C en sa qualité d’ancien syndic de l’immeuble sis […] et à l’égard de Madame J F G, sa gérante.

Dans leurs dernières conclusions transmises par la voie du RPVA le 29 octobre 2019, Y-N B et D A sollicitent que la cour :

— infirme le jugement entrepris en ce qu’il les a déboutés de leur action en diffamation publique et injures ;

— dise que la SARL AGENCE C est l’auteur du délit de diffamation publique à l’égard de Y-N B et D A au titre des passages suivants de la lettre circulaire non datée diffusée par l’AGENCE C le 30 mars 2015 : commençant par « Gardien Monsieur Z (') » et finissant par « pressions et intimidations qu’il a subit » ; commençant par « Le Conseil syndical n’a pas hésité, en dépit de nos remarques, à faire facturer aux copropriétaires 2 € de plus par bip » finissant par « Les interventions parasites du Conseil syndical directement auprès des fournisseurs ne sont pas admissibles » ; commençant par : « Le syndic n’a eu d’autre qu’une réponse technique incompréhensible » et finissant par « le conseil syndical aurait fait valider un contrat beaucoup moins intéressant pour la résidence malgré les mises en garde du syndic » ; commençant par « D’autant que le fournisseur de gaz a été choisi avant même que l’APO pour le chauffagiste ait été connu par les mêmes personnes sous le contrôle ou la complicité des mêmes personnes (') D’aucun pourrait penser que le conseil syndical a souhaité favoriser IDEX et sa filiale plutôt qu’une autre » commençant par : « le budget a été porté à 740.601 € sur demande exclusive du CS » et finissant par « Lorsque le syndic a soulevé ce problème, la réponse de l’intéressé « on arrivera bien à le dépenser » ;

— condamne l’agence C à verser à Y-N B et à D A une somme de 10.000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral et de leur préjudice d’image ;

— dise que J F G est complice du délit de diffamation publique à l’égard de Y-N B et de D A ;

— la condamne à verser à Y-N B et à D A une somme de 15.000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral et de leur préjudice d’image ;

— à titre très subsidiaire, constate l’existence d’une diffamation non publique ;

— dise que la SARL AGENCE C est l’auteur des propos injurieux tenus par E Z et diffusés par l’ancien syndic en annexe à sa lettre circulaire commençant par « Monsieur A se présente à ma loge » et finissant par « C’est pour ça alors que tu es un peu con sur les bords, ça s’explique ! »

— condamne la SARL AGENCE C à verser à D A une somme de 10.000 € en réparation de son préjudice moral ;

— dise que la SARL AGENCE C est auteur du délit de diffamation publique au titre des propos tenus par E Z et diffusés par l’ancien syndic commençant par « En janvier 2013 (..) le Conseil Syndical m’annonce que je vais passer de 43h à 50h hebdomadaires (') » finissant par « ce qui est selon le Cabinet MOREAUX complètement illégal. »

— condamne l’AGENCE C à verser à D A une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

— confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SARL C et J F G de leur demande reconventionnelle d’indemnité à l’égard de Y-N B et D A ;

— condamne in solidum l’AGENCE C et J F G à verser à chacun des appelants une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ils exposent que la diffamation est publique puisqu’elle a touché de nombreux locataires et des tiers, totalement étrangers à la communauté d’intérêts des copropriétaires ; qu’à titre subsidiaire, il y a lieu de statuer sur la diffamation non publique.

Ils reprennent les quatre passages considérés comme diffamatoires, qui leur imputent des intimidations à l’encontre du gardien, qui entachent la probité et les compétences des membres du conseil syndical notamment quant à l’achat des bips de portail, ou concernant l’appel d’offre du contrat de chauffage, et qui les accusent de dépenses dispendieuses et de gabegie au détriment des intérêts de la copropriété. Ils indiquent que le cabinet C a refusé de s’expliquer sur les quatre passages diffamatoires qui lui sont reprochés, et qu’il reconnaît implicitement le caractère diffamatoire de ses propos.

D A indique que les injures sont contenues dans le texte rédigé par E Z, dont l’auteur principal est le cabinet C qui a annexé ce courrier à son communiqué : « Monsieur A se présente à ma loge, revient sur ma requête, me tient alors une leçon de morale en tenant des propos comme 'tu es ici pour travailler. Si on te dit de ramasser la merde, tu ramasses'. Arrête de faire ton petit con !' ; 'Monsieur A a depuis mon arrivée, montré de nombreux signes de mépris et d’arrogance à mon égard, il agit de manière sournoise et fait bien attention à ne pas agir en public, mais en huis-clos.' ; 'Un jour (') je lui ai dis que j’avais des origines belges, il a rétorqué C’est pour ça alors que tu es un peu con sur les bords, ça s’explique !'» , ce qui le décrit comme une personne perverse, vulgaire et sournoise, et doit être considéré comme injurieux.

D A poursuit également pour diffamation le cabinet C pour les propos suivants tenus par E Z et diffusés par le syndic : « En janvier 2013 (..) le Conseil Syndical m’annonce que je vais passer de 43h à 50h hebdomadaires (') Monsieur A fait pression pour que je signe l’avenant au plus vite et demande un rattrapage rétroactif des heures non effectuées depuis mon arrivée (un an et deux mois), ce qui est selon le Cabinet MOREAUX complètement illégal. », en indiquant qu’il conteste avoir tenu ces propos.

Ils sollicitent le rejet des demandes reconventionnelles.

Dans leurs dernières conclusions transmises par la voie du RPVA le 28 octobre 2019, la SARL Agence C et J F G sollicitent :

— la confirmation du jugement rendu le 11 mai 2017 en ce qu’il a débouté les consorts B et A de leurs demandes ;

— l’infirmation du jugement rendu le 11 mai 2017 en ce qu’il les a déboutées de leur demande reconventionnelle d’indemnité pour procédure abusive ;

— l’irrecevabilité de la demande nouvelle formulée par Messieurs B et A sur le fondement de l’article R 621-1 du Code pénal ;

— le débouté de Messieurs B et A de l’intégralité de leurs demandes ;

— la condamnation in solidum de Monsieur B et Monsieur A à verser à l’AGENCE C et à J F G la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts ;

— la condamnation in solidum de Monsieur B et Monsieur A avec exécution provisoire à verser à la SARL AGENCE C et à Madame F G la somme de 6 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ;

— la condamnation de Messieurs B et A avec exécution provisoire aux entiers dépens dont recouvrement direct au profit de Maître H I ' SCP CORDELIER.

Ils exposent que la lettre-circulaire de l’agence C à laquelle était joint le témoignage de E Z n’était destinée qu’aux copropriétaires de la Résidence du Boqueteau à SAINT MICHEL SUR ORGE, en vu de l’Assemblée Générale du 31 mars 2015, et n’a donc pas de caractère public.

Elles indiquent qu’en application de l’article 564 du code de procédure civile, les appelants ne peuvent présenter une nouvelle demande, ce qui est le cas de leur demande au titre du caractère non public de la diffamation ; que le principe de concentration des moyens empêche le demandeur d’invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu’il s’était abstenu de soulever en temps utile.

A titre subsidiaire, elles indiquent que les faits ne sont pas précis, qu’ils ne visent pas spécifiquement les appelants mais le conseil syndical dans son ensemble, et qu’aucun des extraits cités ne porte atteinte à l’honneur ou à la considération des appelants. De même, elles précisent qu’aucune injure n’est démontrée, les termes injurieux étant proférés à l’encontre de E Z, et non à l’égard de D A.

Elles contestent l’existence d’un quelconque préjudice, les copropriétaires ayant décidé lors de l’assemblée générale de ne pas renouveler le mandat des appelants, la lettre circulaire n’ayant eu aucune incidence sur le résultat des votes.

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de clôture du 30 octobre 2019.

Sur le caractère public des propos

Le tract litigieux a été distribué dans l’ensemble des boîtes aux lettres des habitants de la résidence du Boqueteau à Saint Michel sur Orge, soit 246 boîtes aux lettres, ainsi que dans les boîtes aux lettres dites collectives.

Si un groupement lié par une communauté d’intérêts ne constitue pas un public au sens de la loi, il y a publicité dès lors que des tiers ont été touchés ou visés. Ainsi, la distribution d’un écrit à des personnes étrangères les unes aux autres suffit à constituer la publicité, et la détermination du caractère public ou non public de la diffamation dépend de l’identité de toutes les personnes ayant pu prendre connaissance du message litigieux.

En l’espèce, il résulte des attestations versées aux débats que le tract a été distribué dans l’ensemble des boîtes aux lettres de la résidence, y compris celles relevées par des locataires ou par des proches des copropriétaires (attestation de J K), et dans les boîtes aux lettres collectives relevées par des prestataires de service de ménage (attestation d’L M), qui ne faisaient pas partie de la communauté d’intérêts des copropriétaires de la résidence, seuls intéressés par les conflits entre le syndic et le conseil syndical.

Ainsi, le document litigieux n’a pas uniquement atteint les copropriétaires de la résidence unis par une communauté d’intérêts, auquel il était essentiellement destiné, mais a été diffusé auprès de l’ensemble des habitants de cette résidence, notamment les locataires, ainsi qu’à des tiers comme des prestataires de service.

Il y a donc lieu de constater le caractère public de la diffusion du tract du 30 mars 2015.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la diffamation

Il sera rappelé à cet égard que :

— l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme 'toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé' ;

— il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure -caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par 'toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait'- et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée ;

— l’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou

manifestement contraire aux règles morales communément admises ;

— la diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

Ni les parties, ni les juges ne sont tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte initial de poursuite et il appartient aux juges de rechercher si ceux-ci contiennent l’imputation formulée par le demandeur ou celle d’un autre fait contenu dans les propos en question.

Par ailleurs, il n’est pas nécessaire, pour que la diffamation publique soit caractérisée, que la personne visée soit nommée ou expressément désignée, mais il faut que son identification soit rendue possible par les termes du discours ou de l’écrit ou par des circonstances extrinsèques qui éclairent et confirment cette désignation de manière à la rendre évidente.

En l’espèce, la cour est saisie des propos suivants, les quatre premiers passages figurant dans le tract signé par le cabinet C, et le cinquième et dernier passage figurant dans le témoignage du gardien annexé au tract :

1er passage : « Gardien Monsieur Z : le témoignage de Monsieur Z joint en copie à la présente vous donnera toutes informations utiles sur les comportements, pressions et intimidations qu’il a subi »

2e passage : « Le Conseil syndical n’a pas hésité, en dépit de nos remarques, à faire facturer aux copropriétaires 2 € de plus par bip pour financer les 40 offerts pour la Mairie et de masquer les travaux supplémentaires dus à un dossier étudié à la va vite (') Résultat 2618 € supplémentaires. Sans compter le digicode commandé pour rien » (') Les interventions parasites du Conseil syndical directement auprès des fournisseurs ne sont pas admissibles »

3e passage : « D’autant que le fournisseur de gaz a été choisi avant même que l’APO pour le chauffagiste ait été connu par les mêmes personnes sous le contrôle ou la complicité des mêmes personnes et en envoyant un mail au syndic « contrat à valider avant demain soir faute de quoi la copropriété perdrait des milliers d’euros » ne laissant manifestement pas le temps au syndic devenu trop gênant d’étudier ce dossier, et en lui mettant la pression telle qu’il n’a pas eu d’autre choix que de signer ce contrat » ; 'D’aucun pourrait penser que le conseil syndical a souhaité favoriser IDEX et sa filiale plutôt qu’une autre » ; « Il devra être rappelé que Monsieur B a toujours déclaré qu’une spécialiste chauffage copropriétaire de la résidence était employé par une de ses filiales, les intérêts de la copropriété auraient pu être compromis ».

4e passage : « le budget a été porté à 740.601 € sur demande exclusive du CS, incluant notamment 25.000 € de sécurité incendie, sans savoir ce qui sera fait, ni par qui ni à quel moment, ni pour quel montant. Lorsque le syndic a soulevé ce problème, la réponse de l’intéressé « on arrivera bien à le dépenser ».

5e passage : « En janvier 2013 (…) le Conseil Syndical m’annonce que je vais passer de 43h à 50h hebdomadaires (') Monsieur A fait pression pour que je signe l’avenant au plus vite et demande un rattrapage rétroactif des heures non effectuées depuis mon arrivée (un an et deux mois), ce qui est selon le Cabinet MOREAUX complètement illégal. »

Les passages 2, 3 et 4 constituent des critiques de la gestion de la copropriété par le conseil syndical (coût des bips, choix du chauffagiste, montant du budget prévisionnel), et si ces passages font allusion à des faits précis, ces critiques ne portent atteinte ni à l’honneur ni à la considération des membres du conseil syndical, mais s’analysent en des opinions ou des jugements de valeur sur des

choix contestés.

Les passages 2, 3 et 4 ne sont donc pas diffamatoires à l’égard de Y-N B et de D A.

Le passage n° 1 et le passage n°5, qui s’éclairent l’un l’autre et doivent être pris dans leur ensemble, imputent à D A d’avoir exercé des pressions et des intimidations sur le gardien E Z afin de lui faire signer un avenant illégal à son contrat de travail. Cette affirmation précise, qui est susceptible d’un débat probatoire sur la preuve de sa vérité, et qui porte atteinte à l’honneur et à la considération de D A en ce qu’elle lui impute un comportement contraire à la morale commune, voire susceptible de qualification pénale, est donc diffamatoire envers lui.

Aucune imputation n’est portée dans les passages n°1 et n°5 vis-à-vis de Y-N B, contre lequel aucun propos diffamatoire n’est tenu dans l’ensemble des cinq passages.

L’agence C et J F G n’invoquent pas leur bonne foi dans les conclusions versées aux débats. Il convient, par conséquent, de constater que la faute civile de diffamation est établie pour les propos n°1 et n°5 tenus dans le tract, ainsi que dans le commentaire joint.

Sur l’injure

L’alinéa 2 de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme 'toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait' (une expression outrageante porte atteinte à l’honneur ou à la délicatesse ; un terme de mépris cherche à rabaisser l’intéressé ; une invective prend une forme violente ou grossière).

L’appréciation du caractère injurieux du propos relève du pouvoir du juge ; elle doit être effectuée :

— en fonction du contexte, en tenant compte des éléments intrinsèques comme extrinsèques au message,

— de manière objective, sans prendre en considération la perception personnelle de la victime.

C’est au regard de ces principes qu’il convient à présent d’examiner les passages incriminés, qui sont les suivants :

« Monsieur A se présente à ma loge, revient sur ma requête, me tient alors une leçon de morale en tenant des propos comme 'tu es ici pour travailler. Si on te dit de ramasser la merde, tu ramasses'. Arrête de faire ton petit con !'

Monsieur A a depuis mon arrivée, montré de nombreux signes de mépris et d’arrogance à mon égard, il agit de manière sournoise et fait bien attention à ne pas agir en public, mais en huis-clos.

Un jour (') je lui ai dis que j’avais des origines belges, il a rétorqué 'C’est pour ça alors que tu es un peu con sur les bords, ça s’explique ! »

Selon les conclusions de D A, ces propos ont pour objectif de le décrire comme une personne manipulatrice, perverse, vulgaire et sournoise, et doivent être considérés comme injurieux.

Or, il résulte des passages ci-dessus poursuivis que ces propos ne peuvent être qualifiés d’injures, mais constituent des propos diffamatoires, car ils font état de faits précis, susceptibles d’un débat contradictoire et qui imputent notamment à D A d’injurier le gardien, et d’être

méprisant et arrogant envers lui, ce qui est moralement condamnable.

Aussi, ces propos n’étant pas constitutifs d’injures et ne pouvant faire l’objet d’une requalification en diffamation, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de D A de ce chef.

Sur les demandes

Y-N B doit être débouté de l’ensemble de ses demandes à l’encontre du cabinet C et de J F G en raison de l’absence de propos diffamatoires à son encontre.

Au vu des propos diffamatoires n°1 et n°5 à l’égard de D A, et du contexte conflictuel entre le syndic et le conseil syndical, il y a lieu de condamner l’agence C d’une part et J F G d’autre part à verser chacun à D A la somme de 500 € au titre de son préjudice moral.

Les demandes supplémentaires ou complémentaires seront rejetées.

Au vu du contexte conflictuel des relations entre le syndic et le conseil syndical, et de l’acceptation partielle des demandes formulées par D A, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages intérêts pour abus du droit d’ester en justice du cabinet C et de J F G, y compris à l’encontre de Y-N B.

Le cabinet C et J F G seront condamnés aux entiers dépens en cause d’appel, et à verser la somme de 1 000 € à D A en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demandes du cabinet C, de J F G et de Y-N B fondées sur l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance d’EVRY en date du 11 mai 2017, en ce qu’il a débouté D A de ses demandes à l’encontre de la SARL Agence C et de J F G, et en ce qu’il a condamné D A et Y-N B à verser une somme de 1 500 € à la SARL Agence C et à J F G au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que la SARL Agence C et J F G ont commis une diffamation publique à l’égard de D A pour les propos n°1 et n°5 tenus dans le tract distribué le 30 mars 2015 et le commentaire joint ;

Condamne la SARL Agence C et J F G à verser à D A la somme de 500 € chacun à titre de dommages intérêts ;

Condamne in solidum la SARL Agence C et J F G à verser à D A la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum la SARL Agence C et J F G aux entiers dépens en cause d’appel.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER

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