Cour d'appel de Paris, 24 janvier 2020, 19/000987

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Chronologie de l’affaire

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Cheuvreux · 30 mars 2022

La vente entre le promettant et le bénéficiaire n'étant pas réalisée le jour de la promesse unilatérale de vente mais le jour de l'acte authentique, c'est à cette dernière date qu'il convient d'apprécier les obligations des parties, au rang desquelles figure celle de loyauté, de bonne foi et de sincérité à la charge du bénéficiaire de la promesse unilatérale. Une promesse unilatérale de vente, consentie par acte authentique du 5 octobre 2011, la vente devant être réalisée au plus tard le 12 janvier 2012, portait sur des locaux occupés en vertu d'un bail du 16 février 1998. L'acte …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, g1, 24 janv. 2020, n° 19/00098
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/000987
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 19 novembre 2018, N° 17/01969
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042372247
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d’appel de Paris

Pôle 4 – chambre 1

Arrêt du 24 janvier 2020

(no /2020, pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : No RG 19/00098 – No Portalis 35L7-V-B7D-B7AGV

Décision déférée à la cour : jugement du 20 novembre 2018 -tribunal de grande instance de Paris – RG no 17/01969

APPELANTE

Madame O… R… U… F…

[…]

[…]

née le […] à Paris 15ème (75015)

représentée par Me Philippe SMADJA de la SELARL SMADJA ET ASSOCIES, avocat au barreau de HAauts-de-Seine, toque : L0223,

et par Me Jean-marie LEGER de l’AARPI Enthémis, avocat au barreau de Paris, toque : D2159

INTIMES

Monsieur W… Y…

[…]

[…]

né le […] à Boulogne-Billancourt (92100)

représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0480,

et par Me Emmanuel WELLER, avocat au barreau de Paris, toque : R046

SAS IDM conseil

[…]

[…]

no siret : 323 857 185

représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : L0020

et par Me Jean-marie LEGER de l’AARPI Enthémis, avocat au barreau de Paris, toque : D2159

Composition de la cour :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Christine BARBEROT, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Claude CRETON, président de chambre

Mme Christine BARBEROT, conseillère

Mme Monique CHAULET, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

Arrêt :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Claude CRETON, président de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, greffier lors de la mise à disposition.

Par acte authentique du 5 octobre 2011, conclu avec le concours de la SAS IDM conseil, agent immobilier mandataire de la promettante, Mme O… F… a promis de vendre à M. W… Y…, qui s’était réservé la faculté d’acquérir, les lots […], […], […], […] et […] de l’état de division d’un ensemble immobilier en copropriété, sis […] sans numéro, à […] arrondissement, soit, respectivement, un appartement au 3e étage dans l’escalier principal, un water-closet au 3e étage dans l’escalier de service, une chambre avec toilette au 6e étage dans l’escalier de service, un cabinet de débarras au 6e étage dans l’escalier de service et une cave au sous-sol, le tout au prix de 1 100 000 €, la réalisation de la vente devant intervenir au plus tard le 12 janvier 2012, date d’expiration de la promesse unilatérale de vente. Cette promesse mentionnait que les biens précités avaient été donnés à bail à usage d’habitation à M. Q… B… suivant contrat du 16 février 1998 ayant pris effet le 1er mars 1998. Par acte sous seing privé du 23 novembre 2011, intitulé « Protocole de résiliation amiable avec indemnité de départ », M. B… s’est engagé à restituer l’appartement à M. Y… au 31 mars 2012 en contrepartie du versement par ce dernier d’une indemnité de 100 000 €, ces engagements étant consentis sous la condition suspensive de la réalisation de la vente au profit de M. Y… au plus tard le 12 janvier 2012. Par acte authentique du 17 janvier 2012, Mme F… a vendu au prix de 1 100 000 €à M. Y… les cinq lots précités, occupés par M. B… lequel avait renoncé le 12 janvier 2012 à exercer son droit de préemption. Par acte authentique du 26 avril 2012, M. Y… a revendu à M. G… X…, les lots […] et […] ( au 6e étage dans l’escalier de service : une chambre avec toilette et un cabinet de débarras); libres de toute occupation, au prix de 130 000 €. Par actes d’huissier de justice du 13 janvier 2017, Mme F… a assigné M. Y… et la société IDM conseil en paiement de dommages-intérêts.

C’est dans ces conditions que, par jugement du 20 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

— débouté M. Y… et la société IDM conseil de leur fin de non-recevoir,

— débouté Mme F… de ses demandes indemnitaires formulées à l’encontre de M. Y… et de la société IDM conseil,

— rejeté la demande de dommages-intérêts de la société IDM conseil,

— condamné Mme F… à payer, en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, à M. Y… la somme de 1 500 € et à la société IDM conseil celle de 1 500 €,

— rejeté la demande de Mme F… sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Mme F… aux dépens.

Par dernières conclusions, Mme F…, appelante, demande à la cour de :

— vu l’article 2224 du code civil, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. Y… et la société IDM conseil,

— vu les articles 1109, 1116 et 1382 du code civil :

. réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes indemnitaires formulées à l’encontre de M. Y… et la société IDM conseil,

. juger qu’elle a été victime d’une dol et que M. Y… et la société IDM conseil ont engagé leur responsabilité délictuelle,

— vu les articles 1134 et 1147 du code civil :

. réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes indemnitaires formulées à l’encontre de la société IDM conseil,

. juger que la société IDM conseil a manqué à son obligation de mise en oeuvre des moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission,

. juger que cette société a manqué à l’obligation d’exécuter de bonne foi la mandat conclu avec elle, appelante,

. juger que cette société a manqué à son obligation de conseil et d’information,

— condamner in solidum M. Y… et la société IDM conseil à lui payer la somme de 550 000 € en réparation de son préjudice financier et celle de 100 000 € en réparation de son préjudice moral,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société IDM conseil,

— rejeter l’ensemble des demandes des parties adverses,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée aux dépens et en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum M. Y… et la société IDM conseil à lui payer la somme de 15 000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions, M. Y… prie la cour de :

— vu l’article 2224 du code civil et les anciens articles 1315 et 1382 du code civil :

— infirmer le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il l’a débouté de sa fin de non-recevoir,

— statuant à nouveau de ce chef : déclarer prescrite l’action de Mme F… formée contre lui,

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

— condamner Mme F… à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions, la société IDM conseil demande à la cour de :

— vu les articles 2224, 1108, 1109 1116, 1382 ancien et suivants du code civil, 696 et suivants,

700 du code de procédure civile,

— réformer le jugement entrepris : dire irrecevable comme prescrite l’action introduite contre elle par Mme F…,

— surabondamment : confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme F… de ses prétentions et en ce qu’il a fait application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme F… à lui payer la somme 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

SUR CE, LA COUR

Le 17 janvier 2012, Mme F… a vendu son bien immobilier occupé à M. Y… alors que, précédemment, ce dernier avait obtenu le 23 novembre 2011 l’accord du locataire pour libérer les lieux. Mme F… réclamant la réparation du préjudice que cette situation lui aurait causé, le point de départ du délai de cinq ans pour exercer cette action en réparation se situe à la date à laquelle Mme F… a eu connaissance de l’accord du 23 novembre 2011. Mme F… énonce qu’elle a connu l’existence de cet accord en février 2015, date à laquelle elle aurait pris connaissance de l’acte du 26 avril 2012, mentionnant cet accord, par lequel M. Y… avait revendu à M. X…, les lots […] et […], libres de toute occupation. L’enregistrement et la publication de l’acte de vente du 26 avril 2012 ayant été faits à la conservation des hypothèques de Paris, 2e bureau, le 9 mai 2012, ainsi qu’il ressort du certificat du conservateur des hypothèques délivré le 5 février 2015 à Mme F… (pièce no 56 de l’appelante), c’est à bon droit que le Tribunal a dit non prescrite l’action de Mme F… introduite le 13 janvier 2017, ni l’acquéreur ni l’agent immobilier n’établissant, contre le certificat précité, que Mme F… aurait eu connaissance de l’accord litigieux plus de cinq années avant l’introduction de son action.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. Y… et la société IDM conseil de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription.

L’obligation de loyauté, de bonne foi et de sincérité s’impose en matière contractuelle.

La vente, qui est un contrat synallagmatique, est formée par la rencontre des volontés du vendeur et de l’acquéreur. Tel n’est pas le cas d’une promesse unilatérale de vente où seul le promettant s’engage à vendre et ou le bénéficiaire ne contracte pas l’obligation d’acheter. Aussi, l’acte authentique de vente, qui suit une promesse unilatérale de vente, n’est pas une réitération de vente, mais la réalisation de celle-ci.

Au cas d’espèce, la vente entre Mme F… et M. Y… ayant été réalisée non le 5 octobre 2011, date de la promesse unilatérale de vente, mais le 17 janvier 2012, c’est à cette dernière date qu’il convient d’apprécier la loyauté, la bonne foi et la sincérité des contractants. Au 17 janvier 2012, la rencontre des volontés du vendeur et de l’acquéreur s’est faite sur un bien immobilier occupé vendu, en tant que tel, au prix de 1 100 000 €. Or, depuis le 23 novembre 2011, M. Y… avait obtenu du locataire en titre, M. B…, l’engagement de restituer l’appartement en contrepartie d’une indemnité de 100 000 €, sous la condition suspensive de la réalisation de la vente, de sorte qu’au 17 janvier 2012, le bien aurait pu être vendu libre d’occupation. Mme F…, qui n’était pas partie à l’accord du 23 novembre 2011, n’en avait pas connaissance le 17 janvier 2012, cet accord ne lui en ayant pas été révélé par M. Y…. Cette dissimulation de la libération des lieux par l’occupant en titre, de nature à augmenter de façon significative la valeur du bien, qui manifeste l’absence de loyauté, de bonne foi et de sincérité de l’acquéreur, est constitutive d’une réticence dolosive ouvrant droit à dommages-intérêts pour le vendeur.

S’agissant du préjudice subi par Mme F… qu’elle décrit comme la « différence entre le prix qu’elle a perçu et le prix qu’elle aurait dû percevoir » (conclusions, p. 21), le 11 janvier 2012, la chambre des notaires de Paris avait évalué le bien occupé au prix de 1 400 000 €. Le 27 mai 2015, ce même organisme l’a évalué, libre de toute occupation en octobre 2011, au prix de 1 650 000 €. Toutefois, l’appelante n’établit pas qu’elle aurait pu vendre le bien à ce dernier prix dès le 17 janvier 2012. En effet, tout indique que Mme F… était pressée de vendre. : alors qu’elle avait donné, d’abord, le 20 juillet 2011, un mandat de vente sans exclusivité à la société Dynagest à un prix "à déterminer (12 00 et 15 000 € / m2", elle n’a pas attendu les offres de cet agent immobilier, mais a confié la vente par mandat non exclusif du 30 août 2011 à la société IDM conseil, déjà titulaire d’un mandat de gestion du bien, au prix de 1 200 000 €, pour enfin s’engager à vendre le bien au prix de 1 100 000 €. Le 6 janvier 2012, Mme F… a écrit à M. B…, locataire en place, pour lui signaler une erreur affectant la signification de la vente qui lui avait été délivrée par le notaire, lui indiquant que « la date de signature définitive étant prévue le 16 janvier, je suis très inquiète ». Ces éléments montrent que Mme F… n’a pas pris le temps d’attendre de trouver un acquéreur à un meilleur prix. Au vu de ces éléments, le préjudice subi par Mme F…, qui consiste à n’avoir pas vendu le bien libre d’occupation, doit être évalué à la somme de 300 000 € au paiement de laquelle il convient de condamner M. Y….

Mme F… ne décrit les éléments constitutifs de son préjudice moral qu’à l’égard de l’agent immobilier. Par suite, elle doit être déboutée de sa demande de ce chef formée à l’encontre de l’acquéreur.

S’agissant de la responsabilité de la société IDM conseil, Mme F… n’établissant pas l’intervention de la société IDM conseil dans la négociation entre le bénéficiaire et le locataire pour la libération des lieux postérieurement à la vente, ce que cette société conteste, la complicité de l’agent immobilier dans le dol ne peut être retenue. Il vient d’être dit que Mme F… était pressée de vendre. C’est dans ses conditions qu’elle a donné à la société IDM conseil le mandat de vendre au prix de 1 200 000 €. L’appelante ne peut faire grief à l’agent immobilier de lui avoir rapidement présenté un de ses clients auquel elle a accepté de vendre au prix de 1 100 000 € alors qu’elle n’ignorait pas la valeur du bien occupé ainsi que le montre le mandat donné à la société Dynagest.

En conséquence, les fautes imputées à l’agent immobilier ne sont pas établies, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme F… de toutes ses demandes formées contre la société IDM conseil.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application en la cause de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il a :

— débouté M. W… Y… et la SAS IDM conseil de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription,

— débouté Mme O… F… de ses demandes contre la SAS IDM conseil,

— rejeté la demande de dommages-intérêts de la SAS IDM conseil ;

INFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

CONDAMNE M. W… Y… à payer à Mme O… F… la somme de 300 000 € de dommages-intérêts ;

DÉBOUTE Mme F… de ses autres demandes ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en appel ;

REJETTE les autres demandes ;

CONDAMNE M. W… Y… aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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